Haïti top 10 Athlètes : Numéro 8 -Ex-aequo-Wilner Nazaire, Ernst Jean Joseph

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Salutation entre le capitaine d’Italie Giacinto Facchetti et celui d’Haïti Wilner Nazaire à Munich lors du mondial de 1974

Wilner Nazaire (Port-au-Prince, 1950)

« Le kaiser du terroir, solide comme le roc »

En voilà un défenseur dans cette légion d’attaquants et de demis ! Comme si le foot-ball haïtien n’avait pas connu avant ‘’Kaiser Will’’ un défenseur de cette  trempe. Pourtant on a toujours mentionné les : Beauvoir, Nataly Auguste (Pelao senior), Emile Molton, Lhouisdon, Morin, Lalanne, André Pélao, Erick Faublas et le duo sélectionné Legros-Ducoste qui ne fit pas l’unanimité Jusqu’à ce que un certain Jeannot Paul vint taper dans l’œil. Mais fut victime d’une terrible fracture qui stoppa sa carrière net. Wilner Nazaire s’est imposé à une époque où  se desserrait l’étau sur le foot-ball et, à la faveur du Championnat Inter-scolaire émergea une pléiade de talents dont: Eddy Antoine, Jean Marie Jn. Baptiste, Guy Dorsainvil, Ronald Dévilmé, Clarel Auguste, Wilner Piquant, Pierre Bayonne et, parmi tant d’autres les ténors E. Sanon et Wilner Nazaire. En effet, ce dernier brûla bien vite les étapes et frappa du même coup à la porte de la sélection nationale, ainsi que celle de l’équipe A du Racing. A cette époque la défense haïtienne vieillissante se renouvelait peu à peu avec Jeannot qui remplaça Legros.

Tandis qu’un autre super défenseur Alix Paul Roc dit ‘’siwo’’ s’emmena de sa polyvalence à la place de ‘’Gwo René’’ Argélus et, éventuellement pour chiper le poste de Ducoste. Mais lui aussi tomba sous le coup d’une blessure impardonnable. C’est ainsi que le jeune Wilner vint s’installer seul en conquérant de la défense. Sûr de lui-même, dur sur l’homme, jeu aérien impeccable, tacles superbes, lancement digne d’un kaiser, leadership contagieux. L’année 1971-72 l’a vu s’épanouir en beauté et maturité. Seulement 2 buts encaissés par Bobby, le portier du Racing (Victory, Etoile) dans une équipe dont il domina la défense de sa carrure impressionnante en complémentarité avec le caïd Marc Antoine Moise. Sur cette lancée, il accompagna la sélection à la Concacaf de Trinidad, fin 71, où Haïti se classa deuxième, mais invaincue derrière le Mexique grâce à une défense commandée par Nazaire à coté de Ducoste alors en fin de cycle.. Entre différentes prestations accomplies, il se retrouva l’année après au mini tournoi du Brésil, accompagné de 6 autres coéquipiers nationaux (Francillon, Vorbes, François, Désir, Barthelmy et Sanon) au sein d’une sélection de la Concacaf, alors entrainée par Tassy.

Malgré les déroutes contre la France des frères Revelli et l’Argentine de Ayala, Nazaire impitoyable arriva à épater les recruteurs étrangers et suite aux offres de Marseille et Valenciennes de France, finit par signer pour le second.  Entre temps, le grand défenseur national fit ressentir son absence, lorsque le Racing perdit le titre l’année après. Evidemment, Nazaire s’imposa solidement en France, consolidant la position de Valenciennes d’où son surnom ‘’Kaiser Will’’ par le fameux Magazine’’ France Foot-ball’’. Parallèlement il devint à la suite de ‘’Pipo’’ Vorbes, l’intraitable capitaine du Bicolore, toujours superbe et, jamais battu un contre un. En témoignèrent ses traitements sur le fameux Chilien Carlos Catzelli (son premier match avec Grimaud Jean Joseph sollicité à la dernière minute à cause de la défaillance de Legros et Ducoste). Ce jour là naquit un partenariat impayable, et le public eut droit à une performance exceptionnelle de ce tandem inégalable. Nazaire mit aussi sous l’éteignoire les Péruviens Corbo et Cubillas ainsi que le costaud Equatorien Stupinian. Sa position de stoppeur, toujours en charge du dangereux attaquant permit à ‘’Tinès’’ Jean-Joseph le libéro d’entreprendre des excursions osées. C’était là son grand mérite qui résidait dans sa versatilité, puisqu’il pouvait jouer libero et stoppeur à la fois. Ce qui fit de lui un défenseur complet. Mélange explosif de Luis Perreira, (Brésil), en inventivité, de Passarella (Argentine), en autorité et de Scirea (Italie), en sureté.

