Ce jour-là… le 25 juin 1998, Lounès Matoub, martyr de la cause berbère, mourait assassiné par des terroristes

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Lounès Matoub: poète, militant et martyr de la cause berbère, assassiné par des terroristes.

Le 25 juin 1998, Lounès Matoub, poète, militant et martyr de la cause berbère, mourait assassiné par des terroristes.

C‘est en pleine guerre d’Algérie que naît Lounès Matoub, le 24 janvier 1956, au sein d’une famille très modeste du village Taourirt Moussa Ouamar, en Kabylie,  région montagneuse densément peuplée située dans le nord de l’Algérie. Son père parti dès 1946 en France afin de subvenir aux besoins de sa famille, le futur chanteur, musicien, auteur, compositeur, interprète et poète d’expression kabyle est élevé par sa grand-mère et par sa mère pour qui il éprouve un grand attachement.

A l’écoute de sa mère fredonner des chants traditionnels il devine sa vocation. À l’âge de 9 ans, il fabrique sa première guitare.  L’école était pour lui une prison. Il fait de l’école buissonnière, un art de vivre.  Matoub sera notamment très marqué par un livre dans lequel on parlait de Jugurtha, enchaîné puis emmené de force à Rome. Il dira à ce propos: « Pourquoi ce roi berbère, dont nous sommes les descendants, avait-il pu ainsi être humilié ? J’ai ressenti à ce moment un profond sentiment d’injustice, une blessure presque personnelle.» 

Après l’indépendance, Matoub vit comme une trahison l’arabisation de l’enseignement dispensé par l’école algérienne aux dépens du berbère. Il éprouve dès lors un rejet catégorique de la langue arabe. Finalement, il quitte l’école et devient autodidacte. Selon lui, le meilleur enseignement qu’il ait reçu lui vient de sa mère et de sa grand-mère, son enfance ayant été accompagnée de berceuses, de contes, de poèmes, de chansons, de devinettes et de proverbes kabyles d’une très grande richesse.

Lounès Matoub disait que sa seule arme était ses chansons. Il disait tout haut ce que le peuple pensait tout bas. Ses textes sont d’ailleurs clairement revendicatifs: la défense de la langue et de la culture berbères y tient une place prépondérante. Son répertoire se politise en 1980 avec les évènements de Tafsut Imazighen (Printemps berbère). Il s’agit du premier mouvement populaire d’opposition aux autorités réclamant l’officialisation de la langue tamazight (berbère) et la reconnaissance de l’identité et de la langue berbère en Algérie.  

Il s’oppose à la politique d’arabo-islamisation menée par le pouvoir depuis l’indépendance et qui ne correspond pas à la véritable identité de l’Algérie.

Militant de la cause identitaire berbère et fervent défenseur de la démocratie et de la laïcité,  Lounès Matoub œuvrait pour la reconnaissance de Tamazight* comme langue nationale et officielle de l’Algérie et pour que celle-ci soit utilisée dans tous les domaines: école, administration, sciences, médias, etc. Matoub était également opposé à ce qu’il appelait « une hydre à deux têtes »: le pouvoir et l’intégrisme islamistes générateurs de corruption et de criminalité. Ses textes mordants renvoient dos à dos les intégristes et le gouvernement algérien. 

Il s’oppose à la politique d’arabo-islamisation menée par le pouvoir depuis l’indépendance et qui ne correspond pas à la véritable identité de l’Algérie. Matoub critiquait également l’école algérienne, falsificatrice d’histoire, qui n’avait pour seul but selon lui que “d’arabêtiser” le peuple. Il dénonçait également la place faite aux femmes dans la société: leurs droits bafoués et le code de la famille incluant des éléments de la charia, qui institutionnalise l’infériorisation des femmes par rapport à l’homme.

Fervent partisan de la laïcité, Matoub s’oppose à ce que la religion s’immisce en politique, et s’oppose fermement à la république islamique tant voulu par les islamistes. Il n’hésite pas également à s’attaquer à de nombreuses composantes sacrées de l’islam. Ainsi, dans sa chanson ”Allah Wakber”, il dénonce la fatalité qui fait accepter tout et n’importe quoi aux musulmans, l’aliénation issue de cette religion qui pousse les gens à ne rien entreprendre car tout est écrit et il y désacralise la langue arabe: elle n’est pas plus importante qu’une autre au motif qu’elle serait la langue du Coran

Il l’avait pressenti: «Je préfère mourir pour mes idées que de lassitude ou de vieillesse.»

Kidnappé par un groupe terroriste en septembre 1994, il est maintenu en captivité pendant deux semaines avant d’être libéré suite à une forte mobilisation populaire. Malgré cette expérience, pendant les quatre années suivantes, le combat de Matoub ne faiblit pas. À travers des concerts et des nouveaux albums, il poursuit son œuvre de promotion de la langue berbère et de dénonciation des dérives islamistes et gouvernementales.

Jusqu’au jour où, sur une route de Kabylie, alors qu’il regagne son domicile en compagnie de son épouse Nadia et de ses deux belles-sœurs, son véhicule est attaqué par un groupe de terroristes. Matoub est ensuite extrait de sa voiture et tué à bout portant. Les trois jeunes femmes sont elles aussi grièvement blessées. Matoub meurt, au son des cris de ses assassins qui clament: Allah Akbar ! (Dieu est [le] plus grand). Il l’avait pressenti: «Je préfère mourir pour mes idées que de lassitude ou de vieillesse.»

Ses funérailles ont lieu trois jours plus tard, le dimanche 28 juin en présence de centaines de milliers de personnes venues pour rendre hommage à celui qui a donné sa vie pour Tamazight et la liberté. Homme de tous les combats justes, Matoub était une légende vivante. Le vide laissé par sa tragique disparition restera immense. Que son immense courage lui serve d’éternelle sépulture!

 

*Tamazight. Le mot tamazight désigne la langue berbère, mais on écrit aussi «langue amazighe». Les Berbères se désignent eux-mêmes par le terme Amazigh (singulier), Imazighen (au pluriel); le terme Amazigh lui-même signifie: homme noble ou homme libre.  

 

Sources.

 Syrine Attia. Algérie : « Matoub Lounès est la voix qui libère et qui inspire ». Jeune Afrique. 20 juin 2018.  

  Lounès Matoub, le poète rebelle. ina.fr.  21/06/2018 

Takfarinas Nait Chabane  Matoub Lounès, l’implicite poète au service de l’explicite combattant. Liberté-Algérie.com. 28/06/2017

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