Il y a un an, l’assassinat du 58e Président d’Haïti !

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Jovenel Moïse

7 juillet 2022, cela fait un an. Une année depuis que le Président de la République, Jovenel Moïse, a été minutieusement torturé et massacré chez lui devant son épouse et ses enfants. Un meurtre opéré par un commando d’assassins au service des oligarques politiques et économiques d’Haïti. Une année depuis que ce dossier court les Cabinets des juges d’instruction. Une année aussi que les juges d’instruction se passent et se repassent le dossier.  Enfin, une année qu’aucun des cinq juges d’instruction désignés par le Doyen du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Port-au-Prince, Me Bernard Saint-Vil, n’a pu ouvrir, même sommairement, le dossier. Bref, un an que le dossier traine, un an donc qu’on cherche à faire l’impasse sur ce magnicide des temps modernes en Haïti. 7 juillet 2021, fut l’émoi en Haïti. Très tôt dans la matinée, le pays apprend qu’un homme a été assassiné. Cet homme, un chef d’Etat en fonction, il s’appelait Jovenel Moïse.

Depuis, plusieurs personnes ont été arrêtées en Haïti, en Turquie, en Jamaïque, en République dominicaine et au Panama. D’autres, toujours en cavale, entre autres, Joseph Félix Badio, le cerveau présumé du complot, ou mort en prison, le cas de l’homme d’affaires Marie-Jude Gilbert Dragon, décédé du Covid-19 au Pénitencier national à Port-au-Prince. Depuis, ils sont incarcérés un peu partout, en Haïti pour une grande partie. A Ankara en Turquie où l’un des suspect, l’homme d’affaires haïtiano-jordanien Samir Handal, a été intercepté en novembre 2021. Mais la Cour pénale d’Istanbul a fini par le libérer le lundi 4 juillet 2022 expliquant que les pièces fournies par les autorités et la justice haïtienne ne mentionnent pas clairement l’implication du fugitif pour les faits qui lui sont reprochés. Du coup, la justice turque a rejeté la demande d’extradition de Samir Handal formulée par la justice haïtienne. Aux Etats-Unis, en Floride, où un certain nombre d’entre eux est inculpé et placé en détention.

Ces individus sont plutôt placés sous la protection du gouvernement américain qui veut protéger certains de ces criminels qui ont longtemps travaillé pour divers Services fédéraux de ce pays. Autant dire qu’il sera difficile pour l’Etat haïtien, totalement sous la dépendance de Washington, de soustraire un de ces assassins de leur prison et de les ramener en Haïti pour répondre de leurs actes. Il n’est pas anodin de le signaler, pour l’heure personne n’a été ni interpellée ni fait l’objet d’arrestation dans le cadre de cet horrible assassinat. Alors même qu’il est prouvé que le projet d’assassinat a été monté et financé presque exclusivement sur le territoire américain avec, en prime, certains individus de nationalité américaine. Curieux ! D’autres, comme l’ancien sénateur haïtien John Joël Joseph réfugié clandestinement au Jamaïque après l’assassinat et vivant dans l’anonymat comme un paysan dans un village perdu du nom d’Elizabeth avec sa femme et ses deux enfants, ont été démasqués et cueillis par la gendarmerie locale par hasard.

De gauche à droite : Joseph Félix Badio le cerveau présumé du complot, un proche ami de l’actuel Premier ministre a.i Ariel Henry, est toujours en fuite

