Discours d’investiture de Bachar al-Assad

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Le président Bachar al-Assad réélu à la présidence de la République arabe syrienne au suffrage universel par une très grande majorité du peuple syrien le 26 mai dernier

De la nécessité de tirer les leçons des dix années de guerre sur la Syrie !

Ce 17 juillet, après avoir passé en revue les Forces armées syriennes, le président Bachar al-Assad réélu à la présidence de la République arabe syrienne au suffrage universel par une très grande majorité du peuple syrien le 26 mai dernier, a prononcé le serment constitutionnel tel qu’il figure dans l’Article 7 de la constitution syrienne : « Je jure par Dieu le Tout Puissant de respecter la Constitution du pays, ses lois et son système républicain ; de protéger les intérêts du peuple et ses libertés ; de préserver la souveraineté de la patrie, son indépendance, sa liberté et de défendre l’intégrité de son territoire ; de travailler à la réalisation de la justice sociale et à l’unité de la nation arabe. »

À l’issue de sa prestation du serment devant l’Assemblée du peuple comme le veut l’Article 90 de la constitution, il s’est adressé au peuple syrien par un discours de plus d’une heure. Un discours qui pourrait être divisé en trois grandes parties, la première étant remarquable par son insistance sur la nécessité de tirer les leçons des dix dernières années de guerre sur la Syrie en se concentrant uniquement sur les causes internes ayant mené aussi bien à l’ingérence des ennemis qu’à l’échec de leurs paris. En voici une traduction que nous espérons aussi fidèle que possible. [NdT].

 

Mesdames et Messieurs les membres de l’honorable Assemblée du peuple,

À vous tous ici présents, aux soldats de nos vaillantes Forces armées qui forment le bouclier de la nation, aux héros blessés, aux familles des martyrs qui sont la source de l’héroïsme, aux personnalités patriotes qui ont résisté, initié et travaillé à la défense de leur patrie, chacune de sa place, à sa manière et selon ses capacités, parmi lesquelles je citerai particulièrement les instituteurs et les institutrices qui ont donné leur maximum à des générations d’élèves, dont moi-même qui me tiens aujourd’hui devant eux avec respect et déférence.

À vous tous, à vous cher peuple résistant, j’adresse le salut d’une patrie solide et fière en une époque de déliquescence, d’oppression et de soumission ; le salut d’un peuple qui a protégé sa patrie au prix de son sang et l’a fidèlement portée dans son cœur et en son âme ; le salut d’un peuple qui s’est révélé à la hauteur de sa responsabilité historique lorsqu’il a préservé cette alliance, concrétisant son appartenance à la patrie dans son sens le plus noble et l’unité de la nation de la meilleure des façons. Un peuple qui a prouvé au monde, une fois de plus, que le destin de la Syrie est d’offrir à l’Histoire des épopées dont les pages sont à lire par tous ceux qui veulent bénéficier de leçons sur l’honneur, la fierté, la dignité et la vraie liberté.

Par votre conscience des faits et votre sens de l’appartenance à la patrie durant la guerre, vous avez prouvé que les peuples vivants, lesquels connaissent leur chemin vers la liberté, ne se lassent pas de le suivre aussi long soit-il et quelle qu’en soit la difficulté. Vous avez prouvé que leur courage et leur détermination à défendre leurs droits ne faiblissent pas, quoi que les colonisateurs aient conçu comme outils d’ensauvagement ou de terrorisme et quel que soit le nombre des mercenaires et des vendus. Votre détermination fut un choc pour les ennemis et une leçon exemplaire pour les traîtres.

Ils ont voulu le chaos qui brûlerait notre patrie, votre assiduité à la défendre a produit l’antidote invalidant leurs mensonges et sapant leurs objectifs. Ils ont voulu une nouvelle partition en complément de celles imposées par leurs ancêtres il y a cent ans, votre union nationale à l’intérieur du pays et à l’étranger a bridé leurs illusions et a tiré le coup de grâce sur leurs projets destinés à semer les discordes confessionnelles et ethniques.

Une fois encore, vous avez prouvé l’unité de la bataille pour la constitution du pays et la patrie. Et cela en posant la constitution comme priorité ne souffrant d’aucune discussion ou marchandage, parce qu’elle est justement l’intitulé de la patrie et la décision du peuple.

