Pérou : Interview du président légitime et constitutionnel Pedro Castillo

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Ils me présentent comme un monstre. Je suis le président du Pérou. Message de remerciement de Pedro Castillo à El Salto depuis la prison où il est détenu depuis le 7 décembre 2022

L’équipe d’El Salto a interviewé le président Pedro Castillo dans la prison de très haute sécurité où est détenu aussi Alberto Fujimori, condamné pour crimes contre l’humanité par la cour Inter américaine des droits de l’homme.

Malgré les obstacles mis par l’institut national pénitentiaire à cette interview, celle-ci a quand même pu avoir lieu de façon orale et manuscrite entre les derniers jours du mois de janvier et la première semaine de février. Tous les appareils d’enregistrement, y compris les téléphones portables étaient expressément interdits.

La délégation a été reçue sous un soleil asphyxiant. Les fonctionnaires de l’institut national pénitentiaire du Pérou les ont fait attendre. La cellule de Castillo n’a pas de fenêtre et de lumière naturelle bien quand lui permettre l’accès à un petit jardin où il cultive des pommes de terre et du maïs. À l’intérieur de la cellule, il y a un petit four pour cuisiner et un bureau avec des livres. En ce moment, le président lit l’art de la guerre de  Sun Tzu. À l’intérieur, en plus du lit, il y a une télévision qui est devenu sa principale relation avec l’extérieur.

 El Salto : Avez-vous peur pour votre vie en ce moment ?

Pedro Castillo : Oui, j’ai peur pour ma vie en ce moment. Au Pérou, il y a aucune sécurité ni juridique ni politique ni civile. Je dois dire que je ne crains pas pour ma vie maintenant, je crains pour ma vie depuis le second tour de la campagne électorale pour être président. J’ai subi une persécution politique depuis que je suis entré en campagne, la droite, s’est acharnée contre ma famille et moi, surtout contre mes enfants mineurs et ma femme. Ils nous ont diffamés, nous ont traités de terroristes, ne nous ont pas laissé nous développer ni dans le domaine personnel ni dans mon Gouvernement. Le harcèlement a été constant, quotidien et perturbant. Ces actions incitaient à la haine et au racisme.

J’ai reçu des menaces de mort de numéros masqués. Mes fils et ma femme aussi. C’est pourquoi j’ai fait qu’à tout moment, mes fils, soient en sécurité puisque c’est ce que j’ai de plus précieux. Sécurité pour ma petite fille, pour mon jeune fils, pour ma grande fille et pour ma femme.

Plusieurs fois, j’ai été maltraité par des gens de droite qui m’accusaient d’être un « terroriste. » Ils ont voulu me blesser, je dirais même m’assassiner. Par exemple, à Tacna, plusieurs personnes d’extrême droite m’ont frappé avec des boulons et des morceaux de métal. J’ai été blessé, mais je n’ai pas renoncé. C’est l’un des souvenirs les plus vifs que j’ai de la campagne du second tour.

J’ai aussi reçu des menaces publiquement. Par exemple, de Rafael López Aliaga (un patron d’extrême droite, maire de Lima) qui demandait ouvertement qu’on me tue. Il disait dans son meeting : « Mort à Castillo ! »

 

El Salto : Avez-vous pu communiquer avec votre femme et vos fils ? Savez-vous comment ils vont ?

Pedro Castillo : Non, je n’ai pas pu communiquer avec ma famille. Je sais peu de chose concernant comment ils vont et j’espère qu’ils vont bien. Je n’ai pas d’accès à la communication, je n’ai pas droit non plus aux appels vidéo avec eux. Ils sont réfugiés au Mexique. J’aimerais parler avec eux.

Oui, j’ai peur pour leur vie, parce que quand ils étaient au Pérou, ils ont aussi subi des épisodes de racisme. Par exemple, dans le cas de mes fils, ils ne se sont jamais habitués à vivre pas les du gouvernement parce que c’était déménager dans une Lima dont ils ne faisaient pas partie et dont ils ne se sentaient pas faire partie.

Dans le cas de mon fils, ils lui ont refusé l’accès aux collèges parce qu’ils se sont aperçus que c’était mon fils. C’étaient des collèges que j’avais choisis par sécurité. Ils ne m’ont pas permis de le faire. Mon fils aura 18 ans le 8 février et je regrette de ne pas être avec lui à ce moment-là.

