2e report du référendum constitutionnel !

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Jovenel Moïse appuie la décision de faire une pause sur le référendum afin de répondre positivement à son Conseil scientifique qui s’alarme du nombre de morts de Covid-19.

Incontestablement, le projet de réforme constitutionnelle du Président Jovenel Moïse a du plomb dans l’aile. Si personne ne peut nier qu’il existe une très forte résistance de l’opposition et des acteurs de la Société civile organisée contre ce projet de nouvelle Constitution, la nature et le destin ne semblent pas non plus du côté du chef de l’Etat. Mais, obtus, le Président de la République résiste contre vents et marées et s’accroche à ce qui est pour lui une idée force. C’est le grand projet de sa vie. Il le veut, il l’aura, semble-t-il, coûte que coûte, même avec son Conseil Electoral Provisoire (CEP) un peu boiteux dans la mesure où cet organisme, depuis sa formation le 22 septembre 2020, n’a jamais été validé par la Cour de cassation. Qu’importe ! Pendant que l’opposition et une grande partie des forces vives du pays manifestent et font de l’obstruction aux démarches du pouvoir et de l’organisme électoral, le processus devant aboutir à l’organisation d’un référendum populaire sur la nouvelle Constitution suivi des scrutins généraux au cours de l’année 2021 n’a jamais cessé. Depuis l’installation du CEP et la formation du CCI (Comité Consultatif Indépendant), le groupe chargé d’écrire la nouvelle Constitution, les deux entités tentent de mettre en œuvre ce projet présidentiel suscitant espoir pour les uns et inquiétude pour les autres. 

 D’un côté, les membres du CCI s’activent à présenter le texte qui devrait être soumis au verdict de la population à travers un référendum populaire et de l’autre, les responsables du CEP mettent en place les infrastructures nécessaires en vue des diverses élections et en premier lieu le référendum constitutionnel. Annoncé dans un premier temps pour le début de l’année 2021 par le Directeur exécutif du CEP, Max Délices, « Le référendum constitutionnel est programmé pour le 25 avril 2021 » disait-il. Mais, sans qu’on lui ait jamais donné de vraies explications ni de motifs réels du premier report, la population avait appris qu’une nouvelle date avait été fixée pour le 27 juin, toujours de la même année, pour ce référendum. Vu la tension qui régnait à ce moment dans le pays, certains pensent que les autorités politiques avaient préféré faire une pause le temps, espéraient-elles, de trouver un « modus vivendi » avec les oppositions qui ne ménagent point leurs efforts afin de faire échec à ce référendum qui devait sanctionner les travaux du Comité chargé de rédiger la nouvelle Loi Mère. Finalement, malgré ce premier ajournement, aucun consensus n’a pu être trouvé entre le pouvoir et l’opposition plurielle. 

 Il faut signaler, qu’entretemps, les membres du Comité Consultatif Indépendant ont eu le temps de présenter au pays, certes, dans des situations difficiles extrêmes, deux versions de la nouvelle Constitution. Un premier texte avait été mis en circulation afin de permettre aux acteurs qui le souhaitaient et les groupes organisés d’apporter des modifications qu’ils jugeaient utiles et appropriées. Après bien des discussions et des débats au sein de la population, toujours avec beaucoup de contraintes, une nouvelle version « revue et corrigée » du projet avait été mise une nouvelle fois à la disposition des acteurs et des citoyens afin de porter de nouveaux correctifs qu’ils jugeaient encore pertinents avant la version finale qui devrait être soumise au vote le 27 juin 2021. 

 Selon toutes les parties prenantes du processus : gouvernement, CEP, CCI et même la branche de la Communauté internationale qui s’associe dans le référendum entre autres l’UNOPS, une entité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de l’OEA avec leurs techniciens et les leurs experts en matière électorale, tout était quasiment prêt pour le grand jour. Sauf que, avec Jovenel Moïse, rien ne se passe jamais comme prévu s’agissant des choses politiques et institutionnelles. Il y a toujours un imprévu. Les fameux impondérables ! En effet, le lundi 7 juin 2021, on a appris que le référendum prévu pour le 27 juin 2021 a été reporté et aucune nouvelle date n’a été annoncée. On se souvient de l’élection présidentielle de 2016, celle durant laquelle un certain « Nèg Bannann nan » devait prendre l’avantage sur tous ses concurrents après le passage du cyclone Matthew. 

