Le mercredi 22 janvier 2020, le pays apprend par un arrêté présidentiel paru dans le journal officiel Le Moniteur que le nouveau Directeur général de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) s’appelle Rockfeller Vincent. Il remplace à ce poste le flamboyant, l’incompréhensible et, paraît-il, l’incorruptible Me Claudy Gassant qui n’a tenu que moins de deux mois à la Direction de cette institution. Ce fut une météorite qu’on avait aperçue dans le ciel de l’ULCC. En effet, nommé en plein épisode de « Pays lock » par un arrêté présidentiel paru dans Le Moniteur N° 203 le 29 novembre 2019 et installé le 3 décembre 2019, ces cinquante jours passés à la tête de l’ULCC, il les a vécus comme une véritable saga malgré son court laps de temps tant depuis sa nomination Me Claudy Gassant n’arrêtait pas de marquer son territoire. L’arrivée de ce trublion de la République au sommet de cette institution dont le rôle est de tout faire pour mettre les fonctionnaires de l’Etat dans le droit chemin a été, il faut le dire, une surprise de taille pour tout le pays.
Car, personne ne s’y attendait et même n’imaginait que c’est l’ancien Commissaire du gouvernement pourtant très critique au Président Jovenel Moïse qui serait nommé Directeur de cette institution si sensible politiquement vis-à-vis de tous les pouvoirs en place. Si tous ses amis, ses proches qui n’étaient pas dans la confidence ont été surpris de voir arriver Me Gassant à l’ULCC, l’intéressé lui-même a été le premier a être étonné qu’il soit approché par le Président de la République qui lui a proposé le poste. S’il s’agissait d’un piège ou d’un défi, qu’importe, le fougueux homme de loi a accepté sans hésiter. Car, pour lui, cette opportunité représente un challenge. Curieusement, comme pour sa nomination cinquante jours plus tard, c’est par surprise et sur fond de polémique que le pays entier apprend la mise à pied de l’ancien éphémère Secrétaire d’Etat à la justice sous la présidence de René Préval. Lui aussi a été pris de court ; puisque personne ne l’avait officiellement prévenu. C’est par hasard sur les réseaux sociaux qu’il a découvert qu’il n’était plus le patron de l’ULCC et que son successeur avait déjà été désigné, son nom publié au journal officiel.
On s’en doutait. Me Claudy Gassant n’en revient pas même s’il acquiesce sans mot dire cette révocation brutale, incompréhensible et qui est pour lui une forme d’humiliation par le Président Jovenel Moïse qui n’oublie point que Me Gassant a été un des avocats de l’opposition durant la saga électorale qui devait le conduire au Palais national en 2017. Avant d’entrer dans le fond de ce qui est devenu « l’affaire Gassant » ou « l’affaire ULCC », un bref coup d’œil sur la personnalité et le passé de cet ancien étudiant de l’Ecole de la magistrature de Bordeaux, en France, nous permettra de comprendre que Claudy Gassant n’avait aucune chance de faire long feu en tant que Directeur général d’une institution dont la mission première est de combattre la corruption sous toutes ses formes au sein de l’administration publique haïtienne. Tout d’abord, Gassant est un sang chaud, il ne laisse rien passer sans réagir sur le champ. Si Claudy Gassant demeure un monsieur très simple et ouvert à toutes conversations, il est prompt à réagir sur le coup et c’est un fonceur invétéré.
Il n’a peur de rien et ne recule devant rien ni personne. Mais, Me Claudy Gassant n’est pas un caractériel, tout le contraire d’un Michel Martelly, en plus il est bien éduqué et possède une bonne culture. Homme de loi, il est pointilleux et minutieux. C’est un avocat qui maîtrise parfaitement sa profession, donc craint par ses pairs sans pour autant être un redoutable ténor des Barreaux. En revanche, il est tantôt proche du pouvoir politique tantôt proche de l’opposition suivant la conjoncture et les aléas politiques haïtiennes. Ainsi, on le trouve soit Substitut ou Commissaire du gouvernement, une fonction qui fait de lui une personnalité de premier plan au sein de la République ; puisque en Haïti, le Commissaire du gouvernement, équivalent de Procureur de la République, est un poste éminemment politique car l’indépendance de la justice demeure un vain mot jusqu’ici malgré énormément d’efforts qui ont été fait ces dernières années, surtout après la période dictatoriale des Duvalier.
