Traversée réussie pour le Festival international de psychologie africaine en Haïti !

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Juliette Sméralda, Ph.D, invitée d’honneur du Fesa 2018 (Credit photo : Milo Milfort)

La deuxième édition du festival international de psychologie africaine (Festival entènasyonal sikoloji afriken – Fesa en créole)  tenue à l’initiative de l’institut de recherche sur les traumatismes de l’esclavage et la psychologie africaine – l’association Sitwomafrika (Sikotwomatis ak Afrikanite) autour du thème « Du trauma historique à la créativité et à l’innovation», a pris fin le dimanche 27 mars 2018 à Port-au-Prince et s’apprête du coup à rejoindre l’Université de Ohio aux Etats-Unis du 31 mai au 2 juin après un court passage au Canada le 25 mai dernier à l’Université de Montréal (Udem).

Cet évènement culturel et scientifique qui est parti du 4 au 6 mai dernier de la ville de Dakar au Sénégal a suivi le parcours de l’esclavage ravivant le triste souvenir de la traversée des ancêtres captifs et des afro descendants du continent africain vers les Amériques. Le Fesa 2018 qui comptait dans ses rangs des chercheurs/ses et experts/es en Psychologie, Education, Travail Social, Sociologie, Anthropologie,  venant des Etats-Unis, de la Martinique et d’Haïti, est une réussite. En témoigne les propos de Judite Blanc, Dre en Psychologie et l’initiatrice du festival qui a débuté à Port-au-Prince, le 23 mai.

Judite Blanc, Dre en Psychologie et l’initiatrice du festival (Credit photo : Milo Milfort)

« Comparativement à la première édition qui a eu lieu en 2016, sur tous les points, j’estime que ça été un succès. On a pu toucher davantage de personnes. On a fait venir beaucoup plus d’intervenants internationaux en Haïti. On a été dans plusieurs endroits. Les activités ont pu se dérouler sans trop de contraintes et d’emmerdements. On a pu toucher également pas mal de thématiques en lien avec le trauma historique et de l’urgence de la créativité et de l’innovation dans les communautés d’ascendance africaines. Par journée de symposium, en moyenne c’est environ 100 personnes. Tout le monde me voulait savoir quelles suites seraient données au Fesa ? Certaines intervenantes  me demandaient de mettre en branle des projets de recherche autour du thème. Il y a beaucoup d’autres choses en perspective que je n’avais pas en tête bien avant. C’était un public conquis », se félicite-t-elle.

Lors de cette édition, l’Université Technologique d’Haïti (Unitech) a accueilli le symposium et un atelier de création artistique. Le Centre d’Art a accueilli les projections de films comme Kase Lezo de Christina Julmé et Douvan Jou Ka Leve de Gessica Généus traitant des problématiques fondamentales de la société. Puis, Lakou Souvenance aux Gonaïves considéré comme haut lieu mystique dans le vodou et symbolisant l’Afrique en Haïti a été hôte d’une visite ethnographique dans le cadre de cet immense événement scientifique, culturel, et pluridisciplinaire qui célèbre la psychologie associée à la culture des peuples d’ascendance africaine.

« Avant on se disait qu’on allait faire sortir un ouvrage avec les meilleures communications qui ont été présentées au symposium. Maintenant, on ne va pas se réduire à une question d’ouvrage. Là, on est en train de réfléchir à la mise sur pied d’un atelier sur le thème du trauma historique – de la créativité et de l’innovation dans un an. Tandis que la prochaine édition  est prévue dans deux ans. Ce week-end, la clôture du FESA se déroulera à Ohio State University où on va discuter avec des historiens et auteurs afro-américains sur la question. Les gens se sont sentis touchés dans l’âme. Je reçois des messages très émouvants de personnes qui m’ont fait part du déclic que cela déclenche chez elles. Naturellement, oui, il y a des choses à corriger. Mais nous nous félicitons du déroulement de cette activité en Haïti. Je suis sûr que ça ne va pas s’arrêter là et que ça va laisser des traces », ajoute Dr Blanc.

Des discussions ont porté sur des thématiques comme « identité et innovation : deux piliers pour une nouvelle école en Haïti (ex-ministre de l’Education – Nesmy Manigat) ; « la justice cognitive : contribution des inventeurs et savants noirs aux progrès de la science et technique moderne » (par Mackendy Gatty) ; « faire du web scientifique un lieu de dépassement du potentat colonial chez les scientifiques afro-descendants d’Haïti (par Rency Inson Michel, Anderson Pierre et Woodmark Pierre) et « Guérir les plaies » (par le houngan Norluck Dorange.

Linda James Myers, Ph. D, professeure au Ohio State University, invitée d’honneur du festival et (Guitele Jeudy-Rahill, Ph.D) (Credit photo : Milo Milfort)

Pour la plupart, ce sont des sujets qui sont traités très rarement dans le paysage éducatif haïtien dans le cadre des activités académiques et/ou universitaires. La majorité des présentateurs étaient des femmes universitaires. Elles ont alimenté le débat sur les questions des périples imposés par l’homme blanc à la femme Africaine (Linda Tavernier Almada, Ph.D) ; de l’importance des proverbes et métaphores dans le traitement de patients haïtiens (Guitele Jeudy-Rahill, Ph.D) ; et des outils ancestraux comme panacée aux traumatismes passés et présents de nos communautés racialisées (par Darlène Lozis).