Selon les responsables du CEP, cette décision est motivée par la pression de la pandémie du Covid-19 qui ne cesse d’endeuiller les familles haïtiennes.

 En fait, rien n’était joué pour le candidat du PHTK, Jovenel Moïse, avant ce terrible ouragan qui avait ravagé le grand Sud d’Haïti à une semaine du scrutin qui devait clôturer près de quatre années de campagne électorale d’un processus interminable et de soubresauts politiques en cascades. Le Président provisoire de la République d’alors, Jocelerme Privert, n’avait qu’une alternative devant lui, celle de reporter l’échéance à une date ultérieure, c’est-à-dire le 20 novembre 2016. Mettant à profit cet ajournement et le malheur de la population du grand Sud du pays, le candidat Jovenel Moïse aidé par la bourgeoisie patripoche,  antinationale eut le temps de prouver sa supériorité financière et sa tactique politique pour qu’il soit facilement imposé par les puissances tutrices. Plus de quatre ans après, va-t-on assister au même renversement de situation ? C’est la question du moment. Le référendum du 27 juin 2021 qui a été ajourné sans qu’aucune nouvelle date n’ait été annoncée par les autorités politiques et électorales ne pouvait pas mieux tomber pour le pays en lui évitant tout bonnement d’une guerre civile annoncée .  

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Mis à mal depuis le début du processus, certains restent persuadés que le 27 juin allait être une sorte de Waterloo politique pour le chef de l’Etat tant l’hostilité manifestée à l’égard de ce référendum par les oppositions a pris corps dans la société tout entière. Si en 2016, c’est un ouragan meurtrier qui a favorisé son avènement à la première magistrature suprême, en 2021, ce pourrait être une pandémie tout aussi meurtrière qui le sauvera d’une déroute électorale. En effet, le report du référendum s’appuie sur deux faits totalement indépendants l’un de l’autre. On connaît les causes qui ont poussé les autorités électorales, sans nul doute à la demande du Palais national, à prendre la décision d’ajourner le scrutin référendaire. Selon les responsables du CEP, cette décision est motivée par la pression de la pandémie du Covid-19 qui ne cesse d’endeuiller les familles haïtiennes. Humainement, il était devenu inconcevable d’organiser un tel scrutin dans un pays où il ne passe pas un jour sans qu’on enregistre un nombre considérable de morts. 

 D’ailleurs, personne ne connait vraiment le nombre de décès qu’a vraiment causé le Coronavirus depuis la parution de cette deuxième ou troisième vague accompagnée de variants venus probablement du Brésil, du Chili, d’Argentine où le Virus est en très forte progression. Cela aurait été irresponsable pour les autorités politiques d’appeler dans leurs comices les Haïtiens pour un vote pour lequel il n’y a point d’urgence. Sur ce point, les autorités ont raison de surseoir pour un temps sur le référendum. Surtout le gouvernement aurait été en contradiction avec lui-même dans la mesure où le Président de la République a dû déclarer et même renouveler l’Etat d’urgence sanitaire le 31 mai 2021 afin de sauver ce qui peut l’être dans cette recrudescence de morts et de personnes atteintes du Covid-19. Le communiqué N° 11 daté du 7 juin 2021 du Conseil Electoral Provisoire signé de sa Présidente Guylande Mesadieu a bien souligné qu’il était devenu impossible pour l’organisme électoral de poursuivre la mise en place des infrastructures et la gestion du personnel dans cette conjoncture sanitaire extrêmement préoccupante. 

 « Le Conseil électoral provisoire », écrit la Présidente du CEP, « suite au renouvellement de l’Etat d’urgence sanitaire par l’exécutif le 31 mai 2021, tenant compte  des différentes rencontres avec la cellule scientifique et le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), se voit dans l’obligation d’ajourner le scrutin référendaire du 27 juin 2021. Cette décision est motivée par les difficultés pour le Conseil de rassembler et de former l’ensemble du personnel vacataire pour la réalisation du scrutin. Par conséquent, un nouveau calendrier d’activités référendaires et d’élections sera adopté et publié par le Conseil  après les recommandations des autorités sanitaires et les avis techniques des cadres de l’institution électorale. Le Conseil Electoral Provisoire réaffirme sa détermination à accomplir sa mission en toute indépendance, de manière crédible, honnête et transparente », notent les Conseillers électoraux. Sur ce plan, le CEP du 22 septembre assure et confirme ce qu’il avait laissé présager une semaine auparavant. 

