Jovenel Moïse, une nouvelle Constitution, quoi qu’il en coûte !

(3e partie)

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Comité Consultatif Indépendant (CCI) pour l’élaboration du projet de la nouvelle Constitution en conférence de presse le lundi 7 décembre 2020 dernier, à l’hôtel Ritz Kinam II, Pétion-ville.

Il faut bien l’avouer, dans cette affaire de nouvelle Constitution, personne ne voulait croire le Président Jovenel Moïse sur parole. Aujourd’hui encore (décembre 2020), même avec l’avancement irrémédiable de son projet, le scepticisme demeure chez certains de ses opposants. Pourtant, de toute évidence et sans cas de force majeure, cela se concrétise au fil des jours et certaines activités du Comité Consultatif Indépendant (CCI) laissent même croire que le chef de l’Etat est sur le point de réussir son pari, en tout cas, tant qu’il est toujours au Palais national. À l’annonce de la nomination du CCI, organisme devant travailler à élaborer cette nouvelle Charte, l’opposition, tétanisée et prise dans des querelles intestines, n’a pas pu réagir ou n’a point jugé nécessaire de le faire comme il se doit face à ce nouveau coup de force de la présidence. Les leaders de différentes composantes de cette opposition balkanisée pensaient sans doute à un acte sans importance et sans lendemain vu qu’ils n’ont jamais cru dans aucune action posée par le chef de l’Etat. 

 Comme pour le CEP, ils espèrent une hypothétique négociation avec l’opposition plurielle qui pourrait déboucher sur le renvoi des membres du Conseil Electoral Provisoire afin de trouver un consensus avant les élections générales annoncées pour l’année prochaine. Peut-être, sur ce point ils auront raison. En ce qui concerne le Comité Consultatif Indépendant, c’est tout autre chose. La mission de celui-ci est diamétralement différente de celle du CEP. La preuve a été donnée à la mi-novembre lorsque le CCI, très silencieux après sa nomination, a donné signe de vie en faisant sa première sortie publique à travers un communiqué de presse en date du 23 novembre 2020 dans lequel il indique « Travailler sans relâche, depuis son installation, et a adopté les marches à suivre ainsi que les procédures devant aboutir à l’élaboration et la soumission à la nation du projet de la nouvelle Constitution. 

 Cette démarche qui répond à un besoin longtemps manifesté au sein de la population et des différents groupes sociaux, économiques et politiques du pays, permettra d’aboutir à l’adoption par le peuple d’une Constitution qui, tout en préservant les acquis démocratiques et les valeurs républicaines, garantira l’État de droit; les droits fondamentaux du citoyen et permettra le fonctionnement efficace et efficient des pouvoirs publics ». Cette confirmation et la volonté de précipiter les choses ont été marquées par une rencontre avec des journalistes le lundi 9 décembre 2020 afin d’annoncer la clôture de la première phase des travaux du CCI  menés tout le long du mois de novembre avec des acteurs de différents secteurs. Lors de cette Conférence de presse à l’hôtel Ritz Kinam, le sociologue Louis Naud Pierre, membre très influent du Comité, a annoncé que deux autres séances de travail seront réalisées et durant lesquelles les travaux des précédentes Commissions constitutionnelles entre 2007 et 2017 seront pris en compte. 

il n’y aura pas d’élections générales en Haïti tant que le Président Jovenel Moïse ne sera en sa possession sa nouvelle Constitution.

 Plus loin, Dr Louis Naud Pierre laisse entendre que les experts et les organisations qui ont travaillé durant cette période seront certainement consultés et invités à prendre part à la rédaction du projet final de la Constitution. Or, le CEP du 22 septembre créé bien avant n’a toujours pas démontré sa capacité à aller de l’avant encore moins de pouvoir remplir sa mission comme semble le faire l’équipe du Comité. Alors que le CCI passe déjà à une nouvelle étape de sa mission, lui qui semble bénéficier d’un a priori plus favorable du Président de la République dans la mesure où ses membres ne sont pas soumis à la même contrainte politique que leurs collègues du Conseil Electoral Provisoire qui butent sur les critiques permanentes de l’opposition plurielle. Mieux encore, le CCI semble être plus soutenu par le pouvoir qui semble attendre avec impatience le résultat des travaux pour lesquels il a été nommé. D’ailleurs, on l’a souvent évoqué depuis la mise en place de cet organisme présidé par l’ancien Président provisoire de la République, Boniface Alexandre : il n’y aura pas d’élections générales en Haïti tant que le Président Jovenel Moïse ne sera en sa possession sa nouvelle Constitution. 

