Huit mois après, les tenants des Accords ne bougent pas !

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La Secrétaire d’Etat adjointe américaine aux opérations de conflit et de stabilisation, Anne Witkowsky rencontre les membres de l’Accord de Montana à l’ambassade des Etats-Unis

La question que l’on peut se poser, qu’était venue faire, en Haïti, la Secrétaire d’Etat adjointe américaine aux opérations de conflit et de stabilisation, Anne Witkowsky, il y a quelques semaines ? Car, l’on ne voit pas très bien ni l’utilité ni l’intérêt de ce voyage à Port-au-Prince dans le cadre de la crise post-Jovenel Moïse. Durant trois jours, c’est-à-dire, du 7 au 9 mars 2022, l’officielle américaine s’est payée une petite balade totalement inutile, tout au moins, juste pour rencontrer les acteurs des deux camps de la Transition qui sont à la recherche d’un compromis depuis huit mois. Ce voyage a été, comme il fallait s’y attendre, un cuisant échec. De part et d’autre des protagonistes, tout le monde reste sur sa position initiale : pas de compromis possible tant que les conditions ne sont pas respectées. Finalement, même les acteurs eux-mêmes n’expliquent pas cette décision de Washington d’envoyer une émissaire dans la capitale haïtienne pour rencontrer les signataires des deux Accords sans un ordre de mission clair dans le cadre de la Transition.

Surtout, les autorités américaines qui gèrent le dossier haïtien comme leur politique intérieure, savent clairement que les porteurs de l’Accord du Montana/PEN avaient posé des conditions tout à fait nettes avant de revenir sur la table des négociations avec le Premier ministre a.i, Ariel Henry. Pourquoi déplacer une officielle alors même qu’il n’y avait aucune chance de faire bouger les lignes entre deux groupes ayant une vision opposée sur les marches à suivre pour sortir de cette crise ? C’est là toute l’interrogation. Depuis bien des jours, le groupe de Montana/PEN avait signifié un catalogue, sorte de règles de bonne conduite, au Premier ministre et par ricochet aux signataires de l’Accord du 11 septembre qu’Ariel Henry doit respecter intégralement et considérer comme étant les conditions sine qua non pour la poursuite du dialogue. Or, depuis l’envoi de cette liste exhaustive, ni Ariel Henry ni aucun de ses alliés n’ont dédaigné répondre ni donner suite à cette demande du Bureau de Suivi de l’Accord (BSA) de Montana.

il n’existe aucun canal de communication entre Montana et Musseau.

Certainement, les autorités américaines devaient être au courant que, depuis le dernier échec des pourparlers entre les deux champs, il n’existe aucun canal de communication entre Montana et Musseau. C’est le calme plat dans les relations entre les deux Accords. Aucune tentative de rapprochement et chacun reste figé sur sa certitude. L’ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince qui suit de près l’évolution de la crise sur le terrain et la marche de la Transition ne peut, elle non plus, ne pas avoir des informations laissant penser que la venue de Mme Anne Witkowsky en Haïti allait être un échec dans la mesure où rien n’indique que les acteurs étaient disposés à assouplir leur position. Donc, c’est en connaissance de cause que la Secrétaire d’Etat adjointe américaine avait pris l’avion pour Port-au-Prince sachant qu’il ne sortirait rien de nouveau entre les deux belligérants suite à sa rencontre.

Certains commencent à soupçonner Washington de vouloir ridiculiser les Haïtiens en faisant semblant que les autorités américaines s’intéressent à leur triste sort, mais, en réalité, elles se moquent éperdument d’eux. Sinon, ils cherchent les explications sur la visite fort médiatisée de celle qui est en charge des conflits et stabilisation pour l’Administration Joe Biden dans un pays plongé dans une crise quasi insoluble avec une Transition qui tourne carrément au ridicule. D’ailleurs, à en croire le quotidien Le Nouvelliste du 8 mars 2022 qui a rapporté les propos d’un membre du Bureau de Suivi de l’Accord de Montana, après la rencontre que les porteurs dudit Accord ont eu avec la chef de la Mission américaine, il n’a jamais été question de reprendre les pourparlers. Selon ce membre du BSA voulant garder l’anonymat qui a répondu aux questions de Le Nouvelliste, c’est presqu’une rencontre de routine puisqu’il avance « C’était une rencontre d’écoute réciproque ».

De gauche à droite : la Secrétaire d’Etat adjointe américaine aux opérations de conflit et de stabilisation, Anne Witkowsky, le Premier ministre de facto Ariel Henry et le ministre haïtien des affaires étrangères Jean Victor Généus

Madame Witkowsky sur la volonté des Etats-Unis de contribuer à une stabilité sur le long terme en Haïti, une nouvelle approche des relations avec les pays de la région, en insistant sur le long terme et son soutien à une solution haïtienne, un pacte politique entre les Haïtiens. Le BSA sur sa compréhension de la crise haïtienne, séculaire, multidimensionnelle et sur les fondements du processus de Montana, les étapes accomplies jusqu’ici. Il n’a pas été question du dialogue avec Dr Ariel Henry, ni de la conjoncture » en clair, c’était juste une petite promenade de santé pour l’américaine qui voulait voir du pays et redire aux tenants politiques du pays ce qu’ils ont déjà entendu à chaque visite d’un officiel du pays de l’Oncle Sam à Port-au-Prince. En fait, si l’on regarde les trois réactions faisant suite à cette visite, l’on comprendra qu’il n’était en rien d’encourager un quelconque dialogue entre les frères ennemis. Tous les Tweets  et communiqués émis par les trois parties vont dans le même sens. Aucun ne révèle une discussion qui serait portée sur la grande préoccupation et inquiétude de la population à savoir la sortie de la crise et une harmonisation de la Transition pour une meilleure gestion du pays en attendant de nouveaux scrutins.

