Les chances pour une solution négociée à la crise haïtienne résultant du refus du pouvoir en place d’organiser des élections séquentielles pour le renouvellement du personnel politique du pays s’amenuisent d’heure en heure en raison du raidissement des positions des parties en présence. Depuis son accession à la Magistrature suprême de l’Etat, Michel Martelly a toujours pratiqué une politique absurde et arrogante qui ne tient compte que des intérêts de la Communauté internationale et de son clan composé de « bandits légaux » comme ils s’appellent eux-mêmes.
Les derniers évènements survenus le samedi 13 décembre 2014 au cours desquels une personne a été tuée et au moins deux autres blessées par des policiers lors d’une manifestation pour réclamer le départ du régime en place, viennent jeter de l’huile sur le feu et attisent davantage le conflit qui assombri le ciel politique haïtien. Les nerfs sont à fleur de peau au sein de la population, suite aux comportements démesurés et indécents des militaires et policiers de la MINUSTHA qui ont réagi avec brutalité et sans commune mesure pour réprimer un groupe de jeunes manifestants qui voulaient franchir une barricade. Des images postées en fin d’après-midi après la manifestation par le quotidien haïtien Le Nouvelliste donnent une idée de la réaction des soldats de la MINUSTHA qui ont fait usage non seulement de gaz lacrymogènes, mais aussi de leurs armes à feu pour tirer en direction de jeunes manifestants qui ripostaient à l’aide de jets de pierre. Au moins deux policiers-soldats de la force Onusienne ont utilisé leur Colt 45 contre des manifestants qui tentaient de s’abriter. Un autre soldat de la MINUTHA a pris position derrière son arme de guerre comme si la zone du Champs de Mars était transformée soudainement en un champ de bataille. L’un des policiers-soldats a même agressé physiquement un journaliste-cameraman qui filmait la scène en pointant son doigt au visage du journaliste en question. Ces images ont été également postées sur les réseaux sociaux. Les hommes de la MINUSTHA se sont comportés comme des bourreaux en territoire conquis, en dépit des torts déjà causés à la Nation haïtienne. Le choléra qui a déjà touché plus de huit (8.000) mille citoyens haïtiens est l’œuvre des agents de la MINUSTHA qui ont introduit cette maladie dans le pays. Rein jusqu’ici n’a été fait par l’ONU pour dédommager les parents des victimes, encore moins aussi pour présenter des excuses à toute la population pour les préjudices moraux qui lui ont été causés.
L’attitude des soldats de la MINUSTHA démontre à quel point cette force présente sur le terrain depuis plus d’une dizaine d’années, sans pour autant parvenir à pacifier le pays, travaille d’arrache-pied pour garantir les intérêts immédiats des pays du CORE Group (France, Etats-Unis, Canada….) et de l’oligarchie haïtienne dont Michel Martelly sert les intérêts économiques. Le comportement de ces soldats de la force d’occupation est plus que révoltant. Il mérite d’être puni sévèrement. Malheureusement, malgré les forfaits qu’ils ont commis en Haïti, ils ont toujours joui de l’impunité la plus totale. Quelques rares parodies de procès auraient eu lieu dans leur pays d’origine ; mais aucune instance indépendante n’a pu vérifier la tenue desdits procès.
Au-delà d’une lutte politique menée par une opposition morale pour éviter au pays de sombrer dans l’incertitude la plus totale, face à un pouvoir corrompu et totalement désavoué par la population, il s’agit d’un combat de longue haleine et de grande envergure face à des flibustiers nationaux et étrangers qui veulent faire main basse sur de maigres ressources naturelles et minières dont dispose encore le pays. En tête de liste figure l’ex-président américain qui défendait corps et âme son poulain Laurent Lamothe en déclarant que la démission du Premier Ministre haïtien serait une erreur grossière. «C’est le gouvernement le plus consistant et décisif avec qui j’ai jamais travaillé sur un large éventail de dossiers », a martelé l’ex-président américain qui auparavant s’était confessé devant une Commission du Sénat américain sur les torts irréparables qu’il a causés à Haiti dans le domaine de la production rizicole. C’est ce même président américain qui, parlant au journal Miami Herald en marge d’un sommet sur le futur des Amériques la semaine dernière en Floride, a vanté les mérites de Laurent Lamothe, lequel, selon lui, aurait attiré le plus d’investissements en Haiti.
