La longidactylie, une malformation sui generis

0
1068
Titine (petit nom gâté de madame) est vue de profil, les yeux bien chèch, négociant en Europe un contrat de 27 millions de dollars avec la firme allemande Dermalog. Dommage, on ne voit pas ses mains qui nous montreraient si madame est normodactyle ou longydactyle.

Dans le langage médical on connaît bien les termes syndactylie et polydactylie.  Du grec sun : « avec », et dactyl : « doigt », la syndactylie est une malformation congénitale caractérisée par l’accolement et une fusion plus ou moins complète de deux ou plusieurs doigts ou orteils entre eux. Tandis que la polydactylie (du grec « poly » : « nombreux » et « dactyle » : « doigts ») se définit comme la présence d’un ou plusieurs doigts supplémentaire(s) au niveau de la main ou d’un ou plusieurs orteils au niveau du pied.   C’est plutôt dans le jargon politique qu’on rencontre le terme ‘‘longydactylie’’, un néologisme créé par un chroniqueur de ce journal friand de mots forgés au feu de l’écriture et dont nous nous garderons de révéler l’identité. Hum ! Disons que la ‘‘longydactylie’’ est le résultat d’une malformation mentale, d’un vice du comportement, d’une manifestation de tendances refoulées dans l’enfance et qui apparaissent à l’âge adulte. En fait, ce néologisme n’a rien d’original, puisque la sagesse populaire haïtienne lui a trouvé, depuis longtemps, son parfait équivalent créole : dwèt long.

La ‘‘longidactylie’’ ou dwètlongitude existe depuis l’Antiquité. Par exemple Sisamnès, ainsi connu, l’un des juges royaux sous le règne de Cambyse II, grand roi achéménide de l’empire perse de 529 à 522 av. J.-C, fut un longidactyle notoire. Une fois, il accepta de rendre une sentence, inique, infâme, scandaleuse pour une très grosse somme d’argent aux dépens du trésor royal. Le roi Cambyse, indigné de l’infamance, fit écorcher Sisamnès vif pour le punir.  Il n’y a pas eu que Sisamnès à briller dans le ciel des dwèt long.  À l’avènement de Louis XVI en 1774, un extravagant prince Louis de Rohan, ambassadeur à Vienne, revient en France après avoir été rappelé sur demande expresse de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche scandalisée par ses frasques. Il sera successivement grand aumônier, cardinal, puis évêque de Strasbourg. Pour se faire bien voir de la reine Marie-Antoinette, il se porte caution de cette dernière pour l’achat d’un collier de 640 diamants valant 1,6 millions de livres, ce auprès du bijoutier parisien Charles Auguste Boehmer. Ce dernier (Boehmer) livre le bijou, en échange de quatre traites, à Jeanne de Valois-Saint Rémy, comtesse de La Motte-Valois, grande longydactyle et malversatrice devant l’Éternel, maîtresse wololoy du prince-cardinal-évêque, adoucisseuse de ses nuits et « matins triomphants », pieuse « servante du Seigneur » pour tout dire.

