Les grandes batailles menées pour l’obtention du salaire minimum, il y a des semaines,
ont valu à plusieurs militants leur incarcération. Au nombre de ces incarcérés, il faut citer : Guerchang Bastia, Edouard Edwige, Joseph Valcin et Hérode César, tous des étudiants de la Faculté des Sciences humaines.
Le jeu dangereux auquel se livrent les responsables du Parquet de Port-au-Prince, est semblable au dilatoire souvent utilisé par des députés du Parlement haïtien : faire la chaise vide. Le 14 Août dernier, les prévenus ont été conduits au Parquet du tribunal de première instance de Port-au- Prince pour être entendus. En compagnies de leurs avocats, ils
ont passé toute la journée sans être entendus. Ce qui a poussé le professeur Hancy Pierre à s’exprimer ainsi « Il n’y a aucune volonté des responsables du Parquet de prendre en compte le dossier des étudiants. C’est une sorte de répression subtile qui est en train de s’installer. »
Le dilatoire est d’autant plus brûlant qu’un avocat proche du Rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti, eut à dire : « Je préfère me taire, je ne sais quoi dire ». Du dilatoire au milieu d’une tempête de protestations pour exiger la libération des détenus. Le pouvoir exécutif haïtien est tellement confortable dans ses positions, étant soutenu par la classe dominante haïtienne et par les pays impérialistes occupants que nul n’oserait soutenir la thèse de violation des droits humains dans la pays par les autorités, pas même le RNDDH de Pierre Espérance et les nombreuses instances de l’ONU, l’OEA et des pays de la Communauté européenne.
Voilà, quand les violations des droits servent les intérêts des puissants, il est urgent de taire toutes dénonciations, cependant quand ce sont les ennemis qui se font ainsi accuser, alors les tribunaux, les prisons ouvrent grandement toutes leurs portes.
Au nombre des incarcérés figure, Patrick Joseph, membre d’une organisation dénommée. « Komite pou remanbre Divivye », localité de la Cité Soleil. Des membres de cette organisation ont manifesté leur désaccord avec les forces de sécurité le vendredi 14 Août et ont exigé la libération immédiate de leur confrère.
Il faut rappeler pour l’histoire que cette localité Duvivier proche de Truitier, « haut lieu historique », oú le CEP de Jacques Bernard, de Max Mathurin, de concert avec la Minustah, a célébré la magouille consistant a déverser dans des décharges, des tonnes de bulletins pour mieux effacer les preuves que le candidat René Garcia Préval avait obtenu la majorité écrasante du suffrage exprimé, lors du scrutin présidentiel du 7 février 2006.
Il faut reconnaître à l’actif de ces populations, une énorme capacité de vigilance, malgré l’ingratitude du président face à leur décisif acte : la dénonciation devant le monde entier d’un fait irréfutable que le CEP du 7 février 2006 était malhonnête, corrompu ; que le peuple majoritaire a voté à la majorité absolue son candidat.
Qu’importe l’ingratitude du président Préval, la constante doit nécessairement être le pouvoir par l’expression de la volonté po- pulaire dans l’acte souverain du vote !
Le docteur Maryse Narcisse, ( à droite) coordonnatrice du Comité exécutif de Fanmi Lavalas et Lyonel Etienne ex- député de Fanmi Lavalas
ne pouvait, dans le cadre de sa politique d’exclusion de la majorité nationale, lui offrir la possibilité d’aller aux urnes.
Dans cette cohue du temps qui passe, les manifestations se poursuivent pour exiger des autorités l’application de la loi portant le salaire minimum à deux cent gourdes (200) et aussi la libération des personnes incarcérées. Le mardi 18 Août 2009, les employés de l’administration publique victimes des méfaits de l’application du plan néolibéral : les employés révoqués de l’APN, de l’ONA, de la Téléco, du SMCRS ainsi que les femmes victimes des coopératives, ont manifesté. Cette manifestation soutenue par les étudiants, a concentré l’essentiel des slogans contre le président Préval, qu’elle accuse d’avoir appliqué une politique totalement néolibérale, niant et rejetant les revendications des masses déshéritées.
Qu’en a-t-il été depuis au ni- veau de la Chambre des députés, qui avait osé mettre le feu aux poudres dans ce dossier du salaire minimum, après les échecs des séances du 4 et 12 Août 2009 ? Lors de la conférence des présidents des commissions tenue le lundi 17 août 2009, les députés s’étaient entendus pour pour- suivre le débat sur le salaire minimum le mardi 18 août 2009, et ils auraient pu accoucher de ce salaire minimum sans grande douleur, grands dieux !
Malheureusement, leur manque de patriotisme, leur inféodation aux privilégiés d’ici et d’ailleurs, leur tropisme (pour beaucoup d’entre eux) pour le billet vert distribué anbachal les ont poussés à accepter l’inacceptable. Au moment de mettre sous presse, nous apprenons en effet que messieurs et dames les députés et députées, 38 d’entre eux en fait, ont capitulé en caressant le salaire minimum dans le sens du poil du président Préval et des patrons et ont voté en faveur de 125 gourdes. Quelle honte ! Trente-six ont voté contre et trois d’entre eux (plus rusés) se sont abstenus.
La bataille du salaire minimum a mis à nu la société haïtienne dans toute sa profonde hideur, ses dirigeants en particulier. Une société d’apartheid dans laquelle les plus petits n’ont aucun droit, même pas celui de consommer l’essentiel pour la subsistance individuelle. Dans cette société piégée par des préjugés de toutes sortes, toutes les initiatives visant la libération matérielle et spirituelle sont suspectes et dangereuses, même un salaire de misère de 200 gourdes.
La société haïtienne telle qu’elle est aujourd’hui secrète la misère, la pauvreté, l’exploitation, l’injustice, l’indifférence le plus naturellement du monde. Donc, les masses n’ont même pas le droit d’être spectatrices de leur propre déchéance, leur initiative ne peut être que la lutte, encore la lutte et toujours la lutte.
Hervé Jean Michel