Et, malgré les conditions difficiles, l’insistance populaire sur la nécessité du respect des échéances constitutionnelles tout au long des semaines précédant les dernières élections [présidentielles] fut le maître mot, aussi bien dans les villes et les villages que pour le citoyen, les familles et les tribus fières de leur appartenance à leur patrie, tout comme nous sommes fiers de lui appartenir. Une insistance qui ne peut être décrite que comme une noblesse nationale et qui ne peut s’expliquer que par une profonde conscience patriote de la signification d’une échéance [constitutionnelle] et de ses implications existentielles quant à la pérennité, l’avenir et la stabilité de la patrie.

Tout cela n’est pas nouveau pour notre peuple. Ce n’est pas la première fois qu’il témoigne de sa noblesse face à une situation critique, mais la répétition des actions n’implique pas la répétition des résultats, lesquels varient en fonction des circonstances.

Au début [de la guerre] nos ennemis ont parié sur notre peur du terrorisme et notre désespoir quant à la libération [de notre territoire]. Aujourd’hui, leur pari est de transformer le citoyen syrien en un mercenaire qui vendrait sa patrie et ses valeurs contre une poignée de dollars, soumise à conditions, ou une bouchée de pain trempée dans l’humiliation dont ils nous feraient l’aumône. Un pari sur le temps censé leur permettre, tôt ou tard, d’atteindre leurs objectifs.

Mais les résultats de ce pari se sont révélés contraires aux règles hypothétiques sur lesquelles ils ont compté. Et ce qui s’est passé ensuite fut un choc non négligeable vu qu’à chaque étape, leurs calculs se sont révélés inexacts : les Syriens de l’intérieur sont de plus en plus déterminés à les défier et ceux qu’ils ont poussés à l’exil, dans le cadre d’un plan censé les exploiter comme carte contre leur patrie, sont devenus un atout en sa faveur quand elle en a eu besoin.

C’est là un phénomène qui prouve la force de la légitimité accordée par un peuple à son État, quel que soit l’État. Ce fait a ridiculisé les déclarations des responsables occidentaux sur la légitimité de notre État, de notre constitution et de notre patrie, tout comme il a transformé une procédure constitutionnelle en un acte politique ayant déstabilisé les propositions les plus dangereuses et les plus insistantes de nos ennemis depuis les premières semaines de la guerre.

En effet, ils ont tenté de nous persuader de suspendre la constitution en vigueur dans le but de créer un vide qui mènerait au chaos, par l’intermédiaire de certains traîtres syriens -j’en ai moi-même rencontré quelques-uns dont j’ai entendu les propositions hypocrites- ou de messages transmis par différents médiateurs via plusieurs canaux. Des propositions qui tiennent toujours par le biais de leurs collaborateurs désignés grâce à la participation, la médiation ou la façade turques. Peu importe les médiateurs, l’essentiel est que par le biais de ces propositions, ils tentent d’aboutir à la rédaction d’une constitution qui mettrait la Syrie à la merci des puissances étrangères et transformerait son peuple en esclaves et en bêtes de selle.

Ce 17 juillet, après avoir passé en revue les Forces armées syriennes, le président Bachar al-Assad réélu à la présidence de la République arabe syrienne au suffrage universel par une très grande majorité du peuple syrien le 26 mai dernier, a prononcé le serment constitutionnel tel qu’il figure dans l’Article 7 de la constitution syrienne.

Autant de tentatives qui se sont évaporées du seul fait de votre message populaire disant : « Même si vous parveniez à surmonter tous les obstacles politiques pour atteindre vos objectifs, vous ne pourrez pas passer outre la décision et la volonté du peuple qui l’emportent sur tout le reste ».

C’est ensemble que nous avons établi notre équation nationale. En effet, nous sommes un peuple riche en diversité, mais homogène par ses fondements ; libre et différent par ses idées et orientations, mais cohérent par sa structure ; compatissant même à l’égard de ses ennemis, mais farouche patriote et féroce défenseur de sa dignité.

