C’est sous les cris de « Vive Dessalines, A bas Hollande !» que les manifestants voulaient accueillir le président français. Comme prévu, le Président français, François Hollande achevait sa tournée dans la Caraïbe par une visite officielle en Haïti, le mardi 12 mai 2015. Il a été accueilli l’aéroport par Martelly et le premier ministre de facto Evans Paul. Hollande était accompagné d’une importante délégation composée de 300 personnes : les membres du gouvernement et du Parlement, 5 représentants des territoires français d’outre-mer, des représentants de l’université, du monde culturel et des hommes d’affaires, ainsi que 60 journalistes. Cette visite de moins de 24 heures et la première du Président Hollande, s’inscrit-elle dans le cadre du renforcement des relations dominant-dominé entre la France, ancienne puissance coloniale et Haïti, ancienne colonie française ? Cinq années après la visite de Nicolas Sarkozy en Haïti en 2010, suite au séisme du 12 janvier 2010
De toute façon, le peuple haïtien en a profité pour exiger restitution et réparation, puisqu’en 2001 la France reconnaissait officiellement que l’esclavage est un crime contre l’humanité, ajouté à cela qu’en 2006, l’ex-président français, Jacques Chirac a formellement décrété le 10 mai journée de commémoration de la traite et de l’esclavage.
Par ailleurs, ce dimanche 10 mai 2015, le Président Michel Martelly, en présence du Président français, François Hollande et de plus d’une cinquantaine de Chefs d’Etat et de Gouvernement ainsi que de représentants des institutions internationales ont participé l’inauguration du plus grand centre mondial de mémorial de l’esclavage dénommé : le Mémorial ACTE Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.
Dans son intervention, le Président Français a salué la présence du Président haïtien Michel Martelly dont le pays, a été le premier à briser les chaines de l’esclavage à travers le monde. M. Hollande, a fait l’éloge de l’armée indigène qui a vaincu les troupes françaises, et a déclaré « Ce mémorial permettra de dire au monde que le combat pour la dignité humaine n’est pas terminé ».
Abordant le dossier sensible de la rançon de l’indépendance, le Président français a déclaré «… quand l’abolition fut acquise, la question de l’indemnisation prit des proportions et surtout une orientation particulièrement surprenante, puisqu’elle était réclamée à cor et à cri non pas par les anciens esclaves, mais pas les anciens maîtres qui exigeaient d’être dédommagés pour la perte de la force de travail qu’ils avaient comptabilisée dans leur écriture comme la valeur de leur cheptel. Charles X (1825) réclama même à la jeune République d’Haïti une indemnisation d’État de 150 millions de franc-or afin d’indemniser les anciens colons qui le réclameraient, certains ont appelé cette exigence, la rançon d’indépendance. »
Il faut noter que cette somme incroyable a été ramenée à 90 millions de franc-or en 1838, soit l’équivalent de 17 milliards d’euros que les Haïtiens fraichement libérés de l’esclavage n’ont eu fini de payer qu’en 1883. En 2003, cette somme a été évaluée par le gouvernement du président Jean-Bertrand Aristide à plus de 21 milliards de dollars. Et cela lui a valu le coup d’Etat-kidnapping du 29 février 2004. Aujourd’hui encore la question de restitution et réparation est revenue dans les débats avec la présence de François Hollande sur le sol d’Haïti.
En Guadeloupe, s’adressant directement à Michel Martelly, le Président Hollande a surpris l’auditoire en déclarant dans une formule prêtant à confusion «Eh bien quand j’arriverai Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons». Une déclaration qui a suscité un torrent d’applaudissements nourris de la part de l’assistance. Ces propos ont rapidement enflammé les réseaux sociaux et provoqué de nombreuses réactions.
Dans la foulée, le président du Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN), Louis-Georges Tin en a profité pour fixer la position de son organisation sur la visite du président français en Haïti. Ainsi, il a écrit : Le peuple qui a vu naître Dutty Boukman, Cécile Fatiman, Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines doit aujourd’hui se soulever nouveau. Haïtiens, François Hollande, le président français, est venu ce 12 mai sur votre terre. Il voudra prendre la parole : qu’il se taise. C’est à vous de parler. Dès qu’il commencera son discours, qu’une mélopée s’exprime sourdement, qu’elle se répande de proche en proche, comme la braise qui enflamme peu à peu la savane.
Et que tout dise, et que tout retentisse : « Restitisyon, Réparasyon !». Tant que le président n’aura pas accepté votre juste requête, continuez sans relâche, « Restitisyon, Réparasyon ! ».