Me Claudy Gassant par son tempérament ne dure pas longtemps dans les fonctions à responsabilités publiques qu’il occupe. On l’appelle « Monsieur éphémère » ou « l’éphémère Gassant » tant il est volatil, flamboyant et parfois trop volubile, comme on dit en Haïti « choròf ». Tout le monde en Haïti, en tout cas les Port-au-princiens, se souviendront longtemps de son court passage à la tête de la Secrétairerie d’Etat à la justice au cours du second mandat du feu Président René Préval vers les années 2000. Gassant est un impressionniste, il aime se faire voir et être vu. Ses cortèges officiels dans la capitale ne laissaient personne indifférent et gare à celui ou celle qui se place au mauvais moment et au mauvais endroit quand ils traversent la ville. On se rappelle aussi de son altercation publique en pleine rue de la capitale avec Volcy Assad à l’époque Conseiller à la présidence haïtienne pour une sombre affaire de voiture qui aurait participé dans un cas de kidnapping ou d’enlèvement de personne et signalé par la police. Commissaire du gouvernement, il estime que le Parquet de Port-au-Prince est son bien personnel qu’il appelle, « Pakè pam nan ». Mais, c’est avant tout un homme de droit, il ne tolère ni le désordre ni qu’on transforme « son » Parquet ou « Pakè pal la » en marché du Temple.
Pour lui, le Temple de Thémis est un lieu où l’on prononce le droit et où la loi est le seul crédo. Avec cette particularité, Me Claudy Gassant agace et dérange certains autant qu’il plait et est élevé au temple de la probité par d’autres dans le milieu judiciaire et dans le pays. Un temps, on lui promettait une carrière politique au plus haut niveau mais lui, jusqu’à maintenant préfère rester au service de l’administration et des politiques qui l’utilisaient à leur guise, l’humiliaient et le jetaient comme une serviette de papier dont on n’a plus besoin. Claudy Gassant ne passe jamais une année à un poste ou une fonction publique. Certains disent qu’il est instable d’autres croient qu’il n’est pas fait pour ce genre de fonction ce qui ne l’empêche pas d’être toujours prêt à répondre présent dès que la présidence de la République fait appel à lui pour ses compétences et son côté incorruptible. Ainsi, en pleine crise politique entre l’opposition radicale et le Président Jovenel Moïse, Me Claudy Gassant qui était sorti du radar va faire son grand retour sur la scène politique et médiatique nationale le 3 décembre 2019 là où personne ne l’attendait. Jovenel Moïse qui se battait comme un fou contre son ombre allait frapper un grand coup. Il va sortir du placard comme par enchantement Me Claudy Gassant dont il est sciemment conscient que cette nomination ne passerait pas inaperçue et ferait forcément du bruit dans les coins les plus reculés de la République.
La nomination de ce personnage médiatique pour prendre les commandes d’un organisme d’Etat, l’un des plus surveillés par l’ensemble de l’opposition, la population et la Communauté internationale n’avait qu’un seul but : frapper les esprits de l’ensemble des protagonistes et partenaires d’un régime décrié pour le nombre de scandale de corruption qu’il engendre. Jovenel Moïse voulait faire taire les critiques selon lesquelles sa présidence ne fait rien pour combattre la corruption et que lui-même et son entourage seraient mouillés jusqu’aux os dans des actes délictueux comme ceux de PetroCaribe et Dermalog. Mais, le chef de l’Etat, en difficulté politique avec son opposition, voulait aussi envoyer un message fort à l’opinion publique nationale laissant croire qu’il veut faire de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Qui mieux que quelqu’un de très respecté et respectable que Me Claudy Gassant pour jouer ce rôle ? Ainsi, le locataire du Palais national va surprendre tout le monde en faisant appel à l’incorruptible Me Claudy Gassant. Et le moins que l’on puisse dire, son choix détonne tout en semant la confusion, la zizanie, le doute et la curiosité en sein de ses adversaires et même de ses partisans qui n’expliquent pas ce choix pour le moins audacieux et risqué pour le Président de la République. Très vite, tout le monde va être fixé. Car le nouveau Directeur général de l’ULCC ne va pas tarder à faire comprendre qu’il n’est pas là pour faire de la figuration ni pour plaire au pouvoir encore moins au Président Jovenel. Il est en poste pour servir la République, point barre !
