Rôles de l’OEA dans les crises politiques en Haïti
Non seulement la crise politique des dernières décennies en Haïti interpelle la conscience de tout haïtien, mais elle nous montre aussi combien est grande l’ingérence internationale dans les affaires politiques du pays. C’est cette ingérence érigée en système de gouvernance qui a engendré une classe politique médiocre, arrogante et immorale dont la qualité laisse à désirer. C’est grave pour la démocratie. Pourtant, l’Organisation des États Américains devrait être un véritable levier pour une démocratie durable en Haïti.
Selon Ricardo Seitenfus « Un simple regard sur les vingt-cinq dernières années dévoile les échecs flagrants de tentative de stabilisation ou de « normalisation » d’Haïti. Pas moins de 30 milliards de dollars auraient été dépensés pour résoudre une crise récurrente. Des milliers d’anonymes spécialistes de la coopération pour le développement se sont rendus sur place pour accompagner et orienter des projets dans les domaines les plus divers. Jamais un petit pays sous-développé n’a autant éveillé l’intérêt d’un si grand nombre de scientifiques et de chercheurs renommés au long de ces trois dernières décennies. Des spécialistes nord-américains et européens des champs de la connaissance les plus divers – économistes en tête – ont élaboré des centaines d’études qui ont débouché sur des suggestions et des propositions. »
Ricardo Seitenfus, représentant de l’OEA en Haïti lors du premier tour des élections présidentielles de novembre 2010, était donc partie prenante du rôle que jouait la communauté internationale dans cette mascarade électorale de novembre 2010. L’auteur de l’Échec de l’aide internationale en Haïti, publié sous les Presses de l’Université d’État d’Haïti, croit que: «de toutes les expériences récentes de transition politique entre une dictature et une démocratie, celle d’Haïti n’a pas seulement été longue, chaotique et toujours retardée; elle est la seule à ne pas pouvoir encore définir les règles du jeu de la lutte pour le pouvoir. Des exemples de réussite ne manquent pas et vont tous dans le même sens. D’un côté, les acteurs politiques doivent soigner les blessures du passé (lois d’amnistie, de pardon, de paix et de conciliation, etc.). De l’autre, établir des règles de fonctionnement pour l’avenir (multipartisme, liberté de la presse et des associations, alternance du pouvoir, respect des minorités et des droits de l’homme, institutions solides et respectées, etc. »
Face à toutes ces crises, tel le départ forcé d’Aristide le 29 février 2004, une mission des Nations-unis sur un terrain qui se déstabilisait, l’échec du pouvoir de transition Boniface et Latortue, la soumission du gouvernement de Préval aux dictats venant de l’étranger, le tremblement de terre du 12 janvier 2010, suivi de l’épidémie de choléra, voilà donc un pays affaibli et une classe politique, surtout du secteur dit démocratique populaire, divisée qui avait facilité aux acteurs de l’international, par le biais des experts de l’Organisation des États Américains (OEA) à l’application, bien entendu à l’envers, du discours de l’ambassadeur américain. À savoir, en lieu et place des universitaires au Palais national, au Parlement et à la diplomatie, ce sont des musiciens, bambocheurs, des individus très peu préparés à diriger l’État qui sont à la tête du pays.
À commencer par, en mars 2011 lors du second tour des élections présidentielles opposant la professeure d’université au chanteur de la musique konpa, l’international avait opté pour le musicien immoral, incompétent et arrogant.
À cette tempête de catégorie 5 qui s’était abattue sur Haïti, l’élite économique aussi bien que bon nombre de l’intelligentsia haïtienne s’étaient tus. Au lieu de dénoncer l’ingérence de l’international dans les affaires internes du pays, des hommes et des femmes avaient, comme par enchantement, intégré le pouvoir du chanteur sans vision.
Entre-temps, l’arrivée de Jocelerme Privert, ancien Sénateur des Nippes et ancien ministre de l’Intérieur de Jean-Bertrand Aristide (second mandat) n’avait pas pu empêcher, lors du scrutin de novembre 2016, avec l’arrivée d’autres incompétents au pouvoir, la descente du pays vers l’abîme. Et depuis, si certains haïtiens font semblant de marcher la tête haute pendant qu’ils sont dans la merde jusqu’au cœur, c’est tout simplement qu’ils refusent de comprendre que le pays est dans un profond abîme.
L’alternance des dirigeants politiques
L’élection est universellement reconnue et acceptée comme étant la seule méthode juste et libre, dans un processus démocratique, de choisir les dirigeants politiques. Mais quand ces dirigeants, non seulement arrogants et immoraux viennent de nulle part, sont sans expérience dans les affaires publiques et politiques du pays, et de plus, n’ont aucune formation académique, il y a lieu de s’interroger en matière de progrès sur les résultats positifs de développement de ces dirigeants au pays et surtout les retombées de leurs élections dans un processus démocratique.
Bref, depuis le fameux discours de l’ambassadeur américain Brian Dean Curran en juillet 2003, l’institution électorale ne fait qu’inscrire des candidats sans compétences académiques ni expérience de la fonction publique. Là n’est pas le problème, puisqu’il n’y a aucune exigence constitutionnelle exigeant des diplômes universitaires aux candidats. Mais là où est le problème, c’est qu’il s’agit de repris de justice ou d’individus au passé douteux qui, à travers un poste électif, cherchent à se couvrir d’une pleine immunité les protégeant de leurs actes de banditisme.
A suivre