« Sou chak senk mil entelektyèl
Kat mil nèf san nan komokyèl »
Manno Chalmay
En réalité, Manno a été généreux, charitable, indulgent, bon prince, bon gason. Pour ma part, j’affirme que l’état komokyèl est le fait de kat mil nèf san katreven dis entelektyèl. Et après avoir vu comment le bel écrivain, le «nobilisable» Frankétienne et le non moins bel intellectuel Georges Castera se sont déshonorés devant le minable, le grossier, l’immoral, l’inculte Martelly ; après avoir été témoin de la complicité de « la grande dame de la Francophonie», Michaëlle Jean, venue faire le pitre si ce n’est la pitresse en prêtant présence agissante à la mascarade de Martelly présentant huit « passeports haïtiens », pour prouver qu’il n’est pas américain, on peut se demander si ce ne sont pas en réalité kat mil nèf san katreven disnèf intellectuels qui baignent dans la komokyèllerie. Heureusement, Anthony Phelps avait sauvé « l’honneur de la race » intellectuelle, ce matin de toutes les pitreries sweetmickystes.
Trêve de komokyèltude. Depuis cette fameuse « crise » qui secoue, étrangle le pays, il s’est trouvé une digdal, une avalasse, une avalanche d’analystes, de synthésistes, de journalistes, de paléanpilistes qui ont accouru avec leur proposition de « sortie de crise ». Celle qui semble avoir retenu le plus d’attention, celle qui semble avoir fait le plus de parler en pile, le plus de vagues, le plus de houles, le plus de sacs et de ressacs, le plus de cumes et d’écumes porte le titre tout à la fois grandiloquent, pédant et indisposant : « Alternative consensuelle pour la refondation ». De grands mots pour tuer les petits chiens.
À peine la proposition avait-elle montré l’oreille qu’un tel n’était pas d’accord avec un trait de son énoncé général. Un autre en critiquait deux traits, un autre encore trois traits, et un quatrième et dernier mec avouait que franchement il fallait tout simplement passer un trait sur le document pour « manque de consensualité ». N’est-ce pas là un trait distinctif de l’opposition ? De l’avis de ce partisan de la tabula rasa, il faudrait un décriseur qui ait de l’expérience, de la graine au cul, l’oreille et le dizon du « plus grand ambassadeur » et beaucoup de doigté, c’est-à-dire le gros pouce du ‘‘laboratoire’’, l’index du fric, le majeur des politiciens aganman, l’annulaire de la bourgeoisie, et l’auriculaire d’un dialogue national sincère.
Même dépourvu d’un naturel tabulant, je compris bien vite que l’énergumène approchait la question en chatfent, en rase-mottes, en rasa motta. Un décriseur qui ait de l’expérience, le gros pouce bourgeois, l’oreille et le dizon du « plus grand ambassadeur », et de la graine au cul ne pouvait être que le sieur André Apaid Junior, le tombeur d’Aristide. Sans vouloir verser dans la rasa-mottance gratuite, j’ajouterais sans timidité aucune que la présence de membres « lourds » de l’infâme « Collectif Non » est indispensable à mener à bien la décrisure. En 2003-2004, ils excellaient dans les exercices de trapèze et de voltige dénonciateurs. Pour la propagande saugrenue, l’ingratitude envers un glorieux bicentenaire d’indépendance, je les trouve superbes.
Bien sûr, Andoudou, kidonk Apaid, aura besoin du concours de ces « artistes, écrivains-nes, intellectuels-les, éducateurs-trices » arborant graines au cul pour créer le maximum de grabuge, de turbulences sociales, et battre le chalbari après Jovenel. D’évidence, leurs propos en 2003, plus que jamais, restent d’actualité pour les gens honnêtes concernés par les graves dérives de Jovenel et de sa bande alibabate affichant plus de quarante voleurs. On n’a qu’à changer quelques propos, transposer les situations pour se rendre compte qu’en 2019 c’est pareil à ce que c’était en 2003. Alors, prenons au mot les graines au cul de 2003-2004 :« Les inquiétudes sont grandes devant l’orientation que le gouvernement haïtien actuel est en train de donner [à un dialogue national]. Ce gouvernement travaille aujourd’hui à canaliser toute l’attention de la communauté internationale et des personnalités étrangères intéressées par [un deuxième Procès de la Consolidation] vers une campagne de propagande aux fins de légitimation d’un pouvoir usurpé et reconnu aujourd’hui comme despotique et totalitaire, négateur des principes et des valeurs à la base de [la fierté révolutionnaire dessalinienne] ».
