Par PIERRE BARBANCEY
Après la Corée du Nord, le Venezuela. Le président américain multiplie les déclarations guerrières, quitte à gêner ses propres alliés. Nicolas Maduro préfère le dialogue ; mais est prêt à répondre « les armes à la main ».
Il faut reconnaître une chose à Donald Trump : il dit tout haut ce qu’il pense tout bas ! Bien souvent pour le plus grand désagrément des membres du gouvernement et de ses alliés. Sur sa lancée guerrière avec force coups de gueule contre la République populaire et démocratique de Corée (RPDC), il s’en est pris, ce week-end, au Venezuela. « Nous avons de nombreuses options pour le Venezuela, y compris une possible option militaire si nécessaire », a-t-il lancé lors d’un échange avec des journalistes dans son golf de Bedminster, dans le New Jersey, où il passe ses vacances. Son style est un peu celui du patron qui balance une idée ; mais ne sait pas encore bien comment la réaliser. À ces subalternes de s’en dépêtrer. Ainsi, appelé à donner des précisions sur une annonce qui n’est tout de même pas anodine, Trump a rétorqué, entouré du secrétaire d’État ,Rex Tillerson, et de l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley : « Nous avons des troupes dans le monde entier qui sont parfois très loin. Le Venezuela n’est pas très éloigné et les gens souffrent et les gens meurent. » Le ministre vénézuélien de la Défense, Vladimir Padrino, a qualifié d’« acte de folie » cette déclaration de Donald Trump. En cas d’agression, « nous serons tous au premier rang pour défendre les intérêts et la souveraineté de notre Venezuela bien-aimé », a-t-il insisté.
La pression des opposants à la révolution bolivarienne
Début août, les États-Unis ont infligé des sanctions au président vénézuélien, Nicolas Maduro, qu’ils ont qualifié de « dictateur ». Une nouvelle série de mesures ont par ailleurs été adoptées cette semaine par Washington, à l’encontre de huit responsables vénézuéliens. Trump est peut-être désarçonné par les déclarations de Maduro. Tout en disant souhaiter avoir des relations « normales » avec les États-Unis, le président vénézuélien a été ferme. Il a averti Trump que son pays répondrait « les armes à la main » à une éventuelle agression et « ne se rendra jamais ». Il a également dit souhaiter « une conversation » avec son homologue américain. « S’il est autant intéressé par le Venezuela, je suis là, je suis le chef de ce qui l’intéresse », a-t-il prévenu lors d’un discours devant l’Assemblée constituante. Le président vénézuélien souhaite que cette discussion ait lieu par téléphone ou qu’elle se tienne à New York à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies à la mi-septembre.
Dans le camp international des opposants à la révolution bolivarienne, c’est un peu la consternation. L’association pour la promotion des droits de l’homme aux Amériques (Wola), basée, comme il se doit, à Washington et très critique du pouvoir vénézuélien, qui s’est félicitée de la déclaration de Lima du 8 août, où 12 pays ont affirmé ne pas reconnaître la nouvelle Assemblée constituante vénézuélienne, s’est aussitôt inquiétée des déclarations de Trump. Pas sur le fond, mais parce que « cela va renforcer la rhétorique anti-impérialiste » (sic) ! Depuis plusieurs jours, la Colombie, le Mexique, le Brésil ou encore l’Argentine s’évertuaient à mettre en place une politique d’endiguement, s’appuyant sur des déclarations états-uniennes antérieures comme la mise en « quarantaine » du Venezuela, bien agréable à leurs oreilles puisque le même mot, « quarantaine », avait été utilisé par Washington lors de la victoire de la révolution cubaine, en 1959. Le Mercosur, en excluant le Venezuela, jouait sa partition. Le Brésil, la Colombie, le Pérou ont dû rejeter la perspective d’un recours à la force exprimé aussi crûment. « La crise au Venezuela ne peut être résolue par des actions militaires, venant de l’intérieur ou de l’extérieur », a même tweeté le ministre mexicain des Affaires étrangères, Luis Videgaray. L’Équateur et le Nicaragua, qui savent qu’ils pourraient être les prochains pays sur la liste, ont témoigné de leur « amitié » et de leur « solidarité » avec le peuple du Venezuela.
L’ingérence des États-Unis sur le continent latino-américain
On aurait tort de prendre les déclarations de Donald Trump à la légère. L’histoire des États-Unis sur le continent latino-américain témoigne de cette ingérence presque pathologique dès lors qu’un gouvernement progressiste se met en place. De l’invasion de la baie des cochons à Cuba en 1961 à l’entrée à Panama en 1989, les États-Unis ont montré ce dont ils étaient capables dans une version armée. Ailleurs sur le continent, ils ont fait chuter les gouvernements démocratiquement élus ; mis en place et soutenu les dictatures fascistes, couvert, au milieu des années 1970, l’opération « Condor », impliquant le Chili, l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Et, quand ce n’était pas suffisant, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale venaient donner le coup de grâce.
Interrogé sur l’annonce faite par Trump, le Pentagone s’est borné à indiquer, par la voix de son porte-parole Eric Pahon, qu’il n’avait « à ce stade » reçu aucune consigne sur ce dossier. Aucune consigne ne signifie pas absence de préparation. Depuis les attaques du 11 septembre 2001, les États-Unis ont dépensé plus de 250 milliards de dollars pour entraîner des militaires et des policiers étrangers. En 2015, par exemple, ils ont été près de 80 000, venus de 154 pays, à recevoir ce que l’on appelle l’entraînement militaire étranger (foreign military training, FMT). Bien sûr, officiellement, les programmes du FMT s’articulent autour de la promotion de « la paix internationale et la sécurité » et de la sensibilisation aux « droits humains reconnus internationalement ». En réalité, il s’agit pour l’administration américaine, démocrate ou républicaine, de renforcer militairement ses partenaires, mais aussi des forces pouvant, le cas échéant, agir à sa place.
Dans une étude publiée au mois de juillet, Jonathan Waverley, de l’US Naval War College, et Jesse Savage, du Trinity College de Dublin, expliquent : « Nous avons trouvé un lien très fort entre l’entraînement américain de militaires étrangers et les tentatives de coups d’État soutenus par l’armée. »