« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire. »
(Jean Jaurès)
Le généticien Albert Jacquard écrit dans « Mon utopie » que « la fin de l’aventure humaine est déjà programmée ». Sommes-nous vraiment sur le point d’arriver aux portes de toutes ces prévisions scientifiques qui annoncent la néantisation de l’Homo sapiens et de tout ce qui constitue son environnement matériel? Le fondement des réflexions analytiques du philosophe s’arc-boute à la thèse du savant naturaliste, Théodore Monod, qui prévoit la « mort du Soleil » dans quelques milliards d’années. L’auteur de « Terre et ciel » est connu pour sa militance contre le phénomène de la nucléarisation militaire qui hante les États impériaux, et qui pousse des dirigeants comme Kim Jong-un à adopter des « comportements d’auto-défense » qualifiés de dangereux et de provocateurs par les sociétés occidentales. Albert Jacquard nous explique l’existence et la cohabitation de deux « éternités » parallèles : la première, sans commencement et sans fin se réfère à Dieu; et la seconde, avec un commencement, mais sans fin, correspond à la situation des humains. De la dernière réalité sont nées les doctrines religieuses inventées, théorisées, vulgarisées et imposées par l’Occident pour les besoins de sa cause politique hégémonique.
Dès la naissance, le croyant chrétien, judaïste, musulman apprend à préparer le post-mortem. Il se soucie beaucoup plus de l’ « après la mort » que de son passage dans l’existence terrestre. Il existe constamment dans la crainte de ne pas vivre éternellement. Nous sommes en face du syndrome d’un « mortel » qui aspire, caresse le rêve de l’ « immortalité ». Et il est prêt à se sacrifier outre mesure pour donner un prolongement infini à son « être ». C’est à ce niveau de faiblesse et d’angoisse qu’interviennent les idéologies cyniques de l’exploitation humaine qui ont engendré l’esclavagisme bestial encouragé et soutenu par le « vaticanisme impérial ». J’ai peur, donc je me soumets. Aveuglément.
Cependant, l’idée de « Mourir pour Vivre » ne forme-t-elle pas des nœuds de contradictions dans la conscience des individus? Pourquoi l’annonce d’un événement menaçant pour notre vie nous plonge-t-elle instantanément dans une situation de panique et d’angoisse? Si nous mourrons pour le « meilleur », quelle devrait être notre attitude réelle devant la « mort »? Le premier reflexe de l’humain n’aurait pas dû d’aller se cacher, de fuir les malheurs et les fatalités, mais de les affronter. La pensée de « mourir pour vivre éternellement » n’exclut donc pas chez l’espèce humaine la « crainte de perdre la vie ». Alors que l’ « Espérance » devrait primer sur l’« Angoisse ». La Femme et l’Homme constituent donc une réserve d’ambigüités de tous genres.
Depuis que les services météorologiques de l’Amérique du Nord et de l’Europe avaient annoncé l’éventualité d’une situation catastrophique dans les Antilles et dans le Sud des États-Unis, la panique s’installait dans les populations concernées. Les nouvelles avertissaient sérieusement que la nature laissait grandir dans son ventre une « diablesse » déchaînée. L’accouchement devrait avoir lieu dans une atmosphère de fureur extrême. Jean de la Fontaine [1] parlerait – en cette inquiétante circonstance – du « plus terrible enfant que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs ». Les « riches » abandonnaient hâtivement leurs résidences de prédilection pour aller chercher refuge dans les hôtels de luxe considérés comme des endroits sécuritaires et sécurisants. Les « pauvres », eux, se contentaient des abris temporaires fragiles mis à leur disposition par l’État déclassé, indigent et insouciant.
Selon les premières estimations du service de météorologie privé Accuweather, les dégâts matériels provoqués par Harvey et Irma aux États-Unis devraient se rapprocher du chiffre faramineux de 290 milliards de dollars. Pour le PDG de cette institution, M. Joel N. Myers, cette valeur correspond à 1,5 de pourcentage du Produit intérieur brut (PIB) des États-Unis. Avec 190 milliards de dollars pour Harvey et 100 milliards pour Irma, les deux événements sont classés les plus coûteux de l’histoire des catastrophes naturelles survenues dans ce pays exposé annuellement aux pires conditions atmosphériques. Cependant, tout en déplorant les pertes humaines, il faut reconnaître que les États-Unis – contrairement à Cuba et à Haïti – ont les moyens de se relever de pareilles épreuves.
