Washington installe en permanence «Homeland Security Investigations» en Haïti !

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Photo souvenir de la cérémonie d’ouverture du bureau permanent de Homeland Security Investigations (HSI) à l'ambassade des États-Unis à Port-au-Prince. Le directeur exécutif de HSI, Steve Francis, a rejoint le chargé d'affaires Kenneth Merten et le chef de mission adjoint Nicole Theriot pour une cérémonie d'inauguration du nouveau bureau.

Face à l’enlisement des acteurs politiques haïtiens à mettre en place une vraie Transition post-Jovenel Moïse après l’assassinat de celui-ci en juillet 2021, nous avions publié une série d’articles dans lesquels nous expliquions comment les Etats-Unis d’Amérique implantent doucement mais sûrement un Protectorat en Haïti. Dans un premier temps, c’est le diplomate Daniel Lewis Foote qui était chargé de mettre en place cette Administration. Mais, très vite, l’Envoyé spécial américain avait conclu, pour être plus efficace, qu’il serait préférable de prendre totalement en charge la gestion du pays, en clair une occupation américaine en bonne et due forme de l’ensemble du territoire haïtien. En commençant par mettre en retrait le tout puissant Core Group, cette « Union » de diplomates étrangers à Port-au-Prince qui faisait office de donneur d’ordre. N’ayant pas été écouté par ses supérieurs à Washington, Daniel Foote a dû renoncer à ses fonctions.

Très vite, il a été remplacé par d’autres émissaires moins va-t’en guerre ou du moins plus à même de porter la politique américaine de manière plus sournoise, plus discrète. Suite à ces mouvements de dirigeants américains dans le dossier de la Transition, plusieurs missions US continuent de faire des allers-retours entre les deux capitales et bien de Services officiels et de personnels américains ont été installés dans différentes administrations et institutions haïtiennes. Des mouvements qu’on avait rapportés en détail dans nos chroniques sur cette occupation qui ne « porte pas son nom » comme on l’avait écrit dans cette série d’articles. A part l’hebdomadaire Haïti Liberté, rares sont les médias haïtiens qui s’intéressent à cette implantation méthodiquement bien calculée par les stratèges de Washington sans pour autant susciter le moindre commentaire des élites haïtiennes et de la classe politique en particulier. Pensant, sans doute, que les acteurs des différents Accords allaient s’entendre plus rapidement sur la marche à suivre pour la Transition, l’Administration Biden qui a pré-positionné des fonctionnaires U.S. sur le terrain avait marqué une pause.

“Nous sommes unis dans notre détermination à soutenir Haïti dans la prévention de la violence des gangs et le rétablissement de la sécurité des citoyens haïtiens.”

Un laps de temps pour laisser les protagonistes manifester leur capacité à jouer un rôle important dans la Transition ou du moins servir de relai entre les fonctionnaires US à Port-au-Prince pour l’application de son projet pour Haïti. Sauf que, plus de neuf mois après, le constat est sans appel. L’échec entre les signataires des Accords du 30 août d’un côté et du 11 septembre de l’autre est patent. Ariel Henry, le Premier ministre a.i faisant office de chef du pouvoir exécutif s’est révélé un piètre gestionnaire et d’une catastrophe politique pour la Transition et de la gestion du pays sans oublier son incapacité à combattre les gangs. Surtout, Ariel Henry fait obstacle à toute démarche visant à combattre la corruption et à rendre justice au Président assassiné.

Partant de ce constat, la Maison blanche s’est rendue compte que c’est sa politique et sa crédibilité dans la gestion du dossier Haïti post-Jovenel Moïse qui risque de faire l’objet des critiques de la population et de ses partenaires étrangers. Même la relève de son ambassadeur à Port-au-Prince et son remplacement par un vétéran, Kenneth H. Merten, un franc connaisseur de la politique haïtienne, se sont révélés inefficaces face aux irréductibles des deux camps. Alors, devant ce nouveau dilemme, le gouvernement américain a dû activer la deuxième phase de son plan d’action dans la prise en main de l’Administration haïtienne, toujours de façon discrète et sans faire de vague. Ainsi, à la demande de la Maison blanche, discrètement, les trois plus importants institutions et organismes fédéraux des Etats-Unis ont officiellement implanté un Bureau permanent commun dénommé : Homeland Security Investigations (HSI) dans la capitale haïtienne afin de prendre en main l’appareil judiciaire d’Haïti mais pas lui seulement.

Sans demander l’avis du gouvernement haïtien, ce sont le Département de la Sécurité intérieure (“Department for Homeland Security”), le Service d’immigration et la Direction des Douanes des Etats-Unis qui ont été mandatés par le Président Joe Biden pour ouvrir en commun un Bureau à Port-au-Prince au cours du mois de février 2022. Ces trois services réunis travaillent main dans la main sans pour autant avoir l’obligation de solliciter quoi que ce soit des autorités haïtiennes pour une raison simple. Ces agences américaines vont devoir enquêter sur les faits et gestes de tous les acteurs sociopolitiques et économiques du pays, donc aussi sur la plupart des dirigeants actuels. Un vrai pied de nez pour le gouvernement de Ariel Henry qui a tout intérêt à se tenir à carreau. Installé à l’Ambassade américaine à Tabarre depuis le mois de février dernier, aucun officiel haïtien n’était mis dans la confidence ni par les autorités de Washington ni par les diplomates en poste en Haïti.