Sans doute de connivence avec son bien-aimé Rohan, digne (ou indigne) représentant du Très-Haut sur terre, manmzèl Jeanne et de hardis complices entreprirent de dépecer le collier dans toute l’Europe. Pluie d’étoiles diamantaire et arc-en-ciel de corruption sur le continent des Lumières ! Louis XVI mis au courant de la stellaire manmzellerie et de la cardinalice rohannerie, en fut roidement indigné et raidement humilié. Il fit arrêter le cardinal et les longydactyles complices qui furent prestement embastillés du 16 août 1785 au 1er juin 1786.  De toute antiquité, de toute royauté, de toute rohanité, et sous tous les cieux, les longidactyles n’ont jamais manqué. Quelque cent-dix-sept ans plus tard, après le scandale de « L’affaire du Collier de la reine », escroquerie qui inspira Alexandre Dumas, le démon de la longidactylie allait montrer ses cornes sciées outre-Atlantique, au pays de « Tonton Nò », en plein milieu d’une débâcle administrative, financière et morale, de catastrophique amplitude. En effet, le Président Tirésias Simon Sam, élu le 31 mars 1896, après le décès subit du Président Florvil Hyppolite, décide de consolider toutes les dettes de l’État et, à cette fin, il fait adopter plusieurs lois, entre octobre et décembre 1897, toutes suivies d’un projet déposé le 18 avril 1900. Dans l’optique heureuse et avisée de Sam, il s’agissait de « regrouper les créances de nature diverse qui accablaient la gestion des finances de l’État » afin de les redresser et de les normaliser ». La formule avait ses mérites et devait aider le pays à sortir du marasme économique dans lequel il était plongé. Mais en peu de temps, dans les coulisses, des doigts s’allongeaient de toutes parts, même des beaux quartiers de deux fils de l’ancien président Sam ; du diocèse des Cayes, éclaboussant Mgr Guillaume, le Vicaire ; du Petit Séminaire Collège St Martial dont le Supérieur est l’Abbé Bertrand ; de la Banque Nationale en la personne de ses dirigeants, des blan sans décorum ;  sans oublier d’autres grosses pointures sociales coupables de graves malversations au détriment de l’État: créances consolidées en bons à des taux supérieurs, majorations indument effectuées, bons consolidés émis sans autorisation légale préalable, etsetera, era. En douceur (consolidante), il se mettait en place une vaste entreprise de malversations, fraudes, vols et corruption raplanche, enfin, au ras du plancher (pour la grammaticalité). D’où la décision du Président Nord Alexis de former une Commission d’enquête et de Vérification, le 21 mars 1903. C’était en fait le point de départ de ce qui allait être « Le procès de la Consolidation » dont la phase interrogatoire commença le 5 août 1903 pour se poursuive jusqu’au début de juillet 1904.

Ce fut l’occasion d’une grande fête pour la gente longidactyle qui se voyait déjà empochant l’« aide » dollarée à Haïti.

Le temps passa, mais les longidactyles ne passèrent point. Depuis, il s’en passa bien des longidactyleries dont une « héroïne » fut sans conteste « l’orage épluché », la « petite dame », l’insignifiante damelette sans envergure, singulièrement connue (depuis Manno Charlemagne) sous la longue et exquise appellation de Tonnè-kraze-m-Michelle-Benett-I-am-sorry-for-you. Mais passons. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010, allait révéler au monde la profonde, ignominieuse et révoltante laideur du longidactylisme érigé en système de corruption à ciel ouvert, de foure-men-pran, sous couvert soi-disant d’« aide ». La générosité et le « bon cœur » de l’international, à commencer par Washington et l’ONU firent tout un tapage autour d’une pluie de millions qui allait arroser la terre séismisée d’Haïti. Ce fut l’occasion d’une grande fête pour la gente longidactyle qui se voyait déjà empochant l’« aide » dollarée à Haïti.De mémoire d’homme on n’avait jamais vu des doigts aussi longs et agiles quoique tordus. Le scandale longidigital était né de la révélation progressive des bénéficiaires des bons consolidés et de l’étendue des fraudes réalisées au détriment de l’État. Aussi, des condamnations aux travaux forcés furent appliquées aller pour venir : responsables étrangers de la Banque nationale, parlementaires, anciens ministres ; l’ex-président Tirésias Simon Sam, son épouse et deux de ses fils ; trois futurs présidents – ô ironie ! – Tancrède Auguste, Vilbrun Guillaume Sam et Cincinnatus Leconte ; et combien d’autre gros paletots du gratin de la société. Sic transivit gloria longidactylorum. Ainsi passa la gloire (mal ‘‘consolidée’’) des longidactyles.