Si l’on prend dans l’ordre les déclarations, d’après le Tweet de la Secrétaire d’Etat adjointe, Anne Witkowsky, on apprend qu’il y a eu une « Bonne discussion aujourd’hui à l’ambassade des Etats-Unis en Haïti avec les signataires de l’Accord du Montana sur les besoins de stabilisation à long terme d’Haïti. Les États-Unis continuent d’encourager le dialogue entre tous les Haïtiens pour parvenir à un large consensus politique ». Tout le monde serait d’accord pour dire qu’en lisant ce Tweet il n’apprend rien de nouveau sinon une bonne blague. Puisque ce Tweet ne veut rien dire. Et on a constaté que même Mme Witkowsky n’a pas cherché à se cacher derrière un Communiqué grandiloquent pour dire que les acteurs vont reprendre le dialogue. Même son de cloche chez Ariel Henry qui, lui aussi, a informé par un Tweet de sa rencontre avec l’envoyée de Washington. Il ne dit pas non plus que l’entretien s’est déroulé sur les conditions de la reprise du dialogue avec les signataires de l’Accord du 30 août.

Selon un message diffusé sur le compte Twitter de la Primature, on a appris que : « Le Premier ministre Ariel Henry s’est entretenu, ce mardi, avec la Secrétaire d’État adjointe américaine aux opérations de conflit et de stabilisation, Mme Anne Witkowsky. Ces échanges ont porté, entre autres, sur les questions de sécurité, des élections, du dialogue interhaïtien. Le chef du gouvernement a réaffirmé sa ferme volonté de restaurer la sécurité et de poursuivre le dialogue national avec les forces vives du pays, en vue d’un large consensus dans la perspective des prochaines consultations populaires ». Combien de fois la population n’a pas entendu cette litanie venue du Premier ministre qui la répète à l’envie alors que la situation ne fait qu’empirer jour après jour?

soutenu aveuglement par ses alliés et particulièrement par le Secteur Démocratique et Populaire (SDP), Ariel Henry continue de tourner en rond avec la Transition.

Mais, soutenu aveuglement par ses alliés et particulièrement par le Secteur Démocratique et Populaire (SDP), Ariel Henry continue de tourner en rond avec la Transition. Signe que la Transition fait du surplace quand d’autres la qualifient de ridicule, il suffit d’écouter la déclaration de Me André Michel après la rencontre des signataires de l’Accord du 11 septembre avec la Secrétaire d’Etat adjointe des conflits et de stabilisation le mardi 8 mars 2022. Ce chaud partisan de l’application dudit Accord, sans attendre un compromis ou consensus avec ceux du Montana/PEN, confirme que chaque groupe reste statique sur sa ligne de conduite. Il explique que « Rien n’a changé dans notre position. L’Accord du 11 septembre 2021 est un véritable Accord politique paraphé par des forces politiques et sociales antagoniques. Évidemment, nous optons pour la poursuite du dialogue interhaïtien en vue de la recherche d’un consensus suffisant pour garantir la stabilité politique du pays. Après la visite de l’émissaire américaine, notre position reste la même. Il faut continuer le dialogue entre les Haïtiens, parallèlement, il faut appliquer l’Accord du 11 septembre, c’est-à-dire, garantir la sécurité des citoyens et du territoire. Procéder à la mise en place d’un CEP crédible, libérer le secteur économique et financier de l’Etat des griffes de l’ancien régime et faire avancer les grands dossiers de justice, tels que PetroCaribe, les massacres perpétrés dans les quartiers populaires » un discours mille fois répété comme son ami Ariel Henry.

Les deux hommes ressassent une leçon qui ne peut convaincre que leurs partisans. Mais, cette attitude confirme aussi le non-sens de cette énième Mission américaine en Haïti depuis le début de la nouvelle Transition. Des visites montées à Washington dans l’espoir de camoufler les échecs successifs de l’ambassade US à Port-au-Prince et le Core Group de convaincre les deux parties de s’asseoir et de fusionner leurs Accords qui, à quelque nuance près, se ressemblent comme deux gouttes d’eau.

Il n’y a que le refus d’Ariel Henry de répondre aux questions des juges dans le dossier de l’assassinat du Président Jovenel Moïse qui empêche, pour l’heure, la reprise du dialogue.

D’après Leslie Voltaire, représentant du parti Fanmi Lavalas au sein de l’Accord du 30 août et membre très influent du Bureau de Suivi de l’Accord, il n’y a aucun changement dans la position exprimée et connue des signataires de l’Accord du Montana par rapport à l’attitude du Premier ministre « Nous attendons la réponse d’Ariel Henry. Si l’on veut faire quelque chose de nouveau, il ne doit pas y avoir de suspicion sur Ariel Henry. Que le chef du gouvernement en place, au nom de la moralisation de la vie politique, déclare être prêt à répondre à toute invitation de la justice et à faciliter la reprise de l’enquête seule à même de contribuer à lever les allégations relatives à son implication dans ce dossier » dit-il au quotidien Le Nouvelliste le mercredi 9 mars 2022.

En tout cas, cette visite de Mme Anne Witkowsky n’a même pas fait évoluer le vocabulaire des protagonistes. La rencontre, en effet, avec la missionnaire de Washington ne fait que renforcer leur certitude. Rien n’a bougé. Ce voyage inutile dans la capitale haïtienne les a plutôt confortés dans leur retranchement. Après la rencontre, tous les acteurs confondus se croient même soutenus et encouragés par Washington. De fait, ils consolident leur foi dans la manière dont ils voient la suite de la Transition.

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