Venezuela, Colombie et Equateur, reconnaissance éternelle envers Haïti !

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Haïti à la fête du journal L’Humanité, en France

On entend souvent parler de la contribution que le tout nouvel État d’Haïti et ses dirigeants aux environs des années 1806 et 1816 ont apportée aux Libérateurs et à l’indépendance de certains États de l’Amérique latine, notamment le Venezuela, la Colombie et l’Equateur formant jadis ce qu’on appelait : la Grande-Colombie.  Tous les historiens s’intéressant à cette partie du monde connaissent cette histoire. Nous voulons, aujourd’hui, mettre l’accent sur la reconnaissance éternelle de ces trois pays vis-à-vis d’Haïti et le peuple haïtien en général. Une reconnaissance qui s’est manifestée depuis l’origine de la constitution ou de la naissance de ces États. Il existe, en effet, un lien particulier entre le peuple haïtien et les peuples du Venezuela, de la Colombie et de l’Equateur d’aujourd’hui et ce, malgré que Haïti, par le fait de ses dirigeants, depuis quelques décennies, se soit placé en dehors du champ républicain, c’est-à-dire de l’idéal qui l’a consacré en tant que Nation.

Ces idéaux progressistes, humanistes et internationalistes qui l’ont conduit non seulement à son indépendance en tant que peuple mais aussi qui l’ont amené à aider d’autres peuples en lutte pour leur auto-détermination. L’Amérique latine, en dépit de sa spécificité linguistique par rapport à Haïti compte tenu du statut d’ancienne colonie française, donc francophone, demeure pour les haïtiens une terre sur laquelle ils ne se sentent pas trop éloignés de la mère patrie dans la mesure où, que ce soit le Venezuela, la Colombie ou l’Equateur, il y a un double lien qui les unit : les afro-descendants de ces pays d’une part, et bien entendu, l’approche historique d’un passé commun d’autre part. Mais, au-delà, il y a ce symbole fort, vivace et éternel qu’est l’étendard de ces trois États. Personne ne s’en souvient, peut-être même pas la population de ces pays.

Il reste que les dirigeants et ce, à tous les échelons, en tout temps et en tout lieu ne cessant de glorifier cette dote acquise au nom de la liberté partagée grâce à l’universalisme des premiers dirigeants haïtiens au cours du 19e siècle au moment où leurs ancêtres, notamment Francisco de Miranda et Simon Bolivar, savaient où aller se réfugier pour obtenir le soutien et l’aide nécessaires pour remporter la victoire sur les colonisateurs et l’armée du roi d’Espagne. Certains l’ignorent, d’autres le savent, le drapeau de ces trois États a, en quelque sorte, été conçu sur le territoire haïtien dans la ville de Jacmel par l’un des libérateurs de l’Amérique latine, Francisco de Miranda, suite à son voyage périlleux en février 1806 en Haïti en quête de supports auprès de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, le fondateur du jeune État d’Haïti. En réalité, lorsque le 12 mars de la même année il quitta le port de Jacmel dans le Sud-Est d’Haïti pour mener sa première grande offensive contre les Espagnols, c’est sous pavillon haïtien – bleu et rouge – qu’il a fait la traversée pour se protéger des attaques de l’ennemi. Il finit par hisser le drapeau de ce qu’il appela la Grande-Colombie juste au moment d’entamer les confrontations dans les eaux territoriales du Venezuela.

L’une des représentations haïtiennes à la Fête du journal L’Humanité à Brétigny-sur-Orge, France

Cet emblème, imaginé et cousu pour la première fois en Haïti, fraichement libéré du joug colonial français par une guerre sanglante et meurtrière, c’est celui qu’on connaît aujourd’hui de ces trois pays dont nous parlons : le Venezuela, la Colombie et l’Equateur. Les bandes bleu et rouge qu’on retrouve en-dessous représentent tout naturellement celles d’Haïti symbolisant la liberté et Miranda, le libérateur, pour se différencier, n’avait qu’à rajouter la bande jaune rappelant à ce moment, le soleil de la Grande-Colombie. De nos jours, ces trois couleurs symbolisent : Richesses, Mers des Caraïbes et le Sang versé par les peuples pour l’indépendance. Ce symbolisme du drapeau marque le premier acte tangible et indélébile de gratitude des dirigeants de ces États envers la République d’Haïti. D’ailleurs, malgré l’échec de Miranda après sa première tentative de débarquement au Venezuela le mois d’avril suivant, les autres Révolutionnaires et notamment Simon Bolivar qui allait devenir le Libérateur de l’Amérique latine et Héros incontesté quand il proclama en 1819 la République de la Grande-

Colombie, ce drapeau créé à Jacmel devient encore plus puissant et est ancré davantage dans l’esprit des révolutionnaires et des peuples libérés. Certes, quelques années auparavant, nous sommes fin 1815, début 1816, le « Libertador », cerné de toute part par l’armée du Roi d’Espagne, Ferdinand II, et contraint de se réfugier quelque part, n’avait que Haïti, la seule terre libre et indépendante des Amériques à l’exception des Etats-Unis indépendants depuis le 4 juillet 1776.  Reçu en Héros par deux fois par les Haïtiens, une premières fois dans le Sud du pays dans la ville des Cayes où, par ailleurs, on élève un monument à sa gloire et une seconde fois dans le Sud-Est, encore dans la ville de Jacmel où il a passé plusieurs mois avec ses troupes après une nouvelle défaite. Le Président Alexandre Pétion le reçoit le 2 janvier 1816, le jour des Héros et des Ancêtres en Haïti, tout un symbole.

