L’accès à l’information de qualité, un idéal démocratique

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L’information est un droit

Le mot information est un polysème. Il peut avoir plusieurs sens. Tout dépend du contexte dans lequel il est employé. Dans le cadre du sujet que nous nous proposons de traiter ici, le mot information est employé dans son sens journalistique. Il peut donc désigner « un fait, un jugement que l’on porte à la connaissance d’une personne ou d’un public à l’aide de mots, de sons ou d’images ». Dans le langage de la presse, le mot information sert souvent à désigner l’action d’informer la population sur la vie publique, notamment sur les évènements qui sont au cœur de l’actualité nationale et internationale.

Dans son Dictionnaire de science politique, Mokhtar Lakehal soutient ceci : « Logiquement, l’information est une transmission neutre de messages en direction des publics concernés afin qu’ils prennent leurs dispositions, agissent ou réagissent, interviennent ou s’abstiennent, acquiescent ou désapprouvent, acceptent ou rejettent, dénoncent ou oublient, condamnent ou tolèrent, etc. »

L’un des objectifs essentiels de l’information, c’est de nous fournir les moyens de comprendre le monde et d’agir efficacement. Il existe un rapport étroit entre le genre d’information qu’on nous fournit et notre niveau de compréhension de notre société. Les comportements que nous adoptons, nos différentes manières d’appréhender la réalité sont tributaires de nos sources d’information.

L’accès à une information de qualité est sans conteste un défi majeur

À travers cet article, nous tenons à attirer votre attention sur le sens du concept d’information de qualité, la nécessité pour les citoyens d’y avoir accès et le rôle de l’État démocratique dans ce domaine.

Le sens du concept d’information de qualité

Les spécialistes du domaine de la presse ne nous permettent pas de dire avec précision en quoi consiste une information de qualité. Ils n’ont pas tous les mêmes critères devant nous permettre de mettre en lumière les caractéristiques d’une information de qualité. Pour certains, l’information de qualité doit satisfaire à trois critères : elle doit être fiable, pertinente et d’actualité. Pour d’autres, la qualité de l’information est liée à son importance, son exactitude et son utilité à l’égard du public auquel il est destiné. Pour d’autres encore, l’information de qualité ne saurait être réduite aux seuls faits d’actualité. Elle devrait prendre en compte non seulement les secteurs d’activité autres que le champ politique, mais aussi s’étendre au journalisme d’investigation et aux débats d’idées.

En réalité, on ne peut comprendre le sens du concept d’information de qualité sans se demander à quoi sert le journalisme. D’aucuns s’accordent à dire que répondre à la question de savoir quelle est l’utilité du journalisme dans une société, c’est faire ressortir le rôle que joue l’information dans la vie des citoyens. Ces derniers ont besoin d’être bien informés pour qu’ils puissent agir librement, en toute autonomie. Ce qu’il convient d’appeler information de qualité, c’est le fruit d’un travail journalistique réalisé avec un haut niveau de professionnalisme. L’information de qualité est donc celle qui est diffusée par les médias en vue d’aider les citoyens et les citoyennes à mieux comprendre le fonctionnement de leur communauté et, le cas échéant, à s’engager à la transformer.

La nécessité pour les citoyens d’avoir accès à une information de qualité

« Pas de liberté, dit-on, sans liberté de la presse. » Cette formule laisse entendre que toutes les autres libertés seraient illusoires, sans la liberté d’informer. Autant dire qu’une société où les individus sont privés d’une information divulguée selon les normes est loin d’être une société de citoyens et de citoyennes. Elle est purement et simplement une société de sujets. Ces derniers ne peuvent se prévaloir d’aucun droit.

L’accès à une information de qualité est une caractéristique essentielle d’une société qui se veut démocratique. Rappelons que dans une démocratie les citoyens doivent pouvoir jouir de leurs droits fondamentaux. Ils doivent pouvoir se mêler des affaires de la Cité. Ils doivent pouvoir s’informer des actes de leurs dirigeants en vue de se prémunir contre toute mesure arbitraire, tendant à hypothéquer l’avenir de la collectivité.

L’accessibilité d’une population à une information de qualité est l’unique moyen par lequel les médias peuvent continuer à jouer leur rôle de chiens de garde en dénonçant les dérives des autorités étatiques et en permettant aux déshérités du sort de se faire entendre.

Pour avoir accès à une information de qualité, la collectivité doit s’assurer que la presse est libre. Ce qui veut dire que les journalistes peuvent exercer leur métier dans le strict respect des normes établies. Ils ne doivent être soumis à aucune forme de censure. En ce sens, le professionnalisme des professionnels de la presse, leur sens élevé de l’éthique et leur dévouement aux intérêts de la collectivité sont d’une grande importance.