Dans le cas de ma fille mineure, elle a été harcelée après la fête d’anniversaire que nous lui avons organisée, sa mère et moi. Comme a tout enfant de cet âge, nous lui avons fait une fête pour qu’elle se sente heureuse. Cette fête est sortie dans les médias et ensuite, elle a été harcelée au collège, et aussi à la sortie du collège. Quand elle allait promener, même avec la sécurité, on lui criait : « Tu es la fille de l’âne » et elle pleurait et se sentait mal. Ils ont attaqué mes enfants mineurs pour m’attaquer, moi.

Dans le cas de Yenifer, que je considère comme ma fille, c’est la plus grande la plus courageuse (Yenifer Paredes, belle-sœur de Castillo, est accusée du délit présumé de blanchiment d’argent et d’organisation criminelle). Elle affronte cette situation comme la femme forte qu’elle est. Elle a été aussi emprisonnée injustement, c’est une victime de tous les mauvais traitements envers toute ma famille. Maintenant, ils ouvrent aussi des dossiers fiscaux sans base, elle a perdu la liberté, et je voudrais seulement que ce soit une jeune normale qui puisse avoir une vie sans attaques, je veux qu’elle soit heureuse.

Ma femme Lilia, je la remercie pour sa résistance pendant tout ce temps parce que ça n’a pas été facile pour elle. Souvent, elle a voulu aller à Chota (une ville du département de Cajamarca d’où est originaire Castillo) avec mes fils, pour qu’ils ne subissent pas les attaques de toute cette région. On se moquait de sa façon de s’habiller, de nos racines andines, de la façon dont nous parlions, il y avait une discrimination raciale. À tout moment, j’ai reçu des attaques contre sa personne.

Mes parents souffrent, parce que ma mère ne sait pas que je suis en prison. On lui a menti en disant que j’étais dans une autre région et que je reviendrai à Chota. C’est la seule façon pour que cela n’affecte pas sa santé parce que ce sont des vieux. Mon père, lui, sait que je suis en prison mais n’a pas encore pu me rendre visite. Ils me manquent beaucoup et j’aimerais les voir bientôt, mais je sais que s’ils viennent, ils subiront des attaques de la presse.

 

El Salto : Que s’est-il passé le 7 décembre ? S’agissait-il d’une tentative pour subvertir les institutions péruviennes ? Sinon, que cherchiez-vous à faire en tant que président du Pérou ce jour-là ?

Pedro Castillo : C’est compliqué et difficile à expliquer. On ne peut pas l’expliquer seulement de façon politique. Jamais je n’ai cherché à subvertir les institutions péruviennes. Je voulais me rapprocher du peuple. C’était un jour pour se faire l’écho des « personnes ». J’ai mis l’écharpe de l’Assemblée Populaire Constituante et j’ai fait mon discours en évoquant les peuples qui ont voté pour moi, qui ont eu confiance en moi, et en leur étant fidèle.

Ça a été une revendication de ma part. J’ai voulu faire comprendre à la classe politique que le pouvoir populaire est la plus haute expression des sociétés. Je n’ai pas voulu obéir aux groupes de pouvoir économiques et sociaux. J’ai voulu mettre le peuple au-dessus de tout.

On a beaucoup dit: je ne me suis pas enfui comme l’a dit la presse, j’allais déposer ma famille à l’ambassade du Mexique, tout a été très rapide. Ça a été ma décision. De personne d’autre. J’étais nerveux mais je l’ai fait. Après le message à la nation, Anibal    Torres (ancien président du conseil des ministres du Pérou, à ce moment-là, conseiller de Castillo) était très désorienté, il avait un visage décomposé parce qu’il ne comprenait pas pourquoi je faisais ce que je faisais. Tous les ministres qui se trouvaient là sont venus pendant que je lisais le message, également.

Après le message, la première chose à laquelle j’ai pensé a été ma famille. Je suis allé la déposer à l’ambassade du Mexique, à aucun moment, je n’ai voulu fuir. J’allais revenir. Je voulais mettre ma famille à l’abri. Nous prenons la voiture « Cofre » du Palais et nous sommes sur la route quand la police elle-même nous arrête. Une situation extrêmement illégale parce que j’étais toujours le président. Ma petite fille a commencé à pleurer, car elle était assise sur mes genoux, je l’embrassais et je la calmais pour qu’elle ne pleure pas.