Simon Bolivar énuméra ses doléances et fut aussi comblé de tout ce dont il avait besoin pour poursuivre sa lutte pour la libération de son pays et de son peuple. Le dirigeant haïtien l’avait même autorisé à intégrer dans son armada des volontaires haïtiens chauffés à blanc pour aller se battre sur la terre de la Grande-Colombie. Là encore, l’on retrouve ce sentiment de marquer à jamais cette Reconnaissance à l’égard d’Haïti. Outre les couleurs haïtiennes faisant déjà partie intégrante des drapeaux du Venezuela,  de la Colombie et de l’Equateur d’aujourd’hui, Simon Bolivar entendait faire davantage en proposant à Alexandre Pétion de faire savoir à la terre entière que c’est lui qui est à l’origine de la libération du Venezuela.  « Dois-je faire savoir à la postérité qu’Alexandre Pétion est le libérateur de ma patrie » lui demanda-il ? « Non » répondit le révolutionnaire et chef d’Etat haïtien, avant de rajouter « Promettez-moi d’abolir l’esclavage des Noirs partout où vous commandez » ?

Une foi dans la liberté universelle qui a beaucoup marqué le libérateur sud-américain qui, dès cet instant, a gravé presque dans le marbre, en tout cas dans les mémoires, cette reconnaissance inaliénable vis-à-vis d’Haïti et de son peuple. Puisque Simon Bolivar promet à Pétion que « Ma patrie et le peuple s’en souviendront éternellement. » Ils se souviennent, en effet, dans la mesure où, depuis la victoire et l’indépendance définitives vers les années 1830 du Venezuela, de l’Equateur et de la Colombie, (hormis la proclamation de l’indépendance de la Grande-Colombie), chez les populations de ces pays, ce qui est notable dans les relations d’État à État, jamais ce « Serment » n’a été oublié ni même altéré. De Caracas à Bogota en passant par Quito, les autorités de ces pays et ce quelle que soit la conjoncture politique de chez eux et d’Haïti, ont mis un point d’honneur à poursuivre et honorer cette dette historique qu’ils ont envers Haïti et son peuple. La solidarité et l’entraide entre ces pays avec le peuple haïtien traversant les pires moments de son existence de peuple libre sont des exemples qui ne se démentent point.

Savez-vous qu’après la dissolution des Forces armées d’Haïti en 1995, responsables d’une série de Coup d’État sanglant au moment où la Communauté internationale cherchait désespérément à faire naître la démocratie en Haïti après les 30 années de dictature de la famille Duvalier, l’Equateur a été l’un des premiers à offrir son aide aux dirigeants haïtiens pour former les premiers contingents d’officiers de police devant remplacer l’ancienne armée ? Et ceci sans contrepartie et sans chercher non plus à influencer sur la politique haïtienne. C’est un modèle de coopération bilatérale Sud-Sud qui se poursuit encore aujourd’hui sans jamais avoir la moindre incidence diplomatique entre les deux pays. Avec la Colombie, l’on est dans le même cas de figure. Avec les problèmes sociopolitiques qui sévissent en Haïti depuis des décennies, le départ des Haïtiens vert la Colombie ne cesse de s’amplifier. Cherchant désespérément un point de refuge et un mieux être, le territoire colombien devient pour les Haïtiens une terre d’accueil ou de transit par solidarité et reconnaissance de cette dette perpétuelle, contrairement à d’autres pays du continent où ils sont maltraités et humiliés. Les gouvernements de Bogota demeurent irréprochables.

Par ailleurs, l’assassinat du Président haïtien en 2021 dans lequel plusieurs ressortissants, des ex-militaires colombiens, ont participé a été très mal perçu par la population colombienne surtout par les autorités qui ont tout de suite proposé leur service afin de faire toute la lumière sur cet acte odieux. Le Président colombien, Gustavo Petro, se disait choqué que des citoyens colombiens puissent participer à cette avanie contre ce peuple frère. Il y a un mois, le chef de l’État envisageait de se rendre en Haïti à la tête d’une importante délégation afin de marquer sa sympathie à l’endroit du peuple haïtien tout en disant qu’il était en partie responsable de ce qui est arrivé en Haïti. Ce sont les autorités haïtiennes de Transition qui lui ont déconseillé de faire ce voyage en raison de la détérioration des conditions de la sécurité dans le pays. Preuve que la Colombie tient toujours à garder des liens d’amitié forts, même dans des moments difficiles, avec ce pays qui fut jadis le lieu où tous les damnés de la terre pouvaient trouver refuge ou partir à la conquête de leur liberté et de leur indépendance.

