Transition de rupture, Montana aligne son Président et son Premier ministre !

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Fritz Alphonse Jean

Dans le cadre de la Transition de rupture, les signataires de l’Accord de Montana n’ont pas chômé depuis le début de l’année 2022. Qu’ils aient échoué dans leur entreprise d’installer un Président de la transition au Palais national le 7 février 2022, on peut tout leur reprocher sauf de n’avoir pas essayé. Depuis le 13 janvier, ils avaient ouvert le processus devant aboutir à l’élection de celle ou celui devant prendre la tête de la Transition de rupture.

Même si l’affaire était devenue beaucoup plus compliquée avec le « consensus politique » qu’ils avaient signé avec ceux du Protocole d’Entente Nationale (PEN) pour la mise en place d’une présidence collégiale de cinq membres au lieu d’un Président provisoire unique de la République.  Malgré les critiques des uns, le scepticisme des autres et l’opposition d’une très large majorité de leaders de l’ex-opposition, les signataires de l’Accord du 30 août ont voulu continuer dans cette trajectoire. Pourtant, la date du 31 janvier 2022, fixée comme étant date limite pour la proclamation du nouveau chef de l’Etat provisoire, est largement dépassée sans qu’ils parviennent à boucler le processus. Ne pas confondre, l’investiture du Président de la République dans ses fonctions.

Jusqu’à maintenant, d’ailleurs, c’est-à-dire deux jours après le 7 février, ils croient toujours possible cette idée d’un collège présidentiel. Ils ont foi dans leur démarche. Ils ne se laissent pas entrainer dans le fatalisme et le découragement. Mais, le plus intéressant dans cette lutte pour le pouvoir et même plus encourageant pour les signataires des Accords de Montana et PEN, c’est qu’il y a des personnalités fort respectées et respectables en Haïti qui veulent bien les accompagner dans leur démarche de doter le pays d’un exécutif bicéphale, c’est-à-dire d’une présidence, qu’elle soit collégiale ou unique, et naturellement d’un Premier ministre, chef de gouvernement intérimaire durant les deux années que doit durer la Transition de rupture, selon eux. Déjà, avant même que le BSA (Bureau de Suivi de l’Accord) ait déclaré ouvert le processus de dépôt de candidature, un groupe d’Haïtiens de la diaspora avait donné le ton lors du « Sommet de l’unité haïtienne » organisé à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane aux USA, avec une bonne partie des acteurs politiques de l’intérieur de différents Secteurs durant la semaine du 13 au 19 janvier 2022.

En effet, au cours de ce Sommet qui s’est tenu à Southen University Law New Orléans sous  l’égide de « Haitian diaspora united for Haïti » avec la participation de beaucoup de petits accords : Accord Lari a, Accord du Milieu, Accord de Femme, CESOC, Accord de Final, Kontra Pèp La et bien évidemment, Accord de Montana et PEN, à l’exception notable de l’Accord du 11 septembre, celui du Premier ministre a.i Ariel Henry, une personnalité de la Société civile haïtienne a fait une entrée fracassante dans l’arène et se place depuis comme l’un des incontournables de la transition. C’est l’économiste et ancien Gouverneur de la Banque centrale haïtienne, Fritz Alphonse Jean. D’ailleurs, même le Secteur Démocratique et Populaire (SDP) à travers Me André Michel l’a rencontré le vendredi 4 février 2022 « Dans le cadre de la recherche d’un large consensus pour la stabilité politique et la paix sociale » a déclaré celui-ci.

