Chine: de l’Histoire à la Modernité (4)

(Quatrième partie)

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Métro aérien surplombant une grande avenue en plein coeur de Xiamen sur le détroit de Taiwan. La «muraille verte» lancée en 2001 pour retenir le désert envahissant se retrouve aussi dans les villes qui deviennent vertes avec d’énormes baisses de dioxyde de soufre (93,3%), de dioxyde d'azote (37,8%) et des particules 2,5 (35,6%). Photo par Alexandra Panaguli.

Premier dans la richesse, la recherche, l’environnement, premier partout

4 novembre 2019

Une occasion en or pour la Chine de prendre les devants dans un autre domaine encore: l’environnement. Trump peut maintenant officiellement quitter l’accord de Paris sur le climat de 2016, les trois premières années de participation forcée s’étant écoulées aujourd’hui 4 novembre 2019.

Sur le plan national aux Etats-Unis, nous avons le démantèlement de l’Environmental Protection Agency (EPA) comme mentionné précédemment, et tout le déni du changement climatique par le président étatsunien. Les plaintes sont nombreuses. “Les objectifs mondiaux ne peuvent être atteints que si tout le monde fait sa part et si les États-Unis doivent jouer le jeu”, a déclaré Gregg Marland, professeur en sciences de l’environnement à l’Université d’État des Appalaches, qui fait partie d’un effort mondial pour suivre les émissions de dioxyde de carbone. “Nous sommes le deuxième plus grand joueur. Qu’advient-il du jeu si nous reprenons notre ballon et rentrons à la maison?”

“La sanction pour les États-Unis ‘n’est pas une perte économique. La sanction est la honte, car elle discrédite le leadership étatsunien ‘, a déclaré l’économiste du MIT, Jake Jacoby, qui a cofondé le programme conjoint du MIT sur la science et la politique du changement mondial”.

Pire, les États-Unis donnent le mauvais exemple à suivre et une excuse aux autres pour tergiverser. Cela s’est vite révélé au sommet de Madrid sur le climat, un mois plus tard, le 14 décembre 2019, où non seulement rien n’a été réalisé mais l’accord de Paris de 2015 a fait marche arrière.

“’À une époque où les scientifiques font la queue pour mettre en garde contre des conséquences terrifiantes si les émissions continuent d’augmenter, et les écoliers descendent dans la rue par millions, ce que nous faisons ici à Madrid c’est trahir le monde tout entier’, a déclaré Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa, un groupe de réflexion sur le climat et l’énergie à Nairobi».

En un mot, “L’approche que le Chili [qui a présidé les pourparlers à Madrid au lieu de Santiago où se déroulaient de très fortes protestations anti-néolibérales] a adopté avec ce texte montre comment il a écouté les pollueurs et non le peuple”, a déclaré Jennifer Morgan, directrice de Greenpeace International.

En conclusion, «le processus de Paris a été affaibli par une décision du président étatsunien Donald Trump de commencer à retirer le plus grand émetteur [pollueur] historique au monde de l’accord le mois dernier, facilitant ainsi le recul des autres grands pays».

“Quelqu’un d’autre, probablement le plus grand pollueur, la Chine, prendra la direction de la lutte mondiale “, a ajouté Jacoby.

Oui, la Chine est le plus grand pollueur en termes absolus, mais les USA sont de loin devant tous par habitant. La Chine produit 7 tonnes de CO2 / an par habitant (10,375 millions de tonnes de CO2 / an pour 1436 millions de personnes) et les USA plus du double avec 16,4 tonnes par habitant (5 414 millions de tonnes de CO2 / an pour 330 millions de personnes).

la Chine est le plus grand pollueur en termes absolus, mais les USA sont de loin devant tous par habitant

Et les choses changent, vite et fort, à commencer sur le plan individuel. Lorsque nous avons visité la Chine pour la première fois en 1994, nous avons voulu aller dans une section éloignée et non touristique de la Grande Muraille par un train local qui trainait en gare de Beijing. Tous les passagers, toujours dans des tenues bleues Mao, fumaient beaucoup et avait rempli tout le train de fumée bleue, au point que nous avons dû sortir. Cette fois-ci nous avons à peine vu des Chinois fumer dans les villes, et sûrement pas les jeunes, contrairement à la Belgique ou la Grèce.

À l’époque, tout le monde désignait la Chine comme un mauvais exemple de pollueur. L’origine était le développement économique rapide, l’augmentation exponentielle de la consommation individuelle et l’exode rural depuis les années 1980. Comment la plus grande population au monde ne pourrait-elle pas faire des dégâts à son réveil?! Exigeant plus de biens de consommation, de véhicules et d’énergie. La priorité était de développer tous les secteurs, à commencer par les infrastructures de construction et de transport, avec le charbon comme principale source.

