Le Comité de médiation fait de la résistance !

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Deux membres du Comité de médiation Mgr Ogé Beauvoir de Religions pour la Paix, et Laurent St-Cyr du CCIH

Décidément, les dirigeants du Comité de médiation ne sont pas du genre à abandonner si facilement leur prise. Contre vents et marées, Mgr Ogé Beauvoir de Religions pour la Paix, Jean-Robert Charles du CORPUHA et Laurent St-Cyr du CCIH s’accrochent à la mission dont ils se croient être investis. Ces « trois larrons », comme les appelle un membre de la Société civile organisée qui soutient l’Accord du 30 août, entendent aller jusqu’au bout avec l’espoir d’arriver à convaincre tous les acteurs de la Transition de s’asseoir autour d’une table. Mission pour l’heure, semble-t-il, impossible. Dans la mesure où si les petits Accords et quelques personnalités qui souhaitent exister dans le paysage politique acceptent bien de rencontrer les trois médiateurs qui peinent à justifier leur légitimité, les « grands Accords » font toujours de la résistance. D’ailleurs, l’organisme que les membres du Bureau de Suivi de l’Accord de Montana (BSA) considèrent comme étant un « institut de sondage », continue son travail de médiation avec les acteurs qui acceptent de le rencontrer comme si, à force de persister, il finira par avoir raison sur tout le monde. C’est de la méthode Coué.

Au moment où tous les observateurs pensent que ce Comité de médiation allait annoncer officiellement qu’il se retire de la scène, faute de pouvoir convaincre l’ensemble des protagonistes et surtout les signataires de l’Accord de Montana, comme cela devient une habitude, les médiateurs ont pris le pays par surprise en publiant un Communiqué de presse sur leurs activités. Une façon peut-être de pousser les récalcitrants à se douter d’eux et leur faire comprendre qu’ils sont les seuls à vouloir refuser de reconnaître l’existence du Comité. Mais, cette offensive peut être aussi interprétée comme un signe de volonté des « Trois Mousquetaires » d’atteindre leur objectif par la patience. Alors que les membres du Bureau de Suivi de l’Accord ne désespèrent point de reprendre le contact direct avec le Premier ministre a.i Ariel Henry après la mise en veilleuse des résultats des deux tête-à-tête réussis entre Magali Comeau Denis et le chef de la Primature.

L’autre membre du Comité Jean-Robert Charles de la Conférence des recteurs, présidents et dirigeants d’institutions d’enseignement supérieur haïtiennes (Corpuha).

Quinze jours après avoir été remis sous la rampe par Ariel Henry demandant aux acteurs  sociopolitiques de se rapprocher du Comité, les trois médiateurs voulaient démontrer à l’opinion publique qu’ils n’ont jamais cessé de travailler et n’avaient pas attendu « l’Appel de l’Arcahaie » pour accélérer le processus de médiation. Ainsi, le mardi 31 mai 2022, le Comité de médiation s’est fendu d’un Communiqué de presse dans lequel les trois médiateurs ont rapporté en détail la quasi-totalité des activités qu’ils ont menées depuis leur installation en tant que tel. Selon ledit Communiqué, nous avons appris qu’« Une douzaine d’organisations sociopolitiques ont sollicité et obtenu une rencontre avec ledit Comité. Dans sa démarche, le Comité a souhaité prendre connaissance du point de vue des citoyens et citoyennes de la diaspora et des départements géographiques autres que l’Ouest. C’est ainsi que, grâce à la diligence de certains facilitateurs, le Comité a pu organiser des séances virtuelles avec des entités de six départements géographiques et deux séances avec des regroupements d’organisations de la diaspora.

 Cinq thèmes ont été au centre des échanges : l’insécurité, les élections, la Constitution, la crise humanitaire, la gouvernance. Par ailleurs, le Comité, dans le souci de ne pas prolonger davantage cette phase d’écoute, présente ses excuses aux autres groupes qui ont sollicité tardivement un entretien, de ne pas pouvoir le leur accorder. » Comme on peut le voir, l’agenda des trois médiateurs est tellement surchargé qu’ils ont dû s’excuser publiquement de ne pas pouvoir accorder audience aux flux d’organisations et de personnalités qui en ont fait la demande. Un franc succès donc pour le Comité de médiation dans sa mission. Certains diraient même que c’est un succès dépassant toute espérance pour un organisme qui, le moins que l’on puisse dire, n’a aucune reconnaissance vis-à-vis des principaux acteurs de la Transition post-Jovenel Moïse sauf, bien entendu, de la Primature et du Core Group.

Comité de médiation dont les trois membres sont issus de trois institutions différentes : Religions pour la Paix-Haïti, la Conférence des Recteurs et Présidents des Universités Haïtiennes (CORPUHA) et la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti (CCIH), mais faut-il le rappeler, ces institutions n’ont jamais ni confirmé ni infirmé qu’elles ont donné mandat à ces personnalités pour entreprendre en leur nom cette mission périlleuse qui pourrait ternir leur réputation, leur image et leur crédibilité auprès de la société. En tout cas, d’après le Communiqué paru sous la signature du professeur Jean-Robert Charles, de l’homme d’affaire Laurent St-Cyr et de monseigneur Ogé Beauvoir, ledit Comité a déjà eu des entretiens avec un ensemble d’acteurs clés de la classe politique et de la Société civile organisée. C’est le cas entre autres : « (…) d’une quarantaine de Partis politiques de diverses tendances ; de cinq regroupements politiques ; plusieurs signataires des quatre Accords politiques (…).»