 Comprenant la responsabilité politique voire historique qui leur incombe, les cinq membres du Comité doivent faire vite, très vite, afin de donner satisfaction au chef de l’Etat qui, de son côté, est soumis à une pression terrible de la part de la Communauté internationale qui le presse de donner des gages de garanties démocratiques dans sa gestion par décret depuis le dysfonctionnement du Parlement il y aura bientôt un an. Au début de décembre 2020, même le Core Group s’est alarmé des dérives antidémocratiques du Président. Il est monté au créneau pour souligner le caractère autoritaire des deux décrets présidentiels mettant à mal l’Etat de droit en Haïti : s’agissant du décret du 26 novembre 2020 sur le Renforcement de la Sécurité Publique et celui créant l’Agence National d’Intelligence (ANI). D’après le Core Group, « Ces deux décrets présidentiels, pris dans des domaines qui relèvent de la compétence d’un Parlement, ne semblent pas conformes à certains principes fondamentaux de la démocratie, de l’Etat de droit, et des droits civils et politiques des citoyens » dénonce-t-il dans une note de presse.

 Néanmoins, les critiques de cet organisme composé: des Ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, de l’Union Européenne, du Représentant spécial de l’Organisation des États Américains et de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies ne semblent pas empêcher le locataire du Palais national de dormir. Loin de-là ! En vue de faciliter le travail du CCI, les plus hautes autorités haïtiennes ont profité de la 37e Conférence ministérielle annuelle de la francophonie, pour solliciter le soutien et l’appui technique de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dans la rédaction de la nouvelle Constitution. En premier lieu, c’est le Président de la République, Jovenel Moïse qui, sur son compte twitter, en a fait l’annonce « J’ai eu, dans une ambiance empreinte de cordialité, un entretien téléphonique avec la Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo. Nous avons discuté de la révision constitutionnelle en cours et des prochaines élections » avance-il. 

L’historien ne s’explique pas l’attitude de ces deux hommes qui, selon lui, sont au crépuscule de leur vie mais qui sont en train de faire le jeu du Président Jovenel Moïse

 Sans entrer dans les détails, le locataire du Palais national laisse entendre qu’il a le soutien de la Communauté internationale dans ses démarches constitutionnelles tout en essayant de se couvrir de la protection des organisations internationales. Lors de cette 37e Conférence des ministres des Affaires Etrangères de l’OIF ce mardi 23 novembre 2020, officiellement c’est le Chancelier haïtien, Claude Joseph, qui a été le Porte-parole du chef de l’Etat. C’est lui en tant que chef de la diplomatie haïtienne qui a fait la demande au nom du gouvernement et du Président de la République alors qu’il exposait par visio-Conférence la situation sociopolitique du pays à l’organisation et surtout le dysfonctionnement de certaines  institutions avec la crise politique qui persiste en Haïti. « J’ai sollicité à cet effet le soutien en expertise de l’OIF en vue de nous accompagner techniquement dans le travail visant à doter le pays d’une nouvelle Constitution » a annoncé le Chancelier depuis son compte twitter. Très actif depuis qu’il est arrivé à la tête du ministère des Affaires Etrangères, Claude Joseph est l’un des ministres clés et l’homme lige du Président Jovenel Moïse.

 Il est sur tous les fronts diplomatiques pour la présidence de la République même quand le dossier ne le concerne point. Pour revenir au CCI et à la nouvelle Constitution, les choses avancent à grand pas et les pièces du puzzle commencent à se rassembler avec ou sans le soutien des experts étrangers qui doivent contribuer à sa rédaction. Ainsi, le 23 novembre, le CCI a mis discrètement en circulation un document en deux parties faisant office d’ébauche de travail intitulé : Eléments pour l’élaboration du projet de la nouvelle Constitution. Le premier document ayant pour titre « Note de cadrage » se révèle être un plaidoyer à charge contre la Constitution de 1987. Les cinq membres du Comité Consultatif Indépendant ont fait une analyse critique et intellectuelle de cette Charte fondamentale que personne ne veut mais dont les difficultés pour l’amender relèvent aussi du parcours du combattant. 

Rencontre du CCI le 11 décembre dernier avec certains individus de la diaspora

Tous les principaux thèmes forts ont été passés en revue par Me Boniface Alexandre, l’ex-général de brigade, Hérard Abraham, Louis Naud Pierre, Mona Jean et Jean Emmanuel Eloi. Dans ce document de 21 pages, les membres du Comité ont tenté de convaincre et de démontrer les nécessités pour lesquelles il faut enterrer la Constitution de 1987 et faire valoir avec des arguments plus ou moins solides pourquoi il faut doter Haïti d’une nouvelle Constitution. Une posture qui ne plait pas du tout au Dr Georges Michel, défenseur solitaire de la constitution de 1987, mais oh combien combatif d’une œuvre dont les jours semblent comptés. Cette fois, le dernier des Mohicans prend pour cibles l’octogénaire, ancien Président provisoire de la République, Me Boniface Alexandre, et l’ex-général de brigade et Commandant en chef des Forces armées (FADH), Hérard Abraham qui fut aussi ministre des Affaires Etrangères du gouvernement intérimaire et de facto conduit par Gérard Latortue. L’historien ne s’explique pas l’attitude de ces deux hommes qui, selon lui, sont au crépuscule de leur vie mais qui sont en train de faire le jeu du Président Jovenel Moïse (A suivre)

 

C.C

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