Haïti reçoit un colloque international sur la Corruption

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De gauche à droite : Jacky Lumarque, le recteur de l’Université Quisqueya (Uniq), le ministre de la Justice Jean Roudy Aly et Mr. Charles

Les 3 et 4 mai 2018, le Campus de l’Université Quisqueya (UNIQ) à Port-au-Prince a accueilli un grand colloque international autour du thème : Corruption et transparence : mécanismes et enjeux à l’initiative de l’Uniq et 1804 Institute Haitian Studies.

Dans l’objectif de contextualiser historiquement son discours de lancement, Jacky Lumarque, le recteur de ce centre universitaire, a fait un rappel tiré d’une lettre du ministre Powel au secrétaire d’Etat américain John Milton Hay – autour du fameux procès de Consolidation de 1904 dans lequel ont été impliqués 46 personnes – 21 en fuite, dont l’ancien président de la République et son ministre des Finances.

Les inculpés de ce qui constitue une massive fraude financière au préjudice de l’Etat évaluée à plus de 97 millions de dollars ont reçu des peines allant de 10 à 15 ans. Ce qu’il appelle la « grande comédie haïtienne », puisque peu de temps après ce procès conduit avec « compétence », les accusés ont repris du service et trois des condamnés sont devenus présidents.

« Plus de 100 ans après, avez-vous le sentiment que la comédie est terminée ? Faut-il se résigner, s’abandonner au désenchantement ? », se demande-t-il.  « La réponse de ce colloque est d’emblée non ».

Si d’une part, il reconnait que les pouvoirs publics se sont dotés depuis une dizaine d’années de tout un arsenal d’outils de défense sous la forme de lois, d’institutions, de politiques publiques pour faire face au problème de la corruption … D’autre part, il dénonce le fait qu’à l’évidence, les résultats sont loin d’être satisfaisants. « Au contraire, depuis quelques années, nous avons l’impression que la situation s’aggrave, que la corruption tende à s’installer comme un banal fait de société et que la seule voie qui s’offre à nos jeunes pour réussir consiste à épouser le modèle tracé par nos élites  (…) », a fait savoir Jacky Lumarque.

La tenue de ce colloque s’explique par l’ampleur que prend le phénomène de la corruption en Haïti

Il ajoute que les conséquences d’une telle pratique sont lourdes pour l’économie incapable de croître, pour l’État qui s’affaiblit et s’appauvrit, pour la population, en particulier, les pauvres privés des services publics les plus élémentaires, pour les jeunes qui ont perdu tout espoir en l’avenir de leur pays.

La tenue de ce colloque s’explique par l’ampleur que prend le phénomène de la corruption en Haïti et considérant l’intérêt croissant qu’il suscite ces derniers jours dans le monde. C’est l’une des rares fois que l’Université haïtienne s’invite dans les réflexions autour de cette gangrène que représente la corruption.

Les thématiques traitées tournaient autour de la définition et des caractéristiques de la corruption, les dispositifs de lutte contre le phénomène et ses mécanismes de fonctionnement, l’économie de la corruption, l’évolution de l’économie haïtienne dans le contexte mondial de corruption, la sociologie de la corruption et ses spécificités haïtiennes.

Des autorités politiques des trois pouvoirs de l’Etat, des responsables religieuses, des professeurs d’universités et étudiants, des représentants d’organisations intergouvernementales – de la société civile et des ONG, des experts internationaux, des ambassades et représentations étrangères ont assisté et / ou intervenus à ces deux journées d’activités comportant entre autres des sessions de travail, conférences, panels, table-rondes et expositions.

Des débats riches, sereins, constructifs et ouverts ont eu lieu avec différents intervenants venant d’horizons divers autour de ce sujet qui pour plus d’un se veut sensible et de taille dans l’objectif d’apprendre, de comprendre et de partager pour avancer, dans le cadre de colloque qui visait d’appréhender le phénomène sous toutes ses formes : juridique, géographique, économique, éthique, anthropologique, culturel et sociologique. « Ce colloque est un premier petit pas, dans l’effort de construction d’un chantier qui donne aux universitaires l’opportunité de s’emparer de cette importante question, non seulement comme question de recherche, empirique et théorique, mais aussi dans la perspective d’aider à bâtir la coalition d’acteurs en vue de construire, un jour, l’observatoire haïtien de la transparence et de la lutte anti-corruption », termine le recteur de l’UNIQ.

« La corruption existe. Elle est partout et est massive »

Tous les acteurs et intervenants s’accordent sur la nécessité de faire un front commun pour lutter contre le phénomène, mais critique également l’incapacité à résoudre le problème mille fois identifiés.

« La corruption existe. Elle est partout et est massive », constate pour sa part l’ex première ministre haïtienne Michèle Duvivier Pierre Louis entre septembre 2008 et octobre 2009. En ce qui à trait à Haïti, elle affirme qu’il existe une énorme opacité dans l’Etat haïtien, dans le gouvernement.

Autour de ce sujet sensible et brulant qui suscite pas mal de polémiques, l’ancien premier ministre Jacques Edouard Alexis du 26 mars 1999 au 7 février 2001 et du 9 juin 2006 au 5 septembre 2008, croit de son coté que la corruption a toujours existé en Haïti. « Mais a-t-elle atteint le seuil qu’on semble lui reconnaitre aujourd’hui ? Là est toute la question, dit-il. Depuis environ trois années, le mot devient à la mode.  Il est objet de discussions dans tous les foyers ».

A la fin de cette activité, les organisateurs ont fait des recommandations aux pouvoirs publics afin de parvenir à la création d’un organisme indépendant faisant office d’observatoire de la corruption et de la transparence en Haïti.

Ce colloque international a eu lieu dans un contexte où Haïti fait partie des pays les plus corrompus de la planète aux dires  de l’ONG internationale Transparency International  et à une époque où même son actuel président Jovenel Moise est inculpé par la justice haïtienne accusé dans une affaire de blanchiment présumé des avoirs en rapport avec ses activités privées d’hommes d’affaires.

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