 

Mesdames et Messieurs,

Cette conscience populaire est notre forteresse. Elle lève le bandeau qui voile notre vision de l’avenir. Elle est le critère qui nous permet de mesurer notre force et notre capacité à défier, affronter et vaincre toutes les difficultés. Grâce à elle nous distinguons entre constantes et variables, entre affirmations réelles et imaginaires, entre collaboration et opposition, entre révolution et terrorisme, entre trahison et patriotisme, entre réforme interne et dépendance à l’étranger, entre conflit et agression, entre guerre civile et guerre existentielle en défense de la patrie. Il n’y a pas de zones grises pour l’ensemble de ces concepts, mais des lignes de séparation d’une grande netteté qui ne pourraient être confondues que par ceux qui ne voient pas loin.

C’est cette capacité à distinguer entre illusion et réalité, entre miel et poison, qui nous a permis de transformer un événement constitutionnel en une action politique et stratégique porteuse de messages majeurs sur le consensus national, l’homogénéité sociale et la forte adhésion à notre souveraineté et nos droits. C’est elle qui nous a rendus capables de décrypter les plans des ennemis, d’identifier les procédés des agresseurs, de les affronter et d’atténuer leurs nuisances.

Ces capacités, Mesdames et Messieurs, ne naissent pas du vide ou du néant, mais découlent des constantes et reposent sur des postulats admis par le peuple et d’un ensemble d’axiomes ou évidences. Ce sont les références à partir desquelles nous jugeons les événements. Leur existence unifie les opinions et les jugements sur telle ou telle question, alors que leur absence les disperse et les soumet au bon plaisir et à la compréhension de chacun, de telle sorte que la division remplace le consensus, la contradiction remplace l’harmonie, les gens se dispersent à leur tour et la société s’affaiblit. C’est ce que nous avons clairement constaté au début de la guerre au sein d’une frange de notre société.

Dans un discours faisant suite à une prestation de serment constitutionnel, nous sommes censés parler du futur. Pourquoi parlons-nous des dix dernières années alors que nous savons tous ce qui s’est passé ?

Nous le devons, car si nous ne tirons pas les leçons de cette période, nous trainerons tous ses problèmes pendant des années, voire des décennies. Ils s’accumuleront et viendra le jour où ils exploseront d’une manière encore plus destructrice qu’aujourd’hui.

Certes, nous savons tous ce qui s’est passé au début de la guerre, mais très peu en ont analysé les raisons. Nous nous demandons constamment comment sortir de ce tunnel, autrement dit : comment résoudre le problème ? Or, nous ne pouvons pas résoudre un problème sans analyser ses causes. Nous ne pouvons pas nous tenir devant vous aujourd’hui et parler de la prochaine étape sans avoir analysé les étapes précédentes. Nous ne pouvons pas demander à un responsable de parler de sa vision du futur s’il n’a pas compris le passé. Entrer dans les détails de ce sujet exige bien sûr des semaines, voire des mois, parce qu’il s’agit d’un problème de société. Cette même société qui a surtout engendré des héros, mais qui a aussi engendré des traitres, ce dont nous devons analyser l’émergence même s’il s’agit d’un petit pourcentage. Naturellement, je ne m’étendrai pas là-dessus, mais afin de nous rassurer sur l’avenir, nous ne pouvons pas passer à l’étape suivante sans parler de cette frange de la société dont la vision s’est affaiblie et qui a perdu son équilibre, suite à la perte de ses postulats nationaux.

C’est ainsi que nous avons eu à voir, à entendre et à lire des distributeurs de certificats gratuits de patriotisme au titre de la divergence des opinions entre patriotes. Ce qui signifie que la destruction des installations et les assassinats de civils, de policiers et de soldats ne sont que de simples opinions et qu’il ne faudrait pas nous en inquiéter.

D’autres nous ont donné à entendre que le chaos et le sabotage des installations publiques n’étaient qu’une réaction à la violence de l’État. Ce faisant, ils ne se sont pas contentés de mentir vu que l’État n’a pas initié les violences, mais ont justifié les actions des terroristes et ce qui encore plus dangereux, ont fourni le prétexte pour la poursuite de leurs violences.

Ensuite, il y a eu ceux qui ont adopté le langage des séparatistes et de l’immoralité, convaincus qu’il s’agissait de pratique démocratique et de liberté d’opinion ; ceux qui sont restés neutres en croyant pratiquer la sagesse ; ceux qui ont adopté l’ambiguïté en pensant être astucieux et enfin, ceux qui se sont couchés en parlant d’ouverture.

