Attys, Georges, Lafontant, les démissions qui font du bruit (2)

(2e partie)

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L’ex- ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC), Max Attys.

La démission de Me Jacques Lafontant s’est transformée en psychodrame au sein du pouvoir et en particulier au ministère de la Justice qui a dû consommer trois (3) Commissaires du gouvernement au Parquet de Port-au-Prince en l’espace de 48 heures. C’est dire que l’heure est grave pour le Président Jovenel Moïse. En effet, avec cette démission surprise, le ministre Rockfeller Vincent avait dû remplacer au pied levé Me Lafontant par Me Souvenir Jenty au Parquet de la capitale le 23 juillet 2020 comme Commissaire a.i. du gouvernement. Sauf qu’entre-temps, tout s’emballe contre la présence de Me Souvenir Jenty à ce poste. Les organisations des Droits humains ont vite fait ressortir des placards un Rapport du RNDDH qui date du 19 avril 2019 où il est question de Me Souvenir Jenty qui a eu un comportement pour le moins curieux et douteux en tant que Substitut Commissaire du gouvernement dans la libération de deux individus qui ont été arrêtés par la DCPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire). Devant le tollé de la Société civile contre la nomination de Me Souvenir Jenty, c’est le Premier ministre Jouthe Joseph qui, cette fois, a pris l’affaire en main en exigeant sa révocation immédiate et a demandé au ministre de la Justice, Rockefeller Vincent, la nomination et l’installation en catastrophe d’un troisième Commissaire du gouvernement a.i. près du Tribunal civil de Port-au-Prince dans la journée.

C’est un non-sens de passer de Maires élus à de simples Agents communaux que le chef de l’exécutif peut «virer» à tout moment comme de vulgaires «employés»

C’est Me Ducarmel Gabriel qui a été désigné et installé comme chef du Parquet de la capitale dans une journée folle au Palais de justice de Port-au-Prince. Dans cette avalanche de lettres de démission et de nomination, on enregistre forcément celles des différents Maires qui contestent et déclinent l’offre du Président de la République pour qu’ils deviennent des Agents exécutifs intérimaires. C’est un non-sens, en effet, de passer de Maires élus à de simples Agents communaux que le chef de l’exécutif peut « virer » à tout moment comme de vulgaires « employés » alors qu’ils avaient reçu un mandat électif de la part de leurs administrés comme le Président de ses concitoyens. Devenus Agents exécutifs intérimaires, c’est comme s’ils deviennent des collaborateurs du pouvoir dans la mesure où la présidence de la République cherche par tous les moyens des alliés dans un moment où tous les « rats » cherchent à se mettre à l’abri du mauvais temps annoncé. D’ailleurs, dans la plupart des Mairies où les anciens élus ont été reconduits sur proposition du Président de la République, ceux qui lorgnaient dans l’ombre ou publiquement sur ces postes ont tout simplement mis le feu dans ces Mairies afin de manifester leur opposition au choix du Palais national. D’où la crainte de certains Maires ou nouveaux Agents exécutifs intérimaires d’accepter de continuer dans ces conditions d’insécurité.

Donc, ils préfèrent rendre leur tablier en attendant le nouveau processus électoral qui ne tarde pas à venir.  Comme nous le disions plus haut, ce mois de juillet 2020 demeura un mois de forte chaleur politique pour le Président Jovenel Moïse tant qu’il ne cesse d’encaisser les coups politiques. Avant ce vaste mouvement de démission des élus municipaux dont le mandat arrive à expiration alors qu’ils n’ont pas été remplacés par d’autres élus faute de scrutin dans le temps, le locataire du Palais national a été frappé par deux coups politiques qu’il n’est pas prêt d’oublier, en tout cas le temps qu’il continue à exercer son mandat présidentiel. Même si elle n’est pas plus spectaculaire, la démission de son ancien allié politique et Conseiller pour les affaires juridiques, Me Reynold Georges, demeura pour le Président Jovenel Moïse le plus révélateur du malaise au sein du pouvoir Tèt Kale. Ce défenseur des causes perdues s’est fait un nom dans le paysage politique haïtien depuis la chute du régime duvaliériste qu’il a servi avec conviction et sans jamais le renier. C’est donc un fidèle parmi les fidèles quand il s’accroche à un pouvoir.

De Jean-Claude Duvalier à Michel Martelly, cet ancien militaire devenu avocat sait comment évoluer dans le microcosme politique haïtien pour rester toujours présent dans l’actualité. Il ne trahit pas sa famille politique. Pourtant, cet homme qui a servi presque tous les régimes autoritaires en Haïti a fini par perdre son équilibre. Il a chuté sous Jovenel Moïse. Grande gueule du milieu politique et fanfaronnade à souhait, Me Reynold Georges, à la surprise générale, a lâché le pouvoir qui, pourtant, l’a bien servi depuis qu’il était devenu l’un de ses plus grands défenseurs. Mais attention ! Reynold Georges est un fin politicien dans le sens haïtien du terme, c’est-à-dire, « un roule m 2 bò ». Ce n’est pas un traître, mais son intérêt n’est jamais trop loin. Surtout qu’il sait quand il faut prendre du recul pour mieux sauter. On n’oubliera pas ses tactiques ou plutôt ses gymnastiques durant la présidence de Michel Martelly afin de garder ses billes sans pour autant être qualifié de partisan zélé de Sweet Micky. Ainsi, il faut se méfier de la démission très médiatisée de ce caméléon qui sait comment prendre la forme qu’il veut quand il veut, histoire de sauver sa mise tout en se positionnant pour la suite des évènements.