La police est arrivée avec des mitraillettes et a arrêté la voiture. Il y avait beaucoup de policiers et il y a des preuves qui sont sorties dans les médias. Ça a été très traumatisant et violent pour mes enfants. J’ai demandé aux officiers de ne pas effrayer ma famille, je leur ai dit que j’allais descendre, et que la violence n’était pas nécessaire. Il en a été ainsi, je suis sorti de la voiture, Anibal Torres aussi et il a pris ma défense courageusement. J’étais très perturbé, je ne pensais déjà plus en tant que président, je pensais seulement en tant que père de famille. Anibal Torres, à tout moment, a été très ferme et a su me guider. Je l’en remercie beaucoup. Ensuite, je me souviens de certains moments en partie, mon taux de sucre a augmenté. J’ai un problème à l’oreille, j’utilise un appareil pour pouvoir entendre, je n’entendais pas les indications qu’on me donnait, il y a eu un moment pendant lequel je n’entendais que le silence. J’ai été très perturbé, je ne me sentais plus moi-même. Je ne pensais qu’à ma famille.

Il faut dire que la procureure n’a pris part à mon arrestation à aucun moment, et il n’y a pas eu de procédure légale en tant que Péruvien avec des droits et moins encore en tant que président parce que je continuais à être président et je continue à être président. Toute cette attitude violente a été de la responsabilité d’[Harvey] Colchado. Ils m’ont amené à la division nationale des opérations spéciales le lendemain et c’est là que la procureure est venue.

El Salto : El Salto : Que pensez-vous de ceux qui considèrent que ce que vous avez fait a été un « auto-coup d’Etat » ?

Pedro Castillo : Que c’est un discours que la droite a créé. Ils refusent de reconnaître la réalité des choses, ils sont tellement ignorants qu’ils croient leurs propres histoires et ils les répètent et les répètent eux-mêmes sans faire un travail correct de journalisme d’investigation. La presse traditionnelle au Pérou est une honte. Ils ont tenté de détruire ma famille, ils sont en train de détruire beaucoup d’autres opposants à ce Gouvernement de fait. Les responsables de la presse me semblent de véritables ignorants et ce sont eux qui disent que ça a été un auto-coup d’Etat, pas le peuple.

 

El Salto : Êtes-vous victime d’un complot ? Qui a organisé ce complot ?

Pedro Castillo : Oui, je suis victime d’un complot. Ceux qui l’ont organisé sont principalement la droite péruvienne qui sert des intérêts de la droite internationale, les groupes néo-libéraux et impérialistes. Ils ont utilisé toute leur machinerie de pouvoir économique et politique parmi laquelle se trouve la presse péruvienne qui répond aussi à ces intérêts.

Nous, les personnes ordinaires qui sommes entrées en politique pour changer les choses, avons heurté leurs intérêts dès le premier moment. C’est ainsi. Je suis le premier président rural, instituteur et paysan. Ils ne me voulaient jamais au gouvernement et j’ai été élu par le peuple, lors d’une élection populaire, mon élection a été démocratique. Jamais ils ne me le pardonneront.

 

El Salto : Quand avez-vous senti que la droite péruvienne voulait vous voir partir ?

Pedro Castillo : Ils ont voulu me détruire dès le début du second tour des élections. Tout le temps, tous les jours, ils attaquaient mon honneur et mon image en tant que candidat. C’est pourquoi je n’ai jamais voulu donner d’interviews à la presse traditionnelle. Ceux à qui je donne des interviews, c’est le journalisme réel des régions et la presse alternative qui, eux, posent de vraies questions avec du contenu, pas seulement pour occuper leur temps en insultes et en bassesses de cette sorte.

Tout le pouvoir économique et politique a créé le récit d’une fraude électorale en mentant au peuple. Ils ont engagé des cabinets d’avocat qui répondent aux intérêts de la droite pour demander la nullité des votes de mes frères du sud et le peuple s’est battu pour ses votes en réalisant des marches, des veillées et des sit-ins devant le jury national des élections dans mon pays.

Tous, nous avons obtenu qu’on respecte le pouvoir populaire, mais jamais ils ne m’ont laissé gouverner et ils ont toujours essayé de détruire mon Gouvernement.

Ils ont toujours eu peur que nous prenions le pouvoir, parce qu’il savait qu’il pouvait perdre leurs privilèges. Ils peuvent avoir de l’argent, les médias, mais ils n’ont pas ils n’auront jamais le cœur du peuple.

