Quelle mouche a piqué Martelly au sommet de la Caricom ?

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1À la Barbade au cours de la 36ème réunion ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et/ou de Gouvernement de la Communauté Caribéenne (CARICOM) qui a eu lieu du 2 au 4 juillet 2015, Haïti s’est fait représenter par le Président Michel Martelly, du Ministre des Affaires Etrangères et de la Défense, M. Lener Renaud et du Ministre de la Justice, M. Pierre Richard Casimir.

Au cours de ce sommet Martelly est monté au créneau, dénonçant dans un discours ces amis du gouvernement anti-haïtiens pauvres en République Dominicaine et sollicitant par ainsi la solidarité des amis de la Caricom. Dans son discours de circonstance, Martelly a davantage levé le masque et montré à la face du monde non seulement son incapacité dans le dossier de la Dominicanie, mais son irresponsabilité. En effet, comment se fait-il que c’est à ce moment crucial quand des milliers d’haïtiens ont déjà volontairement pris la route du retour dans les conditions que nous savons tous, que Martelly, les yeux embués d’hypocrisie, sollicite la solidarité des pays de la Caricom et de la communauté Internationale. Ainsi, il déclarait que :

« […] Face cette situation intolérable, la République d’Haïti lance un vibrant appel aux États membres de la CARICOM, de l’Organisation des États Américains et de l’Organisation des Nations Unies afin de porter les autorités dominicaines à traiter les ressortissants haïtiens avec dignité en respectant leurs droits conformément à tous les protocoles et toutes les conventions internationales et régionales existant en matière migratoire.

[…] La République d’Haïti demande à la communauté internationale de soutenir la position du gouvernement dans sa tentative de souscrire un accord avec la République Dominicaine qui respecte les droits humains des ressortissants haïtiens.

[…] La République d’Haïti ne dispose pas de Forces armées. Aussi fait-elle de la diplomatie sa première ligne de défense. Si dans un premier temps, elle avait privilégié l’approche bilatérale, c’est parce qu’elle avait cru en la bonne foi des autorités dominicaines tenir leurs promesses de ne pas organiser de rapatriement massif, encore moins de violer les droits des migrants haïtiens.

Toutefois, le constat sur le terrain du nombre de déportés que nos institutions et les agences humanitaires internationales ont pu accueillir au cours des deux dernières semaines annonce déjà des signes d’une catastrophe humanitaire susceptible de déstabiliser le pays et son économie. »11

Des déclarations tardives, comme pour la galerie, vu que à l’aube de cette crise, la Caricom particulièrement avait des positions tout à fait fermes contre notre voisin et qui pouvaient le pousser à faire marche arrière. L’honorable Dr Ralph E. Gonsalves Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, lors de la cérémonie d’ouverture de la trente-cinquième réunion ordinaire de la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes Saint-Jean, Antigua-et-Barbuda (CARICOM) avait été catégorique dans son discours: «…un enjeu vital touchant et concernant les droits de l’homme dans notre région, doit être porté sur le devant de la scène des préoccupations de la CARICOM ; il se rapporte au déni inacceptable de citoyenneté à des personnes d’origine haïtienne nées en République dominicaine. Les faits de base qui ont suscité l’indignation justifiée internationale et régionale sur cette question sont bien connus et il n’est pas besoin d’y revenir ici. À la fin de 2013, le Bureau de la CARICOM avait pris une position forte pour exiger une correction appropriée du gouvernement de la République dominicaine et avait énoncé la position que les affaires ne continueraient pas comme d’habitude [no-business-as-usual] dans les relations entre la CARICOM et la République dominicaine. La position du Bureau a été réaffirmée, dans l’intervalle des sessions, lors de la réunion de la Conférence des chefs de la CARICOM à Saint-Vincent-et-les Grenadines en mars 2014.

Depuis lors, la loi de réforme tant attendue sur la “nationalisation” a été adoptée par les autorités compétentes de la République dominicaine. Cette loi a été condamnée à juste titre aux niveaux régional et mondial comme un écran de fumée peu habile, une escroquerie pour qu’on ne se méfie qu’une véritable réforme ait eu lieu. En réalité, cette loi dite de réforme ne couvre qu’une infime proportion de ces personnes d’origine haïtienne, celles qui ont été jusque-là arbitrairement dénationalisées. ”

J’exhorte mes collègues à ne pas vaciller sur cette question et à rester fermes là-dessus. On aurait tort de céder à ce tour de passe-passe indigne des autorités de la République dominicaine. Les personnes d’origine haïtienne, nées en République dominicaine, auxquelles les droits humains ont été refusés ou abrogés, méritent un soutien continu de la CARICOM. Une fois de plus, ce ne peut être «les affaires comme d’habitude» avec la République dominicaine »

Certes, les dirigeants de la Communauté des Caraïbes (Caricom) avaient décidé de ne pas procéder l’incorporation éventuelle de la République dominicaine au sein de l’organisme en raison de la situation des citoyens d’origine haïtienne dans ce pays, c’est ce qu’avait annoncé l’institution dans un communiqué, au cours de leur sommet à Bahamas. «À la lumière des récents événements problématiques, la Communauté des Caraïbes maintient sa décision d’arrêter tous les contacts avec la République dominicaine » Vu que le gouvernement dominicain viole notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille des Nations-Unies. Par ces violations répétées du droit de la personne, la République dominicaine se trouve donc en rébellion contre les lois et les instances internationales chargées de veiller au respect des droits humains.