Le 10 mai dernier, lors de l’inauguration du nouveau mémorial de l’esclavage en Guadeloupe, François Hollande a prononcé un discours historique concernant la réparation. Il s’est engagé à restituer à Haïti la « rançon » imposée par la France. « Je tiens aussi à rappeler qu’ici à Guadeloupe, terre de Solitude et de Delgrès, il y eut également des combats ; mais a-t-on suffisamment souligné que quand l’abolition fut acquise, la question de l’indemnisation prit des proportions et surtout une orientation particulièrement surprenante puisqu’elle était réclamée à cor et à cri non pas par les anciens esclaves, mais par les anciens maîtres qui exigeaient d’être dédommagés pour la perte de la force de travail qu’ils avaient comptabilisée dans leurs écritures comme la valeur de leur cheptel. C’est, sous la monarchie, Charles X (1825), qui réclama même la république d’Haïti une indemnisation d’Etat de 150 millions de franc-or afin d’indemniser les anciens colons qui le réclameraient. Certains ont appelé cette exigence la rançon de l’indépendance. Eh bien quand j’arriverai Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons. »
Mais quelques heures plus tard, une dépêche de l’entourage du président français a précisé à la presse nationale et internationale, affirmant qu’il y avait malentendu, que les propos du Président Hollande se réfèrent uniquement à une « dette morale » et non pas financière comme certains croyaient l’avoir compris.
Haïtiens, on se moque de vous. Ce revirement est une insulte insupportable qui vous est faite, qui nous est faite. Car tout le monde a bien entendu les propos de M. Hollande, lequel s’est exprimé devant plusieurs chefs d’Etat africains et caribéens. Haïtiens, cet argent vous a été volé. Ne laissez pas la France vous voler une seconde fois. C’est à vous de le dire haut et fort. Nous ne sommes pas loin de la victoire. Dès qu’il commencera son discours, que les voix d’Haïti s’élèvent peu à peu, que les voix d’Haïti s’élèvent jusqu’au Ciel, que les voix des ancêtres et les voix d’aujourd’hui, et que tout dise, et que tout retentisse : « Restitisyon, Réparasyon ! »
Le président Martelly qui n’en demandait pas plus, n’a pas dans son discours rappellé à Hollande que la dette de l’indépendance est un argent volé au pays et que la France doit coûte que coûte la rembourser, et il s’est alors plongé dans une sorte de mendicité arrogante. Il a tenu uniquement à condamner la dette destructrice, imposée à Haïti pour dédommager les colons, dans la perspective de casser l’élan du nouvel Etat né le 1er janvier 1804. « Combien de pays auraient pu se sentir indemnes des situations aussi adverses et défavorables ? » a t-il fait savoir. Le président Martelly en bon agent des puissances tutrices a même parlé à leur avantage au lieu de défendre la cause haïtienne en déclarant « le fait que la France permet à ce que des générations de jeunes en Haïti aient accès à l’éducation, coûte beaucoup plus que quelque soit le chiffre qu’on met sur la dette »
« Que la jeunesse haïtienne est aujourd’hui mal préparée à affronter son avenir » Le président à mentalité de colonisé demande l’ancienne métropole de nous aider par un plan Marshall pour l’éducation en Haïti. Hollande apprécie tellement cette approche de Martelly, qu’il lui a tout bonnement répondu :« On ne peut pas changer l’histoire, on peut changer l’avenir en permettant aux jeunes haïtiens d’avoir accès à la connaissance, au savoir et à la réussite, c’est là notre devoir
« Haïti souhaite la mise sur pied d’une commission binationale chargée d’encourager les entrepreneurs français et européens à venir prospecter les nombreuses opportunités d’affaires existant dans le pays dans les domaines où leur compétence et avantage comparatifs sont éprouvés : l’eau, électricité, l’assainissement, les infrastructures, l’agro-industrie, etc. »
Des milliers de personnes étaient dans l’aire du Champ de Mars, aux alentours du MUPANAH pour réclamer restitution et réparation de la dette de l’indépendance, particulièrement des membres des organisations populaires. Ces manifestants dénonçaient également l’hommage donné à Toussaint Louverture, certes le précurseur de l’indépendance, alors que l’Empereur Jean Jacques Dessalines le père de la patrie était laissé aux oubliettes. Sur plusieurs pancartes on pouvait lire « Vive restitution, Vive réparation, Abas occupation ». Ils scandaient également des chansons “Nous ne nous trahirons jamais nous-mêmes, notre sang est le sang de Dessalines”. Vers les 10h 30, l’ancien sénateur et actuel candidat à la présidence Moise Jean-Charles qui dans un acte symbolique est venu déposer une gerbe de fleurs au pied de la statue de l’Empereur Dessalines, s’est heurté à la police. Des tirs nourris ont été entendus dans l’aire du champ de mars pour disperser la foule avant l’arrivée du président français. Des centaines d’étudiants de l’Université d’Etat d’Haïti participaient à leur manière dans la mobilisation contre le président français en Haïti. Donc, François Hollande a été reçu par des cris de restitution et réparation en Haïti comme Nicolas Sarkozy avait été reçu en 2010. La lutte pour la restitution et réparation doit se poursuivre jusqu’au bout, jusqu’à ce que nous obtenions gain de cause.