Assassinat de Jovenel Monel Moïse, retour sur un meurtre politique ! (2e partie)

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Jovenel Monel Moïse

La doctrine qui consiste à obéir aveuglement à tout commandement étranger est mortifère pour chacun de nous en Haïti et au premier chef pour les élites dirigeantes. Et sans aucun doute, une humiliation pour nos forces de l’ordre et de sécurité. Puisque, dans la tragédie du 7 juillet 2021 avec le massacre du Président Jovenel Moïse, à en croire les premières déclarations des autorités et les appels criés aux mégaphones par l’un des membres du commando, James Solages, l’on voit certains membres de la garde de sécurité du Président déposer effectivement leurs armes sans aucune résistance. Les membres des forces de sécurité présidentielle ont obéi aux doigts et à l’œil à une bande d’assassins venue spécialement, d’après les premiers résultats des enquêteurs, de la Colombie en hurlant seulement qu’ils étaient de la DEA.

Voilà à quel point on est arrivé en Haïti avec cette histoire que les agents étrangers ou de la Communauté internationale et principalement venus de chez l’Oncle Sam depuis bien des années ont la prédominance sur les nationaux, et ce, dans tous les domaines et à tous les niveaux. On se souvient de l’humiliation qu’avait subi Guy Philippe, fraichement élu sénateur de la République, à l’aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince en 2017 après son arrestation par surprise et son extradition vers les Etats-Unis sous la présidence de Jocelerme Privert. Les policiers Haïtiens, en compagnie des agents de la DEA, prenaient un malin plaisir à le faire monter et descendre l’escalier de l’aéronef qui devait le transporter vers sa prison de Miami en Floride comme si l’on ne pouvait pas arrêter,  juger et condamner Guy Philippe en Haïti et l’incarcérer dans une prison haïtienne. L’adoration du « Blanc », son argent, ses pouvoirs et tout ce qui le symbolise pousse les enfants de Dessalines à renier tout ce qui les caractérise en tant qu’à Haïtiens, fils et petits-fils  de celui qui leur a donné dignité, honneur, fierté et orgueil pour avoir mis les « Blancs » à leur place et les Noirs au même rang qu’eux, c’est-à-dire, au rang d’être humain.

Mais, depuis, ce temps est révolu, semble-t-il, sur cette terre où les Nègres se sont mis débout pour la première fois selon le poète et homme politique Martiniquais, Aimé Césaire. Juste trois lettres D.E.A ont permis aux assassins de franchir la ligne rouge. « DEA opération » était le mot de passe. Et tous les esclaves se sont mis à trembler, obéir à leurs maitres ou prendre la fuite. Hier, on disait « Marron ». Jovenel Moïse est victime de ce qu’on peut appeler aujourd’hui en Haïti la : blancomanie. Finalement, après avoir passé toute une journée à se poser des questions sur l’identité des commanditaires de ce crime odieux, le peuple de Port-au-Prince et ses faubourgs a compris qu’il était trop tôt pour avoir des réponses. Alors, dans un élan de survie collectif il fait comprendre aux auteurs intellectuels de cet acte insensé en plein 21e siècle qu’il ne tombera pas dans le piège. Ce piège qui consiste à faire croire qu’il allait envahir les rues de la République pour célébrer l’horrible meurtre comme si son avenir était lié avec ces assassins en « col blanc ».

Instantanément, le peuple a décidé de ratisser les rues en compagnie des unités d’élite de la police qui se lancent à la poursuite des membres du commando qui, semble-t-il, n’avaient pas prévu un plan de retrait et se trouvaient piégés dans le quartier de Pèlerin, Thomassin et Jalousie et où ils ont accompli la mission pour laquelle ils ont été grassement rémunérés. Motivée par les déclarations et les informations venues des médias laissant croire que les assassins parlent espagnol, la population a vite compris qu’il s’agissait de mercenaires étrangers qui ne connaissent pas vraiment la topographie de la zone. Alors, elle s’est lancée à la chasse de ces étrangers qui, certes, sont financés par des politiciens locaux mais aussi soit par des opposants au régime PHTK, soit par des gens du camp même du Président qui ont osé venir défier les forces de l’ordre sur leur propre terrain en Haïti. En moins d’une journée, on a appris qu’un nombre considérable de mercenaires avait été soit appréhendés par les forces de l’ordre soit capturés, ligotés et livrés à la police par la population.