« Les démarches [pour un dialogue national] ne constituent aujourd’hui qu’une tentative désespérée du pouvoir pour faire diversion par rapport à ses propres responsabilités et trouver un bouc émissaire en couverture à son échec. Nous reconnaissons la nécessité d’une réflexion, d’un dialogue voire d’une action à venir à la mesure de la complexité de ces notions. De telles démarches ne peuvent être envisagées qu’entre partenaires responsables partageant les valeurs fondatrices de liberté, d’égalité et de respect de la personne humaine. La dérive totalitaire, l’incompétence et la corruption qui caractérisent l’actuel gouvernement le disqualifient en ce qui a trait à la conduite [d’un dialogue national]. Merci, arrières-petits-fils de mon trisaïeul Antoine dans les Gommiers.
Où êtes-vous passé, Andoudou ? Où vous terrez-vous que vous n’entendez ces voix qui, hier encore, avaient reconnu votre grand leadership capable de réunir 184 zombis, fantômes de l’opéra du «laboratoire», eux qui parlaient d’une seule voix : « Les conditions d’existence révoltantes de huit millions d’haïtiens et d’haïtiennes ne font que se détériorer, face à l’incapacité et l’inaction d’un gouvernement qui dilapide, gaspille les fonds publics et détruit la structure administrative. De plus, ce gouvernement installe à dessein la société haïtienne dans l’insécurité aux seules fins de se perpétuer au pouvoir : les vols, les viols, les disparitions, les harcèlements et les assassinats sont en effet le lot quotidien de la population. » Quelle affaire !
Où êtes-vous passé, Andoudou ?
Violences, dilapidances, gaspillances, assassinances. Pour répéter les Québécois: rien que de tsa.
Qu’attend le « leader máximo » Andoudou pour mettre en branle, ébranler un nouveau « Nouveau Contrat social », le lancer à partir du Paradis Disco Club à Jacmel. Le symbolisme de ses 12 pages et 12 accords avait séduit douze disciples d’Emmaüs, parmi lesquels de très distingués intellectuels tels l’historien Michel Hector, le sociologue Laënnec Hurbon, la ‘communicatrice’ Magali Denis, et l’écrivaine Yannick Lahens que – personnellement – j’eusse préféré voir à l’Académie française plutôt que l’ami Dany.
C’eût été une kokènchèn première, en fait trois premières en une : une femme, une Noire, une GNBiste dans « le pays le plus pauvre de l’hémisphère ». Quel sacré coup ! Mais Hélène d’Encausse obsédée par le spectre de n’avoir jamais pu faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer avait préféré parrainer Dany qui lui avait foutu une négresse trouille avec une fake grenade au fond de sa poche de Nègre à romans aux titres aussi ronflants qu’extravagants.
Revenons au « Nouveau contrat social ». Avec ses 12 accords dans un pays où les partis politiques ne peuvent même pas s’accorder sur l’essentiel, avec ses 39 ‘engagements’ pour un pays engagé dans un combat à mort avec Belzébuth et ses diables, le ‘Contrat’ du leader Apaid ne peut que tombe à pic. Après un bain de lune, Yanick Lahens, l’oracle qui peut prédire et nous dire l’avenir, en parlait (en 2003) en terme d’« une vision commune et une volonté partagée pour la construction d’un nouveau vivre ensemble ». Bravo, femme ! Femme lunaire, femme stellaire, femme solaire du cosmos oraculaire de mon pays.
Elle avait raison, la belle Yanouch, pas lunatique pour un sou. Elle avait bien annoncé cinq années d’obscènes progrès avec Martelly : routes anlè, routes atè, routes anba tè, routes sou lanmè, routes anba dlo, routes sou tèt mòn, dèyè mòn gen mòn. Comme on était heureux ! Et puis le petit Jovenel, le minable Jovenel est venu tout foutre en l’air : vision, volonté, construction, partage, vivre ensemble. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées, progrès, démocratie, pluralisme politique, élections sincères et inclusives, éducation de qualité, free, gratuite, libre accès à d’excellents soins de santé de Bombardopolis à la pointe des Abricots. Oui, Jovenel a tout bousillé. Il doit partir, n’est-ce pas Yanounouch ?. Nous sommes entre vos mains salvatrices, Andoudou. Vous n’avez jamais été une andouille, que nous sachions…
Andoudou ne devrait pas, aujourd’hui, se défiler. Le peuple crie au secours.
Que les 184 fantômes reprennent leurs bonnes pratiques qui vous noircissent un président, un régime en deux temps et trois mouvements. Par exemple, renouveler l’épisode tortueux, macabre du massacre de la Scierie rapporté en boucle par la presse GNBIste. Les médias français et occidentaux avaient fait autant sinon pire en décembre 1989. Alors qu’en Roumanie tombait la dictature de Nicolae Ceausescu, les téléspectateurs occidentaux découvraient avec horreur les images d’un charnier à Timisoara où, affirmaient les envoyés spéciaux, gisaient des corps affreusement torturés (quatre mille morts).