Mobilisation pour la libération du président Castillo

El Salto : Quel est le rôle de l’oligarchie extractiviste, néolibérale et capitaliste ?

Pedro Castillo : Elle a joué un rôle dans le coup d’Etat, de peur que nous révision leurs contrats. J’étais sur le point de réviser tous les contrats des entreprises minières extractivistes, néolibérales et capitalistes. Elles ont tous joué un rôle dans le coup d’Etat. Il y a plusieurs exemples.

Le budget qu’auparavant les Gouvernements, utilisaient pour payer la presse, sous mon gouvernement, nous l’utilisions pour l’éducation. J’ai été faire ferme là-dessus et nous l’avons fait. C’est pourquoi la presse m’a attaqué et continue à le faire.

La presse a de grosses dettes à la SUNAT [Superintendance Nationale des Douanes et de l’Administration Fiscale]. Ils ne payent pas leurs intérêts, et ainsi on peut le voir sur leurs plate-formes : Panamericana, América TV, Latina TV, ATV et  Willax, qui est la chaîne qui commet le plus de délits de diffamation dans ce pays. C’est une chaîne « pirate. »

Ce problème a quelque chose à voir avec le lithium. L’impérialisme veut le lithium et mon Gouvernement voulait donner le lithium au peuple.

En ce qui concerne les paiements, j’ai réussi à les faire payer aux douaniers, aux pétroliers et aux maritimes. Sur le renouvellement des contrats, je devais m’assurer qu’il y avait des paramètres minimaux. Il y a beaucoup de contrats que je n’ai pas pu renégocier parce que la Constitution ne le permet pas car ce sont des contrats-lois que les Gouvernements antérieurs ont mis en place comme celui de Francisco Sagasti, du parti Morado, qui a renouvelé le contrat de Perú Rail, alors que les habitants de Cusco ne voulaient pas renégocier. Perú Rail est la propriété de Rafael López Aliaga. Mon Gouvernement et moi voulions rendre le contrat aux habitants de Cusco en créant une association.

A Puno, voulions sauver le Gaz de Camisea le lithium de la région. Tout le problème est lié au lithium. L’impérialisme veut le lithium et mon Gouvernement voulait donner le lithium au peuple.

De même, il voulait renégocier les contrats pour que nous puissions donner des opportunités aux entreprises nationales et pas transnationales. Nous voulions aussi destiner plus de budget aux fertilisants de toutes les régions d’élevage et de toutes les régions agraires mais ils ne nous ont pas laissé faire non plus. Beaucoup d’exemples.

70 % du lac Titicaca appartient à une entreprise, ainsi que les aéroports, les routes, les péages. Tout appartient à des entreprises transnationales. Elles l’ont enlevé et ont tout soumis à une Constitution et à des décrets-lois qui ont donné une légalité à cet enlèvement de notre territoire, de nos terres et de nos voies publiques.

Mon Gouvernement a mis au point plus de 76 projets de lois destinés à récupérer le pays et aucun n’a été approuvé par le Congrès. C’était ainsi que la proposition de mon Gouvernement destiné à instaurer le ministère de la science, de la technologie et de l’innovation n’a pas été approuvé. On voulait créer une ligne aérienne nationale, créer trois aéroports et avoir un budget pour  cela et ils y ont mis beaucoup d’obstacle. Ils ne m’ont jamais laissé gouverner.

 

El Salto : Jusqu’à quel point votre position sur les concessions des entreprises minières et pétrolières a influé sur les événements ? Les multinationales européennes, concrètement espagnoles, ont-elles joué un rôle dans le harcèlement de votre Gouvernement ?

Pedro Castillo : Sur les multinationales, surtout en Europe, ce qui me vient à l’esprit ce sont les chanceliers et les ambassadeurs. Les ambassades sont un lieu de vaches sacrées. C’est un monde d’élite différent du peuple. Mon Gouvernement voulait changer les critères pour accéder à la diplomatie péruvienne, mais ils ne l’ont pas permis. Il y a beaucoup d’élitisme et de pouvoirs dans cet endroit. Les ambassadeurs qui ont réellement un sens de protection du peuple péruvien sont rares. Pour eux, mon profond respect et ma profonde admiration. Mais les ambassades ont aussi été complices des transnationales et en Europe encore plus. Les entreprises transnationales qui ont le plus contaminé sont les entreprises chinoises et aussi ce sont celles qui doivent le plus et exploitent le plus.

