Urgence pandémique oblige. Urgence sanitaire oblige. Urgence hospitalière oblige. Urgence médicale oblige. Urgence thérapeutique oblige. Urgence pharmaceutique oblige. Urgence scientifique oblige. Urgence nutritionnelle oblige. Urgence gouvernementale oblige. Urgence d’éthique oblige. Urgence de professionnalisme oblige. Urgence de responsabilité oblige. Urgence de directives appropriées oblige. Urgence de moralité oblige. Urgence de respect de la parole donnée oblige. Urgence de leadership oblige. Urgence présidentielle oblige.
Toutes ces urgences et obligeances sont à l’ordre du jour car le maudit virus covidien s’insinue lentement mais hardiment dans le tissu social et biologique haïtien. Vu l’état sous-nutritionnel d’une bonne partie de la population on s’étonne que l’agent viral n’ait pas encore fait plus de dégâts. On aurait même l’impression qu’il prend son temps, taille son banda d’horreur avant de se manifester dans sa méphistophélique hideur. Il y a urgence dans la maison, urgence dans la cité, urgence de voir les responsables prendre le taureau par les cornes, car si l’animal est lâché dans la savane d’un chaos de mesures inefficaces, il y aura assurément d’immenses pertes de vie.
On comprend que la lutte contre l’hydre covidien, pourtant ultramicroscopique, soit l’affaire de tous les Haïtiens qui doivent se sentir concernés presque à chaque moment. On comprend bien que chaque citoyen doive se trouver en première ligne du corps à corps avec la bête covidienne, d’autant qu’il y va de la sécurité nationale. Mais la responsabilité première, majeure, décisive, incontournable, morale, revient avant tout à celui qui dirige le pays ainsi qu’à son entourage ministériel technique concerné, en l’occurrence le président de la république Jovenel Moïse et son ministère de la Santé Publique et de la Population.
On comprend que la lutte contre l’hydre covidien, pourtant ultramicroscopique, soit l’affaire de tous les Haïtiens
Or, urgence de leadership oblige. Dans le ciboulot du président, cette urgence doit se manifester sous forme d’une commission. Dans une précédente rubrique, nous avons formulé que le premier mandataire de la nation est atteint de “maladie commissionante”. Au moindre akasan il vous sert un sirop “commissionant”. Aussi, urgence de responsabilité obligeant, Jovenel le Guide suprême, le Benefactor, le Conducător, le Führer, la Fureur, met sur pied un Comité scientifique d’aide à mieux gérer la pandémie, composé de 14 professionnels dont seulement deux femmes. Oui, deux seules femmes. Qui l’a déjà remarqué et dénoncé ? Oh ! misère d’homme, misère machiste enfouie dans les corridors obscurs du subconscient masculin.
Allez, les femmes! Prenez les universités d’assaut. Devenez des professionnelles. Au risque de vous voir sombrer dans l’héroïsme académique, on a même presque envie de vous dire: grenadières, à l’assaut! À regarder cette liste de spécialistes en ci, ça, ce, ço, çu: on voit bien que c’est un agglomérat de biceps masculins bien fiers de leurs “petites boules” endocrines testostérono-sécrétantes. Je vous parie mon …testicule droit que réunis autour d’une table de gérance de la pandémie, ces mecs vont gonfler leurs muscles, enfler leur gargane, donner de la voix, hausser le ton, faire du tapage pour impressionner la gent féminine, epi, epi, anyen.
Et je ne dois pas être le seul à bien connaître le “fin fonds” du masculin… Jovenel pense assurément que le « masculin l’emporte sur le féminin ». Voici pourquoi il a choisi tous ces… testicules. Dire que les femmes forment l’autre moitié de l’humanité dont elles sont l’avenir. Voici la liste des bicepsés tout en leur rappelant que professionalisme oblige et qu’il y a urgence de professionnalisme:
Dr Patrick Dely, de la Direction d’épidémiologie des laboratoires de recherche (DELR), Coordonnateur; Dr Jacques Boncy, Directeur du Laboratoire national de santé publique, membre; Dr Martial Beneche, Direction départementale sanitaire de l’Ouest, membre ; Dr Pierre Sosthènes, représentant de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), membre ; Dr Luis Codina de l’OMS/OPS, membre; Dr Stanley Juin, du Centre de contrôle et prévention des maladies (CDC), membre ; Dr Jean William Pape, des Centres Gheskio, membre ; Dr Fabrice Julcéus de Zanmi Lasante, membre ; Dr Jean Hugues Henrys, Président de l’Association médicale haïtienne, membre ; Dr Joëlle Philogène, Pneumologue, membre ; Dr Ariel Henry, neurochirurgien, membre; Dr Guerda Coicou, anesthésiologiste, membre ; Wilcox Toyo, de la Société haïtienne de santé mentale, membre; Professeur Alain Gilles, sociologue, membre. Presque tout se gason. Pourvu qu’ils n’en viennent pas à recommander la teinture d’iode à dose avalante, «les ultraviolets» à dose pénétrante ou quelque ‘‘lumière très puissante’’ à dose envahissante.