Le gouverneur de la Floride, Rick Scott, après avoir survolé le territoire de l’État, a admis que « la route de la construction sera longue ». Il contemplait dans les airs un spectacle de mauvais goût : des résidences noyées sous les eaux sales, des arbres déracinés, des routes coupées, des voitures fracassées, des grues renversées, des fils électriques sectionnés, des pylônes arrachés de leurs socles, des plantations dévastées…
Irma laisse derrière elle des sillons profonds de chambardements. Elle a agi exactement comme les « politiciens voyous et irresponsables (PVI) » qui sont incapables de mesurer les conséquences de leurs actes. Ces « palefreniers de la bourgeoisie » ne font-ils pas adopter des lois fiscales qui enrichissent davantage leurs « seigneurs », et qui paupérisent leurs propres « camarades paysans »? Suivez notre regard.
Les îles des Caraïbes que l’ouragan Irma a croisées sur son passage resteront à genoux encore longtemps. St-Barthélémy et St-Martin sont presque complètement détruits. Les habitants de ces régions toujours colonisées par la France se sont retrouvés entièrement ruinés du jour au lendemain. Ils se sont sentis abandonnés par la métropole. Et n’ont pas caché leurs frustrations. Le président français Emmanuel Macron et la ministre des Outre-mer, Annick Girardin n’ont pas été bien accueillis. Ils ont essuyé tour à tour des invectives et des reproches. Ces « esclaves des temps modernes » qui sont déployés sur les territoires de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de St-Martin, de St-Barthélémy, de Porto-Rico commencent, peut-être, à se comparer au « Chien » dans la fable de Jean de La Fontaine [2]. Nous en citons cet extrait :
« Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
« Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ? Rien ? – Peu de chose.
– Mais encore ? – Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
– Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? – Pas toujours ; mais qu’importe ?
– Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor. »
Dans ce contexte précis, le Loup pourrait être vu comme les peuples de l’univers qui ont eu la bravoure, la détermination d’enlever à leur cou la corde de l’esclavagisme. La République d’Haïti, Cuba, Vénézuela, Bolivie… font partie des pays qui ont choisi le « Droit de vivre Libres », quitte à « mourir de faim et de froid ». Ils ont réalisé qu’il n’y a pas de « Liberté » dans la servitude.
Irma a infligé à Cuba – le pays révolutionnaire de Fidel, Raul, Guevara, Camillo… – des traitements féroces. Des infrastructures immobilières et touristiques sont ravagées en profondeur. Les médias néolibéralistes qui décrient la conduite politique de Nicolas Maduro à longueur de journée ne signalent pas le grand geste de générosité posé par l’État bolivarien à l’égard des sinistrés d’Irma dans les régions antillaises. Ce pays qui essuie des problèmes économiques et financiers sérieux, cuisants, graves – à cause de Washington et de ses alliés – ne s’est pas dérobé à ses élans de générosité et à ses devoirs de solidarité internationale.
Irma est passée au large des côtes haïtiennes avant de pénétrer avec force dans les terres héroïques de José Marti. Les couches sociales vulnérables qui habitent l’île de Quisqueya se sont senties soulagées. En Haïti, les dégâts matériels causés par Matthew en 2016 sont encore visibles. Frais dans la mémoire des paysans du Sud, de la Grand-Anse et du Nord-Ouest. Les arbres ne sont pas replantés. Les jardins n’ont pas repoussé. Les maisonnettes ne sont pas reconstruites. Des familles sont toujours exposées aux intempéries. Des voies vicinales sont disjointes. Certains édifices scolaires, complètement détruits, ne se sont pas redressés. La famine a suppléé à la disette. La misère continue d’exproprier la dignité d’une jeunesse désorientée dans le désert de sa nudité sociale et économique.
La satrapie de la présidence et de la primature n’a pas raté l’occasion de se livrer à des diatribes verbales et mensongères sur les ondes des médias. Elle laissait croire aux familles exposées réellement aux dangers du passage de l’ouragan que des mesures adéquates ont été adoptées dans le but de les protéger et de les assister. La bave du Premier ministre Jack Guy Lafontant, et de son ministre de l’intérieur et des collectivités territoriales, Max Rudolph Saint-Albin, a noyé les stations de radiodiffusion. En Haïti, les catastrophes naturelles recèlent pour les « escrocs » du PHTK des opportunités inespérées de corruptions, de vols, de détournements des fonds publics, de grossissements des comptes bancaires de monsieur et de madame … La bifurcation imprévisible de l’ouragan a dû contrarier l’inculpé Jovenel Moïse et les « mercenaires financiers » dirigés par Wilson Laleau. L’équipe malfaisante de remplissage des « Écuries d’Augias » a raté une affaire diamantée.