Acclamé dans l’hexagone, le leader du onze national guida son pays comme champion de la Concacaf au Prémondial en 1973. On se souvient de ce dernier match contre le Mexique, lorsque mené par 0-1 et jouant avec 10 joueurs après l’expulsion de Formose. Il prit le match en main avec vaillance, pendant que Philipe alla s’installer sur l’aile gauche de la défense. Et en plusieurs occasions vint à la rescousse de l’attaque, délivrant plusieurs tirs qui faillirent faire mouche, à la recherche de l’égalisation. Il revint encore pour les préparations de Munich, malgré la réticence de Valenciennes qui finit par descendre en deuxième division durant son absence. L’après Munich fut l’occasion pour lui de contribuer à la remontée de son club en division 1, pari réussi. Puis les contraintes du championnat de France qui se faisait une santé, le Valenciennes retrouva le bas du tableau face aux conquérants Marseille, Bordeaux, Monaco, Bastia, Lyon, Monaco et ‘’les Verts’’ de Saint Etienne Et entre les blessures, ses études de génie électronique ‘’ Kaiser Will’’ finit par rejoindre le Fontainebleau.. Juste le temps pour un dernier baroud avec le Bicolore pour la campagne d’Argentine 1978. Mais à court de forme et convalescent, il fut intégré ainsi que d’autres compagnons de Munich sous les pressions des autorités. Peut-être que son leadership y était pour quelque chose. Depuis cet épisode, il s’est peu montré. Mais, la silhouette de l’imposant défenseur et capitaine de ‘’Toup pou yo’’ restera imperméable dans la mémoire collective.


Ernst Jean Joseph (Cap-Haitien, 1948)

‘’Classique et étonnant « Grimaud »’’

Quant à ‘’Grimaud’’, son ascension ne fut pas sans embûches. Et il lui a fallu consistance, persistance et conviction et même l’intimidation pour se faire une place dans cette galère du foot-ball. C’est pas que le talent n’était pas encore probant. Mais, il y avait tant de vocation dans l’âme qu’il lui restait peu d’espace pour la reddition. Après avoir laissé son Cap natal en trombe pour venir avec sa famille s’installer à Port-au-Prince. Où l’adaptation fut sans ombrage, ayant trouvé un abri sûr au sein du Violette Athlétique Club. Et parallèlement s’est montré durant les Inter -Scolaires avec le Collège Grégoire Eugène en compagnie d’autres Capois tels Adilas Charles, Edouard J. Baptiste et autres. Une époque qui a coïncidé à la montée d’une floraison de talents singuliers comme: W. Nazaire, Arsène Auguste, E. Sanon. P. Bayonne, Eddy Antoine, Jean M. J. Baptiste, Guy Dorsainvil, Jeannot Paul, Alix Paul Rock, Charles Vorbes, Ralph Kernizan, Antoine Toussaint. C’est dire que pour ‘’Tinès’’, il fallait faire étalage d’arguments péremptoires. Voilà comment il va se trouver toujours au cœur d’un tour de force, mêlé parfois de tragédie. Les débuts furent laborieux, mais en travailleur obstiné il continue à se façonner, toujours à l’observation des autres. Ces longs pieds rompus de longs tacles intimidants font parler du méchant ‘’Grimaud’’, ses folles courses à l’aile (comme latéral) font montre des possibilités. Ces maladresses consistent dans sa dureté sur l’adversaire. Son sang froid et panache le propulsent pourtant, jusqu’a se frayer une entrée dans la sélection.