Parmi ces derniers, certains avaient de bonnes intentions, mais par leur perte des postulats nationaux ils ont facilité l’infiltration de leur esprit et le contrôle de leur psychisme, ce qui les a égarés. Ils ont alors dévié de leur chemin, puis ont perdu le vrai sens du lien à la patrie et le souci de sa sauvegarde pour les remplacer inconsciemment par des illusions. C’est ainsi qu’ils ont encouragé l’ingérence des ennemis et aidé le terrorisme et le chaos à se répandre.

Par conséquent, il ne suffit pas de dire que notre problème en Syrie est le terrorisme, ou l’extrémisme ayant conduit au terrorisme, ou le fanatisme ayant conduit à l’extrémisme et au terrorisme, ou l’ignorance ayant conduit aux trois phénomènes précités. Ce sont des aspects du problème, c’est vrai. Mais ceux dont je parle ici n’ont aucun des travers précités. Au contraire, ils possèdent toutes les qualités requises pour parfaire leur personnalité, mais il leur manque la référence intellectuelle et morale. Cette référence qui détermine le rapport de l’individu avec tout ce qui l’entoure, sa vision de la patrie, de la société, de la famille, de la religion, de la culture, des coutumes et traditions, voire des autres cultures, etc. C’est à travers cette référence qu’il définit ses prises de position. Si elle manque, l’individu en question va à la dérive tel celui qui se trouve sur un bateau moderne en plein océan, sans cartes marines, avec un GPS qui ne fonctionne plus et une météo qui ne l’aide pas à trouver son chemin grâce aux étoiles. Il est perdu au cœur de l’océan.

C’est ce qui nous est arrivé. Nous en avons observé les résultats au cours de la guerre : inconséquence, confusion, chaos, désaccords, etc. Nous ne pouvons donc pas parler de l’avenir ou nous rassurer sur l’avenir si nous ne traitons pas cet aspect du problème.

Tout cela n’est pas nouveau pour notre peuple. Ce n’est pas la première fois qu’il témoigne de sa noblesse face à une situation critique.

En effet, la stabilité de la société est le premier des postulats. Tout ce qui nuit à sa sécurité et aux intérêts de ses membres est absolument inadmissible quelle qu’en soit la raison. Quant aux valeurs, dont le respect des parents, des anciens, des symboles sociaux et nationaux, des enseignants, des savants, des travailleurs, ainsi que la tolérance, la bienveillance, elles ont subi une érosion révélée par la guerre et non uniquement provoquée par celle-ci. Une érosion qui a commencé depuis des décennies pour diverses raisons dont l’analyse nécessite les explications de sociologues. Il n’en demeure pas moins que nous devons travailler à la consécration de toutes ces valeurs, faute de quoi la société ne peut-être ni stable ni prospère.

En m’exprimant ainsi, je ne donne pas de leçons de morale. J’aborde un sujet qui se situe au cœur de la politique et au cœur même du problème, vu que la cause la plus importante et la plus profonde de la crise que nous avons vécue fut l’absence de valeurs et de morale.

D’autres valeurs sont certes essentielles. Les croyances sont l’âme de la société, sans elles, nous perdrions notre humanité, elles sont boussole et sont morales, les respecter est un devoir pour tous, le contraire étant interdit à tous. Quant à l’appartenance, elle est à la base de l’équilibre psychologique du citoyen et il n’y a rien à attendre de celui qui perd son sentiment d’appartenance à sa patrie et à sa société. Et la Terre est l’entité qui se situe au cœur même de l’existence, ce qui a fait dire qu’elle est comme l’honneur, ni négligeable, ni négociable.

Finalement, tous les postulats précédemment cités constituent le plus grand des postulats : la patrie ! C’est pourquoi il est inadmissible et illogique d’entendre répéter que la patrie est une ligne rouge et intouchable, alors que nous touchons à ses postulats constitutifs. Elle est le postulat qui mène au patriotisme sans lequel la patrie ne serait qu’un slogan émotionnel vide de sens.

Si j’insiste autant sur l’ensemble de ces postulats c’est parce que, comme toujours, je pars de la réalité. En l’occurrence, une réalité ayant démontré que ce sont ces postulats qui ont poussé des familles entières à envoyer leurs enfants offrir leur âme et leur corps sur l’autel de leur patrie.

