A travers la gauche en Amérique latine: Vénézuela, un pays assiégé (2)

Deuxième partie

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1838
Sidor, la plus grande compagnie sidérurgique du pays qui a vu sa production chuter. Beaucoup de compagnies-clé de l’économie sont sabotées par la direction faisant partie de l’élite réactionnaire. Photo par Alexandra Panaguli

Nous arrivons bientôt à Ciudad Guayana à la pointe de l’immense delta de l’Orénoque. En fait la ville est composée de deux parties, San Félix, la ville avec le taux d’homicides le troisième plus élevé au Vénézuela, et Puerto Ordaz, la partie moderne et plus riche construite dans les années 50 lors du développement de l’industrie.

Nous y rencontrons José Mendoza qui, tout en nous amenant dans le delta, nous raconte la lente descente du pays vers l’enfer et lui avec. Il avait commencé dans la sidérurgie, et justement l’autoroute passait à côté des installations de Sidor, Siderúrgica de Orinoco, fondée comme société publique en 1953, privatisée en 1997 et re-nationalisée en 2008 par Chavez, la production est tombée de 4,3 millions de tonnes en 2007 à 307.000 en 2016, avec une capacité de 4,6 millions.

Il y a eu pareil sabotage dans l’industrie pétrolière en 2003 causant une paralysie presque totale d’une production chutant de normalement trois millions de barrils par jour à … 150.000, jusqu’à ce que les travailleurs reprennent les rênes de la direction anti-chaviste de la Petróleos de Venezuela, S.A., dans un fameux coup économique à l’oligarchie, tout comme les soldats et officiers s’étaient rébellés contre la hiérarchie lors du bref coup d’Etat d’avril 2002, comme l’explique le professeur George Ciccariello-Maher de la Drexel University à Philadelphie et de la fameuse Universidad Autonoma de Mexico, dans son “We Created Chávez, A People’s History of the Venezuelan Revolution”.

José a continué comme représentant de compagnies italiennes fournissant des pièces pour l’industrie pétrolière, jusqu’il y a trois ans quand le pays a arrêté de payer ses fournisseurs. Il regrette son emploi car il voyageait plusieurs fois par an en Italie et adorait aller à Venise, les plats, le vin, les canaux. Cette ville européenne ayant peut-être donné son nom au pays quand, voyant les nombreux canaux de cet immense delta, le fameux navigateur florentin Amerigo Vespucci qui menait les conquistadores dans leur premier voyage au Venezuela en 1499 (sous les ordres de l’Espagnol Alonso de Ojeda), se serait exclamé: “E una Piccola Venezia!”, soit Veneziola.

Le Pinus caribaea s’adapter à une grande variété de terrains, a une croissance rapide, est collecteur d’énergie solaire, donc réduit l’effet de serre. Au Vénézuela on y a planté une forêt artificielle de 550.000 hectares. (Photo Alexandra Panaguli)

José était fort animé, sa longue parlotte ne l’empêchait pas de conduire et faire le guide. “Voici le nouveau pont sur l’Orénoque! Avant il fallait passer avec un bac”, et il s’est arrêté un moment à l’entrée. Le fleuve était large, la plaine encore plus vaste, en fait on avait dû faire un détour par l’ouest par une grande autoroute pour arriver au pont. Il y a dix ans nous aurions dû faire 100 km de plus en tournant le dos à la mer jusqu’au Puente Angostura à Ciudad Bolivar, pendant près de 40 ans le seul pont sur le plus grand fleuve du pays.

Ce pont-ci est près de cinq fois plus long, 3,16 kilomètres. Un troisième est en train de suivre, cette fois à 360 km en amont du premier pont à Ciudad Bolivar, il sera aussi le plus long avec onze km par-dessus non seulement le fleuve mais des marécages, et une voie ferroviaire. Et il devait être construit par… Odebrecht, la plus grande compagnie de travaux publics d’Amérique latine basée au Brésil et récemment condamnée à la plus grosse amende au monde de 3,5 milliards de dollars pour corruption d’officiels (jusqu’à des présidents), un scandale qui a même contribué à la chute de la présidente Dilma Rousseff.