Malgré cette abondance de testostéronants, Jovenel a voulu encore plus de “solidité” (masculine, assurément) à ce Comité pour “bien” assurer la gérance de la covidie, de la maladie, de la pandémie, de la pandémonie en cours. Aussi leur a-t-il adjoint une Cellule de Communication et d’information composée de 11 personnes dont une seule graine femme. En voilà des dérespectances! Quelle nullitude présidentielle ! Les voici, les “solides géranciers”, à la queue leu leu (quoique j’eusse préféré : à la queue leu leute) :
Eddy Jackson Alexis, Secrétaire d’Etat à la Communication, Coordonnateur; Emmanuel Jean-François, Directeur de communication au Palais national, membre ; Jean Rommel Pierre, représentant de la Primature, membre; Ingénieur Shiller Jean-Baptiste, représentant du CONATEL membre; Jacques Sampeur, représentant d’association de médias, membre; Dieumaître Dessources, représentant d’association de médias, membre ; Jacques Desrosiers, Secrétaire général de l’Association des journalistes haïtiens, membre ; Stéphane Vincent, expert en technologies de la communication, membre; Miss Djina Guillet Delatour, spécialiste en santé communautaire, membre ; Guy Serge Pompilus, représentant de l’IHSI, membre; Albert Moléon, représentant de la Direction de la Protection civile, membre. Ces communicateurs étant à l’image de Jovenel, on sait déjà à quels résultats coordonnants s’attendre.
Sur un si joli gâteau masculin, il manquait une cerise “tricolore”, entendez trois couleurs masculines, entendez trois hommes. A eux seuls, les trois, ils sont – imaginez – multiples, d’où la formation par Jovenel, le lundi 6 avril 2020, d’une Commission multisectorielle de gestion de la pandémie du Covid-19 avec pour mission de contacter les twa wòch dife qui tiennent la majorité dans les chaînes du pezesouse : l’État, le secteur privé et la communauté internationale, « pour faire une meilleure coordination de la pandémie Covid-19 ».
Le président Jovenel ne doit pas se comporter comme le girouettant saltimbanque Donald Trump
Ces trois sectoriels sont : le Dr Jean William Pape, le fondateur des Centres Gheskio en Haïti, Président ; le Dr Lauré Adrien Directeur général du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et M. Paul Oxila, Conseiller. Loin de nous la pensée que ces trois bonshommes soient, forcément, individuellement, dans la mouvance pezesousante. Mais pour sûr, ils ont été choisis par un pezeur-souseur, un souseur des petites gens.
Urgence de leadership oblige. C’est le devoir de celui qui dirige de montrer clairement la voie à suivre, la bonne direction. Urgence de responsabilité oblige. Le président Jovenel ne doit pas se comporter comme le girouettant saltimbanque Donald Trump qui se dit aujourd’hui responsable de mener à bien la lutte contre COVID-19 et le lendemain prétend que la responsabilité incombe aux États de le faire. Urgence présidentielle oblige. Jovenel doit montrer qu’il n’est pas une girouette que fait tourner le vent d’agripa anxieux, avides de commandes en Chine ou ailleurs ; une occasion pour eux de faire leur beurre, leur mantègue ou leur ti sale sur le dos de manzè Corona et du peuple haïtien…
Urgence de moralité oblige. Le vendredi 27 mars dernier, Jovenel a annoncé en prélude aux éventuelles mesures de confinement de la population, que le Gouvernement allait distribuer des rations alimentaires à plus d’un ‘‘million’’ de familles et de l’argent cash à ‘‘1,5 million’’ de familles parmi les plus vulnérables du pays. Qui s’y opposerait ? Personne. Mais, suivez ma plume.