Il aura fallu un communiqué de l’Ambassade U.S. en Haïti datant du 2 mars 2022 pour que, comme monsieur tout le monde, le gouvernement et la population apprennent que des agents fédéraux issus de trois Administrations fédérales américaines travaillent en permanence en Haïti dans les domaines de la justice, des Douanes et de l’immigration. Trois domaines, selon les américains, qui engendrent plus de corruptions, d’insécurité et de déstabilisation politique dans le pays. Pour bien comprendre le rôle de cet organisme U.S. que Washington a, d’ailleurs, baptisé “HSI Port-au-Prince”, ce qui signifie qu’il est là pour durer de même que le travail qu’il effectue sur l’ensemble du territoire haïtien, il n’est pas anodin de  prendre connaissance de la teneur du Communiqué que l’Ambassade américaine à Port-au-Prince a diffusé le mercredi 2 mars 2022 annonçant l’installation de ces Agents fédéraux US dans le pays : « Les postes permanents en Haïti visent à renforcer davantage les relations avec le pays pour lutter contre les crimes liés aux gangs, traduire les criminels en justice et assurer la sécurité publique. 

 HSI Port-au-Prince développera et favorisera des relations avec les partenaires des institutions haïtiennes chargées d’application de la loi du gouvernement hôte pour échanger des informations, coordonner et soutenir les enquêtes et faciliter les actions d’application de la loi et les poursuites pour dissuader les organisations criminelles transnationales, les gangs, la contrebande. HSI Port-au-Prince a commencé à travailler à la création d’une unité d’enquête criminelle transnationale en Haïti en établissant des relations avec les forces de l’ordre et les douanes. Les TCIU de HSI sont composées d’agents de la force publique étrangers formés et contrôlés qui travaillent en étroite collaboration avec HSI pour enquêter et poursuivre les personnes impliquées dans des activités criminelles transnationales. Ces unités facilitent l’échange d’informations et les enquêtes bilatérales rapides sur de nombreuses violations de la loi relevant de la compétence d’enquête de HSI ».

des agents fédéraux issus de trois Administrations fédérales américaines travaillent en permanence en Haïti dans les domaines de la justice, des Douanes et de l’immigration.

En résumé, aucun secteur, en théorie, ne devrait échapper aux enquêteurs qui vont tenter de comprendre comment la criminalité, la corruption, les gangs ont pu envahir et gangréner toute la société haïtienne au plus haut niveau. Depuis l’annonce et l’installation officielle de cette branche de : l’Agence de police douanière et de contrôle des frontières ou ICE (Immigration and Customs Enforcement) qui est, en fait, la principale Direction d’enquête du Ministère de l’intérieur américain (Département de la Sécurité intérieure), le moins que l’on puisse observer pour ceux qui suivent ce dossier de l’insécurité en Haïti, c’est que ces Agents n’ont pas chômé. Puisque le Président Joe Biden n’a pas tardé à demander une première évaluation à travers le Département d’Etat américain (Ministère des Affaires étrangères). En effet, pour accélérer le processus, motiver les enquêteurs sur place et peut-être aussi pour mettre la pression sur les acteurs sociopolitiques en Haïti, dès le 15 mars dernier, le Président américain a sollicité un premier compte rendu sur les actes de corruption commis par tous les secteurs (public et privé) en Haïti depuis 2015.

Joe Biden a aussi demandé que le HSI Port-au-Prince identifie toute personne ou entité ayant financé des activités de corruption pendant cette période. Mieux, la Maison blanche, veut prendre connaissance des dossiers judiciaires et l’identification de toute personne ayant été poursuivie pour fait de corruption par la justice haïtienne de 2015 à aujourd’hui. En clair, la justice américaine s’intéresse de près à différents dossiers, voire des personnalités ayant fait l’objet d’une enquête au cours de ces années passées. En fait, depuis quelques temps, les autorités américaines demeurent persuadées que c’est la corruption et l’inefficacité de la justice qui sont les principaux obstacles à tout changement de paradigme en Haïti surtout dans le domaine de la politique depuis des décennies.

Ce n’est pas pour rien qu’on a constaté que les médias américains, les plus grands d’ailleurs, s’intéressent de très près à l’évolution de l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse. En général, dans ces pays, la presse est toujours un bon indicateur pour comprendre l’orientation et l’intérêt des dirigeants. Nul doute que cette Direction de HSI Port-au-Prince va s’intéresser à certains dossiers faisant partie de vastes complots liés à une large mouvance active dans des activités criminelles transnationales et sévissant dans la corruption d’Etat et privée à une très grande échelle. C’est aussi le signe qu’il ne s’agit plus d’ingérence américaine dans les affaires intérieures haïtiennes, mais bien de la dépendance d’Haïti vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique. Bizarrement, cela ne semble choquer personne à Port-au-Prince.

C.C

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