Dans les rues de Rio de Janeiro, l’espoir de la fin du bolsonarisme

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La grande mobilisation nationale de la campagne «Fora Bolsonaro»

Le 19 juin dernier, des dizaines de milliers de personnes ont occupé l’Avenida Presidente Vargas en réponse à l’appel à une nouvelle mobilisation nationale de la campagne «Fora Bolsonaro», dont les revendications étaient: la vaccination, l’emploi et le revenu. La mobilisation dans la capitale a été rejointe par trente autres villes de l’Etat de Rio, montrant la diffusion du mouvement, qui transforme en action le mécontentement, la colère et le chagrin qui saisit la majorité de la population face à une gestion génocidaire de la pandémie. Ce 19, nous atteignons le seuil terrifiant de 500’000 morts.

A quelques kilomètres du lieu de la manifestation, Bolsonaro lui-même participait à une cérémonie à l’Académie navale, devant un parterre de militaires complices et dépositaires des espoirs autocratiques de l’extrême droite. Cette fois, cependant, le président a préféré la discrétion et a évité de mesurer ses forces avec ses adversaires. Ses motards, apôtres de la chloroquine et provocateurs habillés en vert et jaune, n’ont pas été vus. Les rues empruntées par ses adversaires ont donc montré un Bolsonaro sous pression.

Rio, ville hôte du projet de pouvoir néofasciste milicien

La mobilisation à Rio, cependant, prend une autre dimension. La ville a été le berceau et est le siège du projet de pouvoir néofasciste milicien que Bolsonaro cherche à mettre en œuvre. C’est là que le député de l’époque est apparu comme un représentant politique de la synthèse entre les vestiges de la doctrine de sécurité nationale de la dictature militaire, sa dérivation en politique de sécurité publique exterminationniste sous forme de domination et d’exploitation territoriale par le binôme police et milices, et par les nouvelles strates d’extrême droite qui se sont développées lors de la vague anti-PT de 2015-2016. C’est dans cette ville que Bolsonaro et son clan ont leurs racines les plus profondes et les plus résistantes.

Cependant, c’est aussi à Rio de Janeiro que le bolsonarisme a produit certains de ses plus grands opposants, comme Marielle Franco, assassinée [le 14 mars 2018] par des miliciens proches du président. La résistance à Bolsonaro synthétise également certains des principaux agendas des mouvements sociaux de la ville. La lutte contre l’extermination de la population noire et des favelas, contre le racisme, le machisme et contre la LGBT phobie, contre la privatisation et la précarisation des services publics, pour la liberté religieuse et éducative, pour la préservation et l’expansion du SUS (Système unique de santé) trouvent dans «Fora Bolsonaro» un réceptacle commun. La reprise de la rue par la gauche consolide dans la ville la formation d’une majorité contre Bolsonaro, reléguant le président génocidaire à sa base sociale dangereuse mais minoritaire.

L’unité de la gauche exprimée dans l’unité du mouvement de masse

Le succès des manifestations à Rio de Janeiro et au Brésil témoigne du pouvoir de mobilisation et d’organisation de la gauche lorsqu’elle est unie face à l’extrême droite. L’articulation des fronts Brasil Popular et Povo Sem Medo et du Forum pour les libertés démocratiques, ainsi que d’importants mouvements comme la Coalition noire pour les droits, a reflété une unité plus profonde, exprimée dans la capacité «protagonistique» des partis et organisations de gauche, des mouvements de jeunesse, des tronçons représentant des catégories professionnelles et d’autres secteurs organisés. Cela a donné lieu à une manifestation diversifiée dans sa composition, mais avec des agendas clairs et un profil de gauche. Les drapeaux, les banderoles, les bannières et les t-shirts indiquent une gauche qui prend la tête de l’opposition à Bolsonaro.

L’ampleur accrue du 19J par rapport au 29M indique également un processus qui n’a pas encore trouvé ses limites. Il n’y a pas eu non plus de signes de relâchement dans les dispositions sanitaires (masques, distance, etc.) entre une manifestation et l’autre, ce qui permet de penser que davantage de personnes se sentent en sécurité pour participer à des manifestations de rue, surtout pendant que le calendrier de vaccination avance. Symbole de cette croissance, la participation du chanteur Chico Buarque, soixante-dix-sept ans, qui a fêté son anniversaire et a été vacciné avec la deuxième dose.

Ainsi, c’est dans la rue que la gauche trouve son espace de recomposition des forces, dans la lutte contre la politique de mort de Bolsonaro et de ses alliés. Alors que le président cherche refuge auprès de ses plus fidèles partisans, la gauche se montre capable de mener une large opposition, mais guidée par des programmes concrets, urgents et nécessaires, ressentis par la majorité laborieuse. Forte de ce sentiment d’urgence, une gauche unie se présente comme porteuse de l’espoir de voir enfin la fin de l’expérience du bolsonarisme au pouvoir.

 

Esquerda Online  20 juin 2021

A l’Encontre 21 juin 2021

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