Selon les linguistes, l’étymologie du prénom Irma renvoie au substantif germanique « Irmin » qui signifie « dieu païen ». Avec la formation d’un ouragan d’une telle puissance, Zeus, le dieu du Climat, du Tonnerre, et des Éclairs, ainsi que Poséidon, celui de la Mer, des Inondations et des Tremblements de terre, atteignaient le pic de la méchanceté et de la persécution.
C’était assurément pour les « divinités » une façon de rappeler aux créatures vaniteuses, orgueilleuses et rebelles qu’elles ne disposent d’aucun « pouvoir » réel de domination des « éléments ». Une nuit, l’eau les engloutira. Le feu les consumera. L’air disparaîtra. La Terre se désintégrera comme la navette spatiale Columbia qui explosa en plein vol le 1er février 2003, au moment d’effectuer la rentrée atmosphérique, causant ainsi le décès horrible des sept membres de l’équipage, sous les yeux affolés des milliards d’observateurs.
Les êtres humains se sont détournés de leur mission première de garantir et d’assurer la croissance et la multiplication de la « vie ». Ils ont manqué à leurs devoirs sacrés. Ne sont-ils pas parvenus à détériorer et à détruire tout ce que le « Créateur » disposa dans l’univers de façon ordonnée et sensée…? Ils ont falsifié toutes les légendes qui embellissent la cosmogonie et contrefait tous les principes scientifiques sur lesquels se fondent la cosmologie. Qu’est-ce que les « animaux raisonnables » ont-ils fait de leurs droits et de leurs libertés? Ceux-ci ne s’en sont-ils pas servis pour assujettir ceux-là? Les « uns » n’ont-ils pas inventé dans les laboratoires des universités tous ces systèmes d’ « aliénation exploitationnelle » qui réduisent les « autres » comme le capitaine Lemuel Gulliver à Brobdingnag [3]. Les habitants de la planète, qui sont nés avec les mêmes privilèges sociaux, politiques, économiques et culturels, sont devenus une « chose » entre les mains du capital. Ils sont « achetables » et « vendables ».
Depuis l’invention du féodalisme, la germination du colonialisme, l’engendrement du capitalisme, l’extension de l’impérialisme et l’arrivée du néolibéralisme, l’homme ne naît plus généralement « libre ». Déjà au stade fœtal, les enfants des « esclaves et des salariés du capital » ont appris à respirer l’odeur de la souffrance dans les plantations de canne à sucre, de café, de cacao, de coton, d’indigo, dans les usines d’assemblage et dans les industries de sous-traitance. Même la senteur de l’humiliation causée par les situations de domesticité dans les résidences bourgeoises. Qui ne sera pas d’accord avec Karl Marx lorsqu’il dit : « Abolissez l’exploitation de l’homme par l’homme, et vous abolirez l’exploitation d’une nation par une autre nation. Du jour où tombe l’antagonisme de classe à l’intérieur de la nation, tombe également l’hostilité des nations entre elles. »
Et l’auteur de « Le Capital » expose sa vision de la révolution prolétarienne :
« La révolution communiste est la rupture la plus radicale avec le régime traditionnel de propriété; rien d’étonnant si, dans les cours de son développement, elle rompt de la façon la plus radicale avec les idées traditionnelles.
La première étape dans la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie.
Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’État, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives. »
Comment le capitalisme – système de pouvoir économique et financier entretenu par des groupes sociaux minoritaires – peut-il revendiquer la « Démocratie »? Cette appropriation audacieuse ne contrefait-elle pas les principes et les méthodes qui objectivent la « Démocratie » ?