Dr Eduardo Pachas, Eugenio Zaffaroni et Guido Croxatto, accompagnés de l’avocate Indira Rodriguez Paredes, de l’équipe juridique du président, à l’entrée de la prison. JUILLET ZAMARRON

El Salto : Qui est, à la lumière des événements, Dina Boluarte ? Quelles ont été vos relations avec elle avant le 7 décembre ?

Pedro Castillo : Dina Boluarte, je l’ai connue parce que Pérou Libre l’a proposée comme vice-présidente. Je la connaissais de manière virtuelle. Elle n’a pas fait campagne pour le premier tour, je l’ai connu de façon présidentielle au second tour. Tout le monde me disait qu’il n’y avait personne qui la soutenait, mais qu’on pouvait l’imposer. Et (Vladimir) Cerrón l’a choisie. Je ne savais pas le genre de personne elle était et c’est pendant le parcours que je me suis rendu compte de la méchanceté de cette femme.

Ils me garantissaient qu’elle était démocrate mais ce n’était qu’une apparence. Ensuite, ils ont réellement noté les intérêts. Elle était et elle est calculatrice, ambitieuse. Elle n’avait pas de base, comme je le répète, personne ne la connaissait et dans sa région, on ne la voulait pas non plus parce qu’ensuite je me suis rendu compte que c’était une femme extrêmement raciste et classiste. Elle s’est accrochée à la lutte. Je l’ai fait connaître parce que moi, oui, j’atteignais les bases du peuple. Elle s’est obstinée à être ministre du développement et de l’inclusion sociale, jamais elle n’a voulu lâcher ce ministère. Nous avons eu beaucoup de disputes pour cela. Elle pleurait pour ne pas être déplacée de sa charge, disait qu’elle avait une famille et nous manipulait ainsi. Elle a toujours réussi à ce que nous ne la remplacions pas.

Pedro Castillo conduit ses vaches à se nourrir tandis que les journalistes le suivent, le 15 avril 2021. L’élection de Castillo en 2021 avait fait naître l’espoir d’un changement dans le système politique instable et corrompu du Pérou

El Salto : Quelle est la relation actuelle de Boluarte avec le fujimorisme et l’oligarchie péruvienne ? Se sont-ils alliés ?

Pedro Castillo : Elle travaille avec le fujimorisme, eux tous ont organisé ce complot. Elle a le soutien et le sais très bien. Tout était prêt avec la police et les forces armées. Elle, la procureure, la droite péruvienne, surtout le fujimorisme. On sait maintenant qu’elle s’était rapprochée de la droite péruvienne avant le 7 décembre 2022. Elle avait et elle a des amitiés avec la droite. Ils se sont alliés, ont discuté et c’est depuis avant, selon ce qu’on sait aujourd’hui. Elle a engagé des personnes du fujimorisme au ministère, jamais n’a donné l’occasion à ceux qui sont du peuple et des régions. Et maintenant, Et maintenant, on sait qui elle est,  elle a appelé toute la droite qui viole le plus les droits de l’homme dans son cabinet. La liste est connue. Elle a seulement donné l’apparence d’être démocrate jusqu’à ce que maintenant sa véritable personnalité soit évidente : c’est une dictatrice.

 

El Salto : Est-ce le moment de changer la Constitution fujimoriste de 1993 ?

Pedro Castillo : C’est le moment constituant. Nous n’allons pas le chercher, l’histoire nous cherche. Changer la Constitution et le souhait du peuple, sortir de l’héritage fujimoriste. Je confirme que nous avons besoin d’une Assemblée Populaire Constituante.

 

El Salto : Que pensez-vous de la décision du Congrès de ne pas avancer les élections ?

Pedro Castillo : Le congrès est discrédité. Son action n’est pas en accord avec les peuples. La majorité suit les scénarios que la presse dit dans les médias. Par exemple, pourquoi ne font-ils pas une session plénière dans une région ? Qu’ils aillent à Ayacucho, Puno, Apurímac, Ica, Cusco, des régions où il y a des assassinats par la police et les forces armées. Le peuple leur dirait ce qu’il pense. Qu’ils sortent de la bulle du Congrès et aillent voir ce que pense le peuple réellement.

 

El Salto : Quel rôle pensez-vous que le racisme a eu dans l’explosion sociale au Pérou ?