Dans le Communiqué, les médiateurs n’ont pas précisé de quel bord politique se situe ces  quatre Accords quand on sait que le paysage politique haïtien, depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse, pullule d’Accords en tout genre. Il y a les pro-Ariel et de fait gravitent autour du gouvernement que dirige le patron de l’Accord de Musseau ou du 11 septembre et ceux qui soutiennent le processus engagé par l’Accord du 30 août ou de Montana qui a une tout autre lecture sur la composition du pouvoir exécutif et de la direction de la Transition. Les dirigeants du Comité de médiation n’ont pas pris le risque de citer les noms de ces Accords. De même, monseigneur Ogé Beauvoir, l’homme d’affaires Laurent St-Cyr et le professeur Jean Robert Charles qui déplorent le refus des dirigeants officiels de deux des quatre Accords de répondre à l’invitation du Comité de médiation n’ont pas spécifié lesquels de ces Accords. On imagine aisément qu’il s’agissait forcément des membres du BSA (Bureau de Suivi de l’Accord de Montana) comparant ledit Comité à un « Institut de sondage.»

Somme toute, pas rancuniers du tout, les trois médiateurs assurent qu’« Au cas où ils changeraient d’avis avant la fin du processus, le Comité reste disposé exceptionnellement à les rencontrer.» Les responsables du Comité de médiation ont aussi fait abstraction de dire que les leaders politiques qui ont répondu à leurs sollicitations sont des dissidents de la plupart des Accords qui ne le reconnaissent pas en tant qu’une entité indépendante du pouvoir. En revanche, ils n’ont pas été avares pour dire qu’ils ont déjà rencontré le Président du Sénat haïtien, Joseph Lambert et l’ensemble du Tiers des sénateurs de la République sans pour autant révéler quelle a été la teneur des discussions avec Joe Lambert toujours frustré de voir Ariel Henry encore à la tête du pays. Tandis que lui qui est un élu du peuple ayant la confiance de ses pairs et dirigeant la seule Assemblée la plus légitime de la République continue de subir l’indifférence, voire le mépris d’un Premier ministre faisant preuve de son incapacité à sortir le pays de la crise alors qu’il détient la totalité des pouvoirs.

  1. Ogé Beauvoir qui était interrogé par Marie-Lucie Bonhomme dans l’émission matinale de radio Vision 2000, « Invité du jour » du vendredi 3 juin 2022 a seulement déclaré qu’à l’issue des entretiens, le Tiers du Sénat a fait parvenir au Comité de médiation un document dans lequel les sénateurs y compris leur chef de fil, Joseph Lambert, ont exprimé leur point de vue sur la situation du pays. L’homme de l’église a aussi reconnu que les principaux Accords continuent d’ignorer les activités du Comité. Et en passant, le religieux traite de « suffisants » tous ceux qui persistent à les ignorer. Mais, toutes ces controverses ne semblent pas concerner le Comité de médiation qui poursuit son petit bonhomme de chemin sans se soucier du lendemain ni de l’usage qu’on va faire des résultats de ses travaux. Puisque ses membres ont annoncé pour bientôt un document devant servir comme un synopsis d’un protocole d’entente qui serait trouvé entre les différents acteurs en compétition pour la prise de la tête de la Transition : « Conformément à sa méthodologie, le Comité a communiqué pour validation à chaque interlocuteur le procès-verbal de la séance de travail le concernant. A partir des propositions faites par les différents groupes, le Comité prépare une ébauche de protocole d’entente qui devra refléter les grandes tendances qui ressortent des présentations.

Le comité a prévu de rencontrer le Premier ministre après les autres acteurs. Il souhaite que cette rencontre ait lieu au plus vite. Après cet entretien, l’ébauche de protocole d’entente sera finalisée et envoyée aux différents interlocuteurs pour savoir s’ils souhaitent signer cette première version sans changement ou s’ils souhaitent des modifications. Alors s’ouvrira une période de négociations qui permettra d’arriver à une entente la plus consensuelle possible et signée par le plus grand nombre possible de parties. Une séance de présentation et de signature suivra cette étape de négociations. » Peut-être dans le cadre des entretiens entrepris par Ariel Henry lui-même avec des personnalités de premier plan, entre autres, l’ancien Président Jean-Bertrand Aristide. Le moins que l’on puisse dire, le Comité de médiation qui s’est étoffé de « deux Rapporteurs professionnels et a obtenu l’appui de cinq Observateurs de la Société civile » pour ses activités paraît confiant dans sa démarche. Ceci, malgré le fait que la principale composante de l’opposition (Accord du 30 août) avec la présence du Premier ministre a.i, Ariel Henry, à la tête de la Transition ne le reconnaît pas comme une entité formée dans les règles de l’art, donc impossible pour lui de trouver un consensus entre tous les protagonistes susceptibles de relancer les négociations. Selon l’avis de plus d’un, ce document en préparation ne sera qu’un Accord parmi d’autres mais rien qui puisse fédérer l’ensemble des Accords existant.

 

 

 

C.C

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