Encore un ouragan menaçant
Il s’agit de la loi budgétaire dénoncée par le sénateur Antonio Cheramy et par des secteurs progressistes de la vie nationale. Le sénateur de l’Ouest, élu sous la bannière de Vérité, a traité publiquement – sans la moindre hésitation – ses collègues de la Chambre haute de « voleurs de grands chemins ». N’a-t-il pas raison? Le document fiscal présenté par Jovenel Moïse et préparé pas Wilson Laleau ressemble beaucoup plus à un « plan de braquage de banque » extrait du cerveau d’Alphonse Gabriel Capone dit Al Capone, le célèbre gangster de New York. Youri Latortue avait peut-être prévu tous les désagréments que ce projet de loi allait causer au « blanchisseur d’argent sale », l’escogriffe élevé par Léopold Berlanger au timon des affaires de la République, et s’est empressé de la ratifier avec les autres « animaux de sa basse-cour ». Il ne faut pas oublier que le pouvoir judiciaire est presque rayé de la carte politique. Faire tomber, arrêter et juger Jovenel Moïse ouvrira automatiquement les portes du palais national à Youri Latortue qui n’a aucun intérêt à voir ce dernier arriver au terme de son usurpation présidentielle. L’actuel « Fernando Sancho » d’ « Arizona Colt [4]» n’aura jamais la capacité de parvenir à la présidence d’Haïti par le chemin des urnes. Seul un coup à la Privert pourra lui permettre d’accéder à de tels privilèges. Tout indique que le Parlement haïtien sera à la base de la destitution du régime gouvernemental des Tèt Kale. Comme c’en était le cas pour l’arrestation et la condamnation du délinquant militaire Guy Philippe.
L’ancien chanteur transformé en homme politique accuse le Sénat d’avoir trahi les intérêts des masses. Selon le sénateur Cheramy, la présidence illégale, illégitime et inculpée a monnayé les votes qui ont amené à la ratification du budget. La clameur publique parle de son côté d’un montant évalué à 2 millions de gourdes – soit 32 000 dollars US environ – alloué à chaque parlementaire du parti rose.
Dans quelle mesure le scandale provoqué par la réaction de Don Kato ne devrait-il pas occasionner la dissolution de cette institution qui dégage l’odeur d’une « boîte de saumon » avariée ? Des lots de « paysans arriérés », qui ont de la misère à nouer chaque matin leurs cravates, se permettent d’insulter et de « baiser » une Nation. Et ce Youri Latortue de l’Artibonite, plus précisément de Raboteau, qui parle de la « dignité », de l’ « honorabilité » du « Bordel politique» qu’il exploite…! Un gouvernement sérieux et conséquent se donnera tous les moyens de chasser – comme Jésus le fit – les « vendeurs du temple ».
La fin du mois de septembre promet d’être chaude. Les séries de manifestations populaires annoncées pour cette semaine augurent pour Haïti une période de grands bouleversements sociaux et amorcent une perspective de mutations politiques dans le sens des revendications des masses.
Il faut que la tempête se lève
Avec la fuite massive de nos compatriotes, les persécutions politiques, les tribulations sociales, les humiliations économiques et financières de la Nation ne se mesurent qu’à l’aune de l’« indigence désespérante ». Des étudiants, des jeunes paysans se sont avoués vaincus en face de l’armée imposante du chômage, de la misère, de la prostitution, de la corruption et de l’incompétence gouvernementale. N’ayant plus la force de lutter, des « combattants » ont choisi d’abandonner le « combat ». Et peut-être même la lutte. Ils déposent les armes. Ils partent. Seulement, le « rêve de l’exode » finit – dans bien des cas – par être bousculé, éclipsé par les « réalités de l’exil ». Ceux qui choisissent de s’en aller, une fois arrivés là-bas, seront à leur tour pris au piège de la désillusion. Revenir est encore plus difficile que partir. On peut partir les mains vides. Mais il est quasi impossible de revenir dans les mêmes conditions. Et l’individu attend d’avoir les moyens de faire le chemin en sens inverse. Les années passent. Le phénomène du vieillissement s’accélère. Petit à petit, il se résigne à l’idée de renoncer au « rêve du retour ». Il vit des journées de faibles lumières et d’ombres épaisses. Partagées entre les secousses de la nostalgie, de la résignation et de l’insomnie.