Sur le delta de l’Orénoque tout est au contraire calme, de vastes étendues (la superficie totale est égale à la Belgique, la côte atlantique a 350 km de long) sont totalement plates, parsemées de quelques troupeaux de chevaux et de vaches, elles-mêmes en diminution. Ce fameux lait – depuis que le gouvernement a mis un plafond à son prix les producteurs n’arrivent plus à en tirer profit et préfèrent ne plus produire.

Mais il y a eu de grands changements depuis les années 1960. Des terres réhabilitées ont été mises en culture, notamment de riz, maïs, manioc, ananas, cacao et bananes. Nous traversons ensuite de grandes plantations de pins à des fins de menuiserie, construction, bateaux, caisses, contreplaqué et fabrication de pâte à papier. Le Pinus caribaea a une aptitude inhabituelle à s’adapter à une grande variété de terrains et une croissance rapide, idéales pour le reboisement. Un des aspects particulièrement intéressants de cet arbre est que, en tant que collecteur d’énergie solaire, il sert à réduire l’effet de serre de l’atmosphère et améliorer les sols et plus généralement la nature et le bien-être social des habitants. Au Vénézuela on y a planté une forêt artificielle de 550.000 hectares.

Ces plantations sont suivies par les fameux palmiers moriche dont on parle dans tout le pays. On mange son fruit et son huile, on en fait des jus, des confitures, de la crème glacée, des desserts, et même du vin fermenté, et avec ses fibres on fait des cordes, et avec son huile de l’encre pour les peaux et le cuir. Cet arbre sert même de logement aux animaux, comme les Ara macavouanne (Orthopsittaca manilatus) et de nourriture aux tapirs, pécaris et singes. Alexander von Humboldt a décrit cet arbre en 1800 en voyageant par ces régions,  “Il a observé avec étonnement combien de choses sont liées à l’existence d’une seule plante” et l’a appelé l’”arbre de la vie”. La palme avec la pêcherie est principalement destinée à l’exportation.

Le gouvernement bolivarien a essayé de diversifier une économie essentiellement basée sur le pétrole. Pas facile du tout dans un pays 11ème producteur mondial de pétrole mais premier en termes de réserves (plus que l’Arabie Saoudite, plus que l’Afrique, l’Eurasie, et l’Asie combinées!) Un pays qui a toujours vécu des revenus pétroliers dont l’exportation représente un incroyable 95% du total (85% pour l’Arabie Saoudite) tandis que le secteur compte pour 50% du PNB! On se contentait ainsi d’importer la plupart des produits de consommation. Les émeutes actuelles n’ont rien d’original. Chaque fois qu’il y a eu important déclin du taux du barril il y a eu des secousses sociales, à commencer par la plus terrible en novembre 1989, après que le pétrole soit passé en-dessous de 50 dollars le barril et que le gouvernement ait adopté une politique néo-libérale – le fameux Caracazo qui a fait près de 2000 morts par la police.

La suite n’a pas été meilleure. “Le Vénézuela avait un taux d’inflation entre 50 et 60% de 1993 à 1997 avec une pointe jusque 99.88% en 1996. Le pourcentage de pauvres est passé de 36% en 1984 à 66% en 1995, avec une sérieuse crise bancaire en 1994. Quatre ans plus tard, la crise économique avait augmenté. Le PNB per capita était au même niveau qu’en 1963, trente ans avant, étant redescendu d’un tiers depuis 1978. Le pouvoir d’achat moyen était un tiers de celui de 1978″.

Une famille d’indiens Warao est en train de s’installer dans un coin perdu de l’immense delta de l’Orénoque. Ils ont dû quitter leur maisonnette – et l’école – en amont parce que la nourriture est devenue trop chère, et ils espèrent cultiver du manioc et faire de la chasse. (Photo Alexandra Panaguli)

Arrive Chavez en 1999. Le gouvernement reprend le contrôle de la compagnie pétrolière nationale en 2003. Le PIB réel presque double, 94,7% en 5,25 ans, soit 13,5% par an. La majeure partie de cette croissance est dans le secteur non-pétrolier de l’économie. Au cours de la décennie, la dette publique tombe de 30,7 à 14,3% du PIB. La dette publique étrangère chute encore plus, de 25,6 à 9,8% du PIB. L’inflation reste là où elle était il y a 10 ans, soit 31,4%.

