Contre l’anti-math : Christophe pouvait-il comploter activement contre Dessalines?

0
1204
Henri Christophe

Vers la fin des années 1700, il n’y avait que trois moyens de voyager par terre : la marche, la voiture tirée par un ou plusieurs chevaux, et le cheval.

Les militaires évaluent habituellement la vitesse d’une troupe bien entraînée, à pied et en plaine, à au maximum, 5 kilomètres par heure. Et des temps de repos sont absolument nécessaires. Cependant, Haïti est un pays de montagnes. Il me paraît donc raisonnable d’évaluer la vitesse maximale de marche d’un bon marcheur (ou d’une bonne marcheuse) chez nous, à un maximum de 3 km/h.

Et les montagnes, de 1790 à 2021, n’ont pas disparu. Nous pouvons donc assumer que ces vitesses de marche sont toujours plus ou moins les mêmes. Bien sûr, les sneakers sont beaucoup plus confortables que les anciennes godasses – quand on en avait – et permettent probablement de marcher plus vite et plus longtemps. Mais laissons cela de côté, si vous voulez bien (et si vous voulez pas, c’est le même prix, entre nous et la ravine d’en face!).

Ergo : Distance terrestre Port-au-Prince/Cap : 253 km.

Assurément un temps de marche journalier de 6 heures, et une vitesse de 3 km/h

Distance parcourue en un jour : 6 X 3 = 18 km.

Jours de marche nécessaires pour aller de Port-au-Prince au Cap à pied : 253 / 18 = 14.0555…

que nous arrondissons à 14 jours : DEUX SEMAINES, et dans les meilleures conditions possibles. Et pour effectuer un aller-retour, en assumant que vous ne restiez pas un seul jour au Cap : UN MOIS…

Et la plupart des gens devaient voyager à pied, le cheval et la voiture étant trop chers pour le commun des mortels…

Telles étaient les conditions réelles, sur le terrain, pour l’ensemble de la population.

Maintenant, supposons que vous ayez à votre disposition un bon cheval. Vous êtes peut-être un courrier de l’Armée portant de Port-au-Prince un message urgent destiné au général Henri Christophe, commandant au Cap. De plus, vous savez, puisque tout le monde est au parfum, que le bon général a le peloton d’exécution facile, et ne comprend pas tellement la plaisanterie. Il y va donc de votre vie de faire vite. Au moindre retard, douze balles dans la peau!

Assumons que votre dada galope à 15 km/h. Dans la vie réelle, c’était probablement bien moins, mais mettons…

En chevauchant 6 heures sans avoir le derrière en capilotade, vous parcourez chaque jour 6 X 15 = 90 kilomètres.

A condition de vous procurer un bain de siège prolongé chaque soir. N’importe quel cavalier comprendra ce que je veux dire. Dans la cavalerie, un derrière solide a toujours été de rigueur…

Il s’ensuit que pour parcourir 253 km, il vous faudra 253 / 90 = 2.8 jours.

Que j’arrondis à 3 jours.

Si j’apporte un message, je devrai aussi en attendre la réponse. Mettons que je reste un jour au Cap, ce que l’on peut considérer comme le temps d’attente minimum. Il me faudra donc au total :

3 jours aller + 1 jour au Cap + 3 jours retour = 7 jours.

Ce que j’appellerai Le temps minimal de complot entre le Cap-Haïtien et le Port-aux-Crimes.

Conséquence :

Henri Christophe ne pouvait pas participer activement à l’assassinat de Dessalines au Pont-Rouge. Il était trop loin, étant donnés les temps de communication réels de l’époque.

Qu’il ait été au parfum du complot est une autre question.

Ma conclusion personnelle, en attendant davantage d’étude, est que Pétion comme Christophe savaient ce qui se tramait, et ont laissé faire. C’est d’ailleurs aussi celle de nos trois premiers historiens, Madiou, Ardouin, et Saint-Rémy des Cayes, que rejoignent, parmi d’autres, Hector Pauléus Sannon et Etienne Charlier.

Toute étude réelle de l’Histoire de notre Nanchon commence par la lecture attentive de ces savants, et aussi du Père Cabon et de C. L. R. James, plus certains historiens Cubains, Français et Polonais. Il ne faut prêter aucune attention à certains historiens anti-haïtiens d’ailleurs toujours à la recherche d’un scoop pour faire avancer leur carrière, ni surtout aux « historiens » et « historiennes » de l’Ecole Romanesque Duvaliérienne, qui se préoccupent toujours de concocter des romans racistes, et jamais d’analyser et de passer au crible de la critique les faits historiques, qu’à mon humble avis ils ne prennent pas le temps d’étudier. Car :

Sapience n’entre point en âme malivole

Et science sans conscience n’est que ruine de l’âme…

Comprenne qui voudra.

Ceci dit, vous avez juste constaté ce qu’on peut faire en Histoire d’Haïti avec un peu d’arithmétique élémentaire. Alors, pourquoi ne pas vous y mettre? Informations de base + arithmétique = investigation et détection des mensonges. C.Q.F.D., dirait Euclide…

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here