L’existence de l’ « exilé politique ou économique » est exposée aux failles du tremblement de terre psychologique qui cause des dégâts irréparables dans ses organes vitaux. La route de l’expatrié est toujours longue, car il ne sait jamais où il va. Après trente ans, il marche encore… En fait, il est devenu pareil à un train qui ne répond plus aux manœuvres de l’aiguillage. Et cette « aventure injuste » se termine parfois dans un asile psychiatrique. Comme c’en était le cas pour notre défunt ami, Alix Gornail, décédé dans la solitude à Montréal à la fin du mois de septembre 2013. Nous reproduisons un paragraphe du texte intitulé « La mort d’un patriote » que nous avons dédié à sa mémoire :
« Alix est arrivé un jour tôt le matin et, à ma grande surprise, m’apprenait qu’il est passé me saluer parce qu’il devait prendre l’avion dans quelques heures pour se rendre en Haïti. Nous avons pris un café. Et comme je savais qu’il n’avait pas de voiture, je lui ai offert gentiment de le « déposer » à l’aéroport de Mirabel. Il a refusé. Prétextant qu’il avait déjà réservé le service d’une compagnie de « taxi ». J’ai insisté. Il n’a pas cédé. Et Il est parti. Mais, encore une émotion plus vive… ! Alix est repassé à la maison dans l’après-midi pour m’apprendre que son voyage s’est bien passé, qu’il a rencontré des amis communs qui lui ont demandé de me transmettre leurs salutations. Alors là, j’ai tout compris… ! »
La plupart des camarades qui marchent dans les bois denses du Brésil jusqu’au Mexique ont abandonné l’université, l’école secondaire, les jardins brûlés sous les rayons ardents du soleil, dans l’espoir de parvenir à respirer un peu d’air frais… Loin de ce pays séquestré par des « enculés » sans âme, sans conscience. Sans vergogne.
J’ai vu mon pays
Dans le film de Polanski [5]
Mon pays à la barbe blanche
Au cou tordu
Le visage mutilé
Par les lames
De la disette
Tout est comme chez nous
Dans ce film
J’ai vu des factoreries
Pour le peuple
Des châteaux de soleil
Et de fleurs
Pour les bourgeois
Des haches et des piquoirs
Pour les paysans frustrés
Qui veulent changer l’hiver
En printemps
J’ai vu
Tout le potage idéologique
D’une Nation émiettée
Serpentant dans la brousse
De l’absurde
Je vous le dis
Le film de Polanski
C’était nous
Nous qui partons en automne
Dans les cannaies
De l’Est
Croquer la vache enragée
Des voisins bâtards
J’ai tout vu
La misère qui défilait
Sous une pluie de feuilles mortes
Des gamins qui se prostituaient
Pour le pain de la famille
Jusqu’aux victimes innocentes
De Bokassa II
Ici comme ailleurs
L’automne est maudit
J’ai vu
Des haillonneux
Promener leur ignardise
Dans la roulotte de l’église
Après la messe de minuit
Pas de logement
Pas de cassave
Pas de hareng saur
J’ai vu des pouilleux
Enfermés
Dans les mansardes
De l’indigence
La tête levée vers un ciel
Sans lune et sans étoile
Bouillir leurs chaussures
Dans une marmite de déboires
Les découper
Et les avaler
Pour échapper au glaive
Des fantômes disetteux
Ô Dieu
Voilà le lot
Des misérables
De l’univers
Que tu as créés
J’ai même vu
Des bourgeois convertis
Qui lisaient en silence
Le Capital de Marx
Ils rougissaient d’opulence
Et redistribuaient
Sur les perrons des cathédrales
Les fruits injustes
De la « bénédiction »
Ils ont redessiné
Leur conscience
Je vous le dis
Tout est comme chez nous
Dans le film de Polanski
Tout
Sauf les indices de lieux
Et de temps
Marc Paillet, dans « Gauche, année zéro », nous a aidés à appréhender le sens véritable de la « Démocratie ». Pour cet historien français, elle se caractérise par des manifestations de rue, des échauffourées, des émeutes populaires… Bref, des revendications de toutes sortes…! Pour expliquer l’injustice sociale, Albert Jacquard [5] paraphrasait Winston Churchill et il ajoutait « qu’il suffit de partager de bon matin le désarroi de ces familles expulsées, abandonnées à la rue avec leurs enfants encore endormis, pour comprendre qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume qui est le nôtre. »
Pour contrer les avancées de la « pauvreté extrême », les populations marginales du centre et de la périphérie doivent se mettre debout pour marcher contre le capital et l’anéantir. C’est ainsi que sifflera le train de la « Révolution » des prolétaires…
Robert Lodimus