En Haïti, on ne sait jamais ! Tout peut y arriver. Et Reynold Georges en tant que « vieux de la vieille » en sait quelque chose. D’ailleurs, le Président Jovenel Moïse, en commentant le départ de son vieil allié du Palais national, s’est contenté de dire : « Verite pa janm kache » et que « l’histoire aura à répondre de cette démission », une façon de dire que la démission de Me Reynold Georges cache plus de chose qu’il a voulu dire. Les diverses déclarations du démissionnaire dans la presse ne sont en réalité que des éléments pour donner corps à sa fuite du Palais national en pleine période de déconfiture et où le Président a certainement besoin de ses conseillers sur diverses affaires et déclarations qui secouent la présidence. Surtout, l’ex-Conseiller aux affaires juridiques n’a point apporté de nouveauté dans ses dires. En bon manipulateur d’opinion, il sait que ses déclarations, même sans rien d’exclusif, venues de quelqu’un qui a été l’un des plus proches collaborateurs du Président,  ne peuvent que faire le « buzz » sur les réseaux sociaux. Sans oublier la presse qui trouve en Reynold Georges un bon « client » pour faire de l’audimat (audience).

Il demeure inconcevable que quelqu’un soit nommé à un poste quelconque que les personnes s’occupant des ressources humaines ne vérifient pas les documents et les pièces justificatives et l’identité de la personne en question

En tout cas, sa sortie médiatique n’a pas manqué sa cible et sa démission qui est certainement un coup politique n’a pas fini de mettre le Président de la République dans l’embarras avec l’opposition qui s’est immédiatement emparée de ce départ dans cette conjoncture qui, le moins que l’on puisse dire, n’arrange pas vraiment l’affaire du chef de l’Etat. Il reste maintenant la démission qui a suscité le plus de commentaires et qui, d’une manière générale, est la plus spectaculaire : celle du ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC), Max Attys. Cette démission, à n’en pas douter, a fait passer l’ex-ministre de l’ombre à la lumière et de la lumière à la prudence requise. C’est plus qu’un coup politique. Et pour cause. Ç’en n’est pas un. Ce n’est pas non plus un coup médiatique même si la presse tout naturellement s’est emparée de l’ex-ministre pour le porter au pinacle de la probité politique et de la vertu comme si le personnage ne savait pas dans quoi il allait entrer quand on lui avait proposé de devenir ministre.

Tout part de cette histoire de prénom de l’ex-ministre qui, aujourd’hui encore, continue de semer le doute en Haïti dans les milieux qui ne connaissent précisément pas l’ex-ministre. En France, tout particulièrement à Paris et dans la région parisienne où le dénommé a vécu pratiquement toute son enfance, d’où les difficultés pour s’exprimer en créole, toute cette cabale autour de son prénom a fait rigoler et ses amis et ses détracteurs. Max Attys s’appelle en réalité « Maxis Attys » et tout le monde sait qu’il est de Fond-des-Nègres en Haïti dans le département des Nippes. Comme pour les prénommés Robert qu’on appelle couramment « Bob » ou Emmanuel « Manno », Maxis a tout simplement été transformé en « Max ». Il n’y a rien de compliqué. Mais, il se trouve que dans cette affaire même le dorénavant ex-ministre n’a pu expliquer de manière claire, concise et simple d’où viennent les deux « prénoms » qui en fait ne sont qu’un. Max ou Maxis Attys c’est  la même personne.

Il n’y avait pas lieu de faire tout un fromage avec cette histoire d’homonymie. Là, effectivement, où il y a un problème, c’est sur le document officiel le nommant ministre. Il demeure inconcevable que quelqu’un soit nommé à un poste officiel quelconque que l’administration ou les personnes s’occupant des ressources humaines ne vérifient pas les documents et les pièces justificatives et l’identité exacte de la personne en question. C’est un manquement grave de la part des autorités qui le nomment mais aussi de la part du concerné lui-même qui n’a pas jugé utile de demander une correction immédiate de l’orthographe de son nom et prénom. Si tout ceci avait été fait, il n’y aurait pas eu tout cet emballement  médiatique autour d’un non événement. Peut-être qu’il n’aurait pas eu non plus de démission du ministre puisque tout part de ce manquement, de cette faille et de ce « lese grinnen » administratif mettant à nu l’état de fonctionnement de la République. Selon des informations recueillies lorsque les rumeurs commençaient à circuler sur la double identité du ministre des Sports, « Max et Maxis », le Président Jovenel Moïse a eu une conversation avec l’intéressé sur le sujet. Une conversation qui, semble-t-il, a mal tourné.

Mais, les deux hommes qui se sont liés d’amitié par l’intermède du Secrétaire général du Conseil des ministres, Rénald Lubérice, restent néanmoins en bon terme bien que le chef de l’Etat reproche à son ami ministre de n’avoir pas réagi lorsqu’il avait constaté qu’il y avait une erreur dans son prénom dans l’arrêté présidentiel publié dans le Journal officiel Le Moniteur le nommant ministre. Tout allait basculer finalement quand le ministre des Sports qui rentrait d’une tournée d’inspection d’une semaine à travers certains départements du pays pour vérifier les infrastructures publiques relevant de son Ministère devait rencontrer la presse pour faire le point sur cette fameuse tournée sur le terrain. Durant ce point de presse, comme l’on s’y attendait, les journalistes se sont plutôt intéressés à l’identité exacte du ministre qu’à sa tournée triomphale dans le grand Nord et le grand Sud.

(A suivre)

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