Pour comble de son malheur ou de son bonheur, c’est selon où l’on se place dans cette affaire, Claudy Gassant va être servi par les dossiers qui étaient déjà en suspens, ceux de la corruption au sein l’ambassade d’Haïti à Santo Domingo, en République Dominicaine où, paraît-il, tout le monde semble mouillé jusqu’aux os et divers autres affaires de corruption en cours. Comme à son habitude, le nouveau Directeur général se jette à bras le corps dans ces dossiers tout en médiatisant à outrance les affaires, une façon de prendre l’opinion publique locale et internationale à témoin. Sa première grande décision, c’est de faire publier les noms de l’ensemble des employés ou fonctionnaires haïtiens en poste à l’Ambassade d’Haïti à Santo Domingo qu’il soupçonne d’être mêlés de près ou de loin dans une vaste entreprise de corruption dans cette Ambassade. La publication de cette liste a fait scandale dans les deux sens. Premièrement, le grand public découvre les noms des fonctionnaires Haïtiens qui seraient liés à la corruption à Saint Domingue, c’est le premier scandale. Deuxièmement, la Chancellerie haïtienne et le ministre des Affaires étrangères en particulier, Bocchit Edmond, sont scandalisés du mode opératoire du Directeur général de l’ULCC vis-à-vis de ces employés de l’Etat. Celui-ci cadre publiquement le Directeur général de l’ULCC.
C’est le début du conflit qui va conduire au limogeage rapide et sans ménagement de Me Claudy Gassant. Mais, l’affaire va être amplifiée par un dossier sous-entendu toujours en provenance de la République voisine. Cette fois-ci, c’est le dossier de l’arrestation à la frontière de la cheftaine du Consulat général d’Haïti à Santiago, madame Judith Exavier, qui aurait tenté de rentrer en Haïti le 7 décembre 2019 au volant d’un véhicule faisant l’objet d’un signalement et suivi par la police dominicaine et même du Service de narcotique américain. Pour le nouveau Directeur de l’ULCC, c’en est trop pour cette ambassade. Il faut d’une part tirer ces affaires au clair et d’autre part mettre un frein au plus vite à ces agissements qui ternissent davantage l’image des Haïtiens et d’Haïti auprès des autorités dominicaines et des dominicains dont on connaît le sentiment à l’égard des Haïtiens. Si ces deux dossiers deviennent le fil rouge pour Claudy Gassant, son institution va aussi s’intéresser à des dossiers comme celui du PetroCaribe que Me Gassant jure qu’il ira jusqu’au bout et des têtes seront tombées.
Il va s’intéresser de près aussi au dossier de la SOGENER, cette entreprise privée d’électricité de la famille Vorbe en conflit et en justice avec le Président Jovenel Moïse pour le compte de l’Etat haïtien. On se souvient que l’ULCC, à la demande de Claudy Cassant, voulait ouvrir une enquête sur ce conflit opposant l’Etat et la SOGENER. Mais, à la surprise générale, les avocats de l’Etat se sont opposés à l’ouverture de cette enquête de l’ULCC dans cette affaire. Enfin, il y a la demande sous forme d’ultimatum de l’ULCC à tous anciens hauts fonctionnaires, parlementaires et ministres d’apporter au plus vite leur déclaration de patrimoine avant et après la fin de leur mandat ou mission. Pour certains, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase car, d’après eux, cette dernière requête pourrait concerner directement le Président Jovenel Moïse dans l’avenir. Revenons donc à la raison pour laquelle Me Claudy Gassant a été purement et simplement « viré » de la Direction de l’Unité de Lutte de Contre la Corruption en seulement moins de deux mois de gestion.
Si l’histoire du véhicule suspect de la République dominicaine retrouvé entre les mains d’une diplomate haïtienne à la frontière a été le déclencheur de l’affaire, c’est le cas d’un autre diplomate dont la nationalité même intrigue plus d’un qui a été le fond d’un ensemble de malentendus entre le Directeur général de l’ULCC, le Ministre des Affaires étrangères, le Parquet de Port-au-Prince, le Ministre de la justice et le Président de la République. Ce diplomate qui a été le numéro 2 à l’Ambassade d’Haïti à Santo Dominicaine s’appelle Kerby Alcantara ou Alcante Désormeaux. Ce fonctionnaire haïtien possède la double nationalité. Il est détenteur d’un passeport haïtien et d’un autre de la République Dominicaine. Outre qu’il est le deuxième Conseiller à la Légation haïtienne dans ce pays, il est connu pour être un homme d’affaires et s’occupe de ses commerces à Saint Domingue.
