Crise, la CARICOM entre en scène (2)

(2ème partie)

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Le Premier ministre jamaïcain, Andrew Holness et son homologue par intérim d’Haïti Ariel Henry

La Mission de la CARICOM du 27 février 2023 conduite par le Premier ministre jamaïcain, Andrew Holness, n’a passé que quelques heures à Port-au-Prince. Selon tous les spécialistes de la politique haïtienne, elle ne pouvait espérer trouver de solutions dans une crise qui s’achemine sur sa troisième année, en tout cas, depuis la prise du pouvoir par le Premier ministre Ariel Henry. Arrivée dans la matinée du lundi 27 février, c’est au pas de charge que la délégation a été forcée de rencontrer différentes entités impliquées. Or, des acteurs et Secteurs il y en a légion dans cette crise.

Chacun avait ses préoccupations, ses mots à dire et surtout ses exigences par rapport aux autres, principalement par rapport à Ariel Henry. Naturellement, le Premier ministre de facto, avait reçu à la Villa d’Accueil, l’ensemble de la délégation qui voulait savoir en quoi elle peut être utile à son gouvernement, alors que la demande du gouvernement reste la même.

Il cherche une aide militaire de la Communauté internationale pour combattre l’insécurité. Dans un tweet publié après la rencontre avec la délégation, les Servies du Premier ministre ont fait savoir : « Lors de sa fructueuse rencontre avec la délégation de la CARICOM, le Premier ministre, Dr Ariel Henry, a fait valoir l’urgence que des actions concrètes soient menées pour le rétablissement d’un environnement sécuritaire. Ce qui constitue la préoccupation première du gouvernement et une condition essentielle pour l’organisation des élections » peut-on lire. Mais, il n’y avait pas que les responsables du gouvernement qui allaient s’asseoir avec le Premier ministre jamaïcain et sa délégation.

Le Haut Conseil de la Transition (HCT) aussi a eu l’honneur de ces visiteurs de passage dans la capitale dans le cadre de la Mission de la CARICOM. Mme Mirlande H. Manigat, la Présidente du HCT, s’est réjouie de la rencontre et paraissait très enthousiaste, voire confiante. Selon Mirlande H. Manigat : « La rencontre a été très cordiale. Ils ne sont pas venus en donneurs de leçons. Ils ont été très réceptifs. Nous leur avons expliqué ce qu’est le HCT, nos ambitions, la nature de notre rapport avec le gouvernement, etc. Nous les avons interrogés pour savoir ce qu’ils étaient venus faire ici, et quelles étaient leurs perspectives et leurs ambitions. Nous leur avons expliqué que la sécurité est la plus grande priorité » avançait l’ancienne Secrétaire générale du RDNP.

Mais, prudente tout de même sur un éventuel envoi de troupes militaires : « D’après ma compréhension, ils n’enverront pas de troupes. D’abord parce que les pays de la CARICOM n’ont pas d’armées. De plus, ils n’expérimentent pas nos problèmes liés à l’insécurité. Le banditisme qui y sévit n’a rien à voir avec ce que nous vivons ici. Ils n’ont pas les moyens pour envoyer des forces. La Jamaïque s’est proposée, certes, mais pour aider la PNH, pas pour envoyer des soldats. Les membres de la CARICOM sont prêts à aider dans la construction d’une force de police capable de redonner confiance à la population » reconnaît la Présidente du HCT.

Le lundi 27 février 2023, des membres du gouvernement par intérim d’Haïti ont rencontré à la résidence officielle du Premier ministre haïtien des membres de la délégation de la Communauté des Caraïbes (CARICOM)

Quant au Secteur d’affaires, dont une délégation a eu un entretien avec les membres de la Mission, il ne fait aucun doute que la Communauté internationale recherche plutôt un consensus entre acteurs susceptibles d’accepter une force militaire en Haïti. Selon l’un des membres de ce Secteur, le Président de l’Association des Industries d’Haïti (ADIH), Wilhem Lemke, le chef de la Délégation et son équipe ont été très attentifs à leurs doléances et leurs conseils : « Nous leur avons dit qu’il faut une plus grande masse critique. C’est se leurrer de penser qu’on aura un consensus à 100%. Ils ont compris. Ils ont dit avoir décelé que certains qui étaient intransigeants sur une assistance sécuritaire seraient prêts à faire des concessions. Ils veulent plus d’assurance sur le fait qu’une assistance étrangère serait la bienvenue. La CARICOM a également pour objectif de porter la Communauté internationale à accorder plus d’attention à Haïti comme c’est le cas avec l’Ukraine » a informé le patron de l’ADIH.