Pour les Haïtiens qui vivent de près la réalité au quotidien et qui font face à une situation économique chaotique ces trois dernières années, il s’agit d’une déclaration immorale et provocatrice de la part d’un ancien président de l’une des superpuissances mondiales qui feint d’ignorer la vraie réalité au profit de ses intérêts propres et de son clan. Et finalement quel sera le bénéfice d’une telle démission de Monsieur Lamothe qui s’est accroché à la Primature depuis le courant de 2012, en dépit de ses maigres performances au Sénat de la République en deux fois?
Pourtant, le Premier Ministre qui a rendu le tablier officiellement dans une adresse le samedi 13 décembre, se décerne un net satisfecit de ses réalisations pendant son passage à la Primature. «Je quitte le poste de Premier Ministre avec le sentiment du devoir accompli», s’est exclamé Mr. Lamothe avec beaucoup de nostalgie dans sa voix et de déception sur son visage. «Le pouvoir corrompt». Et de fait, il s’est révélé à la fois un corrompu et un corrupteur, selon des sources parlementaires proches de l’opposition. D’ailleurs, des parlementaires proches du Palais National et/ou de la Primature ont apporté leur appui à M. Lamothe bien avant sa démission qui a été reçue par le président de la République. D’ailleurs, lors de la cérémonie officielle au Palais National pour recevoir le rapport de la Commission Consultative formée par arrêté présidentiel en date du 28 novembre 2014, M. Martelly avait évoqué l’idée de la démission de son premier Ministre dans le cadre des conclusions de ladite Commission.
Cependant, le sénateur du plateau central, Francisco de Lacruz, élu sous la bannière de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), a révélé que Laurent Lamothe avait déjà remis sa démission depuis le mois d’Octobre. Selon le parlementaire, M. Lamothe avait même pris un arrêté publié dans le journal officiel de la République, Le Moniteur, dans lequel il avait désigné le secrétaire général de la primature au poste de premier ministre par intérim pour le remplacer. Tout cela s’est passé sans que le pays en fut informé. Cette révélation du sénateur de Lacruz a de quoi jeter de l’huile sur le feu dans un pays où le régime « Tèt Kale » (Crâne rasé) devient de plus en plus impopulaire et fait face à une contestation populaire grandissante. Cette information va probablement soulever la colère des manifestants anti-gouvernementaux qui ont toujours accusé le régime en place de violer la Constitution.
Véritable marché de dupe! Justement, le rapport de la Commission Consultative présidée par le Dr. Reginald Boulos avait réclamé notamment la démission du premier Ministre et de l’ensemble de son gouvernement, du président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), Me Arnel Alexis Joseph, de la totalité des membres du Conseil Electoral et la libération des prisonniers politiques. Il est clair que les onze membres formant cette Commission présidentielle ont conforté le président dans ses démarches pour reprendre du poil de la bête après avoir été malmené par l’opposition démocratique. Mr. Martelly en sort gagnant après avoir violé à maintes reprises la Constitution de 1987 pour n’avoir pas organisé les élections séquentielles pour renouveler les deux tiers du Sénat, la totalité de la Chambre des Députes, les Municipalités et les locales.
