Pleins Feux Sur : Widler «Wid» Octavius

« Une vibration exquise »|(Port Salut-1989)

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Widler «Wid» Octavius

Il nous vient du Sud. De cette région pittoresque et phonique, où Widler a grandi. Engrangeant tout petit les intonations de sa zone natale. Pour s’accoutumer par la suite aux sonorités urbaines, en faisant souvent l’aller -retour entre Port-au-Prince et les Cayes durant son adolescence. En fait, ce talent précoce a connu la férule d’une mère protective qui en a fait un garçon appliqué. Et conséquemment, Wid a fait ses premiers pas dans la musique paroissiale. Où il a eu l’opportunité de mettre en valeur ses dons artistiques. Malgré un trait de timidité qui le paralyse pour sortir de sa coquille et montrer son côté exhibitionniste. Pourtant, il a fini par céder en prenant une part active aux manifestations culturelles de l’église. En mettant ses capacités au service du groupe de la jeunesse de sa congrégation. 

Profitant du coup pour s’initier à la guitare, la basse, le tambour. S’accommodant d’un statut de multi-instrumentiste. Tout en entretenant un gosier diffusant l’environnement sonore. Des atouts qui le propulsent comme maestro du groupe. Avec lequel il explore les contours du gospel ; devenant en même temps la nouvelle sensation de la ville. Affublé par tant de capacités pour se faire repérer par le milieu ambiant avec ses attractions et ses possibilités. Une transition que redoutent bien ses proches de l’église dans la perspective d’être lâchés par leur petit prodige. Réalisant qu’une telle habileté ne peut être seulement l’apanage des orthodoxes. Mais aussi pour la délectation de tout le monde. Ce qui est en fait arrivé, lorsque Wid a rallié la formation « G-7 » des Cayes.

Laquelle est devenue une soudaine révélation des pays et payses avec Widler aux commandes. Pouvant enfin s’introduire à une audience plus ouverte. Et qui lui permet de mieux s’exhiber et mettre en exergue ce timbre infus de spleen qui pénètre abondamment. Il s’est tout de suite appliqué à mettre ce groupe sur orbite dans la gratification de quelques compositions qui ont charmé la ville. Et déjà était en studio dans l’enregistrement du morceau pouvwa lanmou dont le vidéo-clip faisait un tabac. Et subséquemment a fait l’heureuse rencontre de Frérot Jean Baptiste, un contemporain établi ; qui est tombé à la renverse pour son pitch de caméléon. Chantre de son état, Frérot qui faisait à l’occasion son retour au sein du groupe, est pris de considération pour ce jeune confrère et potentiel compétiteur à qui il a promis de le faire rencontrer le maestro Brutus de « Zenglen », en vue d’une audition. 

Pari réussi pour Widler qui a passé avec brio son examen d’admission.

Une rencontre qui s’est effectivement tenue peu de temps après à Miami. Où le temps d’une introduction, Wid est déjà au studio d’enregistrement avec en main les textes du morceau Woy kreyòl que lui a passé Brutus Dérissaint en vue d’un schibboleth illico. La suite, une prestation à couper le souffle ; diffusée par un gosier épatant. Un coup d’expert pour un coup d’essai. Les sceptiques n’ont qu’à auditionner cette pièce pour ressentir ce vibrato hors commun. Impressionné, le maestro Brutus était aux anges d’avoir trouvé cet oiseau rare, au moment même où Réginald Cangé faisait son second exit. Pari réussi pour Widler qui a passé avec brio son examen d’admission. Pour perpétuer la tradition vocale d’un ensemble qui, de Gary Perez à Cangé en passant par Frérot et Kenny, sans omettre le ‘’maitre-chanteur’’ (c’est péjoratif) ’’Tiblada Delval, a connu divers registres vocaux.

Auxquels Wid a su apporter sa quote-part, en se manifestant magiquement comme nouvel étalon vocal. Fort d’un registre paré de reflets d’arc-en-ciel, se réclamant d’une vocalisation qui a fait des vibrations plurielles sa chasse gardée. Avec son éclat particulier et son attraction envahissante qui s’étalent  dans l’œuvre liminaire :’’ Rezilta pi rèd’’ qui est en fait une boutade par rapport à la production  précédente ’’Rezilta’’ (mettant en scène Regi Cangé et Keny Desmangles). Deux déserteurs qui sont relayés par ce duo truculent avec le retour de Férot et la découverte de Widler Octavius. Qui fait que la bande à Brutus soit en mesure de claironner sa nouvelle acquisition sous la forme d’appentis sonores qui emballent un auditoire pris au dépourvu par cette trépidation florissante, accoutrée de traits exotiques. 