Bien sûr, l’institution policière figurait en bonne place dans le menu du jour.  Le chef de la police haïtienne, Frantz Elbe, a eu droit à sa poignée de main et a dû entendre la même histoire : que la police nationale d’Haïti sera couverte de tout ce dont elle aura besoin pour mener à bien sa mission. Cela fait presque trente ans que tous les Directeurs généraux de la PNH entendent la même chose. Les partis politiques, la Société civile, les responsables de divers Accords, ont tous été reçus par le Premier ministre Andrew Holness et le reste de la Mission. Si Jerry Tardieu, ancien parlementaire de Pétion-Ville et chef du Parti En Avant, a été le premier  à être reçu en audience, il n’était pas le seul. Il a indiqué tout de même que « La rencontre avec la délégation de la CARICOM a été empreinte de cordialité et de respect mutuel. J’ai fait valoir la position de En avant qui n’a jamais varié. L’Accord du 21 décembre est un pas dans la bonne direction mais insuffisant et incomplet.

Le Premier ministre jamaïcain, Andrew Holness de la Caricom rencontre les membres du Haut Conseil de la Transition

Il nous faut au plus vite un deuxième round de discussion pour en arriver à un accord final plus consensuel et inclusif. J’ai aussi fait valoir l’urgence sécuritaire en rappelant le martyr que subit la population haïtienne otage des gangs armés ». Bien évidemment, l’Accord de Montana qui se veut incontournable face à Ariel Henry a été de la partie. C’est Sabine Manigat qui s’était prêtée au jeu de questions et réponses après la rencontre. Selon ce membre de l’Accord du 30 août  « Il y avait trop de monde et pas assez de temps. Mais, l’intention était là. Le Premier ministre jamaïcain s’est bien mis à l’écoute. Il a été très patient. L’atmosphère n’était pas toujours cordiale, puisque les différences sont profondes. Les échanges pour Montana portaient sur quatre points intrinsèquement liés que sont : Sécurité, Constitution, élections et gouvernance » disait-elle.

D’autres formations politiques comme : Pitit Dessalines de l’ancien sénateur Jean-Charles Moïse ; LAPEH de l’ex-sénateur Jean Hector Anacasis ; UNIR de l’ancien journaliste Clarens Renois ; PHTK de Liné Balthazar ; OPL de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale Edgard Leblanc Fils ; MOPOD de l’agronome Jean André Victor ; GREH de l’ex-colonel Himmler Rebu et Kontra-Pèp La de l’ex-sénateur des Nippes Jean William Jeanty, etc, ont aussi rencontré la délégation et ont exposé la gravité de la situation.

Rencontre de la délégation de la Caricom avec les hauts gradés de la Police Nationale d’ Haiti

Selon la Mission de la CARICOM, ces entretiens avec chaque acteur de la vie nationale entre dans le cadre du dialogue et du consensus que recherche l’International en vue de trouver une réponse inclusive à la crise qui impacte la vie de tous les haïtiens depuis des années. Mais, pour d’autres secteurs qui n’ont pas été reçus, cette Mission n’est qu’une visite de plus dans la capitale haïtienne, sans plus. Ils vont même jusqu’à dire qu’il s’agissait d’une « Perte de temps de croire que la CARICOM peut résoudre la crise haïtienne ».

En tout cas, c’est ce que disaient les dirigeants du Mouvement point final qui estiment « jamais au grand jamais la CARICOM ne pourrait faire quoi que ce soit là où même l’ONU et l’OEA échouent et ont peur aujourd’hui de rentrer dans un engrenage où elles ne voient aucune porte de sortie. » Enfin, au retour de la Mission de Andrew Holness, une réunion de suivi a été organisée le dimanche 5 mars 2023 avec les chefs d’Etat et de gouvernement de la CARICOM sous la présidence du Premier ministre des Bahamas, Philip Davis, nouveau Président de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Outre le soutien promis au gouvernement haïtien et aide à apporter à la PNH, il a été question que la CARICOM sollicite le soutien des Etats africains en faveur d’Haïti en reconnaissance, selon les dirigeants de cette organisation : des expériences historiques et de la forte relation afro-caribéenne. Autant dire, la montagne n’a accouché que d’une souris, en clair c’était une Mission pour rien. Mais ça, tout le monde s’y attendait y compris, d’ailleurs, la CARICOM. (Fin)

 

C.C

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