Pedro Castillo : Le racisme traditionnel qu’à vécu et continuer à vivre le Pérou, ainsi que le classisme et les inégalités sociales et économiques sont la raison pour laquelle, aujourd’hui, on vit un massacre et de multiples violations des droits au Pérou que, j’en suis sûr, les avocats exposeront avec fermeté et courage devant les instances internationales.

 

El Salto : Que pensez-vous du rôle des femmes paysannes dans les protestations ? Pensez-vous que le pouvoir des dirigeantes sociales a un poids actuellement ?

Pedro Castillo : La participation des femmes dans cette situation est historique. Je sais qu’il y a beaucoup de femmes qui se convoquent elles-mêmes pour pouvoir dire ce qu’elles pensent. La lutte des femmes est permanente. La femme est visionnaire. La femme est combattante, les femmes due la campagne, les femmes de la ville qui se solidarisent avec le peuple et avec la campagne, toutes ont une force millénaire avec une identité pour défendre leur Patrie. Elles sont tawantinsuyanas (Référence au mot quechua pour l’empire inca).

 

 

El Salto : Que doit-on faire, à votre avis, pour que cesse la violence politique contre les opposants à   Boluarte?

Pedro Castillo : On doit changer la Constitution dans le délai qu’il faut, c’est la voie dont le peuple a besoin et c’est pour cela que j’ai fait ce message à la Nation (le 7 décembre). J’ai revendiqué les peuples les plus oubliés, nous, les peuples qui, pendant 500 ans, avons vécu sous l’oppression.

La droite va toujours nous persécuter, elle va toujours vouloir nous éliminer. Et c’est quelque chose à quoi, en étant là où je suis, emprisonné, reclus, sans famille, je pense et je réfléchis le plus. Avec ma famille également persécutée, je l’ai intériorisé en tant que président et en tant que personne. Il est aussi important de dire que la violence politique va continuer si cette dictature continue. Dina Boluarte est un jouet de la droite, c’est quelqu’un comme Keiko Fujimori qui est calculatrice, décidée, sans valeurs, qui se vend au plus offrant, et maintenant elle s’est vendue à la droite, à la droite la plus rance et la plus sale. C’est une femme qui ira en prison pour violations des droits de l’homme et surtout pour crimes contre l’humanité. Elle ira en prison et la justice internationale. Il fera de même parce que le peuple le veut ainsi.

El Salto : El Salto : Avez-vous senti le soutien des présidents latino-américains dès le début de ce processus ? Pensez-vous que leurs protestations contre le coup d’Etat que vous avez subi puissent renverser la situation ?

Pedro Castillo : Mes frères, les présidents de différents pays se sont solidarisés avec le Pérou, et il est important de remercier des pays démocratiques comme la Bolivie, l’Argentine, le Chili, la Colombie, le Mexique et l’Équateur, ainsi que les peuples du Guatemala, de Cuba, de l’Italie, de la Grèce, de la France, de l’Allemagne et d’autres pays. Oui, je pense que la solidarité internationale peut renverser la situation.

 

El Salto : Que pensez-vous de la couverture qui en est faite en Espagne ?

Pedro Castillo : Sur l’Espagne… D’abord, remercier mon frère Pablo Iglesias pour sa lettre de solidarité envoyée depuis Podemos en tant que parti politique. Nous connaissons sa trajectoire. Nous remercions aussi le journal El Salto qui a eu la courage de raconter mon histoire en Europe. J’ai appris que votre journaliste Julio L. Zamarrón avait été blessé par la police et  je veux montrer ma solidarité avec toutes les personnes qui subissent ces abus.

 

El Salto : El Salto : Quel message voudriez-vous lancer à l’Espagne et en particulier à ses ressortissants qui vivent dans notre pays ?

Pedro Castillo : À mes compatriotes d’Espagne, je dirais de diffuser tout ce qui se passe dans notre pays. Pas seulement les injustices que je subis en tant que président, mais les grandes violations des droits de l’homme que commet ce Gouvernement de fait illégal. Qu’il y ait une solidarité et pas d’indifférence. Je profite pour dire à mon frère, le peuple du Mexique, qu’il peut accueillir ma famille avec un grand traitement humain. On m’a empêché de parler avec elle, je n’ai aucune sorte de communication et on ne me permet ni un appel virtuel, ni rien. Eux, mes fils, Yenifer, mes fils mineurs et Lilia, ma femme, ont subi la persécution et le harcèlement de tout le pouvoir de la presse et de la droite péruvienne.