On n’oubliera jamais ces scènes indescriptibles où l’on voit une masse de gens du bidonville de Jalousie emmener des mercenaires l’air hébété, hagards, ligotés comme des crabes et pour la plupart torses nus pour les remettre à la police. On peut dire que ces assassins ont eu la chance. Dans la mesure où, au cours de cette même journée, après avoir livré un certain nombre de mercenaires aux forces de l’ordre, une partie de la population avait changé d’avis et s’était massée devant le Commissariat de Pétion-Ville dans le but de les récupérer pour les lyncher. N’était-ce la vigilance, le sang froid et le professionnalisme des agents de police qui montaient la garde devant le Commissariat, la population allait s’emparer de ces assaillants pour les faire subir le sort du général Etienne Charles Oscar et du Président Vilbrun Guillaume Sam le 27 juillet 1915. Maintes rumeurs ont circulé sur la nationalité des membres composant ce commando qui serait polyglotte. Dans un premier temps on parlait de Vénézuéliens, Dominicains, Américains et Haïtiens.

Finalement, on finit par apprendre, un peu plus tard, qu’il s’agissait de ressortissants colombiens au nombre de vingt-huit (28) et de deux (2) américains d’origine haïtienne. Après une chasse à l’homme qui a duré plusieurs jours dans la commune de Pétion-Ville où l’on a vu policiers et habitants marcher main dans la main pourchassant et traquant les assassins du Président, les responsables du gouvernement dont le Premier ministre a.i. Claude Joseph et le Directeur général de la PNH, Léon Charles ont fini par informer le pays que vingt (20) membres du commando ont été capturés vivants. Trois (3) autres sont morts en tentant de résister. Et cinq (5) ont pu s’échapper et sont toujours dans la nature mais activement recherchés par la police et la population, laquelle est priée de rester en retrait et d’appeler les forces de l’ordre au cas où quelqu’un aurait aperçu ces fuyards. Dans la foulée des évènements, la femme du Président, Martine Joseph Moïse, blessée et laissée pour morte durant l’attaque, a été transportée dans un premier temps à un hôpital de la capitale haïtienne en compagnie de l’un de ses enfants, sous le choc, car présent ce soir-là.

Selon le responsable de la Direction Centrale de la Police Nationale (DCPJ), Fréderic Leconte, c’est une équipe de la police en découvrant le drame le lendemain matin qui a secouru Martine Moïse. « Les policiers l’ont conduite à l’hôpital » a confirmé Frédéric Leconte. Ensuite, la Première dame a été orientée en urgence le même jour vers un Centre hospitalier aux Etats-Unis, Baptist Hospital, à Fort Lauderdale, en Floride où elle devait subir une opération chirurgicale suite à ses blessures. L’épouse du feu Président a finalement regagné Haïti le samedi 17 juillet 2021 sous haute sécurité, en arborant même un gilet pare-balles, après dix jours d’absence afin de prendre part aux préparatifs des funérailles devant avoir lieu le vendredi 23 juillet 2021 à sa demande au Cap-Haïtien. D’autre part, pendant que l’enquête suit son cours, en l’absence d’autres autorités légitimes ou légales, puisque la succession du Président se dispute âprement entre différentes entités politiques des oppositions et de la Société civile.

