Retombées de la démission de Néhémy Joseph au CEP !

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bottom_front_pictureLa démission du conseiller électoral Néhémy Joseph est tombée le vendredi 2 octobre dernier comme un coupret pour certains et un soulagement pour d’autres. Dans sa lettre de démission à Martelly et aux autres conseillers particulièrement le président du CEP Pierre-Louis Opont, le représentant des secteurs paysan et Vodou au CEP s’est ainsi exprimé « Aujourd’hui ma foi dans le respect scrupuleux de la loi, mon souci des résultats et mes égards pour chaque vote des citoyens m’emmènent à prendre la lourde décision de quitter le poste de conseiller électoral que j’occupe depuis janvier 2005 ». A ce compte, on pourrait penser que, ce sont les résultats définitifs des sélections du 9 Août qui l’ont obligé à fausser compagnie à ses collègues.

Pourtant, Me Néhémy Joseph n’avait aucun doute sur le premier tour des législatives. Il avait une pleine confiance dans le processus électoral et cette déclaration du 7 août à Haïti Presse Network HPN en dit long « Nous marchons vers le 9 août et nous sommes confiants », sans révéler l’existence d’aucun problème ; alors qu’il y en avait un tas, entre autres l’affaire de mandats pour les mandataires. Et c’est encore lui le jour des élections dans le Nord-Est où il supervisait avait indiqué que « l’un des plus gros problèmes auquel est confrontée l’institution électorale est le Pnud. Les procédures instituées par le Pnud pour le déblocage des fonds auraient contribué à ralentir le déroulement du processus, marqué, par exemple, par la non-livraison de mandats à nombre de partis politiques» Pour ajouter ensuite parmi les contraintes à considérer « l’inexpérience de beaucoup de membres de la machine électorale et les délais très rapprochés pour la réalisation des activités du calendrier électoral »

Les retombées de cette démission sont multiples. Dans un communiqué de presse, le Réseau National de Défense des droits humains (RNDDH), le Conseil National d’Observation des Elections (CNO) et le Conseil National des Acteurs non étatiques (CONHANE), se disent préoccupés, et expriment leur inquiétude concernant le caractère honnête et crédible des prochaines élections. Ces trois organisations de défense des droits humains se disent constater le manque de transparence dans le processus d’évaluation annoncé par le CEP et déplorent que les nombreuses incohérences constatées dans les résultats définitifs des élections fragilisent le processus dans son ensemble en renforçant les doutes sur sa crédibilité.

Les partis ou plateforme politiques du secteur œuvrant pour l’annulation ou la correction des élections du 9 aout semblent se réconforter. Ils applaudissent sans aucune réserve la décision de Me Joseph. Edmonde Supplice Beauzile, coordonatrice générale de la Fusion des sociaux démocrates interprète la démission ainsi : « Ce geste de M. Joseph désapprouve le coup d’état électoral du 9 août. J’exhorte les autres conseillers à suivre l’exemple de M. Joseph »retombe

Jean Enold Buteau de l’Alternative Socialiste pour sa part se dit soulagé par cette démission. Le docteur Buteau estime qu’ « il faut annuler les élections du 9 août et procéder rapidement à la formation d’un nouveau CEP »

Le MOPPOD dont son candidat est en campagne pour les élections présidentielles du 25 octobre réclame selon les propositions de Jean André Victor une enquête sur les révélations de M. Joseph, estimant que le pays se dirige vers une catastrophe.

Le Parti, Ayisyen pou Ayiti, de l’ancien député Jonas Cofy, salue favorablement la démission de Nehemy Joseph et les responsables de cette structure politique exigent des explications de l’ancien conseiller et ainsi que « l’annulation des élections législatives du 9 août, la mise en place d’un gouvernement de transition, la mise sur pied d’un autre Cep inspirant confiance à la population pour organiser des élections générales, honnêtes, crédibles et transparentes »

Nehemy Joseph a également reçu les félicitations de la Plateforme Vérité de René Préval dont le candidat Jacky Lumarque a été tout bonnement écarté de la course par le CEP. Dans une note de presse signée par le coordonnateur général de cette plateforme, Génard Joseph, ce dernier réclame la démission des autres membres du conseil et l’ouverture des consultations pour les remplacer.

Pour le candidat à la présidence, Aviol Fleurant, cette démission révèle un malaise profond au sein du CEP, fragilise l’institution électorale et fait naître la crainte d’un chambardement.