Le Chef de l’État a indiqué avoir « identifié 500,000 familles dans les zones rurales et un million dans les zones urbaines ». Un travail laborieux d’araignée qui ne cadre pas avec les pratiques voupvoup de l’administration phtkiste. A priori on soupçonne un bluff. Les transferts d’argent se feront, a assuré le Premier citoyen, à travers un mécanisme qui empêchera des personnes (du gouvernement ?) de profiter illégalement de cette aide ou à une famille de recevoir de l’argent deux fois de suite. Qui tient de tels propos ? Un inculpé. Pour reprendre le mot d’un loustic : franchement, on est risqué.
On sent là une fuite en avant, l’expression d’un sentiment collectif de culpabilité gouvernementale, puisque le président n’a pas jugé moralement nécessaire de fournir quelque détail que ce soit ni sur ce ‘‘mécanisme’’ à l’épreuve des doigts longs, ni sur le coût global de cette aide financière, ni sur la source des fonds nécessaires à cette millionnaire opération. Non ! Mille fois non. Urgence d’honnêteté oblige ; quand même !
Or, voilà que le lundi 27 avril 2020, un mois après les promesses relatives à de l’argent cash à distribuer à 1.5 million de familles à travers le pays, Jovenel, dans une adresse à la nation, d’une cocasserie à nulle autre pareille, déclare tout de go: « Les informations qui me sont parvenues me laissent comprendre que l’argent n’a pas été encore acheminé vers la population ». Voilà un président qui est sur la balle. Jovenel Moïse a donné la garantie (sic) qu’il “travaille” (resic) actuellement pour permettre aux familles les plus vulnérables d’avoir accès à ce fonds”.
Quant à la distribution des kits alimentaires à environ un million de familles, Michel Patrick Boisvert, le ministre de l’Économie et des Finances (MEF), a seulement fait savoir que le Fonds d’assistance économique et sociale (FAES) dispose d’une enveloppe de 1.5 milliard de gourdes pour le mois d’avril; mais pourquoi l’argent n’a-t-il pas été distribué pendant tout le mois d’avril? C’est seulement fin avril, plus précisément le 27 avril, que Boisvert a daigné en faire l’annonce. Kote kòb FAES la pase? Qui bluffe qui? Franchement, le ministre mérite une volée de bois vert.
Dans la foulée, le chef de l’Etat a fait savoir que le gouvernement avait commandé des équipements et matériels pour la somme de deux milliards de gourdes. Une voum d’argent. « Le transport de ces équipements et matériel coûte à l’Etat haïtien la somme de 900 millions de gourdes. Si le gouvernement avait décidé de faire venir par bateaux ces équipements, ils n’auraient pas coûté autant d’argent», a bredouillé le Conducator entre les dents.
Mais, diantre! pourquoi n’a-t-il pas choisi la voie maritime, ce qui eût été une économie pour les caisses de l’État ? Non, « les équipements ne seraient arrivés au pays qu’à la fin du mois de juin », a expliqué le cher président, soucieux de dépistage et traitement rapides de la population. Nonobstant cette bonté d’âme et cette rapidance présidentielles, “ces équipements arriveront au pays entre le 1er et le 15 mai», autant dire qu’ils sont a la buena de Dios. Bonté divine! Si gen yon moun ki renmen pèp la, se prezidan Jovenel, se li ki bay pèp la lavi o, ala yon bon gason, an nou rele mèsi Papa Moïse ! (1)
Urgence de respect de la parole donnée oblige. Vous êtes supposé le savoir, président Jovenel. C’est déjà assez que vous ayez laissé ce pays, ce peuple à l’abandon, pendant presque trois ans. Alors, un peu d’effort. Urgence oblige. Conscience oblige. Vous en reste-t-il, monsieur Moïse ?
Ce qui peine et révolte toute personne honnête, c’est que, comme pour la fumeuse Commission de facilitation du dialogue et les multiples autres obsessions commissionantes sans lendemain de Jovenel, les nouvelles lubies à visée scientifique de ce dernier ne sont que du vent, gwo van, ti lapli. C’est la population qui finalement va rester Gros Jean comme devant, particulièrement les couches les plus démunies, victimes imméritées de COVID-19. Mais, un jour viendra…
Et telefòn ne lâchez pas. À la revoyure.
(1) Je reprends ici un refrain à la mode sous le président Vincent, avec les modifications de circonstance: Si gen yon moun ki renmen pèp la, se prezidan Vincent, se li ki bay konmès detay la, ala yon bon gason, an nou rele mèsi Papa Vincent !
2 mai 2020