Comme l’a dit Xi Pinjing lors du Congrès du Parti communiste le 18 octobre 2017, «Nous sommes à présent face à une contradiction majeure entre un développement déséquilibré et inadéquat, et l’aspiration pressante des Chinois à une vie meilleure». Avec plusieurs obstacles: peu d’expérience. On ne peut par contre dire que les USA n’ont pas d’expérience dans le domaine, pourtant, surtout sous Trump, ils font exactement la même chose maintenant: promouvoir l’industrie au détriment de l’environnement.

Yangshuo, province de Guangxi, sud de la Chine, décembre 1994. Petit transporteur approvisionnant les campagnes en bonbonnes de gaz et … en fumées toxiques. La Chine a terriblement changé en un quart de siècle. Depuis 2015, la Chine est le numéro un mondial de l’utilisation des véhicules électriques. Photo par Alexandra Panaguli.

Des vagues de chaleur accrues et davantage de périodes d’air stagnant résultant du réchauffement climatique. Mexico et Athènes souffrent également lorsqu’il n’y a pas de vent pour disperser le smog. Et la poussière jaune des déserts de Mongolie, du nord de la Chine et du Kazakhstan est transportée par des vents d’est à grande vitesse vers la Chine et même la Corée et le Japon. Les tempêtes de poussière contiennent du soufre, de la suie, des cendres, du monoxyde de carbone, des métaux lourds (mercure, cadmium, chrome, arsenic, plomb, zinc, cuivre) et autres agents cancérigènes, ainsi que les virus, bactéries, champignons, pesticides, antibiotiques, amiante, herbicides, ingrédients plastiques, produits de combustion et hormones imitant les phtalates … La Grèce et l’Europe du Sud reçoivent leur part de poussière rouge quand les vents soufflent du Sahara vers le nord.

Très rapidement pourtant, les autorités chinoises, d’elles-mêmes et poussées par une prise de conscience croissante de la population, se sont retroussé les manches et se sont mises au travail. Une loi de Promotion d’une production plus propre a été approuvée par le gouvernement en 2002 et le Plan d’action contre la pollution de l’air a été publié en 2013 pour les trois plus grands regroupements de villes (Beijing-Tianjin-Hebei, et les deltas des fleuves Pearl et Yangtze) ont tous dépassé leurs objectifs. 2018-2020 a vu un plan d’action triennal pour gagner la Guerre du ciel bleu. Plus de 70 villes ont tellement réduit la pollution atmosphérique au cours du premier plan d’action que le nouvel objectif a déjà été atteint.

Selon un rapport de Greenpeace, Beijing et la région environnante ont enregistré de grandes améliorations de la qualité de l’air l’année dernière, grâce au passage du charbon au gaz naturel par des millions de foyers et d’entreprises. Et le fait que, depuis 2015, la Chine est le numéro un mondial de l’utilisation des véhicules électriques. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) le confirme dans son rapport “ONU Environnement 2019: un examen des 20 ans de lutte contre la pollution atmosphérique à Beijing”: “les concentrations moyennes annuelles de dioxyde de soufre ont diminué de 93,3%, le dioxyde d’azote a chuté de 37,8% et les PM2,5 (matière particulaire d’un diamètre aérodynamique de 2,5 microns ou moins) ont diminué de 35,6%, la plupart des diminutions s’étant produites depuis 2013 […] La pollution par les véhicules a également considérablement diminué, même si la ville compte trois fois plus de voitures qu’il y a 20 ans”.

Pas étonnant que Beijing soit sur la bonne voie pour sortir du Top 200 des villes les plus polluées d’ici la fin de 2019. Une capitale de 22 millions d’habitants, exactement comme Mexico, qui était elle aussi frappée par la pollution de l’air pendant des décennies. Même avant le plan anti-pollution de 2013, lors de ma troisième visite en 2012, Tom et moi étions circulions à Nanjing avec des motos électriques, comme tout le monde depuis de nombreuses années, pas de son, pas de fuite, pas de pollution.

Maintenant, les habitants de Beijing sont très calés en matière de pollution de l’air. “Vous pouvez trouver n’importe qui dans la rue et demander: ‘Qu’est-ce que les PM2,5?’ (La taille des particules) et ils sauront ce que c’est. Cela n’est pas le cas dans la plupart des endroits dans le monde”.

En 2008, le gouvernement avait déjà interdit à tous les supermarchés, grands magasins et magasins de distribuer des sacs en plastique gratuits, c’était dix ans plus tôt et de façon plus complète qu’en Grèce, un pays membre de l’Union européenne. D’ici 2020, les restaurants ne seront pas en mesure de distribuer des pailles à usage unique et d’ici 2025, ils devront réduire de 30% l’utilisation d’articles en plastique à usage unique.