 

 

El Salto : Comment a réagi la communauté internationale, en particulier celle des États-Unis et de l’Union européenne dans votre cas ? Comment voyez-vous la participation de ces organismes face aux violations des droits de l’homme systématiques au Pérou ?

Pedro Castillo : États-Unis tiennent bon face à l’Union européenne pour opprimer nos pays, les peuples, les communautés. C’est pourquoi ils veulent que je sois en prison et c’est pourquoi le pouvoir incrusté dans ces espaces se tait face aux violations systématiques des droits de l’homme au Pérou : assassinats, arrestations, blessés et persécution politique des dirigeants, comme dans mon cas et dans tant d’autres.

 

El Salto : En tant qu’ancien président du Pérou… Quelle issue voyez-vous à cette situation d’explosion sociale dans votre pays ?

Pedro Castillo : Je considère que je suis toujours président du Pérou. En tant que Péruvien, je ne reconnais pas ce Gouvernement génocide comme représentant du pays. Je parle non seulement en tant que président, je parle en tant que Péruvien, ce Gouvernement dictateur ne nous représente pas.

 

El Salto : Pensez-vous que vous serez à nouveau président du Pérou un jour ?

Pedro Castillo : Je continue à considérer que je suis le président légitime élu par la volonté des Péruviens.

El Salto : Que pensez-vous de l’utilisation démesurée de la force par les agents de l’État ? Pensez-vous que le Pérou est aujourd’hui une dictature ?

Pedro Castillo : L’utilisation démesurée de la force… ce n’est pas tout ce qui se passe. C’est un massacre. Ils tuent mes compatriotes. Des frères avec qui j’ai parcouru le Pérou, Arequipa, Cusco, Ayacucho. Oui, je pense que le Pérou vit un terrorisme d’Etat de la part de ce Gouvernement. Et oui c’est une dictature.

 

El Salto : Que pensez-vous des arrestations arbitraires massives qui ont  lieu au Pérou ?

Pedro Castillo : Les arrestations arbitraires sont une preuve de la dictature de Dina Boluarte. Elle a les du sang sur les mains et aussi des prisonniers politiques. Des frères et des sœurs dirigeants, justement des régions les plus frappées, aujourd’hui, leurs dirigeants sont persécuté ou en prison, comme c’est le cas d’Ayacucho. Ce Gouvernement de fait a blessé les habitants d’Ayacucho, a emprisonné les habitants d’Ayacucho et a assassiné les habitants d’Ayacucho. C’est pourquoi je demande la solidarité avec cette région frappée.

 

El Salto : Que pensez-vous des accusations de terrorisme que lance le Gouvernement de Boluarte?

Pedro Castillo : Le terrorisme est un problème psychosociologie et un mensonge qu’utilise ce Gouvernement pour nous faire taire, nous, les opposants. Moi, ils m’ont traité de terroriste dès le second tour. Quand j’étais président, ils nous ont insultés et maltraités, ils disaient que nous étions des terroristes dans la presse, et maintenant ils me mettent en prison pour un délit de rébellion que je n’ai pas commis.

 

El Salto : Comment expliqueriez-vous, pour une communauté européenne, le terme “terruqueo”?

Pedro Castillo : Le terruqueo, et c’est toute action de la part de ceux qui critiquent le système qu’ils appellent acte terroriste et cela vient de la droite péruvienne, des groupes de pouvoirs : la presse, la police ou le procureur. Ça commence avec des insultes, et ça peut finir avec des procès pour terrorisme contre des personnes innocentes comme moi et tous les dirigeants. Ils me voient comme un monstre, c’est ce que la presse internationale a construit comme récit. Je suis le président élu par tous les Péruviens par un vote populaire. Je ne suis pas un terroriste et je n’ai pas commis le délit de rébellion, ni de conspiration dont on m’accuse. Je n’ai jamais porté une arme de ma vie.

 

El Salto : Que pensez-vous des gens qui sont emprisonnés parce qu’ils demandent une nouvelle Constitution ?

