Le 3 avril 2000, le journaliste Jean Dominique a été assassiné. Il a trouvé la mort dans la cour de la radio Haïti Inter, dont il était le propriétaire. Michèle Montas, la femme du journaliste qui travaillait elle aussi à la radio, n’était pas avec son mari au moment de l’attaque. Mais elle se rappelle ce jour avec précision. C’était un lundi.
D’habitude, Jean Dominique partait au travail avant elle. Il présentait le journal international, dont les informations tombaient pendant la nuit. Elle s’occupait des nouvelles nationales, et le journal était en principe bouclé depuis la veille.
Alors que Michèle Montas se rend à la radio ce jour-là, le journal créole de six heures est subitement interrompu. Pierre Emmanuel, le journaliste qui le présentait, s’était tu, et la musique avait remplacé les informations. Montas était étonnée, et au fond d’elle, elle sentait que quelque chose n’allait pas. « J’ai appelé la radio pour comprendre, et ils m’ont dit que je ferais mieux de venir », se souvient la journaliste.
Son intuition ne l’a pas trompée. Lorsqu’elle est arrivée, son compagnon gisait par terre, tué sur le coup par les balles assassines. Quatre projectiles, tous mortels. L’assassin avait un but clair : tuer. Un autre corps était aussi étendu dans la cour, celui de Jean Claude Louissaint, le gardien de l’immeuble. Jean Dominique s’est éteint. Ce 3 avril ramène la commémoration du 22e anniversaire de sa mort. Une mort à laquelle la justice haïtienne s’est attelée à donner des explications, sans jamais y parvenir totalement. Jusqu’à maintenant encore.
Avancées judiciaires
L’affaire Jean Dominique a connu divers rebondissements. Des juges se sont écartés du dossier. D’autres se sont exilés, par crainte pour leur vie.
22 ans se sont écoulés depuis cette exécution. Le dossier, confié à la justice haïtienne, a connu divers rebondissements. Des accusés ont été arrêtés, mais les auteurs intellectuels n’ont toujours pas été appréhendés. Pendant longtemps d’ailleurs ils n’avaient pas été identifiés formellement par la justice. Le dernier juge à avoir mené l’enquête est Yvickel Dabrezil, alors juge à la Cour d’appel de Port-au-Prince, avant son ascension à la Cour de cassation. L’instruction a duré une dizaine d’années, avant que Dabrezil ait remis son rapport.
Dans son ordonnance, une auteure intellectuelle est finalement désignée, contrairement à un premier rapport du juge Bernard Saint-Vil qui n’y avait désigné que des hommes de main. L’ancienne sénatrice de Fanmi Lavalas Mirlande Liberus est accusée d’être le commanditaire du crime, pour faire taire le journaliste de radio Haïti Inter, hostile au parti Fanmi Lavalas.
Des personnalités comme les anciens présidents René Garcia Préval et Jean Bertrand Aristide ont eu à passer devant le juge en tant que témoin. Aristide, selon une entrevue de son ancien chef de sécurité, mort par balles quelque temps après, aurait confié à Mirlande Liberus la mission de réduire au silence Jean Dominique, qui dénonçait à son micro la corruption qui gangrenait le parti au pouvoir.
L’un des accusés dans la mort de Jean Dominique est un individu nommé Philippe Markington. Quelques mois après le crime, il s’est présenté aux autorités judiciaires comme témoin. Mais rapidement, les soupçons pèsent sur lui et il est incarcéré.
En 2004, lors des événements qui ont marqué le second coup d’État contre Jean Bertrand Aristide, il parvient à s’échapper de la prison. Ses co-accusés aussi. Il s’exile en Argentine, où il vit pendant dix ans, jusqu’à être extradé en Haïti en 2014 sur la demande du juge Dabrezil.
Depuis, il se trouve au pénitencier national. Mais cette réclusion ne semble pas affecter totalement ses capacités à intervenir dans d’autres évènements politiques de grande ampleur dans le pays. Une enquête journalistique l’implique dans une tentative de coup d’État contre l’ex-président Jovenel Moïse. Il aurait contribué à manipuler des politiciens et d’autres personnalités de la société civile, les incitant à comploter contre le pouvoir, alors qu’il est en prison.