Un statut qui pose problème dans la mesure où en tant que diplomate il ne peut sous aucun prétexte exercer une autre profession dans le pays où il est accrédité. Or, il se trouve que ce monsieur qui est à la fois dominicain et haïtien mène tranquillement les deux activités en même temps et en toute illégalité sans que cela ne dérange la Chancellerie haïtienne ni les autorités dominicaines. Et pour cause. Etant ressortissant dominicain, il n’a aucun problème pour exercer dans son pays. Sauf que, pour l’ex-Directeur général de l’ULCC, c’est tout à fait incompatible avec son statut de diplomate et de fonctionnaire de l’Etat haïtien. Surtout que le nom de Kerby Alcantara ou Alcante Désormeaux est cité parmi les employés haïtiens de l’Ambassade qui seraient impliqués dans la corruption. Pour commencer, l’ULCC avait demandé à deux fois au Ministre des Affaires étrangères, Bocchit Edmond, de mettre ce fonctionnaire à la disposition de son institution pour être entendu dans le cadre de ces accusions de corruption et devrait aussi fournir plus d’informations concernant sa vraie nationalité. Mais, les demandes de Me Claudy Gassant sont restées lettres mortes. Or, Gassant n’est pas celui qui laisse tomber une affaire, fut-elle la plus difficile.
Alors, il a passé à une étape supérieure. Il porte plainte contre le Chancelier Bocchit Edmond pour entrave à la justice et fait arrêter une première fois cet Alcante ou Alcantara qui semble planer au-dessus des lois de la République et de ses chefs hiérarchiques pour le motif de faux et usage de faux. Dès qu’il s’est présenté à la frontière haïtienne, Alcantara a été arrêté par la police haïtienne qui l’a remis entre les mains de la justice. Mais, dès son arrivée au Parquet de Port-au-Prince, Kerby Alcantara ou Alcante Désormeaux a été promptement libéré sur le champ par le substitut du Commissaire du gouvernement, Me Jeanty Souvenir. On imagine la colère du Directeur de l’ULCC qui ne comprend pas la décision du Parquet. Il proteste auprès du chef hiérarchique du substitut qui est le Ministre de la justice. Me Claudy Gassant lance alors un deuxième mandat d’arrêt contre le fonctionnaire soupçonné de corruption. Celui-ci sera arrêté une seconde fois à l’aéroport international Toussaint Louverture de Port-au-Prince. Sans tarder, le même substitut auprès du Commissaire du gouvernement, Jeanty Souvenir, procèdera dans l’immédiat à la libération de Kerby Alcantara qui semble sentir le souffle.
Cette fois, Me Claudy Gassant rentre dans une colère folle et rentre en conflit ouvert et public avec ce substitut du Commissaire du gouvernement, le Ministre de la justice et toujours et encore le Ministre des Affaires étrangères. Dans la foulée, le Directeur général organise une journée porte ouverte sur les activités, la mission et le rôle de l’Unité de Lutte Contre la Corruption à laquelle le Président Jovenel Moïse a participé. En fait, le but de cette journée Porte ouverte sur l’institution était une façon d’informer le grand public sur les activités de l’ULCC et son combat contre ce fléau qu’est la corruption qui devient une seconde nature dans la fonction publique en Haïti et dans les institutions du pays. Mais, dans ce combat, ce que l’ex-Directeur semblait ignorer c’est qu’il était le seul à croire qu’il pourrait sortir victorieux d’une lutte dans laquelle il n’avait aucun soutien sérieux, si ce n’est de façade, des autorités et des pouvoirs publics.
En donnant priorité à ce dossier de corruption à l’Ambassade d’Haïti à Santo Domingo, Gassant ne savait pas qu’il allait être le témoin du blocage de la lutte contre la corruption au plus haut de la hiérarchie du système administratif, politique et institutionnel. Me Gassant voulait aller vite, très vite, voire trop vite selon la plupart de ses amis dans sa quête de résultats contre ce cancer de la corruption. Il a démontré en très peu de temps que l’ULCC, si le gouvernement lui apportait sa pleine coopération, pourrait faire baisser à un taux très bas la corruption dans l’administration publique haïtienne. En à peine un mois et demi, il a mis en lumière ce qui empêche ou fait barrage à l’institution de faire son travail, surtout d’avoir des résultats. Si Me Gassant s’était contenté de jouir seulement des privilèges de la fonction, il aurait passé comme tous ses prédécesseurs des années dans cette fonction sans démontrer la capacité de l’ULCC à faire quoi que ce soit.