Accès accru aux soins de santé et à l’éducation. La mortalité infantile diminue de plus d’un tiers entre 1998 et 2006. Le nombre de médecins du secteur public augmente de 12 fois de 1999 à 2007. Les dépenses sociales plus que triplent en 1998-2006. Dans l’enseignement supérieur, les taux de scolarisation plus que doublent de 1999-2000 à 2007-2008. Le chômage tombe de 11,3% à 7,8% au cours de la décennie. Et le nombre de bénéficiaires de la sécurité sociale plus que double. Le taux de pauvreté est réduit de plus de la moitié, passant de 54% en 2003 à 26% en 2008. L’inégalité (indice Gini) tombe de 47 en 1999 à 41 en 2008. Selon la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe de l’ONU, en 2013 le Vénézuela était devenu – avec l’Uruguay – l’un des deux pays avec les plus faibles inégalités en Amérique latine.

[The Chávez Administration at 10 Years: The Economy and Social Indicators, Mark Weisbrot, Rebecca Ray and Luis Sandoval, February 2009, Center for Economic and Policy Research 1611 Connecticut Avenue, NW, Suite 400 Washington, D.C. 20009 202-293-5380 www.cepr.net

Les médias occidentaux publient des photos dont le but est de présenter le Vénézuela et son expérience chaviste comme un symbole de chaos et de rébellion. Même si, dans ce cas-ci, c’est dû à la moto d’un policier qui a explosé tout près. Les émeutiers sont armés, bien armés, bien préparés par l’élite réactionnaire avec le soutien des Etats-Unis.

Nous voici dans le village de Boca de Uracoa sur le Caño Manamo, un bras de l’Orénoque à seulement une centaine de kilomètres de la mer des Caraïbes et de Trinidad & Tobago. C’est le territoire des indiens Warao, dans la langue desquels Orinoco veut dire “l’endroit où l’on pagaye”, leur propre nom signifiant “boat people”. Clemente nous emmène en pirogue motorisée. Il est moitié Vénézuelien, moitié Guyanais, né sur la frontière. Toute la région revendiquée par l’Angleterre – à l’est du delta – a une forte densité de Guyanais venus travailler dans le pays voisin plus prospère.

Au bout de deux heures à plein moteur nous arrivons au fond d’un minuscule bras d’eau que l’on traverse en baissant la tête pour ne pas être décapités par les branches basses des palétuviers. En glissant sur la boue nous mettons pied sur la terre ferme si l’on peut dire. A certains endroits on enfonce dans le marécage jusqu’au genou comme il y a une marée qui atteint les deux mètres depuis les désordres écologiques engendrés par un programme défectueux de contrôle des inondations lancé dans les années 1960.

Une famille Warao est en train de s’installer ici. Ils ont dû quitter leur maisonnette – et l’école – en amont parce que la nourriture est devenue trop chère, et ils ont choisi ce bout perdu du delta. Simpietro, le père de la demi-douzaine d’enfants dont un bébé, vient de défricher une parcelle de jungle d’environ mille mètres carrés en trois jours avec son seul machette. Les arbres et les feuilles jonchent encore le sol. Le plancher de leur hutte est à moitié fini sur pilotis. Il reste à la recouvrir de feuilles de palmiers. Ils dorment dans des hamacs. Les palmiers ont de tout temps été au centre de la vie des Waraos. Ils utilisent sept espèces, dont le Moriche, pour les fruits, le c?ur comme délicieux aliment, de l’eau (très pure, contenue à l’intérieur), du matériel de construction, les toits, des hamacs, des pirogues, du cordage, des barrages pour pêcher, des voiles, des jouets, des enveloppes de cigares et des médicaments.

Simpietro espère semer dès avril du manioc et faire de la farine. Ainsi que chasser. Un kilo de farine coûte 2000 Bolivares (80 cents). Il espère vendre un sanglier pour 25.000 Bolivares le kilo (10 dollars). Les petits paniers qu’ils font avec les fibres du palmier moriche et que les enfants vendent moins d’un dollar aux visiteurs se retrouvent dans les magasins luxueux de l’aéroport de Caracas à dix dollars. Ils sont tous très souriants et ont l’air aussi pacifiques que le dit leur réputation.