Cette capacité à agir fait semer le doute sur des connexions haut placées qu’il pourrait avoir à l’extérieur, qui le protègent. Mais, d’après l’actuel commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Jacques Lafontant, c’est improbable. « Si quelqu’un est en prison, je ne vois pas à quoi lui servirait cette protection », fait-il remarquer.
Désormais, le dossier Jean Dominique est à la Cour de cassation, qui devrait le renvoyer à la Cour d’appel pour qu’il y ait enfin un procès. Mais huit ans après l’ordonnance de Dabrezil, aucune avancée. Surtout que la Cour de cassation est affaiblie, avec seulement trois membres présents sur douze.
Crime spectaculaire
L’assassinat de Jean Dominique a été un évènement retentissant. Dans le pays comme à l’étranger, c’était la stupeur. Jando, comme on l’appelait, était l’un des journalistes les plus célèbres de son époque, et pour la presse haïtienne encore chancelante, il était un modèle. On l’aimait ou on ne l’aimait pas, mais il forçait le respect.
Assad Volcy se souvient bien de lui. Il était journaliste à Radio Haïti où il a passé environ trois années. La mort de Jean Dominique l’a ébranlé. « À la radio, en tant que reporter, je ne me sentais pas menacé, explique le politicien, propriétaire du journal en ligne Gazette Haïti. Il est vrai qu’on touchait à beaucoup de sujets sensibles, mais grâce à l’aura de Jean Dominique, on se sentait protégé. Mais lorsqu’il est mort, on a commencé à se dire que s’ils avaient pu le tuer, personne n’était à l’abri. »
Les sujets qu’abordait Jean Dominique étaient brûlants. Il s’attaquait derrière son micro a beaucoup de gens et d’intérêts, selon Assad Volcy. Le parti Fanmi Lavalas était au pouvoir. René Garcia Préval, ami de Jean Dominique, était à la tête de l’État. Mais le journaliste ne cessait de dénoncer les mauvaises orientations du parti de Jean Bertrand Aristide, qui se serait senti menacé. Selon Oriel Jean, l’ancien président sentait que Radio Haïti Inter mettait sa réélection en 2001 en grand danger.
Une vie d’engagement
Pourtant, malgré l’aura considérable qu’il a eue de son vivant, rien ne semblait prédisposer Jean Dominique à devenir journaliste.
Jean Dominique est né à Port-au-Prince, dans une famille petite-bourgeoise, mais qui était profondément nationaliste, selon Michèle Montas. Il a fait des études à Saint Louis de Gonzague, avant de suivre des études d’agronomie à Damiens, qu’il poursuit en France, avant de revenir dans son pays.
Jean Dominique aimait la culture, et c’est l’une des choses qui l’ont amené vers la radio. « Je me disais parfois qu’il était intransigeant, quand il s’agissait de défendre des principes, dit Michèle Montas. Mais, il était surtout foncièrement indépendant. C’était un homme cultivé, qui adorait raconter également. Et étonnamment, il était quelqu’un de timide. Mais pour la vision qu’il avait de son pays, s’il le voyait maintenant cela lui aurait fait mal. »
Le jeune Jean Dominique a connu la dictature : il y est né. L’opinion publique est muselée. Son frère Philippe Dominique avait tenté de renverser le pouvoir tout au début de la dictature, mais s’était fait prendre. Il est exécuté et toute sa famille en subit les frais. Jean Dominique aussi, qui a alors connu la prison aux Gonaïves.
Alors qu’il n’a pas eu une formation spécifique de journaliste, il commence à travailler à radio Haïti, qui était alors la propriété des Widmaïer. On est alors en plein régime de Duvalier père, et la presse n’est pas libre d’aborder des sujets de société, qui déplaisent aux autorités. La radio diffuse surtout de la musique étrangère, et des émissions culturelles que Jean Dominique présente. Ce n’est que progressivement que le journaliste réussit à introduire la musique populaire racine sur les ondes, et à ouvrir les espaces de parole. Sous François Duvalier ce n’était pas possible, mais il y a eu une ouverture sous la présidence de Baby doc.
Un évènement va en effet changer du tout au tout la trajectoire de la presse haïtienne. Sous Jean Claude Duvalier, c’est l’avènement au pouvoir aux États-Unis du président Jimmy Carter. « L’administration américaine a alors commencé à demander des ouvertures démocratiques au régime. Alors que le gouvernement avait toujours démenti l’existence de prisonniers politiques, il cède aux pressions et libère des prisonniers », raconte Michèle Montas.