Chavannes Jean Baptiste du Mouvement Paysans de Papaye et candidat à la présidence de Kontra Pep se dit opposé à la désignation d’un remplaçant de M. Joseph. Il exhorte au contraire les autres conseillers démissionner pour prouver leur désaccord avec la ” mascarade électorale” du 9 août 2015.

Maître André Michel, candidat de la plateforme Jistis, qui s’est retiré personnellement de la course électorale qualifie pour sa part de « geste patriotique » la démission de M. Néhémie Joseph. Dans une interview à Alterpresse, il ajouta que « Cette démission démontre que Néhémie Joseph est très attaché aux valeurs démocratiques et dénonce, du coup, les cas de fraudes dont est responsable l’institution électorale »

L’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), bien qu’elle soit en campagne ne reste pas dans l’indifférence. Ainsi leur candidat Sauveur Pierre Etienne réclame une enquête afin de faire la lumière sur les accusations de corruption au sein des conseillers électoraux.

Himmler Rebu, du Greh va dans le même sens aux autres dirigeants. Pour lui « la démission de Néhémy Joseph jette une certaine lumière sur le processus électoral, presageant que les élections conduiront à une catastrophe majeure dans le pays », tout en faisant savoir que « les conseillers électoraux sont conscients de leur erreur mais refusent d’y apporter des correctifs »

La nouvelle organisation politique dénommée : Espace de résistance patriotique pour un gouvernement de transition regroupant entre autres Dieuseul Simon Desras (PALMIS), Edmonde Supplice Beauzile (FUSION), André Michel (JISTIS) Westner Polycarpe, Mirlande Manigat, Pierre Francky Exius, René Civil, Rosemond Pradel, Max Mathurin, et Jean Danton Léger salue cette décision et estime que Néhémie Joseph a répondu à l’appel lancé par les protestataires qui réclamaient la démission des membres du Conseil électoral provisoire (Cep) et l’annulation des élections législatives controversées du 9 août 2015. Cette organisation juste après leur forum du 30 septembre travaille, à présent, sur « l’agenda, la mission et la durée du gouvernement de transition en vue de doter le pays d’une structure non-partisane, crédible et inspirant confiance aux différentes forces vives du pays » a fait savoir André Michel l’un de ses membres. Ce « gouvernement » aurait, entre autres, « la mission d’organiser des élections générales dans le pays et que cette démission servira d’inspiration aux autres membres du Cep pour emboîter le pas, souhaite l’Espace de résistance patriotique en vue de la mise en place d’un « gouvernement de transition ».

Jusqu’à présent le doute règne encore sur les vrais raisons qui ont forcé Néhémie à démissionner. Cependant, l’ancien conseiller annonce les couleurs quand il ne veut pas mettre des bâtons dans les roues du CEP comme le pensent les dirigeants de l’Espace et du collectif des partis politiques contre le premier tour des législatives du 9 août dernier. Ainsi dans sa lettre au secteur paysan, il a dévoilé « […] « J’ai dû prendre cette décision pour rester digne de la confiance que vous avez placée en moi. Des malaises indicibles (venant de l’intérieur comme de l’extérieur), de plus en plus profonds s’installent et enrayent le fonctionnement normal de la machine électorale. J’ai aujourd’hui achevé dignement ma course : je ne peux plus continuer à user mes freins dans une structure ankylosée. En rendant le tablier, je formule le vœu de vous voir me remplacer avec diligence par quelqu’un d’autre, afin de ne pas bloquer la machine électorale en marche depuis si longtemps. »

Qui remplacera le conseiller ? Des tractations et négociations sont en cours et le palais national affirme avoir entamé les démarches auprès des secteurs qui l’avaient recommandé pour lui trouver un remplaçant. La manbo Euvonie Georges Auguste l’Ati provisoire désignée par un groupe de la confédération des vodouisants a révélé qu’un émissaire de la Présidence l’avait contactée pour la désignation d’un nouveau représentant au CEP. Mme Auguste affirme que Me Joseph n’était pas un représentant des vodouisants au CEP et que le vodou n’a pas à plancher sur son remplacement. Selon elle, les dirigeants du vodou ont refusé de designer un représentant au CEP vue que l’institution est décriée et M. Joseph est un chrétien Baptiste. »