Il va de soi que c’est une nécessité pour les membres d’une société d’avoir accès à une information de qualité. Là où les citoyens ne sont pas bien informés, ils sont la proie facile des manipulateurs. Ils ne sont pas du tout armés pour jouer efficacement leur rôle dans la construction d’une véritable communauté nationale. Très souvent, ils sont l’artisan de leur propre malheur, puisqu’ils peuvent ingénument désigner les plus corrompus pour les diriger à leur détriment. Les compétitions électorales deviennent ainsi un jeu de vilains permettant aux politiciens véreux de se perpétuer au pouvoir.

Le rôle de l’État démocratique dans ce domaine

Le concept d’État est susceptible de revêtir diverses significations. En effet, les politologues s’en servent pour désigner diverses réalités. Dans le cadre du sujet qui nous préoccupe, nous entendons par État l’appareil gouvernemental détenteur de l’autorité politique. Ainsi compris, le concept d’État renvoie à l’ensemble des décideurs exerçant la souveraineté politique et s’occupant de l’administration centrale d’un pays. C’est donc cette institution qui, selon la formule wébérienne, détient « le monopole de la contrainte organisée ». Cette caractéristique particulière fait de l’État un acteur politique de premier plan.

Il convient de souligner que « dans les systèmes politiques, l’information est devenue une marchandise avec des enjeux énormes ». Dans certains régimes politiques, les autorités établies exercent un contrôle rigoureux sur les médias, pace qu’elles se sentent menacées par l’information diffusée. Celle-ci est parfois assimilée à un poison dangereux. Il faut donc éviter que la population y ait accès. Dans d’autres régimes, les autorités exercent un contrôle plutôt discret sur les médias. Elles s’évertuent à maintenir les journalistes dans une sorte d’autocensure, si bien que l’information est manipulée au détriment de la collectivité.

À dire vrai, l’on ne peut demander aux dirigeants d’un État autoritaire, encore moins à ceux d’un État totalitaire, d’œuvrer en faveur d’une presse de qualité où l’information est divulguée selon les normes régissant la matière. Dans ces types d’État, caractérisés par la concentration des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire entre les mains d’un individu ou d’un groupe restreint, la violence et la répression empêchent les citoyens de jouir de leurs droits individuels. Les libertés publiques sont donc inexistantes. Seuls les sicaires du pouvoir peuvent exercer librement leur sale besogne.

Pendant longtemps en Haïti, au cours de la longue dictature des Duvalier, la presse est restée dans ce que Bernard Diederich a judicieusement qualifié d’état squelettique. Personne ne pouvait demander aux satrapes de ce régime de favoriser l’accès à l’information de qualité à une population totalement abandonnée à son sort. Comme toutes les dictatures, le régime des Duvalier a tout fait pour bâillonner la presse libre et indépendante. Malgré les acquis démocratiques, consacrés par la constitution de 1987, force est d’admettre que la population haïtienne est loin de bénéficier des bienfaits d’une presse de qualité. Cette triste réalité est due en partie à cette prétendue transition « qui n’en finit pas » pour parler comme Pierre-Raymond Dumas.

En clair, l’information de qualité ne peut être garantie que dans le cadre d’un État de droit démocratique. Nous parlons d’État de droit pour caractériser un régime politique où tout se fait par le droit et où les droits fondamentaux de la personne humaine sont garantis. Dans un État de droit, personne n’est au-dessus du droit. Personne ne peut donc, au nom de la liberté d’informer, se permettre d’utiliser son micro, sa plume, son gadget électronique ou tout autre moyen mis à sa disposition pour se livrer à des diffamations, des dénonciations calomnieuses et tout ce qui tend à saper les fondements d’une presse responsable. Pareillement, personne ne peut, dans le cadre d’un État de droit, instrumentaliser la presse en vue de se maintenir au pouvoir.

Somme toute, l’accès à une information de qualité est sans conteste un défi majeur. Car là où elle est accessible au public elle permet d’«éduquer le peuple, de lui transmettre des messages qui aiguisent sa conscience, élèvent son âme, renforcent sa cohésion ». Elle peut donc devenir un outil de révolution sociale, vu qu’elle est susceptible de chambarder tout système d’apartheid social. Seuls les régimes véritablement démocratiques seront à même d’œuvrer à la réalisation d’un tel idéal.

Me Marc-Sony CHARLES,
Avocat au Barreau de Port-au-Prince
Directeur de JURIS-DICTIO CABINET D’AVOCATS
Docteur en Théologie
Maître en Science Politique et Relations Internationales
Professeur d’Université

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