Il a été depuis exfiltré vers les Etats-Unis où il a été présenté à un juge fédéral qui l’a inculpé pour assassinat dans le meurtre du Président haïtien. Deux autres complices, le colombien Mario Antonio Palacios, ex-officier de l’armée colombienne qui a travaillé pour le service secret américain, arrêté à Panama City alors qu’il était en transit pour rentrer dans son pays et Rodolph Jaar un haïtiano-chilien arrêté en République dominicaine ont été, eux aussi, inculpés par la justice américaine pour le même motif après avoir été extradés vers les USA. En gros, c’est un total de 40 individus de diverses nationalités suspectés pour leur participation dans l’assassinat du chef de l’Etat qui sont placés sous les verrous à Port-au-Prince sans qu’aucun d’entre eux ne soit formellement jugé et condamné. Celui que tous désignent comme le véritable homme de main et exécutant clé du complot, semble-t-il, un proche ami de l’actuel Premier ministre a.i Ariel Henry, Joseph Felix Badio, est toujours en fuite. Officiellement, ce présumé suspect numéro un est activement recherché par la justice haïtienne, la police nationale d’Haïti et Interpol.

N’empêche, Badio demeure introuvable depuis plus de douze mois de recherche. Mais, est-ce une surprise quand les autorités politiques et judiciaires haïtiennes font preuve de désintéressement dans la mesure où elles ne montrent aucun intérêt pour que le dossier puisse aboutir un jour. Prenons le cas de la justice haïtienne qui est à son cinquième juge d’instruction dans ce dossier hautement explosif. Cinq magistrats instructeurs se sont succédé depuis ce 7 juillet 2021. A chaque fois, il y a toujours un os pour venir coincer quelque part l’avancement du dossier. En effet, après les Me Mathieu Chanlatte, Garry Orelien, Chavannes Etienne et Merlan Belabre qui, pour une raison ou une autre, se sont vus soit dessaisis du dossier, soit déportés ou ont abandonné en cours de route, le doyen du Tribunal de Première Instance (TPI) de Port-au-Prince, Me Bernard Saint-Vil, a eu le plus grand mal à trouver quelqu’un qui accepte de reprendre le flambeau.

L’homme d’affaires haïtiano-jordanien Samir Handal

Après des mois de discussion avec des magistrats de différentes juridictions qui ont une certaine expérience et surtout un courage certain, le doyen a fini par convaincre le juge d’instruction Walter Wesser Voltaire du Tribunal de première instance de la capitale d’accepter de prendre en l’état le dossier presqu’un an après. Selon Me Bernard Saint-Vil, ce dernier magistrat instructeur est assez expérimenté pour conduire à terme l’enquête. Puisque, après certaines inquiétudes qui se sont exprimées par certains magistrats après la désignation de ce 5e juge d’instruction pour poursuivre le dossier, le doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince tient à apporter certaines clarifications à propos du nouveau juge : « Le magistrat Walter Wesser Voltaire évoluait avant dans le Secteur des droits humains. Il a été nommé en 2010 substitut du Commissaire du gouvernement près du tribunal de première instance de Port-de-Paix. Ensuite, il a occupé pendant 6 ans le poste de juge de siège au tribunal de première instance de Port-de-Paix et le même poste au tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets durant cette même période de temps.

 Aussi, Walter Wesser Voltaire a prêté serment comme juge instructeur au tribunal de première instance de la Croix des Bouquets avant d’être transféré comme juge et juge d’instruction au tribunal de première instance de Port-au-Prince par le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Nous souhaitons que cette désignation soit la toute dernière afin que le juge Voltaire puisse rendre une ordonnance définitive pour qu’il y ait un procès sur cet acte crapuleux à l’endroit du Président Jovenel Moïse » a-t-il précisé sur radio Vision 2000 le mardi 31 mai 2022. Des inquiétudes tout à fait légitimes dans la mesure où ce dossier est balloté de part en part et, à chaque fois, le magistrat qui le porte se trouvant soit dans l’obligation de se dessaisir pour diverses raisons soit qu’il se retire sur la pointe des pieds pour sauver sa vie et celle des siens quand il ne cherche pas à s’enrichir sur le dos de la victime qui est feu Jovenel Moïse, l’ancien Président de la République. C’est une ordonnance datée du 30 mai 2022 qui a officialisé la nomination de Me Walter Wesser Voltaire.