Ernst « Tinès » Jean Joseph l’un des grands libéros haïtien par excellence

Malgré tout rien n’est acquis, puisqu’au Violette le polyvalent ‘’Siwo’’ Paul Roc et Ralph Kernizan ainsi que Ponpon et Pierre Bayonne lui sont parfois préférés à la défense. Tandis que dans la Sélection, c’est l’inspiré Jeannot Paul, puis l’éclaireur Wilner Nazaire qui sont solides au poste. Tapis dans l’ombre, Grimaud continue d’attendre son heure, devenant même l’attraction du groupe, le viveur et l’ami de tout le monde, la star qui se promène avec les nanas à l’arrière de sa moto… C’est dans ce contexte qu’il alla chercher son copain Jeannot Paul qui avait une brouille avec sa fiancée pour le persuader de venir à l’entrainement de la sélection. Une décision qui coûta à l’élégant libéro sa carrière. Puisque c’est au cours de cette séance d’entrainement que Jeannot se fractura les chevilles après un tacle anodin de Jean Joseph. Par la suite, il n’a plus rejoué au haut niveau. D’un autre coté, un autre concurrent direct de J.J en l’occurrence ‘’Siwo’’ Paul –Roc se brisa les pieds en 1971 la même époque, lors d’une rencontre contre le Nautico Recife du Brésil. Pendant ce temps, ‘’Tinès’’ devint indispensable au Violette en tandem avec le fringant Kernizan dont il s’est séparé lorsque ce denier devait aller étudier à l’extérieur. C’est dire qu’avec autant de déblayage autour, il y avait de quoi pour « Tinès » de respirer.

Quant à l’Équipe Nationale, si son pote Nazaire s’impose en leader indiscutable, par contre, le vétéran Ducoste ne fait plus l’adhésion. Cependant, à cette intersection, il n’avait point besoin de bakara en sa faveur, puisque sa rayonnance, son flair, sa technique et son autorité avaient éclaté à pleine vue. Il avait gagné le respect des mordus du foot, en faisant luire ses prouesses au lieu de sa méchanceté. Le déclic s’est produit vers l’année 1972, lorsque en pleine campagne pour Munich 1974; les grandes équipes faisaient la navette à Port-au-Prince. C’est ainsi que se montrait dans nos murs le Chili de Carlos Catzelli et de Figueora (considéré alors comme le meilleur défenseur au monde). De surcroit Nazaire fut appelé de France et, ramenant avec lui l’ancien capitaine Claudel Legros qui était aussi consul hexagonal. Puisque Ducoste en baisse de régime, n’était plus à ce niveau. Mais au cours de l’entrainement, seul ‘’Grimaud’’ prouvait qu’il pouvait accompagner Nazaire à la défense centrale. Subséquemment, on a vu durant cette rencontre la naissance de l’un des plus spectaculaires duos défensifs que le foot-ball ait produit; à l’instar d’un Becken-Schwarzenberg, Scirea-Collovati, Desailly-Blanc. Wilner-Ernst prirent tout le monde à contre-pied. Solidaire, complémentaire, technique, florissant et complices comme s’ils pouvaient jouer par télépathie ou les yeux bandés. Ce jour-là, inspirée par Nazaire et Grimaud, toute l’équipe haïtienne fut transcendante. Même le coach chilien n’en revenait pas et se disait étonné qu’un coin aussi ignoré de la terre ait produit de si valeureux foot-balleurs.

Encore que cette réplique des bicolores contre le Chili se solda par 1-1 grâce à ce but d’Arsène Pelao Auguste…Mais ce soir-là, un libéro extraordinaire était né. Une ascension qui va continuer jusqu’au pré-mondial au cours duquel il gagna le titre de libéro du tournoi. L’année suivante ce fut en Allemagne ou après un match retentissant contre l’Italie ou avec Nazaire, Eddy Antoine et Pierre Bayonne ils furent les plus en vue. C’est ainsi que « Tinès » fut choisi comme échantillon pour être testé pour la drogue. Cependant souffrant d’une grippe J.J avait consommé une dose d’éphédrine que son médecin lui avait donnée et fut trouvé positif. Un tollé dans une Haïti encore puritaine. Mais, le clou de l’affaire, c’est quand le commandant des Léopards Acédius Saint-Louis qui chaperonnait l’équipe (comme c’était coutume pour les Duvalier d’avoir un espion parmi les joueurs), avait voulu rosser l’idole nationale à la manière d’un père fouettard. Pas ici lui dirent Pélao, Nazaire et Tom-Pouce qui défièrent le militaire macoute, lui promettant une raclée à son tour s’il osait toucher ‘’Grimaud’’. Une proposition que ‘’Acé’’ n’a pas voulu ignorer. Tout en proférant des menaces à l’endroit de ces derniers.