Cette famille a de la chance, des centaines de Waraos viennent de marcher sur 1000 kilomètres pour atteindre Boa Vista et 800 de plus pour Manaus dans l’Amazonie brésilienne parce qu’ils mourraient de faim. Là les autorités du Brésil leur rendent la vie difficile car “ils sont des Indiens étrangers”…

 


Dès 6h du matin, le petit aéroport de Puerto Ordaz est bourré de monde. Des vols partent pour une demi-dizaine de villes vénézueliennes, Curaçao et Port-of-Spain, et Caracas, à une heure de là, desservie plusieurs fois par jour par quatre compagnies parmi lesquelles Rutaca dont la flotte ne comprend que des Boeings. Et chaque vol est complet…

Les murs du long couloir reliant les terminaux local et international de l’aéroport de Maiquetia à une vingtaine de kilomètres de la capitale sont ornés de photos et de slogans de Chavez. Les rues de la ville également. C’est dimanche et les gens dancent dans certains quartiers. Je pense aux photos récemment publiées dans les médias occidentaux. En particulier celle où un protestataire est en flammes. C’est le parfait symbole du chaos et de la rébellion. Même si c’est dû à la moto d’un policier qui a explosé tout près. Les émeutiers sont armés, bien armés, bien préparés. Plus que les dames de la haute société qui tapaient sur leurs casseroles, il y a longtemps, très loin, à Santiago en 1973.

Le premier partenaire commercial du Vénézuela sont … les Etats-Unis, pour lesquels ils sont le 3ème fournisseur de pétrole. 500 compagnies étatsuniennes sont présentes auVénézuela. Dès 1999 Chavez a revigoré l’OPEC – dont le pays est un membre fondateur –, poussé à une production moindre (afin de faire remonter les cours) et annoncé que le Vénézuela respecterait les quotas de production, “Un volte-face historique par rapport à la politique pétrolière pro-étatsunienne traditionnelle du pays”. Le Vénézuela donne du pétrole bon marché à Cuba et au Nicaragua. En 2015 le parlement bolivarien passe une loi anti-OGM (organisme génétiquement modifié *). Dès le début les dirigeants vénézuéliens sont copain-copain avec Cuba, l’Iran et l’Irak – l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Chavez fait des déclarations anti-impéralistes. Critique la guerre en Afghanistan. Avant tout, il a un programme socialiste, anti-néolibéral, pro-populaire.

(*) “La Loi sur les semences cherche à consolider la souveraineté alimentaire nationale, à réglementer la production de semences hybrides et à rejeter la production, la distribution et l’importation de semences d’OGM, selon GMWatch. La loi interdit également la recherche sur les semences transgéniques”.

Les médias occidentaux sont déchainés. Ils donnent automatiquement une image négative du Vénézuela, photos sensationnelles à l’appui. Leur langage est farouche. Chavez est l’“agitateur-en-chef” (rabble-rouser-in-chief). Il n’a pu transmettre sa base électorale au “raide” (wooden) Maduro. La collusion entre le gouvernement, le parti au pouvoir et les responsables électoraux est “obscène”. Il ne s’agit pas d’un quidam de la rue qui parle. C’est José R. Cárdenas, avec “près de trois décennies d’expérience dans le processus politique de Washington et dans les relations interaméricaines, haut officiel du département d’État des États-Unis, du Conseil de sécurité nationale et de l’Agence étatsunienne pour le développement international (USAID)”… Il était devenu enragé parce que Jimmy Carter avait applaudi le système électoral vénézuelien.

Et sa diatribe est publiée dans un organe officiel comme le Foreign Policy, un magazine fondé par Samuel P. Huntington, professeur à Harvard University, puis dirigé par la Carnegie Endowment for International Peace et maintenant par le groupe du Washington Post…

Ce Foreign Policy est une publication qui a élu comme Penseur international (Global Thinker) l’économiste étatsunien Paul Romer, dont la croisade pour relancer la pratique du colonialisme dans le monde est créativement et euphémiquement présentée par ce magazine comme une “idée originale pour persuader un pays en développement d’abandonner un morceau de territoire pour être gouverné par une puissance étrangère comme modèle de croissance économique”. Un autre Penseur international nommé par Foreign Policy est… Dick Cheney, le triste bras droit de Bush, auteur de la Guerre globale contre le terrorisme et de l’invasion de l’Irak, à la fois célébré comme le plus puissant (!) vice-président de l’histoire des Etats-Unis et le moins aimé avec seulement 13% d’approbation populaire.