Mais, ce n’est pas dans sa nature de rester enfermé dans un bureau sans rien faire ni sans servir à quelque chose. C’est l’obligation de résultat qui l’importe pas l’inverse. Comme d’habitude, en un temps record, Me Claudy Gassant a marqué son passage à la tête d’une institution publique haïtienne par ses coups d’éclats et son omniprésence dans les dossiers chauds. En moins de deux mois, il a sorti l’ULCC de l’anonymat et fait prendre conscience au grand public que la corruption n’est pas une fatalité. Cela peut être vaincue avec la volonté de bien faire. Un bon coup de pub aussi pour ce personnage haut en couleur que certains disaient avoir trahi la cause pour se rallier à un pouvoir plombé par la corruption qui pensait s’acheter à peu de frais une bonne conduite tout en se cachant derrière une personnalité intègre, en tout cas, qui a fait preuve de lucidité pour ne pas tomber dans le piège que le Palais national lui avait tendu. Quoiqu’on dise, dans cette affaire, Me Claudy Gassant est sorti tête haute et a même grandi devant ses pairs et devant la population. Puisque, même le pouvoir n’a pas trouvé de motif acceptable et valable pour expliquer les raisons du limogeage de cet enfant terrible de la République. Certes, pour masquer ses erreurs dans la révocation du Directeur général de l’ULCC, le Président Jovenel Moïse a profité pour procéder à un jugement à la Salomon en mettant fin au mandat de tous les protagonistes du dossier.
A commencer par celle par qui le scandale a éclaté, madame Judith Exavier, qui a été aussi révoquée par un courrier laconique de son Ministère de tutelle en ces termes « Il a été décidé de mettre fin à vos fonctions de chef de poste au Consulat général d’Haïti à Santiago ». Si Me Gassant a vite été remplacé par Rockfeller Vincent, un natif du département du Nord comme Jovenel Moïse, celui avec qui le dialogue fut tendu, le substitut du Commissaire du gouvernement, Me Jeanty Souvenir, qui a procédé à deux fois à la mise en liberté du ressortissant haïtiano-dominicain, a été suspendu dans sa fonction. Car, le Ministre de la justice, Jean Roudy Aly, eut à écrire « La présente est pour vous informer qu’il a été décidé de vous mettre en disponibilité sans solde, en attendant le résultat de l’enquête menée autour des faits qui vous sont reprochés ». Et naturellement, celui sur qui pèsent de fortes soupçons de corruption et utilisant plusieurs titres de voyage, le deuxième Secrétaire à l’Ambassade d’Haïti en République Dominicaine, Kerby Alcantara ou Alcante Désormeaux.
Comme pour sa collègue Judith Exavier, Alcantara s’est vu mettre fin à ses fonctions au Ministère des affaires étrangères par le gouvernement. Rappelons que ce monsieur dont on ignore réellement sa vraie identité est enregistré comme citoyen dominicain sous le registre N° 224-0036121-2 du Ministère dominicain de l’intérieur. Si la révocation de Me Claudy Gassant à la tête de l’ULCC n’a pas été prise en compte dans le dernier Rapport annuel de l’ONG Transparency International sur l’indice de perception de la corruption dans le monde, elle va être scrupuleusement analysée en aval par les spécialistes de l’agence. Surtout que d’après ce Rapport, Haïti occupe la première place à ses dépens dans la perception de la corruption pour l’année 2019. Le pays est placé 168e sur 180 pays, autant dire que le monde entier regarde Haïti comme l’un des pays le plus corrompu des Amériques juste derrière le Venezuela dont on connaît l’attitude de certaines institutions internationales sous l’influence du gouvernement américain depuis quelque temps.
Une chose est sûre, le passage éclair de ce météore nommé Gassant qui a frôlé l’atmosphère du pouvoir et sa révocation expresse vont rester comme une tache indélébile pour la présidence de Jovenel Moïse et l’administration de Jean-Michel Lapin, son Premier ministre par intérim depuis bientôt une année. Cette révocation brutale et sans manière prouve une chose, les dirigeants haïtiens ne sont pas encore prêts à accepter et laisser fonctionner en toute indépendance l’Unité de Lutte Contre la Corruption tant qu’ils veulent protéger leurs arrières. En mettant fin ainsi au mandat de Me Claudy Gassant, le Président Jovenel Moïse fait planer le doute sur les accusations de corruption dont il fait l’objet bien avant son accession à la présidence de la République.