 Le moins que l’on puisse dire, le Coronavirus vient de donner un répit au Président de la République et arrache, même provisoirement, une épine des pieds du locataire du Palais national qui ne pouvait plus faire machine arrière après s’être jeté tête baissée dans la bataille référendaire en vue de faire adopter sa Constitution taillée sur mesure pour les futurs Présidents d’Haïti. Quelques minutes à peine après la note officielle de l’organisme électoral, c’est le pouvoir, par le truchement de son ministre chargé des Questions électorales et des Relations avec les Partis politiques, Mathias Pierre, qui confirme la nouvelle sur sa page Facebook  « Le CEP vient de prendre la décision de reporter le référendum du 27 juin 2021 tenant compte de la montée du covid-19 dans le pays. Des dispositions vont être prises pour la publication d’un calendrier révisé » écrit ce ministre très actif dans le processus référendaire et électoral. Soit pour le Coronavirus ! 

 Mais, il y a l’autre face de la médaille de ce report qui est on ne peut plus politique. En effet, le Président Jovenel Moïse prouve qu’il a su apprendre à faire de la politique et de la diplomatie. La décision du CEP, en parfait accord avec l’exécutif, a permis au Président de faire d’une pierre deux coups sans pour autant dévoiler son jeu. D’un côté, il appuie la décision de faire une pause sur le référendum afin de répondre positivement à son Conseil scientifique qui s’alarme du nombre de morts de Covid-19 et de la situation sanitaire aigüe dont le Dr William Pape, membre du Conseil scientifique de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et Président du Conseil scientifique haïtien pour la pandémie confirme que ce sont les variants anglais (Alpha) et celui du Brésil (Gamma) qui font plus de dégâts en Haïti avec cette deuxième vague. Tandis que qu’on commence à détecter de rares cas du variant indien (Delta) et celui Sud-africain (Beta) sur le territoire. 

Pour conclure, nous disons que le voyage de la délégation de l’OEA en Haïti n’a donc servi à rien.

De l’autre côté, le Président Jovenel Moïse a joué sa carte politique avec la délégation de l’Organisation des Etats Américains (OEA) qui devait arriver dans la capitale haïtienne quelques heures après dans le cadre des Pourparlers entre le pouvoir et les oppositions dans la crise politique qui dure depuis quatre longues années. On le sait, si le Président haïtien tient fermement à son référendum, il craint aussi que ce soit un coup d’Epée dans l’eau si l’opposition plurielle arrive à saboter l’opération. Alors, il tente par tous les moyens non seulement de convaincre les responsables de l’opposition qu’il est sincère quand il leur propose de venir s’asseoir avec lui, mais aussi il essaie de paraître bon joueur devant la Communauté internationale qui, le moins qu’on puisse dire, est loin d’être son grand soutien dans cette entreprise qu’elle différencie des autres scrutins. Autant les « amis » d’Haïti le pressent à organiser les élections générales au plus vite pour remplacer le personnel politique et particulièrement pour réinstaller le Parlement caduc depuis plus d’une année, autant ils ne sont pas du tout favorables à un référendum constitutionnel non consensuel. 

 Ainsi, pour démontrer qu’il veut coopérer et veut dialoguer avec ses adversaires politiques, Jovenel Moïse fait semblant de croire qu’il était prêt à tous les sacrifices, même à retarder le référendum. D’où son fin calcul politique : profiter de ce timing avec la présence des « Plénipotentiaires » de l’OEA dans la capitale haïtienne pour ramasser la mise politique sur une opposition qui a du mal à parler d’une seule voix même avec les étrangers sur la crise politique haïtienne. Par conséquent, histoire de paraitre aux yeux des « Emissaires » de l’OEA comme quelqu’un d’ouvert au dialogue tout en facilitant le travail de la délégation, il fait reporter le référendum sine die sans même fixer une nouvelle date tout en laissant un espace ouvert dans lequel l’OEA aurait pu intégrer ceux des oppositions qui souhaitent sortir de l’enfermement dans lequel ils se sont enfermés. Très malin de la part du Président. Puisqu’il aurait bien pu laisser le CEP donner un nouveau calendrier électoral pour la poursuite du processus. Cette porte laissée ouverte en faveur de la délégation de l’OEA avait pour conséquence de pousser l’opposition dans ses derniers retranchements et de faire paraître les leaders des oppositions comme les premiers responsables du blocage de la situation et le pourrissement de la crise politique. 