Le minimum de respect des libertés individuelles demandé par l’administration américaine est bénéfique à la presse. Avec beaucoup de prudence, des sujets plus politiques sont abordés. Jean Dominique rachète la radio, qui devient Haïti Inter. Il introduit le journal en créole, qui devient très populaire dans le pays. C’est la dictature, mais les lignes semblent un peu bouger. Lentement, certes. Mais du plus profond du « bas peuple », on sent que l’on voudrait remettre en question la dictature.
Mais, la recréation ne dure pas longtemps. À la fin du mandat de Carter c’est le président Ronald Reagan qui monte au pouvoir et il ne semble pas avoir le même souci que son prédécesseur. Les macoutes reprennent le contrôle et commencent à persécuter les journalistes. La nuit du 28 novembre 1980 est noire. Journalistes, hommes politiques, etc. subissent la répression de plein fouet. Des dizaines sont arrêtés ou tués.
Radio Haïti Inter n’est pas épargnée et ses matériels sont détruits à coup de crosse d’armes à feu. C’est le premier exil — forcé, pour Jean Dominique et Michèle Montas, devenue entretemps sa compagne. « C’était une période difficile, se souvient Montas. Jean l’a vécue dans l’attente. On prenait des nouvelles du pays. On sentait qu’à tout moment, la situation pouvait exploser. Puis un jour, des amis nous ont appelés pour dire que Radio Soleil avait recommencé à fonctionner. On n’y a pas cru dans un premier temps. Mais quand j’ai entendu le célèbre “lè m tande solèy la’, j’ai vu que c’était réel. »
En effet, on est en 1986 et la révolution populaire vient de chasser le dictateur du pouvoir. Jean Dominique exulte. Un mois après, le couple retourne dans le pays et travaille à reconstruire Radio Haïti Inter, grâce aux contributions de toutes les couches sociales.
Jean Dominique est comme un poisson dans l’eau derrière ce micro qui lui a tant manqué en exil. C’est au prix du sang que les Haïtiens ont gagné leur liberté d’expression. Le journaliste ainsi que le staff de Radio Haïti Inter en sont conscients. Ce micro, il faut alors l’utiliser à bon escient.
Mais après la dictature, ce sont les militaires, et s’ils ne sont pas pires, ils ne sont pas non plus meilleurs que les sbires des Duvalier. La période de la bamboche démocratique, comme le général Henry Namphy avait surnommé l’après Duvalier, est bien fragile. Pour preuve, en 1991, un coup d’État militaire renverse Jean Bertrand Aristide, premier président élu démocratiquement après la dictature. Dominique et Montas font leurs bagages pour un deuxième exil. « La station n’avait pas été saccagée, mais la répression s’installait, et nous ne pouvions plus rester cette fois encore », se souvient Michèle Montas.
Mais cet exil, Jean Dominique le vit plus difficilement que le premier. Pour lui, c’est un aveu d’échec. Il croit que c’est la preuve que son travail à Radio Haïti Inter n’a pas durablement eu l’effet qu’il espérait. Tant de progrès avait été fait après la dictature, que ce revirement était d’autant plus pénible. Il ronge son frein. Le mouvement des libertés n’a pas tenu longtemps.
Trois ans après, c’est quand même le retour à l’ordre démocratique. Jean Bertrand Aristide rentre dans son pays, pour finir son mandat. Les responsables de la radio aussi. Tout est à reconstruire, encore. Tout sera reconstruit, comme la première fois, grâce aux contributions.
Le journal en créole de radio Haïti Inter, le premier du genre, est très populaire dans le pays. Jean Dominique devient un homme immense, dont l’aura dépasse les frontières du pays. Avec Aristide, c’est le retour au pouvoir du mouvement Lavalas, qu’il a contribué à mettre sur pied, même s’il n’était pas membre du parti Fanmi Lavalas. Puis, après Aristide, c’est René Préval, un président avec qui il se lie d’amitié. Un peu trop même, disent certains, qui croient que cette relation lui a été fatale. Car entre René Préval et son « frère jumeau » Aristide, tout n’était pas rose. Ce dernier rêvait de revenir au pouvoir après le mandat de Préval, lors d’élections qui seront très contestées.