Selon une étude de la University of the West of England couvrant dix ans de reportages de la BBC sur le Vénézuela, “les chercheurs ont examiné 304 rapports de la BBC diffusés ou publiés entre 1998 et 2008 et ont constaté que seulement trois ont mentionné une des politiques positives introduites par le gouvernement Chavez”. Incroyable. Ceci est rapporté par John Pilger, nommé Journalist of the Year en 1967 et en 1978, et auteur d’une cinquantaine de documentaires, notamment “Quiet Mutiny” sur la guerre étatsunienne au Vietnam en 1970.

Autre exemple. Dan Rather, l’un des journalistes les plus connus des Etats-Unis, a annoncé en mai 2012 que le président vénézuélien Hugo Chávez allait mourrir “dans quelques mois au plus”. “Quatre mois plus tard, Chávez était non seulement vivant et faisait campagne, mais on s’attendait largement à ce qu’il soit réélu. Tel est l’état de désinformation sur le Vénézuela – c’est probablement le pays recevant le plus de mensonges au monde – qu’un journaliste peut dire presque tout sur Chávez ou son gouvernement et il est peu probable qu’il soit contesté, tant que c’est négatif”, rapportait en 2012 Mark Weisbrot, co-directeur du Centre pour la recherche économique et politique (CEPR) à Washington, dans The Guardian dans un article intitulé “Pourquoi les États-Unis diabolisent la démocratie du Vénézuela. Le Vénézuela est sur le point de tenir des élections impeccablement libres et équitables. Pourtant, les États-Unis le traitent de dictature”.

Ajoutons à cela la manière dont travaillent en général les médias commerciaux étatsuniens, tel que décrit dès les années 1980 par le bien connu Paul Kennedy, professeur d’origine anglaise lié aux universités de Oxford, Princeton et ensuite Yale, et auteur de Naissance et déclin des grandes puissances, en parlant de la difficulté de formuler une politique étrangère cohérente à cause de la “simplification inhérente des questions internationales et stratégiques à la fois vitales et complexes, à travers les médias dont le temps et l’espace sont limités [sauf quand il s’agit d’affaires à sensation comme avec le Vénézuela] et dont la raison d’être est principalement de faire de l’argent et s’approprier des publics, et seulement de façon secondaire d’informer” [p.524]

La conclusion de Peter Bolton, chercheur au Council on Hemispheric Affairs de Washington, est que l’on veut donner l’image que tout ce qui provient du Vénézuela sont “des nouvelles de désastre et de désespoir. Dans un rapport spécial pour USA Today, par exemple, Peter Wilson affirme que les récentes démarches du président Maduro sont devenues nécessaires pour ‘éviter un effondrement du réseau électrique’. Un article de Wall Street Journal affirme que ‘le Vénézuela est affligé d’une la pénurie d’eau à l’échelle nationale, laissant les robinets secs et contribuant à des pannes périodiques’. Des mots comme ‘catastrophe’, ‘panne’ et ‘ruine’ ornent la prose de ces rapports et communiquent un sentiment de pressentiment sinistre, comme si le Vénézuela était sur le point de tomber dans un trou sombre jusqu’au centre de la Terre. L’implication est que, tant que les Chavistas sont au gouvernement, toutes les nouvelles du Vénézuela seront de mauvaises nouvelles et que chaque nouvelle représente un clou dans le cercueil d’un projet politique raté” [Venezuela’s Outages and the Western Press’s Confirmation Bias Problem, 18 avril 2016].

Ainsi que le savent les psychologues, quand on répète le même message à satiété il est intériorisé comme un biais cognitif. D’autre part, tout dépend de quel angle on présente les faits. Prenons le rationnement de l’eau et de l’énergie. D’abord on le présente comme si cela n’arrivait qu’au Vénézuela, alors que même dans un pays européen comme la Grèce cela arrive de temps en temps. Ensuite, comme si c’était purement technique. Dans les sociétés dites de marché libre, l’énergie et l’eau sont également rationnées, mais selon la capacité de payer plutôt que selon les besoins. En Grèce par exemple, il n’y a pas (encore!) de pénurie de mazout, pourtant en hiver de nombreuses écoles de province ne chauffent pas leurs classes car elles n’en ont pas les moyens financiers.

(À suivre)

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