 Une stratégie qui a fort bien marché. Et pour cause. Les responsables des partis politiques qui ont rencontré les envoyés spéciaux de l’OEA sont tous tombés dans le piège.  Aucun n’a voulu céder ni assouplir sa position durant les discussions qui ont eu lieu avec les Plénipotentiaires à Port-au-Prince. Or, c’est exactement ce que cherchait le Président Jovenel Moïse qui ne veut rien lâcher ni sur la Constitution ni sur le référendum. L’opposition a sans doute été encouragée par les déclarations du Secrétaire d’Etat américain (Affaires étrangères) Antony Blinken qui, lors d’un débat avec des élus américains dont Andy Levin de Michigan et de Gregory Meeks au Capitole (Congrès américain), a répondu « Notre politique, laquelle doit se refléter dans ce que l’on dit ou fait est de s’opposer au référendum pour les raisons que vous dites. Notre position, en effet, est qu’il ne doit pas avoir lieu. C’est la position de notre gouvernement. Nous la faisons savoir » poursuit Antony Blinken. 

 Si la plupart des leaders de l’opposition voient dans les déclarations du chef du Département d’Etat américain un encouragement pour rester droit dans leurs bottes, le message n’a fait ni chaud ni froid au pouvoir. Puisque, suite aux propos d’Antony Blinken, le ministre haïtien chargé des Questions électorales et des Relations avec les Partis politiques, Mathias Pierre, a répondu dans une interview sur radio Magik9 le mardi 15 juin 2021: « Un pays ami a le droit de ne pas être en accord avec une action entreprise dans un autre pays, mais il ne faut pas oublier que le référendum est un acte souverain d’une nation, d’un peuple,  qui décide d’un nouveau contrat social, revoit le contrat de vivre ensemble qui est la Constitution. Le seul moyen pour le peuple de dire s’il est d’accord ou pas avec cette constitution, c’est à travers un processus électoral qu’est le référendum. Aux Etats-Unis, ailleurs, bref, dans tous les pays du monde, quelqu’un peut s’opposer à un processus qui,  pour moi,  est un processus souverain. Le peuple haïtien est le seul  capable de décider à travers le référendum s’il veut une Constitution ou s’il ne la veut pas ». 

 « D’ailleurs », poursuit-il, « Aucun pays étranger n’a contribué dans le basket Fund pour faciliter l’organisation du référendum. Haïti est le seul pays à avoir versé de l’argent dans le basket Fund, c’est normal car le pays est souverain. » Pour conclure, nous disons que le voyage de la délégation de l’OEA en Haïti n’a donc servi à rien. Sinon qu’à renforcer d’une part l’occupant du Palais national dans ses convictions que l’opposition n’a jamais eu en tête une quelconque recherche de dialogue pour sortir de la crise mais bien de le renverser avant le 7 février 2022. D’autre part, l’attitude jusqu’au boutiste des leaders des oppositions lors des entretiens ne fait que confirmer ce que l’organisation hémisphérique savait déjà depuis le début de la crise : aucune concession de l’opposition sur le mandat du Président Jovenel Moïse qui serait arrivé à échéance, d’après eux, depuis le 7 février de cette année. Et ce, sans compter ceux, à l’image des dirigeants du Secteur Démocratique et Populaire (SDP), qui n’ont même pas jugé utile de rencontrer la délégation. 

 Ils se sont contentés d’envoyer un épais dossier contenant leurs griefs à l’égard du Président Jovenel Moïse et leurs doléances auprès de l’Organisation des Etats Américains. En clair, le statu quo de part et d’autre de l’échiquier. En tout état de cause, le report de l’ensemble du calendrier électoral par le pouvoir, de concert avec les autorités du CEP, aura certainement des répercussions sur l’ensemble du processus électoral. Puisque les délais pour réaliser tel et tel scrutin vont certainement amener à être rallongés sans pour autant avoir un impact sur la date fatidique du 7 février 2022 qui demeure, celle-là, non négociable en Haïti même pour les morts qui auraient voté pour le candidat Jovenel Moïse lors du scrutin présidentiel de 2015. 

 

C.C

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