Or comme en Haïti toutes les institutions sont en crise, le vodou tout comme le secteur protestant sont divisés. Ainsi une autre banche de la confédération des vodouisants, la Commission nationale pour la structuration du vodou, a désigné un remplaçant en la personne de Louis Gerson Richmé, un ex-conseiller. Son nom a été soumis à Martelly et un secteur de la paysannerie l’aurait également appuyé pour ce poste. C’est l’Association Nationale des paysans Haïtiens (ANAPAH) qui a écrit au chef de l’Etat haïtien sur le choix de M. Louis Gerson Richemé « La démission de Nehemy Joseph au niveau du CEP est de nature à troubler l’ordre public et à faire plonger le pays dans une situation chaotique sans précédent. En conséquence, nous pensons qu’il y a lieu au plus vite possible de procéder à son remplacement. Le secteur paysan a désigné M. Louis Gerson Riche comme son représentant au CEP. », a écrit l’ANAPAH.

Le CEP semble confiant dans la poursuite de sa sale besogne. Déjà Pierre-Louis Opont avait choisi de se retirer ; Mais les forces occupantes de la Minustah et Washington l’avaient suggéré de rester sous leur protection. C’est ce qui fait que la démission de Néhémie ne pourrait servir à rien.

A ce compte, un des anciens collègues de Maitre Néhémy, le conseiller électoral Ricardo Augustin essaie de calmer l’opinion publique en assurant la population que « les conseillers ne sont pas divisés et qu’ils vont continuer travailler de concert pour organiser les meilleures élections possibles » Sur la démission de Néhémy, il affirme que l’institution n’avait pas encore discuté de cela en raison d’un agenda chargé. Il précise que cela n’affectera pas le travail du CEP « […] nous sommes 8 conseillers maintenant, jusqu’à ce qu’il soit remplacé. Nous allons continuer travailler normalement et les activités programmées seront réalisées […] » Pour le corroborer, Maître Mosler Georges, directeur exécutif du CEP va dans le même sens, mais en indiquant que le CEP après évaluation a apporté certains changements ; juste après les élections du 9 août dernier, le Conseil électoral provisoire entend faire le ménage au sein de son personnel. Les préparatifs vont bon train et il y a certains changements qui sont opérés au niveau du personnel tels que Superviseurs, Agents de sécurité et Membres de bureaux de vote ; ainsi que d’autres personnels des Bureaux électoraux départementaux (BED) et des bureaux électoraux communaux (BEC). « Les membres de BED et BEC qui ont eu un comportement reprochable le 9 aout vont être remplacés », a indiqué maître Georges pour conclure que « définitivement nous avançons vers le 25 octobre »

Quant au sujet de la démission de maitre Néhémy, maître Mosler Georges se dit regretter cette démission vu que « C’est l’un des conseillers qui travaillent beaucoup au CEP. Il s’est donné corps et âme pour l’avancement du processus électoral » ; mais « Le CEP ne peut pas réagir sur la démission d’un conseiller. Il ne peut qu’en prendre acte, car le CEP n’est pas l’autorité de nomination » a-t-il fait savoir.

Pendant que tout le monde applaudit la démission de Néhémy, le sénateur Jean Baptiste Bien-Aimé, lui, a osé mettre en question l’ancien conseiller en se demandant « si ce n’est pas, par remords de conscience, après que le conseiller a nagé trop longtemps dans les eaux troubles du CEP […] De toute façon, dit-il, ce conseil n’aura pas l’occasion d’organiser d’autres mascarades», et finalement il s’adresse « à ceux qui ont encore un peu de vergogne pour qu’ils suivent la voie tracée par Néhémy Joseph».

Jusques à quand on saura donc la vraie raison de ce revirement ; quand il est bruit que Néhémie un allié d’un certain Charles Suffrat du secteur paysan aurait concocté cette démission en revanche à la mise hors de la course électorale du candidat de Préval Jacky Lumarque ?

Dans un pays où la corruption seule règne, tout peut arriver, et c’est dans cette optique que’un des observateurs politiques sur les réseaux sociaux a commenté la démission en ces termes : « Néhémy Joseph a été solidaire de toutes les décisions du CEP, et puis c’est maintenant, lorsqu’il ne reste plus une once de crédibilité à cette institution, qu’il démissionne. Il nous prend pour des CONS ! Il sait très bien comment jouer les saintes nitouches. »

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