Et c’est sur ces postulats que de nombreux Syriens, issus des diverses franges de la société, ont solidement ancré leurs prises de position nationales et morales en dépit des menaces directes à leur vie, leur famille ou les moyens de leur subsistance pendant la guerre. Toutes les personnes ici présentes le savent mieux que je ne saurais le dire, tout comme les nombreux Syriens qui se sont tenus du côté de leur patrie.

Ces postulats sont donc la référence sur laquelle nous nous sommes appuyés et le bouclier qui nous a protégés des effets psychologiques complexes auxquels nous avons été exposés pendant la guerre. En pratique, elles ont fait échouer tous les paris, d’où mon insistance, car comme pour l’ignorance de la cause du problème, l’ignorance de la cause de la résistance signifie que nous n’avons pas appris la leçon, auquel cas nous ne pourrons pas avancer vers l’avenir en toute confiance.

Aussi, partant des faits précédemment abordés et de l’orientation claire et manifeste du peuple devenue une réalité inchangeable encore plus solide qu’avant la guerre, j’invite une fois de plus tous ceux qui ont été dupés et tous ceux qui ont parié sur la chute de l’État à revenir dans le giron de la patrie, car leurs paris ont échoué mais la patrie est toujours là.

Et je réitère mon appel à tous ceux-là en disant à chacun : vous êtes exploités par les ennemis de votre pays contre les vôtres. La révolution dont ils ont usée pour vous tromper est une illusion. Le peuple censé vous suivre est un mirage. Si la guerre la plus féroce et la plus dangereuse à laquelle les Syriens ont été confrontés ne parvient pas à les convaincre de vous suivre, rien d’autre n’en est capable. Si vous recherchez la dignité, c’est au service de votre famille et de votre peuple que vous la trouverez. Si vous aspirez à l’héroïsme, il est dans la défense de votre terre. Si vous cherchez l’honneur, il est dans l’édification de la patrie, non dans sa démolition. Quant à la liberté que vous fredonnez, vous ne la trouverez ni chez l’Occidental dont les ancêtres ont pratiqué l’esclavage par le passé et dont les petits-enfants ont pratiqué la discrimination raciale au présent, ni chez l’Ottoman dont les ancêtres ont détruit une région entière, culturellement et moralement tout en pratiquant les purifications et les discriminations ethniques et qui, actuellement, tente de ressusciter leur sombre histoire dans une version encore plus noire et plus laide.

Je leur dis aussi. La rectification d’une erreur est une vertu. La patrie est le refuge et l’abri, son État appartenant à tous ses enfants. La grandeur d’un peuple est à la mesure de son grand cœur et de sa capacité à pardonner.

Or, les premiers à avoir pardonné sont les familles des martyrs. Depuis les premières années de la guerre, elles ont ouvert les portes des réconciliations et ont travaillé à stopper l’effusion du sang. Ces portes resteront ouvertes par l’État et le peuple et ne se refermeront pas tant que vivront ceux qui préfèrent la dignité à l’humiliation et la souveraineté à l’esclavage.

Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, nous faisons partie d’un monde en turbulence dont les pôles sont en conflit. Un conflit qui ne pourra s’apaiser tant que l’une des parties ne l’aura pas emporté ou qu’un rapport de force n’ait été atteint. D’ici là, notre monde restera une jungle où il n’y a pas de place pour l’humanité et la morale.

Guerres directes ou par procuration, soutien au terrorisme, États faillis, peuples affamés, arène sans frontières ni règles avec nous en plein milieu et nulle part où aller pour y échapper ou prétendre à la neutralité ; le plus grand danger étant la guerre psychologique qui vise à dompter les peuples après démolition de leurs cultures et remodelage de leurs concepts.

Nous avons prouvé au cours de cette guerre que nous sommes un peuple dont on ne peut dominer la conscience, trafiquer l’identité ou rompre l’appartenance, que les peuples anciens vivent dans la réalité effective, non dans une réalité virtuelle et qu’en conséquence, ils ne se laissent pas programmer par des charlatans, ne perdent pas leur mémoire sous l’effet de virus trompeurs, ne tombent pas dans le piège d’une reddition gratuite sur les plateformes virtuelles.