En clair, M. Martelly tenant compte des conclusions du travail de la Commission Consultative, va bénéficier de son propre fouillis après avoir démantelé les institutions républicaines et démocratiques. Il aura la possibilité de choisir un autre Premier Ministre pour former un gouvernement garantissant les intérêts de l’oligarchie, d’organiser des élections-sélections conformes aux vœux d’une certaine communauté internationale en 2015. Il continuera ainsi à dilapider les caisses publiques. Selon le député de Gros-Morne (Artibonite) Fritz Chéry, partisan zélé du régime en place, “Le rapport consacre la caducité du Parlement et signifierait au président qu’il n’est plus nécessaire qu’il se rende devant l’Assemblée Nationale pour l’exposé général de la situation du pays”. Le député de Léogane, Danton Leger, va plus loin et ceci avec beaucoup de sagacité en déclarant que “les Parlementaires ne partiront pas en 2015 sans Michel Martelly”. Sur les ondes de Radio Caraïbes, lors de l’émission “Ranmase” le samedi 13 décembre, le député Danton Leger s’est dit prêt à “faire le sacrifice pour sauver le pays à condition que le président de la République en fasse autant.”
Evans Paul, conseillé de l’organisation Konvansyon Inite Demokratik » (Convention de l’Unité Démocratique) un adepte fidèle de Martelly et qui a participé aux pourparlers d’El Rancho, est encore aux anges pour avoir été appelé par le Chef de l’Etat pour adjoindre la Commission Consultative. Jouant le rôle de rapporteur au sein de la Commission Consultative, Evans Paul croit que le président haïtien s’est révélé “grand” en acceptant de faire des sacrifices dans le cadre des conclusions du rapport de ladite Commission. M. Paul qui était l’invité du jour sur Radio Vision 2000 le lundi 15 décembre en a profité pour envoyer beaucoup de fleurs au Président sans pour autant faire allusion aux masses rurales et des bidonvilles qui croupissent dans la crasse et la misère abjecte ; celles et ceux-là qui manifestent quasi-quotidiennement leur ras-le-bol dans les rues de la capitale et des villes de province…
La série de manifestations enclenchées par l’opposition démocratique pour réclamer le départ du président Martelly continue de faire recette, en dépit des concessions de taille que celui-ci a décidées de faire pour tenter de sauver son régime vraiment en perte de vitesse. Même la dernière tentative de l’Ambassadeur américain en Haïti, Pamela White pour essayer d’adoucir l’opposition démocratique à travers une rencontre au local de la Fusion des Socio-démocrates, a échoué pour avoir trop longtemps épousé aveuglement le régime de Martelly éclaboussé par de nombreux scandales de blanchiment d’argent, de trafic illicite de la drogue, d’arrestations arbitraires d’opposants politiques, de violations flagrantes des droits humains et autres. Dans la foulée, le Conseiller au Département d’Etat, l’Ambassadeur Thomas A. Shannon, a effectué du 10 au 12 décembre dernier une visite en Haïti sur demande, dit-on, du Secrétaire d’Etat Américain John Kerry. Il a pu rencontrer le Président et le Premier Ministre haïtiens, des leaders politiques de tous bords et des membres de la Communauté internationale. Rien n’a filtré de cette rencontre, sinon un communiqué laconique de l’Ambassade américaine en Haïti en ces termes: “Le Conseiller Shannon a été impressionné par le progrès réalisé depuis sa dernière visite, et a été particulièrement heureux de constater des avancées dans un dialogue politique dirigé par des Haïtiens”.
Entre temps la crise persiste en dépit des manœuvres diplomatiques pour y trouver une solution acceptable. Les deux parties – l’Exécutif et l’Opposition- campent sur leurs positions. Entretemps, des manifestations de rue se multiplient à l’approche des fêtes de fin d’année et du Nouvel An sur fond de crise économique aigue. L’éclairci politique n’est pas pour demain. Et le pays risque de sombrer dans le chaos inévitable à mesure que la date fatidique du 12 janvier 2015 s’approche. A ce moment-là, le Parlement sera totalement dysfonctionnel, le Gouvernement déjà démissionnaire restera-t-il indéfiniment en place pour liquider les affaires courantes de la République? Et qui des deux assurera cette gestion temporaire, Laurent Lamothe ou celui qu’il a désigné illégalement?