C’est dans la soirée du jeudi 27 juillet 2016, finalement dans la compétition sur le salaire minimum journalier opposant les syndicats des ouvriers aux patrons des usines de la sous-traitance, que Jovenel Moise a tranché pour redonner la victoire à son camp. Il avait sans aucune surprise pour nous autres, décidé que les patrons continuent à exploiter les travailleurs avec leur salaire de misère et que les 800.00 gourdes que les syndicats réclamaient ne leur seraient pas octroyées.
Ainsi, il a couronné le tout dans un arrêté présidentiel publié dans Le Moniteur du 28 juillet 2017 ; il a décidé lui-même d’augmenter de 15 gourdes les 335.00 gourdes, précédemment proposées par le Conseil supérieur des salaires (CSS). Ce qui revient à 350 gourdes de salaires par jour qui n’est même pas la moitié de ce que désiraient les ouvriers de sorte qu’ils puissent survivre à la vie chère qui ne cesse de jour en jour d’augmenter davantage.
En fait, c’est le résultat des négociations, de ce dialogue pour une sortie de crise entamé et comme l’a bien signalé Jovenel « il est parvenu à cette décision après des échanges avec le patronat et les syndicats »
Par cet arrêté de la honte, le président sonne le glas des syndicats et profite également de cette occasion pour fixer les salaires des autres entités de la nation.
A compter du 1er Août 2017, le Salaire minimum fixé à 400 gourdes par journée de 8 heures de travail dans : production privée d’électricité ; institutions financières (banques, maisons de transfert, sociétés d’assurance) ; télécommunications ; commerce import-export ; supermarchés ; bijouteries ; galeries d’art ; magasins de meubles, de mobilier et d’appareils électroménagers ; cabinet de médecins, polycliniques […]
Le salaire minimum fixé à 350 gourdes par journée de 8 heures de travail dans les secteurs : bâtiments et travaux publics (BTP) ; entreprises de location de camions et d’engins lourds ; entreprises de location de matériaux de construction ; entreprises de transport de matériaux de construction ; quincailleries ; autres institutions financières (coopératives, caisses populaires, industries manufacturières tournées vers le marché local […]
Le salaire minimum de 350 gourdes par journée de 8 heures de travail dans les industries d’assemblage tournée vers l’exportation et autres industries manufacturières tournées vers l’exportation [Contesté et revendication syndicale de 800 Gourdes]
Le salaire minimum de 350 gourdes par journée de 8 heures de travail dans les écoles professionnelles privées et les institutions privées de santé employant plus de 10 personnes et qui offrent des services d’hospitalisation.
Le salaire minimum de 300 gourdes par journée de 8 heures de travail dans les agences de sécurité privée et les entreprises de distribution de produits pétroliers.
Le salaire minimum fixé à 290 gourdes par journée de 8 heures de travail dans les : hôtels et restaurants ; agriculture, sylviculture, élevage et pêche ; industrie de transformation de produits agricoles ; commerce de détails, sauf supermarchés, bijouteries, magasins de produis cosmétiques et de vêtements […]
Le salaire minimum fixé à 200 gourdes par journée de 8 heures de travail pour les personnels de service à domicile (Gens de maisons)
En fait Jovenel au lieu de donner aux masses populaires les moyens matériels de sortir de leur pauvreté et misère atroce a choisi de trinquer avec les bourgeois qui sans aucun doute sont très satisfaits de la répartition des salaires qui n’a rien changé en réalité. C’est dans cette optique que l’Observatoire haïtien des droits humains (Ohdh), a indiqué que [… le président Jovenel Moise, en fixant « de façon unilatérale », le salaire minimum à 350.00 gourdes par jour a agi dans le sens des intérêts du patronat, au détriment de ceux de la classe ouvrière…]
Alors que Jovenel chantait son quant-à-moi du fait qu’il avait fini par négocier avec les patrons et les syndicats pour aboutir à ce pitoyable résultat, le syndicaliste St Eloi pour sa part qualifie de complot et de traîtrise le comportement du chef de l’État qui a pris une mesure unilatérale au bénéfice de ses alliés, sans consulter le secteur syndical.
En réaction à cette décision de l’administration Moise/Lafontant, les dirigeants syndicaux ont vite mobilisé leur base, le coordonnateur général de la Coordination nationale des ouvriers haïtiens (Cnoha), Dominique St Eloi, particulièrement annonce une semaine de mobilisation à Port-au-Prince, du lundi 31 juillet au samedi 5 août 2017 pour forcer le président Moïse à faire le retrait de sa décision du salaire minimum de 350 gourdes supposé entrer en vigueur à partir du mardi 1er août 2017.
Malheureusement, les ouvriers qui avaient repris le boulot depuis quelques jours n’ont pas cette fois-ci répondu à l’appel des syndicats et cela pour de multiples raisons. Un grand dispositif de sécurité a été mis à l’entrée de la société nationale des parcs industriels SONAPI pour empêcher aux ouvriers de prendre le large.
En fait, ils ont été contraints par les forces de l’ordre et les patrons à ne pas rejoindre les manifestants. Selon le porte-parole du syndicat de Plasit-Bo Télémarque Pierre, « c’est à coups de menaces de révocations ainsi que de promesses que les patrons ont retenu les ouvriers pour les dissuader de prendre part à la manifestation ». Voilà pourquoi la mobilisation du 31 juillet a été un échec total et a engendré également l’annulation de toute la semaine de protestation annoncée !
Dans tout ce tohu-bohu, le sénateur de l’Ouest Antonio Chéramy, président de la commission “Affaires sociales” du sénat, n’a pas vu d’un bon ?il la décision de Jovenel Moise de fixer le salaire minimum à 350 gourdes seulement. Même le député Abel Descollines a apporté son grain de sable de désaccord avec le régime qu’il supportait antérieurement puisqu’il invite « les ouvriers de la sous-traitance à rester mobilisés de manière pacifique jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites »
Yannick Etienne de Batay Ouvriye a pour sa part indiqué : « Nous resterons mobilisés jusqu’à ce que nos revendications soient satisfaites des mesures d’accompagnement, de la réintégration des ouvriers récemment mis a pied pour leur participation aux mouvements de protestation et le renvoi de deux membres du CSS qui prétendent représenter les ouvriers, tout en étant des pions du patronat ». Elle a également insisté « sur la nécessité pour les ouvriers protestataires de revoir leurs stratégies de lutte. Nous n’avons pas que les manifestations de rue comme arme de combat », pour souligner finalement « que la victoire sera dans le camp des ouvriers ».