C’est le chef du gouvernement a.i. Claude Joseph et le Conseil des ministres qui ont pris en main les charges de l’Etat en expédiant les affaires courantes jusqu’à ce qu’un consensus politique puisse être trouvé pour désigner de nouveaux dirigeants provisoires, ce qui serait en quelque sorte le début de la Transition avec tout ce que cela implique avant qu’on s’achemine vers les élections à une date restant à définir avec l’ensembles des acteurs y compris l’International maitre d’œuvre dans cette affaire. La première grande décision de Claude Joseph a été de décréter l’Etat de siège sur toute l’entendue du territoire haïtien. « Dans la nuit du mardi au mercredi, un commando a fait irruption dans la résidence privée du Président de la République. Les membres du commando ont ouvert le feu et tué le Président de la République. Son épouse a été blessée. Elle reçoit les soins que nécessite son cas. Je partage la peine de l’épouse du Président qui se trouvait avec lui. Je partage la peine des enfants du Président. La priorité pour moi était de les mettre en lieu sûr.

Selon les premiers éléments d’informations, il s’agit d’un groupe de personnes qui s’exprimait en anglais et en espagnol armé d’armes de guerre qui a tué le Président de la République. Etant le chef du gouvernement toujours en fonction, j’ai réuni ce matin le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN). Dans la stricte application de l’article 149 de la Constitution, je viens tout juste de présider un Conseil des ministres à l’extraordinaire où nous avons décidé de déclarer l’état de siège sur tout le pays. Je demande à la population de garder son calme. Je fais appel à l’intelligence du peuple haïtien en ce moment difficile. Nous savons les batailles menées par le Président. Le Président avait beaucoup de courage. Tous les secteurs du pays doivent s’unir pour condamner ce qui s’est passé. Peuple haïtien, gardez votre calme parce que la situation est sous contrôle. Dans le strict respect de l’article 149 de la Constitution, nous avons réuni avec le Conseil des ministres afin d’assurer la continuité de l’Etat » avait déclaré à la télé et à la radio Claude Joseph, accompagné de plusieurs ministres du gouvernement et le Commandant en chef de la police nationale, Léon Charles.

Pour cette nouvelle tragédie politique sur le sol haïtien, pas un responsable ou leader politique haïtien n’a manqué dans le concert de condamnation de cet assassinat. Mêmes les plus radicaux de l’opposition plurielle durant les quatre années et demie qu’a passées le Président Jovenel Moïse au pouvoir. Tous, sans exception, ont tenu à condamner et déplorer ce crime politique. La Société civile, dans les différents secteurs qui la composent : Secteur des affaires ; le monde économique et bancaire ; les associations patronales ; les organisations syndicales ; le secteur religieux (protestant, vodouisant, catholique, culte réformé, etc) ; l’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) et les autres corporations de presse, se dit choqués devant un tel acte qui peut plonger davantage le pays dans une crise pire que celle dans laquelle la Nation vit depuis ces dix dernières années. Même la Fédération Haïtienne de Football (FHF), à travers la Sélection nationale de football, Les Grenadiers, a tenu  à faire part de sa sympathie en mémoire du chef de l’Etat tué de la manière dont on sait.

Dans un courrier daté du 8 juillet 2021 adressé au Secrétaire général de la CONCACAF, M. Philippe Moggio, les dirigeants de la FHF par le soin du Secrétaire général, Carlo Marcelin,  demandent à ce que les joueurs de la sélection haïtienne puissent « Observer une minute de silence, porter des brassards noirs et que le drapeau haïtien soit mis en berne lors du match des Grenadiers contre la sélection américaine le 11 juillet 2021 en signe de deuil pour le Président de la République, SEM Jovenel Moïse, assassiné en Haïti ». Et, comme les autorités politiques, tous appellent la population au calme et à la retenue en déclarant faire confiance à la justice pour trouver les coupables et les punir pour ce forfait qui appelle à la réflexion sur le devenir de cette Nation qui ne cesse de payer un fardeau qui semble séculaire. (A suivre)

C.C

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