Mais c’est sous ce régime dont il était proche que Jando finit par mourir, assassiné. Pour Assad Volcy, c’était à peine concevable. « Un simple voyou n’aurait pas pu tuer Jean Dominique dit-il. Des mains puissantes étaient cachées derrière ce meurtre. Les derniers mois de sa vie, je crois qu’il était conscient d’être en grand danger. Il sentait que cela pouvait arriver. » Ce que ni la dictature ni les militaires n’avaient réussi, un assassin jusqu’à présent jamais identifié formellement s’en est chargé.
Reprendre le travail
Après la mort de Jean Dominique et de Jean Claude Louissaint, c’est le désarroi absolu pour Michèle Montas et le personnel de cette radio reconstruite deux fois, mais toujours prise pour cible. Est-ce que cela vaut la peine de continuer ? La question s’est posée et Michèle Montas n’a pas mis du temps à y répondre. Elle décide de poursuivre l’œuvre de son mari, à laquelle elle participait déjà de toute façon. Garder Radio Haïti Inter en vie, c’était aussi garder Jean Dominique dans les esprits. « Un mois, après j’ai réuni le staff et je leur ai dit que je voulais continuer, explique Montas. Ils m’ont répondu que si j’avais eu le courage de traverser cette cour où Jean Dominique avait été tué, pour faire part de cette volonté de poursuivre, ils étaient avec moi. »
L’équipe se reforme alors autour d’elle. La voix de Jean Dominique, dont l’habitude était de dire Bonjour Michèle avant de débuter son émission de nouvelles, n’est plus là. Mais la routine continue, avec une solidarité extraordinaire entre les employés. Sauf que cette fois, il n’y avait que « Bonjour Jean » aux éditions de nouvelles.
Mais chaque jour qui passe est un jour de trop dans l’enquête sur l’assassinat qui peine à aboutir. « Tous les jours, nous faisions un décompte du temps qui s’est écoulé depuis le double meurtre, dit Montas. Nous racontions ce qui se passait, tous les détails de l’affaire, comme le mandat du juge Claudy Gassant, sur le dossier, qui n’avait pas été renouvelé, etc. »
Radio Haïti Inter ne cesse de rappeler le crime, et cela semble déranger certains qui ont alors recours aux mêmes méthodes : l’intimidation. Trois ans après la mort de son compagnon, des hommes armés attaquent Michèle Montas, et son garde du corps Maxime Séide, 26 ans, meurt. Comme pour rappeler qu’ils sont puissants et peuvent toujours agir. Alors la journaliste n’a plus le choix, devant le risque certain que cela représente pour elle et ses employés. Ils étaient tous devenus une cible. « La sécurité de mes employés était compromise, dit Montas. Il était alors clair que c’était mon devoir de fermer cette radio. »
Radio Haïti Inter ferme ses portes définitivement et Montas entreprend son troisième et plus long exil. Mais cette fois, c’est le souvenir de Jean Dominique qui prend l’avion avec elle. Lui, il n’était plus là.
Figure controversée
Jean Dominique est considéré aujourd’hui encore comme l’une des figures emblématiques de la presse haïtienne. Il a fait école, et nombre d’actuels dirigeants de médias ont travaillé avec lui, à radio Haïti Inter.
Mais au-delà de l’icône respectée, écoutée par toutes les classes sociales, qu’il était, ses méthodes laissaient parfois à désirer selon certains. Il est ainsi le père du journalisme d’opinion en Haïti. Ses harangues à la radio étaient célèbres tant par le courage qu’elles démontraient chez lui que par la violence qui les teintait parfois. C’était un homme passionné, attaché à ses principes de manière viscérale, et cela pouvait le rendre difficile à côtoyer.
Marvel Dandin, directeur de la Radio Kiskeya, n’a que des mots respectueux à l’égard de Jean Dominique, pour lequel il a travaillé pendant quelque temps à la radio Haïti Inter. Mais il rappelle qu’il y a eu entre eux des épisodes tendus. « C’était quand même une longue et fructueuse collaboration. Il était quelqu’un qui disait franchement ce qu’il pensait, et moi aussi. »
Avec Dandin, Liliane Pierre Paul, autre célèbre journaliste haïtienne, est aussi passée à l’école de radio Haïti Inter. Mais, un ensemble de désaccords avec le directeur de la radio ont amené leur collaboration à sa fin.
