Pleins feux sur : Ricardo « Tiplum » Franck (Port-au-Prince, 1952)

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Ricardo « Tiplum » Franck

« Un guitariste inclassable »

Propulsé guitariste précoce et fils d’un guitariste pionnier, Joseph « Kayou » Franck de « La Flèche d’or » de Wébert Sicot, Ricardo a grandi dans une ambiance de cordes florissantes et extasiées. Notamment autour de ses frères ainés : Mario qui fut son chaperon musical et Wagner un autre surdoué de la guitare. C’est ainsi qu’infatué aussi hâtivement de musique, il s’élança sur les traces de son père qui lui fut aussi un prof scrupuleux, en lui dotant les secrets des cordes. Sans oublier l’influence de ‘’tonton’’ Murad Pierre de qui il a appris bien de données harmoniques. Adolescent, « Tiplum » a émergé en vedette sur le char du groupe « Yoyo » de Portail St. Joseph au cours des défilés carnavalesques des premières moitiés des années 1960. Faisant étalage de ses énormes capacités.

Son ascension devint vertigineuse, lorsqu’il fut appelé au sein du groupe de l’heure « Les Ambassadeurs » pour suppléer au guitariste Hans Félix qui ne s’entendait pas avec le chanteur Essud Fung Cap. C’est alors qu’il prit d’emblée le devant de la scène, ainsi que les premiers rôles. S’imposant avec le plus prolifique groupe de la génération mini, lequel il imprégna de son style futuriste, avec un sens poussé des accords achevés, un phrasé mélodique, tout en soliste patenté ; l’ayant propulsé comme le premier aspirant de l’art de pincer une guitare au pays. En plus de ses extravagances et de ses danses aux reflets pop, autant que de ses hystéries vocales qui commencèrent à le consacrer star. S’innovant, s’inspirant, s’extériorisant sans l’apport d’un guitariste accompagnateur ; aspergeant tout à la fois. En soliste ou en harmoniciste.

Pourtant arrivé à ce stade de grande adulation, il a commencé à donner des signes d’indépendance et d’insubordination. Déjà la rumeur courait qu’il voulait son propre groupe. D’ailleurs sur les ondes de Radio Haïti Inter, au micro de l’irremplaçable Ricot Jean-Baptiste au programme ‘’Tambour Battant’’, il se sentait bien des ailes lorsque ce dernier lui avait suggéré de produire une œuvre en solo. Cela dit, il s’embarqua alors pour une approche de troubadour ; mettant en évidence sa jovialité au lieu de son pedigree dans l’album « Tiplum et sa guitare » nanti des pièces telles : Mayi vèt bay lapipi, Sa pou fè mwen etc. Entretemps, sa relation avec « Les Ambassadeurs » s’envenima et ce fut la rupture.

Tout de suite après, il réalise son rêve, en formant un groupe plus orienté vers les cordes à la manière des « Gypsies » de Robert Martino et des « Difficiles » de E. Wooley. Cependant, l’expérience des « Bitops » fut de courte durée. Puisque sa touche voluptueuse et cérébrale ne correspondait pas à cette approche qui réclamait la simplicité mélodique. Après cette déconvenue, il alla joindre “« Les Loups Noirs », groupe rival des « Ambassadeurs » qui fit de lui un ‘’one man show’’, avec lequel il fut promu vocaliste-baroudeur et guitariste de panache « rock-and-rollant » dans quelques hits, l’ayant autorisé à être prince des Antilles francophones. Après avoir épuisé les tournées d’outre-mer avec les « loups Noirs ». il prit une pause sabbatique à New-York puis, renoua avec les « Ambassadeurs », le groupe qui le révéla et qui le retrouva dans sa plénitude.

Il continua à faire montre de sa technique hors pair. A partir d’un doigté, une dextérité et une vitesse d’exécution qui le classent parmi les meilleurs. De retour dans un groupe bousculé par la nouvelle tendance avec l’ajout d’une section d’armadas cuivrées. Spécialement dominé par les groupes antillais. Cette nouvelle association reste marquée de pétards mouillés. Par la suite, il alla s’installer à New-York o? il produisit quelques œuvres de son groupe « Makumbe ». Et éventuellement s’adonna au free-lance, brossant pour le « Mini All Stars », collaborant avec « Accolade » de New-York. De même que le groupe folk-fusion « Rara Machine ». Entre diverses randonnées de part et d’autres, incluant une production en commun avec son alter-ego Dadou Pasquet. Tout en sillonnant le monde au gré de multiples sollicitations qui l’affublent en expert de son art.

De même que d’autres traversées qui furent bien étroites pour son statut. C’est à partir de cette constatation qu’après une certaine période de remise en question et de réévaluation il a gratifié de l’œuvre de « guitare classique », d’une autre surprenante dimension sur les traces de l’incomparable Frantz Casséus. Prouvant que ce grand guitariste n’avait pas fini d’étonner. Après avoir exploré toutes les avenues de la musique ambiante, « Touch of class » l’a redéfini sous un angle cérébral et discipliné. S’attelant à développer un jeu instillé d’une fusion de classicisme, tout en l’imprégnant des valeurs percussives natives ; et de toutes les nuances harmoniques qui en découlent. Entre l’expressivité de la guitare électrique, le raffinement et la sonorité exquise de la guitare acoustique. Une approche qui l’a installé en guitariste inclassable.

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