Pedro Castillo : Je suis emprisonné sans communication, ils persécutent ma famille, mes avocats, tout le monde. Je suis ici à cause de ce que je pense, j’ai dit au niveau national dans le message à la Nation qu’une Assemblée Populaire Constituante est nécessaire pour avoir une nouvelle Constitution et je ne renonce pas à ce rêve. J’admire le courage de tous mes compatriotes et de mes frères emprisonnés et assassinés pour avoir demandé la même chose. Ce sont les héros du pays, et je manifeste ma solidarité avec les familles en deuil.

 

El Salto : Quel est actuellement votre statut ?

Pedro Castillo : Je suis en prison préventive pour 18 mois, injustement pour un délit de rébellion que je n’ai pas commis. Le Ministère Public et le Pouvoir Judiciaire du Pérou m’ont mis derrière les barreaux. Ils ont ouvert beaucoup de procédures qui n’ont aucune raison d’être. Toutes les affaires et tous les dossiers répondent à l’application erronée et illégale du système judiciaire, en utilisant l’appareil judiciaire pour faire passer pour des criminels des personnes qui veulent changer le Pérou et nous sommes considérés comme des ennemis des appareils du pouvoir. J’ai plus de 60 dossiers pour même fait qui, selon le procureur, et corruption. Tous pour un seul fait, ce qui est illégal. Ils continueront à m’ouvrir des dossiers mais je ne suis pas en prison pour cela. Je suis en prison pour la procédure pénale que la procureur et la police nationale du Pérou m’ont ouverte pour rébellion et conspiration. Ils disent que je me suis levé en armes alors que c’est un mensonge. Je n’ai jamais porté une arme et jamais je ne le ferai. Je n’ai commis aucun délit. Cela arrive dans d’autres pays avec des collègues anciens présidents comme Cristina Kirchner en Argentine, Lula au Brésil, Rafael Correa en Équateur et d’autres.

 

El Salto : Sur quoi basez-vous votre défense ?

Pedro Castillo : Depuis le début, j’ai subi la violation de mes droits à un procès correct. Mes avocats se battent pour ma liberté et pour un procès juste. Je veux remercier mon équipe de défenseurs qui s’est renforcée peu à peu : des avocats nationaux et internationaux de prestige : l’équipe principale est composée par le Réseau National des Droits de l’Homme en charge de l’avocat vénézuélien, Asdrubal Gonzales. L’avocat péruvien, Wilfredo, Robles, et récemment les avocats pénalistes des droits de l’homme Indira Rodriguez, Eugenio Zaffaroni et Guido Croxatto m’assistent également. Tous sont des spécialistes engagés envers les droits de l’homme, avec une expérience dans la défense d’affaires pénales qui comportent des violations des droits. Ils ont défendu des affaires complexes et c’est pourquoi je les ai convoqués et choisis. Ils ont beaucoup de professionnalisme et de fermeté dans l’idée que ce qui se passe au Pérou est plus grave que ce qu’on sait. Au Pérou, l’État de droit n’existe déjà plus. Tous mes droits ont été violés.

Les avocats Nicolás Bustamante, Eduardo Pachas, Sifuentes et Walter Ayala Me défendent aussi dans les affaires sur les faces accusations de corruption. Je lui remercie pour avoir présenté un habeas corpus pour défendre ma liberté, la put elle des droits et aussi la nullité de ma destitution. Chacun d’eux, depuis les domaines constitutionnel et pénal, est en charge de ma défense et de ma liberté. Tous mes avocats, en coordination pour la défense de mes droits. On a beaucoup parlé de façon tendancieuse de mes avocats, de la quantité d’avocat que j’ai, sur le fait qu’il y en a beaucoup. C’est vrai, il est évident qu’en ayant tellement de violations de mes droits, j’ai besoin d’une équipe de défense courageuse pour me défendre et pour ma liberté. Ils subissent la persécution et la diffamation, ils sont accusés par la presse traditionnelle qui répond à la droite péruvienne.

C’est le juge César Sans Martin qui a fait emprisonner Alberto Fujimori, le plus grand dictateur de ces dernières années, coupable de crimes contre l’humanité. Il a été admiré pour cela. Aujourd’hui, ce juge perd toute crédibilité et toute indépendance puisqu’il me juge comme un criminel, et qu’il n’est pas à la hauteur du juge juste qu’il devrait être. Je suis le président du Pérou, et on m’a emprisonné pour un délit de rébellion que je n’ai pas commis.

 

El Salto Diario Février 2023

Traduction Françoise Lopez 

 Bolivar infos 13 Février 2023

 

 

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