C’est donc de loin, avec assez de recul, que Marvel Dandin a pu observer une partie de l’évolution de Jean Dominique jusqu’à son assassinat. Et, aux dires du directeur de la radio Kiskeya, cette évolution semblait mener à la catastrophe. Jean Dominique était devenu trop proche du pouvoir politique de l’époque, incarné par son ami René Préval. « Il nous avait appris qu’il fallait toujours prendre ses distances avec le pouvoir, pour rester indépendants. On ne pensait pas que cela arriverait jusqu’à un assassinat, mais on se disait qu’il s’exposait trop, qu’il s’avançait trop dans la politique. Malheureusement nous n’étions plus proches de lui pour le lui faire remarquer. »
Le directeur de radio Haïti Inter était certes toujours aussi impliqué dans la défense des plus faibles, mais cette amitié politique gênait. Le camp Aristide, qui attendait avec impatience que le pouvoir lui revienne à nouveau, n’était pas dans les meilleurs termes avec René Préval. Et un journaliste, proche du président, qui ne cessait de dénoncer l’impunité, la corruption qui gangrenait le pouvoir sur lequel Aristide avait encore mainmise, pouvait être en danger. C’est l’analyse de beaucoup d’observateurs qui ont connu Jando.
De plus, pendant un moment, René Préval dirigeait le pays par décret, après le renvoi des parlementaires en fin de mandat. L’ambiance était survoltée dans le pays, à l’approche des élections prévues pour mai 2000. Des violences entachaient la période préélectorale. La situation dans le pays était propice à tous les crimes, et à peine deux mois avant les élections, le directeur de radio Haïti Inter en a fait les frais.
D’autres polémiques, plus personnelles celles-là ont aussi jeté une ombre sur la figure iconique du journaliste. Dans une biographie titrée La vie sans fards, parue en 2012, la romancière guadeloupéenne Maryse Condé accuse Jean Léopold Dominique de l’avoir mise enceinte, et d’avoir fui ses responsabilités paternelles. Elle a accusé le journaliste de l’avoir abandonnée à cause de sa couleur noire. Le couple s’était fréquenté alors que Jean Dominique était à l’étranger pour ses études d’agronomie.
Cependant, Jan J. Dominique, fille de Jean Dominique, a démenti toutes rumeurs qui feraient croire que le directeur de radio Haiti Inter avait sciemment écarté sa progéniture de sa vie. Ce fils, prénommé Denis, aurait en effet rencontré son père plus tard, en Haïti, dans les années 70. Il est décédé dans sa quarantaine.
En finir avec le système
La mort du journaliste vedette de radio Haïti Inter, non élucidée deux décennies après, ne fait que montrer les limites d’un système judiciaire corrompu, qui fait la part belle à l’impunité. D’autres journalistes ont connu des sorts pas plus enviables, eux aussi. Brignol Lindor, Mireille Durocher Bertin, Jacques Roche…
Récemment encore, dans un pays miné par l’insécurité, Diego Charles, journaliste de la radio Vision 2000 a été assassiné, en compagnie de la militante des droits humains Antoinette Duclaire.
D’autres personnalités, qui ne sont pas journalistes comme le bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Monferrier Dorval, ont succombé sous les balles. Des centaines de simples citoyens ont péri dans des massacres organisés par les gangs, de mèche avec le pouvoir politique, selon plusieurs sources. Et jamais justice n’a été rendue à quiconque. Le dernier crime spectaculaire est celui du président de la République Jovenel Moïse.
C’est pour cela que Michèle Montas croit que le combat n’est pas que Jean Dominique obtienne justice, mais plutôt d’en finir avec ce système qui a consacré l’impunité comme règle. « Quand j’ai appris l’assassinat de Me Dorval, cela ressemblait tellement à celui de Jean que je me suis dit que ce n’était pas possible que l’histoire se répète. C’est tout un système qu’il faut briser, et cela ne peut pas se limiter à Jean Dominique. Il ne l’aurait pas voulu non plus. »
Selon la journaliste, nos libertés sont encore fragiles, même si la liberté d’expression a été acquise dans le sang. Mais à n’importe quel moment, l’histoire peut se répéter.
Jameson Francisque
AyiboPost, le 3 Avril 2022