A qui profitait le nouveau combat entre Bel-Air, Solino et Bas Delmas ?

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La résistance de Solino à servir de passage pour les otages est la raison pour laquelle Bel-Air l'attaquait récemment

(English)

La semaine dernière, de violents combats entre les quartiers du centre-ville de Port-au-Prince ont de nouveau éclaté après des mois de paix relative.

Certains analystes se demandent si les affrontements qui font actuellement rage n’ont pas été conçus pour fournir un prétexte à Washington et à Ottawa pour lancer leur troisième occupation militaire étrangère d’Haïti au cours des trois dernières décennies.

Le quartier au centre du conflit est le Bel-Air, qu’un gang criminel domine sous la direction d’un kidnappeur condamné, un évadé de prison nommé Kempes Sanon. Condamné à la prison à vie, Sanon s’est évadé de la prison de la Croix-des-Bouquets en décembre 2021 et a depuis transformé le Bel-Air en une importante base d’opérations d’enlèvements, l’une des cinq gérées par des gangs financés par des rançons dans la région de la capitale. Les quatre autres sont : Village de Dieu et Grand Ravine, dirigées respectivement par Johnson « Izo » Alexandre et Renel « Ti Lapli » Destina, sur le flanc sud-ouest de Port-au-Prince ; la banlieue comprend Tabarre, Torcelle et la Croix-des-Bouquets dirigée par le gang « Faire tomber les barrières» (Kraze Baryè) d’Innocent Vitelhomme allié à celui du gang « 400 Mawozo » de Joseph « Lanmò Sanjour » Wilson ; et enfin, au nord de la capitale, Canaan, dominée par le gang de Jerry “Jeff” Jeudy, qui aurait été tué par la police haïtienne le 8 février.

Centre de santé de Solino

Tous ces gangs font partie d’une confédération appelée le G-Pèp, dirigée par Gabriel “Ti Gabriel” Jean-Pierre, basée dans le quartier de Brooklyn du vaste bidonville de Cité Soleil à Port-au-Prince.

Le G-Pèp s’est dressé contre une alliance anti-criminalité de groupes de quartier connue sous le nom de « Forces révolutionnaires de la famille G9 et alliés ».

Pendant l’été de 2021 et de celui de 2022, de féroces batailles ont eu lieu entre ces fédérations adverses, mais la paix a régné ces derniers mois. En décembre 2022, Christ-Roy « Krisla » Chéry, leader du G9 dans le quartier de Ti Bois qui borde Grand Ravine, a conclu une trêve avec Ti Lapli et Izo. Jusqu’à présent, cette trêve de paix est en vigueur.

Kempes Sanon, un kidnappeur condamné, il s’est évadé de prison en 2021 et dirige aujourd’hui le gang de Bel-Air

En novembre 2022, les quartiers Delmas 2, 4 et 6 du porte-parole du G9 Jimmy “Barbecue” Cherizier ont fait la paix avec le gang voisin de la Ruelle Maillart. Mais il semblerait bien que cet accord soit en train de s’effondrer.

Pendant des semaines, le Baz Bèlè (Gang de Bel-air) de Kempes Sanon avait tiré sur les habitants du bas Delmas de Cherizier et d’un quartier voisin, la rue Saint-Martin, mais Cherizier a choisi de ne pas répondre. Cependant, le lundi 27 février, une goutte d’eau a fait déborder le vase ; quand les snipers de Sanon ont tiré sur trois personnes dans le quartier de la rue Saint-Martin : l’une est décédée sur place, une autre est décédée à l’hôpital, et la troisième est toujours hospitalisée.

Les hommes armés de Sanon ont tiré des coups de feu mortels depuis une école nommée Collège Nosirel Lhérisson. En représailles, le G9 a contre-attaqué pour s’emparer de l’école et la rendre inutilisable comme base de tir. Mais le gang de Bel-Air n’a pas pu être délogé facilement,  et les combats entre les Bas-Delmas du G9 et les Bel-air du G-Pèp ont été féroces depuis.

Pendant ce temps, la guerre a également éclaté entre Bel-Air et son voisin, Solino, un ancien allié. A l’instar des quartiers de Ti Bois et Carrefour Feuilles, Solino abritait de nombreux agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Ils avaient des liens d’amitié avec Kempes Sanon, le conduisant même dans leurs voitures de police. Mais la semaine dernière, l’inspecteur de la PNH Frantz Sébastien Jean-Charles Jean et sa fille, qu’il emmenait à l’école, et six autres ont été enlevés à Delmas, selon le Haitian Times, citant des médias locaux.

« Pour l’industrie des enlèvements de nos jours, chaque fois qu’ils emmènent quelqu’un de Delmas 19, 31, 33, 75, la route la plus facile vers le Bel-air passe par Solino », a déclaré Cherizier. Il estime que 90% des otages de Port-au-Prince sont désormais hébergés au Bel-Air.

Selon Cherizier, le gang de Kempes Sanon « voulait passer par Solino avec ses kidnappés. Les policiers de Solino se sont révoltés, et cela a déclenché la bagarre. Ce fut une bagarre entre la police de Solino et les gangs du Bel-Air. »

Une acre de maisons incendiées à Delmas 4, résultat des combats avec leur voisin de Bel-Air

Ces dernières années, Solino a toujours été un refuge, où les réfugiés des combats du quartier Ruelle Maillart étaient logés à l’intérieur des tentes de l’église Saint-Michel.

« Bel-Air fait partie du G-Pèp, explique Cherizier, mais Solino a toujours été plus ou moins neutre. La résistance de Solino à servir de passage pour les otages est la raison pour laquelle Bel-Air l’attaque maintenant.

Le samedi 4 mars, une escouade de combattants de Cherizier traversait Ruelle Maillart après avoir combattu le gang du Bel-Air. Le gang de Ruelle Maillart, autrefois allié de Bel-air, a ouvert le feu sur les troupes du G9 par derrière, tuant d’une balle au visage, un important soldat de la brigade vigilance de Delmas 4.

« Mes hommes ont été scandalisés par cette trahison de la trêve, et quand on est un leader, il y a des moments où il faut prendre une décision », a déclaré Cherizier à Haïti Liberté. « Si je ne me décidais pas, ils pourraient, dans leur profonde colère, attaquer Maillart pour venger eux-mêmes leur camarade. Alors toute la semaine, sans relâche, Maillart répondra de leur trahison qui a tué un de mes hommes.

Le gang de Bel-Air a brûlé l’église Saint-Michel de Solino et de nombreuses maisons. Le principal groupe de défense des droits de l’homme, le RNDDH, affirme qu’une soixantaine de personnes sont mortes, mais ses décomptes ont été discrédités en raison des récents scandales qui l’ont entouré. Néanmoins, des reportages radio indiquent que des dizaines de personnes ont été tuées.

Le 3 mars, une balle provenant du conflit avec le Bel-air a touché un lampadaire à Delmas 4, provoquant un incendie majeur qui a brûlé plus d’une acre de petites maisons. En fait, les combats aggravent également une situation économique déjà extrêmement précaire, car de nombreuses personnes se retrouvent sans abri, sans emploi et doivent fuir leur quartier.

« Le G9 est en mode défensif », a déclaré Cherizier. « Nous ne voulons pas prendre le contrôle du territoire de qui que ce soit. Nous ne faisons que nous défendre. Pour chaque action, il y aura une réaction ».

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