L’après Munich fut une période de réflexion pour Ernst J. Joseph .Autant que pour tous les ‘’mondialistes’’ qui sont retournés au bercail de prendre du recul, après avoir été dupés par les autorités. De plus, il venait de se marier et prenait son temps avant de renouer avec le foot. Mais, coup de tonnerre, un après-midi c’est le branle-bas.: ‘’Grimaud’’ venait accidentellement de tuer sa jeune femme pendant qu’il nettoyait son fusil de chasse’’. Ce fut le coup le plus dur pour ‘’Tinès’’, qui dut se remettre grâce au support du pays et de ses fans. Revenant plus efficace pour diriger l’arrière poste du Violette; cette fois-ci en tandem avec l’increvable capois Frantzy Mathieu (le dernier des titans locaux), au sein d’une équipe qui expérimentait le semi-professionnalisme, raflant le titre cette année là à une valeureuse équipe du Victory. Il continua à faire montre de sa maestria; jusqu’à faire la convoitise de toutes les équipes de passage au pays. Stade de Reims, Mönchengladbach, Cosmos et autres voulant s’acquérir ses services. Cependant le poids des matches et du temps commençait à peser dans la balance. Et parfois, il eut à subir les assauts impardonnables des dangereux attaquants: Jacquot Réserve et Gogo Masson (L’aigle Noir), et surtout des: Domingue, Fito Léandre, Pakole Toussaint (Racing), qui l’ont un peu abimé, avec son compagnon Matthieu, avec des humiliations à la clef.

Ajoutons à tout ça, les nouvelles venues: Réginald Viellot, Frantzy Mathieu, Raphael Alexis pour renforcer le challenge au sein de la défense du onze national. Et par le temps pour la campagne d’Argentine-78, il devenait moins influent dans la bande à Piontek. Puisque Labissière, Mathieu, Viellot, et Jacques J. Louis (Lorsque Pelao était au state avec le Tampa Bay), constituaient la marque défensive. Et c’est encore sous la pression des décideurs d’en haut que Nazaire convalescent, Pelao qui marqua le seul but haïtien, malgré une entorse sévère (perdant de ce fait un fabuleux contrat avec le Cosmos qui n’as pas voulu qu’il participe à ce tournoi à cause de la sévérité de sa blessure), et Grimaud se remettant d’une diarrhée, furent alignés. Ce qui causa la débâcle contre le Mexique et nous coûta le ticket pour l’Argentine. Après cette déconvenue ‘’Tinès’’continua à taper du cuir au gré de son expertise et expérience, tout en s’appliquant aux rôles de leader et cadre technique du VAC. Ce qui lui a permis une transition en douceur comme entraineur du Violette un peu plus tard. C’est à ce stade que je l’ai rencontré au Stade Sylvio Cator; jusqu’avant la fin du dernier millénaire après un match joué par son équipe. C’est ainsi que je me suis rapproché de lui pour lui serrer la main et le congratuler pour ce temps ou il avait l’habitude de m’emballer par ses prouesses, ses jaillissements, sa brillance et clairvoyance. Même quand je n’étais pas toujours pour son équipe. Je lui ai dit:’’ Tinès, je te remercie d’avoir tant accompli pour notre foot-ball et à mon humble opinion, tu es classé dans un carré restreint de libéros constitué de : Becken, Barezi, Lolo Blanc et toi…’’. Il resta un moment pensif tout en me remettant la pareille, tout ému. Aujourd’hui on le dit atteint de cécité, espérons que cette société mangeuse d’hommes et de femmes ait un peu de décence envers ‘’Grimaud’’. En lui permettant de vivre dignement, affaibli par son infirmité. Ce n’est pas la citadelle à reconstruire que de le servir à son tour lui qui nous a tant de fois mis sur des charbons ardents.

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