L’émotion soulevée fut immense. En fin de compte, il s’avéra que les cadavres exhibés devant les caméras avaient été déterrés dans le cimetière des pauvres. Alors, pas de timidité, leader Apaid. Allons-y pour un autre fake massacre ! On se souvient aussi du macabre mensonge des couveuses koweïtiennes : soldatesque irakienne arrachant des bébés prématurés des couveuses où ils reposaient, les précipitant au sol pour les laisser agonir dans le froid. Sur ordre de Sadam ? Bien sûr. Sadam ? Un monstre, un criminel, un assoiffé de pétrole – pas Washington bien sûr – qui a scandaleusement envahi le Koweit. Alors, il méritait bien son sort.
Mais, il y a eu « aussi pire » sinon « plus pire », me rappelle un loustic. Ainsi, l’horrible assassinat de l’avocate Mireille Durocher, appartenant à la grande bourgeoisie port-au-princienne, mère de quatre enfants en bas âge, farouche opposante au président Aristide et à l’occupation du pays. Une vraie bombe politico-sociale qui hâta peut-être le kidnapping du chef de l’État quelques jours plus tard. L’auteur intellectuel du crime ? Jusqu’à présent, aucune preuve n’a encore été avancée. Mais la technique d’imputer un crime à un autre ce n’est pas nouveau. Ce n’est pour donner d’idées à personne, mais Andoudou sait que le mal existe.
Juste une parenthèse. Jacques Roche. Journaliste, poète dans la quarantaine, est kidnappé en juillet 2005. Il est affreusement torturé et est exécuté ; on lui coupe même la langue. Farah Kerbie Dessources, 20 ans, étudiante en première année à l\’Ecole normale supérieure de l\’Université d\’Etat d\’Haïti est kidnappée le 14 novembre 2006. Deux jours plus tard, elle est froidement abattue après avoir été violée, torturée par ses ravisseurs.
Le 3 décembre 2015, Lencie S. Mirville, 23 ans, étudiante en agronomie, est kidnappée, torturée et assassinée. Ses ravisseurs lui crèvent les yeux, malgré le versement de la rançon exigée. Le cadavre est balancé dans un ravin. Trois tragiques destins à peu près pareils. Pourtant, seul Roche passe pour être une victime probable du pouvoir Lavalas qu’il prenait plaisir à tisonner. Du seul poète Roche, une certaine presse a fait un martyr. Bizarre. Lisez la presse avec à côté de vous une bokit de sel.
Andoudou ne devrait pas, aujourd’hui, se défiler. Le peuple crie au secours. Les choses sont raides, roides et rudes. Doudou ne devrait pas lâcher ces ‘‘courageux’’ « artistes, écrivains-nes, intellectuels-les, éducateurs-trices » qui en 2003 écrivaient : « Déclarons refuser de nous associer à des [démarches pour un prétendu dialogue national] à travers lesquelles le gouvernement ne vise qu’à rechercher une impossible légitimité. Ne pas nous associer au gouvernement, ce n’est pas nous opposer à l’unité haïtienne, c’est au contraire la défendre ». Bravo les culs, les graines et la parole libératrice !
L’abcès sur le clou ne s’est pas fait attendre: « Invitons le peuple haïtien et les institutions et personnalités étrangères à ne pas se prêter aux manipulations et aux tentatives de séduction du pouvoir tyrannique établi actuellement en Haïti. Il serait dommage que ce pouvoir puisse à l’avenir se prévaloir de la passivité de ses victimes et/ou de l’appui de personnalités et d’institutions étrangères dont l’action, fondée sur une intention bienveillante, ne viendrait que le sortir de l’isolement auquel l’Histoire et le peuple haïtien qu’il martyrise entendent bien le condamner. » Alleluia !
Vous n’êtes pas sourd, Andoudou. Réveillez-vous, Jovenel doit partir. En dernière analyse si toutes ces cartes ne peuvent pas vous forcer à couper, il vous reste encore une dernière aile de carte : le kidnapping de Jovenel à 4 heures du mat, rechange sur le corps, par des agents spéciaux de la Navy Seal américaine qui l’expédieront non pas ad patres (ma grand-mère m’entende !) mais en République centrafricaine. Pas de kazwèl, Andoudou. Vous savez à quelle porte frapper. Montrez-vous digne de votre rôle passé de leader au cul chargé de graines… Et libera nos a malo. Et délivrez-nous du mal, enfin, de Jovenel.
À l’Histoire de dire si l’enculé que vous êtes, Andy, n’a pas perdu ses graines…
1er juillet 2019