« Nous avons tout réalisé de façon symbolique pour sensibiliser les communautés en Haïti et dans la diaspora africaine sur l’impact de l’esclavage et de la colonisation tant sur le déroulement que sur l’évolution de notre vie actuellement. Ce n’est pas un hasard que le festival se réalise en mai, c’est parce que – le mois de mai est hautement symbolique dans l’histoire des peuples déportés d’Afrique. Le 10 mai en France – c’est le jour de la commémoration des traites négrières. Le 18 mai – nous autres haïtiens nous fêtons le bicolore en tant que première république noire. Une armée indigène qui a vaincu l’armée la plus puissante – l’armée Napoléonienne. Nous avons arraché dans le sang, notre indépendance. Ça a beaucoup de sens pour les communautés d’ascendance africaine, plus particulièrement dans la diaspora. Le 25 mai aux Etats-Unis, on célèbre le jour de la libération des peuples afro descendants. Et dans les Antilles françaises on célèbre l’abolition de l’esclavage. Ce n’est vraiment pas un hasard », termine Dre Blanc.

Creuser nos racines et renouer avec les cheveux crépus ?

Linda James Myers, Ph. D, professeure au Ohio State University, invitée d’honneur du festival a abordé la thématique : « Creuser les racines du trauma et s’épanouir dans la tradition de sagesse de la pensée profonde de nos ancêtres africains : Le pouvoir transformateur de la théorie conceptuelle optimale de la psychologie Africaine ». Une théorie qu’elle a conçue et qu’elle ne cesse d’alimenter à travers ses ouvrages.

Selon Myers, les développements dans le domaine de la psychologie des noirs/noires et/ou africains/es ont produit des connaissances psychologiques essentielles à la santé (mentale, physique, spirituelle et sociale) et au bien-être durable pour les personnes qui reconnaissent leur ascendance africaine ainsi que l’humanité tout entière. Sa présentation a abordé non seulement les principales barrières psycho socioculturelles et structurelles à la réalisation de la santé et de la justice sociale, mais introduit également des stratégies psycho éducatives et des méthodes thérapeutiques fondées sur la sagesse de la pensée profonde africaine dont l’efficacité a déjà été prouvée.

Son objectif vise à introduire une théorie psychologique africaine holistique et intégrative favorable à la santé, la réalisation des stades supérieurs du développement humain, et le bien-être durable à plusieurs niveaux comme tel que prescrit par la sagesse africaine de l’Antiquité à l’époque contemporaine.

Pour sa part, Juliette Sméralda, Ph.D, invitée d’honneur du Fesa 2018 a axé différentes interventions sur le thème : « Du rejet du cheveu crépu au mouvement  ‘’nappy’’: quelle place pour le cheveu-accessoire ? Entre créativité et ‘régression’ ». Mais aussi le contenu de ses ouvrages phares que sont « Peau noire cheveu crépu, l’histoire d’une aliénation », Editions Jasor, 2004; et « Du cheveu défrisé au cheveu crépu », Editions Publibook, 2012. Des ouvrages  instructifs, critiques et complets qui traitent entre autres des origines de la représentation du cheveu crépu et de la peau noire, des canons de l’esthétique, du corps dans la société de consommation …

Ses études s’intéressent au choix des sujets qui ont pris de la distance avec la pratique du cheveu défrisé de plus en plus décriée, mais qui se voit sinon remplacée, du moins concurrencée par l’abondante consommation faite des faux-cheveux (perruque, postiche, cheveu d’appoint, cheveu accessoire, cheveu synthétique…).  Il s’agit de montrer que le discours qui sous-tend le passage d’une forme de traitement du cheveu crépu à une consommation de cheveux « sans racines », procède de la même stigmatisation du cheveu crépu, et de son rejet par conséquent …

L’étude qu’elle se propose dans le cadre du colloque est basée sur une enquête sociologique, qui s’inscrit dans la lignée des deux précédents ouvrages  qui explorent la problématique de l’esthétique d’emprunt ou de dénaturation chez les populations africaines et afro descendantes, appréhendée à travers le paradigme des séquelles psychologiques de la TNT (Traite Négrière Transatlantique).

Lancé en 2016 en Haïti, sous la houlette de la jeune haïtienne docteure en psychologie, Judite Blanc, ce vaste atelier transatlantique sur le trauma historique, la créativité et l’innovation dans les communautés afro descendantes a pris de l’ampleur en 2018, ou des universitaires, des chercheurs.res, des scientifiques, des penseurs.res, des créateurs.trices, des innovateurs.trices, des militants.tes et des artistes d’horizons diverses étaient invités.es à discuter de la question dans quatre pays différents.

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