Le but des guerres modernes est l’homme bien avant la terre. Celui qui bat l’homme gagne la guerre. Ainsi, Israël n’a pas gagné la guerre lorsqu’il a occupé la Palestine en 1948, mais s’en est approché lorsque certains Palestiniens et certains Arabes se sont imaginés que les concessions humiliantes restaurent les droits, et lorsque d’autres ont cru que la résistance est une habileté au lieu d’être d’un principe, un commandement à partir d’un hôtel au lieu d’un quartier général avancé, un combat sur un plateau de télévision au lieu d’une tranchée, une trahison inattendue d’un frère au lieu d’une frappe surprise sur l’ennemi.

L’ennemi gagne lorsque la majorité est convaincue que la résistance est un gros mensonge, que sa force est une illusion, que son pouvoir de dissuasion est une chimère, que son existence est un fardeau, que la prospérité de la patrie réside dans son aplaventrisme et son indépendance dans l’émancipation de soi-même, de son peuple, de son histoire et de son environnement. Autrement dit, l’ennemi gagne lorsque les concepts se retrouvent sens dessus-dessous.

Or, une partie du problème en Syrie et l’une des causes de la guerre sur la Syrie sont liées à cette inversion des concepts, elle-même liée au jeu terminologique dans lequel l’Occident s’est engagé depuis des décennies. Et, pour notre plus grand regret, nous, en cette région arabe, et d’autres au-delà de notre région, nous marchons avec eux vers le précipice que nous atteindrons lors de l’effritement des sociétés et du déclenchement de la guerre civile en leur sein. Il n’est donc pas possible de parler d’avenir ou de combattre un ennemi sans unifier nos propres concepts dans un cadre strictement patriote.

S’agissant de la Syrie, nous serons vaincus psychologiquement et intellectuellement si nous croyons que notre appartenance nationale se limite aux frontières politiques dessinées par l’occupant et qu’il ne nous reste qu’à présenter des excuses à ses descendants pour ce que nous avons pu dire contre lui durant le siècle passé. En effet, selon la pensée naïve et superficielle de certains, il aurait eu raison de nous séparer. Auquel cas, le lien entre Alep, Mossoul, Deraa, Ramtha, Damas, Beyrouth, Homs et Tripoli ne serait qu’une illusion née de notre imagination.

Nous serons vaincus si nous confondons arabité et gouvernements arabisés et si nous ne distinguons pas entre l’appartenance à l’arabité et l’arabisme politique sous sa forme actuelle. Auquel cas c’est inconsciemment que nous ferions de la trahison un synonyme de l’arabité.

Nous serons vaincus si nous pensons que l’arabité est une invention du même ordre que toute idée ou récit devenus une doctrine destinée à être remplacée lorsqu’elle n’est plus adaptée aux exigences de l’époque. Auquel cas nous oublions que l’appartenance est une réalité acquise par la naissance, puis par l’interaction avec la société du lieu de naissance, plutôt qu’un choix personnel dépendant de telle ou telle théorie volontairement adoptée.

L’appartenance ne se limite pas à une race, une religion, une confession ou un dialecte, tout comme elle ne se limite pas à un intérêt commun ou à une volonté, commune, une histoire ou une géographie, car l’appartenance est une conception civilisée et humaniste qui englobe tout ce qui précède.

Telle est notre conception de notre arabité et de son contenu civilisationnel et rassembleur, d’autant plus riche que la société se diversifie. Elle incarne la continuité entre les composantes civilisées du passé et les composantes sociales du présent, lesquelles fusionnent harmonieusement par l’intégration, sans dissolution, de toutes les composantes de la société.

En d’autres termes, c’est une arabité qui unifie l’appartenance tout en préservant les identités. Et cela, car toute patrie ou toute société a besoin d’une dénomination unique à condition qu’elle n’affecte aucune de ses composantes, qu’elles soient religieuse, confessionnelle ou ethnique.

Dire que la Syrie est arabe ne veut pas dire que tous ses citoyens sont arabes. L’arabité dont nous parlons n’implique pas l’abolition d’une quelconque composante de la société. Au contraire, nous pensons que la disparition de n’importe quelle composante la dévaloriserait et l’affaiblirait. Lorsque, par méconnaissance de la Syrie, certains se contentent de souligner sa diversité, ils rejoignent ceux qui considèrent que nous aurions plusieurs dénominations ; ce qui revient à la partition de la patrie.