En effet, dans un article intitulé ‘‘Haïti. Mais où diable est passé l’argent de la reconstruction?’’, le site américain CounterPunch détaillait par le menu, dans une enquête publiée deux ans après le tremblement de terre, dans quelles poches étaient tombées les sommes versées par Washington. En deux mots, quatre vérités et dix commandements, « Le bénéficiaire principal de l’argent octroyé par les Etats-Unis après le tremblement de terre s’est révélé être le gouvernement des Etats-Unis. » Bon Dieu manman m ! diraient des féministes. Bon Dieu papa m! s’exclameraient des masculinistes. Juste après le séisme, l’espace d’un généreux cillement, une « aide d’urgence » de 379 millions de ‘‘douleurs’’ fut consentie par les États-Unis à « ma ville, mon pays ». Pour qu’elle ne se perdìt pas en route, une escorte de quelque 5 000 chacals en tenue vert olive, arme aux poings lui fut assignée pour la protéger. Or, l’argent n’allait faire qu’une vuelta à Port-au-Prince pour retourner en grande partie aux Zetazini. Manno Charlemagne avait raison : « Tonton Sam pa nan ipokrit, se de gouden l, se sa l konnen ». Quelque part, il y a eu assurément des longidactyles qui s’en étaient donné à cœur joie. « L’envoyé spécial des Nations unies pour Haïti [à l’époque] a révélé que l’argent du fonds humanitaire, [était de] 2,4 milliards de dollars […], selon CounterPunch. Seulement 1 % des dons a été envoyé au gouvernement haïtien. » Des bureaucrates longidactyles devaient assurément savoir dans quelles poches s’était glissé tout ce fric. « La Croix-Rouge américaine a reçu plus de 486 milions de dollars de dons pour Haïti. Il a été difficile d’en obtenir tous les détails, sauf que le salaire annuel du PDG de cette institution est supérieur à 500 000 dollars par an ». Selon CounterPunch, « Une partie non négligeable de l’argent promis n’a jamais été distribuée.  Vive la longidactylie ! À bas l’honnêteté! Un peu plus de deux mois après le séisme, le 31 mars 2010, a eu lieu au siège des Nations-Unies à New York une conférence des donateurs en vue de lever des fonds pour la reconstruction d’Haïti. Elle fut présentée par le roule m debò Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations-Unies, assisté du président d’Haïti René Préval. L’ambitieuse diablesse Hillary Clinton, secrétaire d’État des États-Unis manigançait dans les coulisses. On prévoyait entre autres la création d’une Commission intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), dont la mission était de « coordonner et déployer efficacement des ressources (sic) dans la transparence (resic) ». Grand vent, petites voiles. La majorité des membres de cette commission était des étrangers.  Bill Clinton, le manœuvrier, en était le co-président, en fait le chef d’orchestre.  

Le 27 juin 2011, soit 18 mois après le séisme, le sénateur Steven Benoit, Steve le tapageur, confiait au journal Le Nouvelliste, à propos de la gestion des fonds de Petrocaribe et de la CIRH : « Nous voulons, en ce qui concerne la CIRH, obtenir des informations claires et détaillées sur les montants déjà alloués, C’est un véritable labyrinthe. » Malheureusement pour Steve, la seule pelote de fil que possédait Ariane, elle l’avait donné à Thésée… « On dit que l’Etat est corrompu… Il faut, avait dit Steven, un Etat fort, transparent qui combat la corruption et qui rend des comptes… Je suis contre l’hypocrisie. » Ah ! L’économiste Camille Chalmers et son alter ego Kesner Pharel   abondèrent dans le même sens. Pharel invoqua même un ‘‘capitalisme de désastre’’(sic). Autant d’euphémisme, de radotage, de verbiage, de babillage, pour dire que la CIRH s’était fondue sous l’effet de l’intense chaleur longidactyle.