La Révolution cubaine et son organe Granma présents à la Fête du journal L’Humanité à Brétigny-sur-Orge, France

Si les peuples colombiens et équatoriens n’ont cessé de manifester leur reconnaissance et leur solidarité avec leur frère d’Haïti, que dire de celui de la République bolivarienne du Venezuela ? Incontestablement, la patrie du feu Président Hugo Chavez remporte la Palme d’or. Non pas pour provoquer la jalousie chez nos amis colombiens et équatoriens, non plus d’ailleurs chez d’autres pays de l’Amérique latine entres autres, Argentine, Chili, Mexique, voire le Brésil du Président Lula. En Haïti, comme au Venezuela, c’est une évidence, les liens qui unissent ces deux peuples sont au-dessus de toute relation inter-État. Impossible ici, aujourd’hui, en quelques lignes de développer le rapport fraternel existant et les gestes de solidarité et de reconnaissance qu’ont manifesté le Venezuela et ses dirigeants envers le peuple haïtien et ce, depuis Simon Bolivar. Il ne s’agit point d’établir une sorte de hiérarchie entre les États suivant les relations qu’ils entretiennent avec Haïti et le peuple Haïtien. Nos amis colombiens et équatoriens le comprendront facilement. La richesse du Venezuela n’a rien à voir avec celle de leur pays respectif. Par conséquent, il n’y a rien d’anormal que les vénézuéliens aident davantage ceux qui en ont besoin.

Pour ne pas être trop long, nous prendrons deux exemples de solidarité du peuple de la patrie du Président Nicolas Maduro envers le peuple frère d’Haïti. Durant quasiment tout le règne du dictateur Dr François Duvalier et celui de son fils Jean-Claude, soit 29 ans de présidence à vie, les relations entre les deux pays étaient de strict minimum. La raison est simple, le Venezuela, notamment Caracas, à l’instar du Chili du Président Salvador Allende, recevait par centaine les opposants politiques à la dictature. Ce qui, paradoxalement, a déplu au pouvoir à Port-au-Prince alors même qu’il pourchassait sans pitié et sans répit ces militants politiques. Au Venezuela, que le pouvoir fut de droite ou de gauche, durant toute cette période, tous les exilés, quelle que soit leur appartenance idéologique ou philosophique, étaient les bienvenus. De ce fait, le Venezuela était devenu un « Little Haïti », premier pays de l’Amérique latine devant le Mexique  (hormis les étudiants) pour le nombre de réfugiés politiques haïtiens accueillis sur son sol.

Et l’on connaît l’histoire du Professeur et ancien Président Leslie F. Manigat, sommité intellectuelle,  politologue et grand historien haïtien qui était devenu non seulement une personnalité de haut rang en tant qu’universitaire dirigeant l’Université de Caracas mais aussi un personnage ayant une notoriété nationale dans ce pays en tant que leader politique haïtien avec son parti politique d’opposition, le RDNP créé à Caracas en 1977. Par ailleurs, à la suite du deuxième coup d’État contre le Président Jean-Bertrand Aristide, le Venezuela a accueilli celui-ci pour lui sauver la vie sans chercher à savoir s’il était de gauche ou de droite. Enfin, il reste ce geste de solidarité entre les peuples qui restera sans nul doute dans l’histoire comme l’une des grandes œuvres de la pensée politique bolivarienne mis en place par le feu Président Hugo Chavez et poursuivi par son successeur Nicolas Maduro : le programme du Fonds PetroCaribe, lequel Haïti a intégré en 2008 sous l’administration du Président René Préval.

Ce programme est un accord de coopération entre le Venezuela et 18 pays de la zone Caraïbe selon lequel Caracas s’engage à fournir du pétrole à un prix dérisoire aux pays adhérents au programme et avec un remboursement à long terme. Le bénéfice tiré de cet accord devrait permettre aux gouvernements de construire des infrastructures nécessaires au développement de leurs pays et financer des plans sociaux au bénéfice des populations concernées. Mêmes certains États des Etats-Unis d’Amérique, notamment Massachusetts, bénéficient de cet avantage pour l’achat du pétrole. Malheureusement, en Haïti, les dirigeants ont dilapidé ces Fonds et cet accord énergétique n’a finalement service que les intérêts de certains dirigeants haïtiens, puisque pas un hôpital n’a été construit sans parler des Centrales électriques construites par le gouvernement vénézuélien dans le cadre de l’accord PetroCaribe qui sont toutes tombées en ruine faute d’entretien par l’État haïtien. Voici, en quelques mots, ce qu’on peut dire de la solidarité et de la reconnaissance de l’ensemble des pays latino-américains aux Haïtiens pour leur contribution à la libération de ces pays de la domination espagnole au 19e siècle et leur accession à l’auto-détermination en tant que peuple souverain.

 

*Intervention à la Fête du journal L’Humanité à Brétigny-sur-Orge, France, le samedi 14 septembre 2024

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