Par conséquent, l’arabité n’est pas une question d’opinion, d’accord ou de désaccord. C’est une question fatidique non seulement pour la Syrie mais aussi pour toute la région arabe. Tout ce qui s’est passé au cours des dernières décennies avait pour but la destruction de ce concept de l’arabité dans l’esprit des citoyens et des sociétés arabes avec tout ce qu’elles contiennent de composantes d’une grande richesse.

Nous perdons lorsque nous croyons que la distanciation est une politique et qu’elle découle assurément des troubles sévissant dans notre environnement. Nous perdons lorsque nous croyons que les causes de ceux qui nous entourent n’ont rien à voir avec la nôtre. Et nous gagnons lorsque nous comprenons que la cause palestinienne est la plus proche de nous, que les Palestiniens sont nos frères, que notre engagement envers leur cause et leurs droits est ferme, non modifiable par les événements, les circonstances, les trahisons ou la duplicité des uns et des autres.

C’est là une question inséparable de notre engagement envers les nôtres au Golan, lesquels ont donné le plus bel exemple d’appartenance à la patrie et d’adhésion à leur identité arabe et syrienne, tout comme ils ont prouvé qu’ils resteront un obstacle épineux aux yeux des envahisseurs momentanés de leur terre jusqu’à son entière libération.

 

Mesdames et Messieurs,

La libération de nos terres encore occupées par les terroristes et leurs parrains turcs et étasuniens reste au premier plan. Jusqu’ici nous avons procédé par étapes successives : d’une part, pour laisser du temps à ceux qui veulent revenir vers la patrie ; d’autre part, pour laisser une chance aux démarches politiques des amis.

Lesquelles démarches visent à persuader les parrains du terrorisme d’abandonner leur approche et de convaincre les terroristes de se retirer des régions qu’ils occupent, afin d’éviter encore plus d’effusions de sang et de destructions. Cette politique a obtenu des résultats satisfaisants dans certaines régions et a échoué dans d’autres. Ce dernier fait n’a laissé qu’une seule solution, celle de l’intervention de nos forces armées pour éliminer le terrorisme, libérer la population civile et imposer l’État de droit.

Nous continuerons à suivre cette politique pour libérer le reste de notre territoire en gardant à l’esprit que le Turc est perfide et que l’Étasunien est hypocrite. Nous ne manquerons aucune occasion susceptible de sauver des vies, de réfuter les mensonges des ennemis et aussi, de dire notre confiance en nos amis, tels la Russie et l’Iran, lesquels ont eu le mérite de se tenir de notre côté et de peser grandement sur le cours de la guerre et la libération de nos terres, en plus du rôle de la Russie et de la Chine quant à la défense de la légitimité et du droit international.

Nous saluons tous les honorables patriotes du nord-est syrien pour s’être dressés face à l’occupant étasunien et avoir tenté de l’expulser alors qu’ils n’étaient pas armés, et aussi pour avoir affronté ses agents et ses mercenaires au prix de leur vie.

En revanche, nous n’oublierons pas que dans leur voisinage, certains détenteurs de passeports syriens qui avaient prétendu être prêts à faire face à l’agression turque se sont retirés consentants et serviles lorsqu’elle a eu lieu. Nous les voyons aujourd’hui s’en donner à cœur joie sous les yeux des Turcs, sur leur sol et dans leurs maisons. Ils ont donc poignardé leur patrie à deux reprises : la première lorsqu’ils ont prémédité de ne pas soutenir l’Armée nationale après avoir affirmé le contraire ; la seconde, lorsqu’ils ont fui devant l’agression. La première a été le prélude de la seconde et dans les deux cas, ils ont été la base et l’outil ouvrant la voie aux envahisseurs. Ce faisant, ils ont fait partie d’une pièce écrite et dirigé par le maître étasunien, chacune des parties ayant défini avec précision son rôle, ses positions sur le terrain, la marge de parole autorisée et même l’intensité de l’expression des sentiments de colère ou de satisfaction.

Dans ce contexte, nous affirmons le devoir constitutionnel, juridique et moral de l’État de soutenir toute forme de résistance, pacifique ou armée, contre l’occupant sur tout le territoire. Ce devoir est une obligation absolue, indépendante de toute autre considération, jusqu’à la libération totale du territoire et l’expulsion du dernier occupant comme du dernier terroriste.

 

Docteur Bachar al-Assad

Président de la République arabe syrienne

17 Juillet 2021

Mouna Alno-Nakhalle 19 juillet, 2021

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