Le lent assassinat d’une nation

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Il y a longtemps que le pays traverse des moments de grandes difficultés.  Un drame en rappelle un autre. En fait, il n’a jamais connu de paix réelle. C’est l’unique pays qui, au lieu de faire un bond en avant ne cesse de régresser et cela à tous les niveaux.

Ce n’est donc pas le fruit du hasard, si présentement le pays agonise et est au bord du gouffre et offre justement le spectacle pathétique d’une nation en voie de dissolution. Le pays a été et continue d’être victime d’une guerre d’agression constante et permanente due à une série de facteurs bien orchestrés tels que : boycottages, chantages, sabotages. Tant de violences arbitraires et d’arrogances contre les masses populaires, juste pour nous humilier, nous effacer de la carte du monde par n’importe quel moyen, assurément une façon démentielle de nous faire payer notre révolution antiesclavagiste et anticoloniale de 1803 et 1804.

Au lieu d’une quelconque amélioration, les choses s’empirent davantage. Tout ce que nous avions construit ont été détruits comme un château de cartes soit par le séisme néolibéral soit par de véritables opérations révoltantes « d’autodestruction ».

Au lieu de se réduire, les inégalités sociales engendrées par un système capitaliste excessivement discriminatoire contre les masses laborieuses se sont amplifiées au point que les besoins humains et sociaux les plus élémentaires et les plus vitaux sont outrancièrement ignorés.

Si rupture il doit y avoir, comment pourrait-on sortir du marasme actuel avec les mêmes acteurs, les mêmes forces conservatrices et traditionnelles qui sont encore plus puissantes que jamais?

Les entreprises nationales pouvant donner aux citoyens accès au travail n’existent plus. L’éducation a perdu toute sa valeur d’antan. Nous vivons indignement dans la pauvreté sociale et morale la plus honteuse, sans aucun sentiment de révolte.  Nous sommes réduits à un pays sans de sérieuses écoles compétentes, sans des hôpitaux pouvant desservir la population misérable, sans électricité pour tous et sans aucune structure de santé valable. La justice haïtienne est en constante défaillance. La Cour de cassation n’est-elle pas dysfonctionnelle depuis plus de deux ans ? Le Palais de justice de Port-au-Prince ne fonctionne plus au Bicentenaire à cause d’une insécurité programmée, qu’on veut même institutionnaliser. Elle est devenue nomade !

C’est le pire qui s’installe à travers cette insécurité majuscule à Martissant, Croix-des-Bouquets et dans d’autres endroits du pays. Ce n’est qu’une voie ouverte à de nouveaux désordres, violences et barbaries, dont le terreau est l’injustice, l’humiliation et le mépris, le tout couronné et amplifié d’une inflation galopante. Toutes les conditions semblent réunies afin de permettre à l’engeance politicienne irresponsable d’avancer des pions et de gagner davantage de terrain. De cette façon, elle pourra continuer à aggraver le malheur des masses laborieuses qui sont plus que jamais au bord de l’asphyxie et d’une irréversible décomposition.

Le pays ne compte ni une classe ouvrière ni une paysannerie organisées, à quoi s’ajoute une opinion publique abusée et fatiguée par la démagogie et la corruption à outrance. Le pourcentage des chômeurs et des jeunes cadres à la recherche d’un travail, même peu rémunérateur, a atteint son paroxysme ; il en résulte que la population s’appauvrit de plus en plus. Bref, le peuple abandonné à lui-même est aux abois.

Les perspectives se résument seulement à amorcer un dialogue et à se contenter d’appels à la raison, sorte de vœu pieux pour une prétendue « réconciliation » nationale et organiser de nouvelles élections.

De sorte que l’inacceptable soit servi sur un plat d’argent avec soi-disant de nouveaux visages offerts au peuple pour garantir aux élites cyniques, la possibilité de conserver leurs privilèges illégitimes et abusifs.

Un pays sans aucun dirigeant légal, constitutionnel, digne et honnête. Un pouvoir ayant comme chef, un Premier ministre soupçonné d’assassinat, des ministres dont les noms, pour la plupart, sont cités dans des transactions d’enlèvements contre rançon par la clameur publique. Pour satisfaire nos détracteurs occidentaux, nos dirigeants ont accepté de souiller leur propre histoire qui chérissait la dignité, la liberté et la justice sociale pour tous.

Ne sommes-nous pas en train d’assister à un suicide latent d’Haïti en tant que nation ? Le journaliste Hérold Jean-François, directeur de Radio Ibo, l’avait bien signalé dès 2005 que « notre pays marche irréversiblement vers un suicide collectif, vers sa perte, sa disparition comme entité nationale, si ses différentes composantes, à la lumière du constat d’échec, ne font rien pour un renouveau ».

Si rupture il doit y avoir, comment pourrait-on sortir du marasme actuel avec les mêmes acteurs, les mêmes forces conservatrices et traditionnelles qui sont encore plus puissantes que jamais ? La conjoncture jusque-là a mis en évidence des choix suffisamment confus qui n’ont pu que créer l’illusion d’une politique au mieux réformiste, certainement pas progressiste.

En tout état de cause, une chose est certaine et sûre, cette nouvelle et douloureuse épreuve, ajoutée aux souffrances quotidiennes qu’endure le peuple haïtien depuis des années, ne profite qu’à ses implacables ennemis : les nantis des classes dominantes, grands criminels de l’histoire du pays, les maîtres de la contrebande et des trafics illicites à grande échelle et dont leur patron est l’impérialisme américain.

Un pays qu’on est vraiment en train d’assassiner à petit feu, et qu’on laisse s’éteindre  cruellement, lâchement, dans le désespoir et la misère. Il est temps que les masses exploitées, opprimées réagissent pour stopper cet assassinat afin que le sang du peuple ne soit pas inutilement répandu sur l’autel de vagues querelles démagogiques et de trahison d’une élite arrogante, servile, méprisable, mais au service d’une cause noble et juste, d’un projet collectif épanouissant, ce dans l’intérêt du peuple haïtien en général.

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