Certains des mercenaires haitiano-américains et colombiens qui ont participé à l’assassinat

Selon Me Bernard Saint-Vil, bien avant la désignation de ce 5e magistrat instructeur dans le dossier de l’assassinat du 58e Président d’Haïti, cette nomination a fait l’objet de plusieurs discussions avec les autorités concernées ainsi que tous ceux ayant l’autorité pour apporter aide, moyens et protection à ce nouveau juge dans le dossier. D’après le doyen du Tribunal de Première instance de la capitale, il y a eu des rencontres avec les responsables du Pouvoir exécutif, on imagine avec le Premier ministre a.i, Ariel Henry, le ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Me Berto Dorcé et le Commissaire du gouvernement Me Jacques Lafontant, et sans oublier les autorités du pouvoir judiciaire, en l’occurrence les membres du CSPJ (Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire). Tous, paraît-il, ont donné leur accord et promettent de mettre les moyens utiles et nécessaires à la disposition de Me Walter Wesser Voltaire afin qu’il puisse conduire à bien son enquête sur l’assassinat du feu Président Jovenel Moïse. Il y a deux pays qui sont censés mener des investigations dans ce dossier : Haïti et les Etats-Unis.

Un mois avant la nomination de ce dernier magistrat instructeur, la justice américaine avait de son côté nommé un Agent de sécurité du Ministère de la justice des Etats-Unis pour surveiller à ce qu’aucun document « sensible et classé sécurité nationale » ne soit divulgué au juge fédéral Jose Martinez. Selon le Rapport, ceci afin de protéger le travail des anciens informateurs (espions) travaillant pour le compte du FBI, CIA et DEA, toutes des Agences américaines de renseignements dont plusieurs des présumés assassins de Jovenel Moïse, Haïtiens et étrangers, ont été des collaborateurs. D’ailleurs, ce n’est pas innocent que tous les suspects arrêtés en dehors des Etats-Unis aient réclamé leur transfert ou leur extradition immédiate vers ce pays et décident de coopérer sans aucune difficulté avec la justice américaine. En voulant soi-disant protéger ces informateurs, le gouvernement américain ne fait que rendre crédibles et suspects les liens existant entre la plupart des criminels présumés et les Services de Renseignement des Etats-Unis surtout la DEA et le FBI très actifs depuis toujours en Haïti et particulièrement durant ces vingt dernières années.

En nommant un Agent fédéral qui filtre les informations à donner ou à rendre publiques concernant ces anciens « collaborateurs » du gouvernement américain, l’Administration de Joe Biden apporte une certaine crédibilité aux soupçons faisant croire qu’à Washington certains étaient forcément au courant du coup. Ce complot est d’une telle ampleur, s’agissant de l’assassinat d’un chef d’Etat en fonction, dans son « Pré-carré », au large de la mer des Caraïbes et dont l’épicentre des comploteurs se trouve sur le sol américain, plus exactement en Floride. Surtout, beaucoup qu’on nous présente comme étant des anciens informateurs pouvaient être, en fin de compte, des Agents « dormant » ou qui étaient toujours en activité. En tout cas, plus d’une année s’est écoulée depuis cet odieux assassinat politique et plus que jamais, même avec la nomination de ce 5e juge d’instruction dans le dossier, la justice semble être au point mort.

Puisque, plus d’un mois après cette nomination, c’est toujours silence radio à part quelques auditions réalisées et convocations lancées dans le plus grand secret. Le magistrat instructeur Walter Wesser Voltaire cherche, sans doute, où se trouvent les premiers éléments de l’enquête et l’excellent Rapport détaillé de la DCPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire) sur le meurtre du chef de l’Etat haïtien. D’autant que, depuis le début du mois de juin 2022, le Palais de justice où siège le Parquet de Port-au-Prince est occupé en permanence par les gangs de Village-de-Dieu qui s’offrent impunément le siège de la juridiction de la capitale d’Haïti comme leur QG. Un comble !

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