Mais tout cela n’était que de l’enfumage, car   les mecs savaient parfaitement que le royaume des milliards avait été divisé et donné (non pas aux ‘‘Merdes’’ et aux ‘‘Pestes’’) mais bien aux longidactyles dont le majòdòm était Bill Clinton. Mais ils  se sont tus, ayant eu peur de perdre leurs relyasyon et leur gagne-pain. Steven Benoît lui-même ne put seulement que rouspéter, tempêter, écumer, rager. Pas plus. Autrement, comment aurait-il pu s’arranger pour que 2 millions des « 54 millions de dollars collectés » par Ti Bush et Bill Clinton, servent « à la construction d’un hôtel de luxe à Pétion Ville, pour un budget total de 29 millions de dollars? », dixit CounterPunch. Avec en prime, ô ironie ! une grande piscine de luxe où s’y baigneraient et prendraient leurs ébats d’éventuels kokorat, en colère et en chimère contre des élections qui ne seraient pas à l’avantage de leur candidat (entendez lavalas).  L’arrivée au pouvoir de Martelly en 2011 donna lieu à un luxe de comportements ouvertement longidactyles dont le plus extravagant, le plus ahurissant, le plus honteux, le plus fripouilleux,  fut le scandale PetroCaribe. Les plus audacieux avaient développé entre-temps une anomalie extrêmement rare : la polydextrie. Pour s’emplir les poches avec le plus d’avidité et de rapidité possible, certains mecs étaient devenus non seulement ambidextres mais aussi polydextres, c’est-à-dire qu’ils avaient développé plusieurs mains, toutes longidactyles, pour un fouremenpran maximum. Sur ce fond de petrocaribénne longidactylie, il y a eu d’intéressants épisodes de malversation, de mètdamerie, juste pour empocher une liasse de billets verts. On se souvient de ce ministre PHTK passionné de cabris qui avait tondu, plumé l’État haïtien en lui faisant payer 31 000 gourdes par tête de bèbèbè bè, alors que sur le marché, ce prix n’excédait pas 10 000 gourdes. Un koutay de 21.000 gourdes !!! Vite empoché grâce à la magie de ses longs doigts. Un millionnaire de plus.   Sous l’administration du président Michel Joseph Martelly et du Premier Ministre Laurent Salvador Lamothe, l’État haïtien avait entrepris un projet visant à construire, dans plusieurs communes du pays, des terrains de jeux agrémentés de 25 stades. Selon des rapports d’audits entretenus par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA), c’était purement un stratagème de corruption et de détournements de fonds publics. Une façon de signaler que les grands stratèges du longidactylisme étaient à l’œuvre. Ne voilà-t-il pas que le ministre de la Jeunesse et des Sports du gouvernement PHTK de Jovenel est venu réveiller un gwo chat pè qui dormait sous les tribunes indexées par la CSC/CA. Selon ce ministre, l’argent de l’Etat qui devait construire les centres sportifs à travers le pays a été détourné. “Nèg yo kraze lajan an”, a-t-il dit. Or ce ‘‘nèg yo’’, n’était autre que le fils aîné de Martelly qui s’est défendu de ces ‘‘accusations mensongères’’. Jamais un chat n’a miaulé aussi fort pour se défendre de longidactylie. Or, si ce n’est pas le fils, c’est sans doute le père, d’autant que des recherches récentes tendent à montrer que la dwètlongitude peut être une tare familiale.

Sur ce fond de petrocaribénne longidactylie, il y a eu d’intéressants épisodes de malversation, de mètdamerie, juste pour empocher une liasse de billets verts.

Complétons ce panorama longidactylique avec une intervention pour le moins intempestive de la Première dame Martine Moïse. Sur la base du projet de loi DERMALOG non voté par les parlementaires, Titine (petit nom gâté de madame) est partie négocier en Europe un contrat de 27 millions de dollars avec la firme allemande Dermalog, spécialisée dans la fabrication de dispositifs biométriques afin de fournir des cartes d’identification aux citoyens haïtiens. Or, Titine n’est ni un membre officiel du gouvernement ni une personne mandatée par l’État haïtien.

Qui pis est, la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA)  sollicitée pour donner son avis là-dessus   a émis « deux avis défavorables » à la signature de la dermaloguerie. Pour sa part, la commission éthique et anticorruption du Sénat a souligné, entre autres, qu’il y a eu détournement de fonds et plusieurs erreurs graves dans le contrat signé entre l’Etat et la firme Dermalog. Le sénateur Youri Latortue de son côté a fait état d’un autre transfert, non traçable, de 2 000 000 dollars américains au profit de la Dermalog, sans que ce montant n’ait été prévu dans le contrat. Manifestement, quelque part il y a eu une longidactylie, une filouterie, une mètdamerie, et peut-être même une Titinerie…

Je laisse le mot de la fin à Ti Paris : nèg gen move mannyè, anverite nèg gen move mannyè.

14 juin 2021

HTML tutorial

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here