A commencer par ‘’sincerely yours’’, dans lequel associé au bolide Déner Céïde, auquel il a donné une réplique péremptoire au gré d’un timbre dont les octaves défilent comme des perles. ‘’With you’’, une adaptation d’un tube de C. Brown ; lui attribuant cette qualité d’interprète  innovateur. En plus d’une aisance à pouvoir chanter dans plusieurs langues avec la même pénétration et musicalité. ‘’Tout bagay posyb’’, prouve qu’il a du rythme, woy kreyòl, exulte ce timbre de diapason et son ‘’high pitch’’ falsetto. Et ‘’curriculum vitae’’ une performance en l’honneur du maestro dans une interprétation qu’il a faite sienne en s’imbibant d’émotion comme s’il relatait sa propre trajectoire. Des prestations qui le propulsent comme la nouvelle attraction du groupe, malgré la présence musclée du pétillant Frérot. 

Entre temps, le « Zenglen » a repris les pédales ainsi que la stabilité avec son nouveau team vocal (Klemay s’étant aussi mêlé en troisième larron). Avec Wid en vedette pour animer l’ambiance. Côtoyant une soudaine popularité, en ne faisant pas de détails pour conquérir les aficionados du konpa d’ici et ailleurs. Qu’il n’a pas laissés en reste dans l’opus suivant :’’No dead end’’, en enfilant : dark flower, kafe anmè, bird of paradise, m’swete li danse l etc. A travers lesquels, il certifie sa potentialité, en se cataloguant comme le nouveau ‘’bad ass vocal in town’’. Bien que jusqu’avant la sortie du deuxième album, il était devenu la proie de quelques incartades au sein même du groupe avec des éléments qui cherchaient à alourdir ses ailes. Allant jusqu’à des campagnes de dénigrement à son endroit. Comme si son entourage avait peur qu’il s’épanouisse. Pour ne pas devenir trop énorme et ne soit pas en mesure de les contrôler. 

Mais avec autant d’atouts, qui peut douter de l’avenir musical de ce superbe artiste dont on espère que les hostilités rencontrées n’ont fait qu’affermir son acharnement de grandir ?

En plus de son caractère vertical qui est peu toléré dans ce milieu encore primaire. Qui se  voit renforcé devant un jeune immigrant sans défense. Nonobstant la contribution énorme de son talent à la perpétuation de ce legs musical. Malgré tout, Wid persiste dans sa démarche d’artiste authentique. Son brin vocal a bien fait tache d’huile avec ses vibrations sensorielles. Un peu similaire à Régi Cangé avec sa marque déposée d’orientation soul. Tandis que celle de Wid est plus flottante, bluezy, mais plus scintillante. Une estampille qui a fait rebondir la bande à Brutus et dont Octavius a su maintenir l’équilibre après les départs consécutifs de Klemay et de Frérot. En réussissant à convaincre doctes, collègues et fans. Démontrant qu’il a su franchir les étapes d’une révélation pour s’imposer en confirmation. Et qu’il lui reste à imposer son attestation. 

Ce qu’il s’est appliqué à faire après son deuxième cd avec le groupe. En retrouvant tout de suite le chemin du studio en vue de la sortie d’une nouvelle œuvre. En tâchant d’être le musicien le plus actif de l’ensemble comme compositeur, arrangeur et lyriciste. Bien qu’il soit parfois surpris de voir que des morceaux qu’il a lui-même élaborés, soient chantés par le nouveau chanteur sans qu’il en soit averti. Entre temps, le covid a fait son entrée avec toutes les complications qui s’y rattachent. Alors que Widler doit se rendre au chevet de sa maman tombée malade en Haïti. Rappelant que malgré la distance, il est toujours en charge de sa famille laissée au bercail. Sans recevoir aucun appel de support de ses collègues du groupe. Lesquels s’arrangeaient pour une performance en live, sans l’en avertir.

Obligé de rentrer en trombe en Floride pour y prendre part. Il fut éconduit par ses pairs du groupe qui ont essayé de le piéger. En le forçant à chanter des morceaux qu’il n’avait pas répétés. Ce qu’il a correctement refusé de faire. Soumettant quelques temps après sa lettre de démission à la direction du « Zenglen » qui est devenu une formation mangeuse de voix. Gary, Gracia (qui s’est pendu lui-même), Régi, Frérot, Da-Benz, Kenny, Klemay (avec Richie, Nicky et Bato en décompte). Et celle de Wid était si spéciale qu’on ressent un crève-cœur de le voir partir de ce groupe. Mais avec autant d’atouts, qui peut douter de l’avenir musical de ce superbe artiste dont on espère que les hostilités rencontrées n’ont fait qu’affermir son acharnement de grandir ? Dans la perspective qu’il trouve un environnement qui lui soit bénéfique et l’aide à se majorer pour le bonheur de la musique.

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