Les autorités ont également interdit l’importation de déchets électroniques et exigent une élimination appropriée des déchets domestiques. Et elles ont développé d’autres sources d’énergie telles que le nucléaire, l’hydroélectricité et le gaz naturel comprimé, mais surtout, elles ont réduit la consommation de charbon dans les zones industrielles.

Une des dernières inventions vient de Wuhan – ville qui ne produit ainsi pas seulement des virus! – un turboréacteur conçu par des chercheurs de l’Institut des sciences technologiques de l’Université de Wuhan, capable de générer du plasma pour propulser les avions en utilisant uniquement de l’ air et de l’électricité. Cette découverte permettra de lutter contre le réchauffement climatique en réduisant à néant la part de l’ énergie fossile dans l’aviation commerciale, laquelle produit 3% des émissions de gaz à effet de serre.

Dans les zones rurales, les autorités chinoises ont lancé, en 2001, un projet de «mur vert de Chine» pour retenir le désert envahissant. Une «ceinture verte» longue de 4.500 km, «peut-être le plus grand projet écologique de l’histoire». Combien pitoyable et arriéré le mur de Trump & co semble comparé. C’était aussi l’année où le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a classé la Chine parmi les 15 premiers pays avec le plus de “forêts fermées”, c’est-à-dire vierge, forêt ancienne ou bois repoussé naturellement. Selon la Banque mondiale, «La Chine est l’un des rares pays au monde à avoir augmenté rapidement son couvert forestier. Elle parvient à réduire la pollution de l’air et de l’eau».

La Chine est l’un des rares pays au monde à avoir augmenté rapidement son couvert forestier. Elle parvient à réduire la pollution de l’air et de l’eau

[Fin janvier 2020. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS-WHO) a félicité la Chine et Xi Jinping pour leur gestion de la crise du coronavirus. Trump a dit que c’était parce que l’OMS est manipulé par la Chine. Quand la Banque mondiale a fait les louanges de la Chine à propos de son couvert forestier, en 2009, pourrait-on pareillement dire que – depuis toujours dominée par les Etats-Unis et avec un président étatsunien à l’époque, Robert Zoellick, assistant secrétaire d’Etat et représentant commercial des Etats-Unis – la Banque mondiale est manipulée par la Chine?!]

Des progrès dans les villages également. En septembre 2018, un secrétaire du Parti communiste a informé les 300 habitants du village de Tangzitou qu’ils allaient se convertir au gaz naturel. “Ils ont confisqué nos fours à charbon et installé des systèmes de gaz à la place. Le charbon était interdit, et c’était fini!” dit Bai Xiao Cheng, de 61 ans.

«En à peine une décennie, la Chine pourrait être en position d’imposer des prix sur l’énergie propre au niveau mondial, ce qui était impensable il y a dix ou quinze ans. […] La Chine a parcouru un long chemin depuis qu’elle était un pays obsédé par une immense production à tout prix. Les gouvernements du monde entier ont salué les efforts du gouvernement chinois».

Les progrès sont cependant inégaux et irréguliers, car certaines autorités locales ignorent les ordres et entravent l’efficacité des décisions centrales. Ou tout simplement parce que c’est un immense pays et que la distribution des ressources en gaz n’a pas atteint les zones les plus pauvres ou les plus rurales par rapport aux centres urbains. Ici aussi, la Grèce, un pays de l’Union européenne et de dimension minuscule par rapport àla Chine, n’apporte du gaz qu’aux villes, laissant les villages utiliser du mazout ou du bois.

Les gens aussi peuvent faire obstacle. Le Financial Times a interviewé un travailleur qui a déclaré: “Si cette aciérie n’existait pas, nous n’aurions même pas d’endroit où manger. Tout tourne autour de cette aciérie, nos enfants travaillent ici”. Cela me rappelle le déblayage des tours du World Trade Center à New York après que les avions les ont détruits en septembre 2001. Les travailleurs ont été informés qu’il y avait des déchets toxiques et des polluants mais ils l’ont ignoré: «Nous avons besoin d’argent, peu importe si nous en mourons dans vingt ans, c’est mieux que de mourir maintenant».

En 2019-2020, nous sommes dans une crise temporaire. «Face à un ralentissement de l’économie et à la pression croissante de sa guerre commerciale avec les États-Unis, la Chine a assoupli bon nombre des mesures strictes de l’année dernière. Le suivi a été décentralisé, les gouvernements locaux étant désormais autorisés à fixer leurs propres objectifs. La politique économique, politique et environnementale va dans des directions différentes». Comme partout ailleurs, y compris aux États-Unis.