Quel a été le plus grand avocat et défenseur de la cause du gouvernement dominicain ? Les dirigeants haïtiens, en l’occurrence, le président, Martelly le Premier ministre Lamothe et les ministres des Affaires étrangères. Nous parlons ici, de Laurent Lamothe, de Casimir, de Brutus et de Lener Renauld etc, qui au lieu de dénoncer le caractère raciste, illégal, inhumain et arbitraire de la décision du gouvernement dominicain ont, par leur manœuvre, réduit cette crise multilatérale à une Commission Mixte Bilatérale (CMB) pour traiter d’autres questions telles que : le renforcement des relations diplomatiques et le développement des deux pays voisins (entre autres la sécurité, la migration, l’agriculture et les investissements).

111Une position incompréhensible qui laisse perplexe plus d’un et c’est dans cette optique que le sénateur du Nord-Est Jean-Baptiste Bien-aimé se demande si Martelly n’a pas été payé par l’oligarchie dominicaine pour agir de la sorte, dans ce cas bien précis à l’égard des compatriotes frappés par l’arrêt 168-13 de la cour Constitutionnelle de la République dominicaine ? Beaucoup d’observateurs lucides se demandent quelle mouche a bien pu piquer Martelly, d’autant que tout récemment au Champ de Mars n’a-t-il pas « évoqué les expulsions d’immigrés illégaux aux Bahamas pour banaliser la rétroactivité à l’année 1929 du décret pris par la Cour Constitutionnelle dominicaine et que le rapatriement de 14.000 immigrants haïtiens ne constitue pas une crise humanitaire ?

En réalité, les raisons qui ont porté Martelly à prendre une position contraire, c’est le désaccord qui sévit au sein même de son gouvernement. Ce grand désaccord s’est manifesté sur les tribunes de l’OEA, quand l’Ambassadeur d’Haïti auprès de l’OEA, Edmond Bocchit a pris son courage à deux mains pour dénoncer la Dominicaine en présence même du ministre des Affaires étrangères de ce pays, Andrés Navarro. Ce dernier a été totalement pris de court, et d’un air affolé où est apparue toute la haine anti-haïtienne il a déclaré devant le conseil permanent de l’OEA que « l’intervention de l’ambassadeur haïtien est un acte de diffamation ; et que l’ambassadeur ne représentait pas son pays à travers son discours ». Pour couronner le tout, le chancelier dominicain a fait savoir que : « le tableau que vous peint l’ambassadeur haïtien est loin d’être ce que peignent les autorités de Port-au-Prince. »

Perdant son calme Navarro a eu à déclarer: «Je vous avouerai, comme ministre des Affaires étrangères de la République dominicaine, plusieurs fois j’ai rencontré plusieurs ministres des Affaires étrangères d’Haïti, ce durant la période d’exercice de cette fonction ; dans aucun cas ni dans mes conversations avec le président Martelly à Bruxelles, il y a une semaine, il n’y a eu ce niveau de diffamation et de mensonges, dont l’ambassadeur a fait preuve ici. »

En somme, ce n’est pas Martelly qui a pris une position ferme par principe. Ce sont les contradictions au sein de son régime qui ont eu le dessus sur ses fantasmes et sa haine viscérale du peuple haïtien, des masses haïtiennes, au profit de la classe dominante dominicaine ; classe à laquelle il a voulu faire plaisir en allant s’exhiber, sans gêne aucune, lors d’un concert en compagnie du chanteur espagnol Julio Iglesias, le vendredi 28 décembre 2012, à l’amphithéâtre Altos de Chavon, La Romana.

Navarro a mis a nu la traîtrise de Martelly, c’est ce qui a poussé le caméléon à dénoncer pour l’instant le rapatriement dans des conditions inhumaines de milliers de compatriotes depuis le 17 juin 2015, date de l’échéance du Plan national de régularisation des étrangers (PNRE). Position qu’il aurait dû prendre depuis le début de la crise ; alors, sont-ce les dollars du sénateur dominicain maffieux Bautista qui l’en avait empêché ?

En dernière heure, nous avons appris que le mercredi 8 juillet 2015, une réunion spéciale se tiendra à la Salle Simón Bolívar du Conseil permanent de l’Organisation des États américains à Washington ; au cours de laquelle le ministre des Affaires étrangères d’Haïti, M. Lener Renauld présentera un rapport sur l’évolution de la situation entre la République dominicaine et Haïti.

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