«Ils ont réalisé une transition extraordinaire en peu de temps. On s’attend à ce qu’il y ait deux pas en avant, un pas en arrière lorsque des intérêts particuliers ou des industries se plaignent», déclare Kirk Smith, professeur à l’Université de Californie à Berkeley, co-auteur. d’une étude scientifique datée d’octobre 2018.

De façon générale c’est très facile mais injuste de pointer du doigt quelque chose qui s’est passé en Europe et aux États-Unis au 20e siècle: exode rural, charbon, pollution par les voitures diesel, pluies acides, smog. Le smog de Londres de 1952 a tué 4.000 personnes “en quelques jours »et en 1948, « une grave pollution atmosphérique industrielle a créé un smog mortel qui a asphyxié 20 personnes à Donora, en Pennsylvanie, et rendu malades 7.000 autres».

Et je ne pense pas qu’un seul pays ait consacré “les 2.500 milliards de dollars que l’ONU s’attend à ce que la Chine investisse dans l’énergie propre d’ici 2030”.

aucun pays n’a consacré les 2.500 milliards de dollars que l’ONU s’attend à ce que la Chine investisse dans l’énergie propre d’ici 2030

“Entretemps, en Allemagne, souvent présentée comme un des premiers pays capitalistes “verts”, les émissions du secteur des transports sont 25% plus élevées qu’en 1995″. Les grands médias occidentaux qui, il y a dix ans, montraient d’innombrables images du ciel brumeux de Beijing et consacraient beaucoup de reportage à ce qui était surnommé l’’airpocalypse’, sont visiblement silencieux maintenant que le ciel bleu est la norme dans cette immense ville”. Ainsi, les Occidentaux non informés considèrent encore la Chine comme un pollueur majeur.

“Personne ne dit que le charbon est mieux, nous aimons utiliser le gaz. Cela nous libère du temps parce que nous n’avons pas besoin d’aller recharger le charbon, et la température est constante et plus chaude. […] Tous ces ministères et districts gouvernementaux ont fait beaucoup d’efforts pour améliorer la qualité de l’air. Les jours de smog sont moins nombreux qu’auparavant et maintenant nous voyons le ciel bleu, le soleil qui avait disparu depuis longtemps”, dit Bai Xiao Cheng.

Xian, novembre 2018, les passagers à destination d’Urumqi, capitale du Xinjiang, embarquent. Des chercheurs de l’Institut des sciences technologiques de l’Université de Wuhan, viennent d’inventer un moteur pour avions utilisant uniquement de l’ air et de l’électricité, qui réduira à néant la part de l’ énergie fossile dans l’aviation commerciale, et diminuera les émissions de gaz à effet de serre. Photo par Alexandra Panaguli.

Terminons avec un autre domaine majeur où la Chine a fait des progrès rapides, l’industrie chimique, moteur économique de la Chine représentant 13,8% du PIB produit intérieur brut. Après avoir eu un accident par jour de janvier à août 2016 avec un total de 199 morts et 400 blessés, le 13ème plan quinquennal de protection de l’environnement (2016-2020) a réajusté le tir, interdisant les déchets de plastiques plastiques des pays occidentaux, relocalisant les entreprises dans les parcs gouvernementaux éloignés des urbanisations, tel que celui de chimie industrielle de Shanghai (SCIP), «le premier du genre en Asie», fermant des entreprises dangereuses, contrôlant les autres, et en général restructurant l’industrie afin qu’elle puisse bénéficier de «l’exubérante recherche scientifique chinoise» et réalise «le plan stratégique ‘Made in China 2025′, visant à développer les industries de pointe comme les batteries à flux de vanadium, les piles à hydrogène, les condensateurs double couche … ”

En guise de conclusion, nous pouvons utiliser la réponse de Bill Clinton à Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre et représentant spécial du ministère français des Affaires étrangères pour la Chine et auteur de «Chine, le grand paradoxe – Pour le réveil de l’Europe», qui demandait à l’ancien président étatsunien comment un colloque sur l’environnement l’avait frappé: “La compétence de leurs experts”, “Dans ce domaine comme dans d’autres, elle apprend vite”, écrit Raffarin en référence à la Chine.

En effet, les Chinois apprennent rapidement. Et comme ils sont très sensibles aux critiques étrangères – qu’ils sollicitent d’ailleurs – et conscients de leur leadership mondial, “chaque fois qu’ils ont été mis en cause pour le non-respect des règles, il ont rapidement corrigé le tir”, comme le souligne Raffarin par rapport à l’Organisation mondiale du commerce. En tant que bon élève, ils montent rapidement.

[Fin de la 2ème série, suite à la 3ème série: La Terre sera Chine]

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