C’est sur lui que cette entité de la diaspora a jeté son dévolu pour être Président provisoire de la République durant la transition. Il a fait l’unanimité parmi les congressistes de la Nouvelle-Orléans qui l’ont désigné, le 14 janvier 2022, Président provisoire après que l’ensemble des Accords se soit transformé en « Accord unitaire de Louisiane ». Fritz Alphonse Jean qui a accepté cet « honneur » et qui sait que le choix des délégués de la Nouvelle-Orléans est symbolique, vu qu’il a été fait depuis l’extérieur de la terre d’Haïti, ce dont, d’ailleurs, un partisan du Premier ministre Ariel Henry et membre de l’Accord de la Primature, Tolbert Alexis, avait vite ironisé avant de dénoncer ce choix fait à l’étranger, a voulu officialiser cette décision en allant le 17 janvier 2022 faire acte de candidature comme Président de la Transition en déposant son dossier au siège du Bureau de Suivi de l’Accord.

Steven Benoit

C’est cet organisme, jouant le rôle d’un CEP miniature qui était chargé de départager en organisant l’élection du chef de l’Etat parmi divers prétendants à cette fonction.  Faut-il le rappeler, ce lundi 17 janvier 2022, le candidat Fritz Alphonse Jean avait créé la polémique en se présentant devant le BSA accompagné d’une forte escorte d’hommes armés jusqu’aux dents avec des armes de guerre, pour certains masqués, comme si l’ancien Gouverneur de BRH était déjà investi dans ses fonctions de chef d’Etat. Certains laissaient entendre qu’il s’agissait de bandits armés, tandis que l’intéressé assure que c’étaient des agents de la PNH qui assuraient sa sécurité, ce que la direction de l’institution n’a pas démenti. Bref, l’on est en plein psychodrame s’agissant de la politique en Haïti surtout dans une transition qui est loin de finir avec ses avatars. Depuis l’officialisation de la candidature de ce notable du Grand-Nord, il est natif de la commune de Sainte Suzanne, mais connu du pays, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a pris très au sérieux son rôle dans ce combat et tente par tous les moyens de s’imposer dans le paysage politique même si les citoyens ne se bousculent point pour prendre la tête de la Transition.

Le lendemain du dépôt de sa candidature, le mardi 20 janvier, on a retrouvé Fritz Alphonse Jean à l’hôtel Karibe Convention Center à Pétion-Ville dans le cadre d’un déjeuner-débat organisé par la Chambre franco-haïtienne de Commerce et d’Industrie sur l’économie haïtienne. Ce débat où ont pris part d’autres professionnels de l’économie et de la finance a été, en vérité, un prétexte pour permettre à l’économiste de déployer son programme si la providence le conduit vers la présidence du pays pour les deux années à venir. Fritz Alphonse Jean a plaidé pour le redressement de l’économie haïtienne et avance quelques pistes sur comment il compte rétablir la paix sociale dans le pays. Ensuite, le dimanche 23 janvier, toujours à l’hôtel Karibe Convention Center, le candidat a repris son discours sur le redressement de l’économie du pays, mais, cette fois, en présence des acteurs des Secteurs culturel et artistique qui avaient organisé cette rencontre.

Bref, Fritz Alphonse Jean croit qu’il peut être celui qui redonnera ses lettres de noblesse à Haïti en deux ans. Dans cette course à la présidence provisoire de la République, il y avait un autre candidat qui n’était pas là pour faire de la figuration. C’est l’ancien Président de l’Assemble Nationale, l’ex-sénateur Edgard Leblanc Fils. D’ailleurs, le même jour que FAJ, l’ancien élu des Nippes et chef du Parti OPL (Organisation du Peuple en Lutte) avait fait lui aussi acte de candidature pour le poste de chef de l’exécutif bicéphale dans le cadre de la Transition de rupture. Edgard Leblanc Fils qu’on ne présente plus tant qu’il est une figure connue et respectée dans le monde politique en Haïti avait officialisé sa candidature en déposant son dossier auprès du BSA le lundi 17 janvier 2022. Plus discret et peut-être plus politique que son concurrent, cet ancien candidat malheureux en 2016 lors de l’élection au second degré du sénateur Jocelerme Privert à la présidence provisoire d’Haïti pour remplacer Michel Martelly arrivé en fin de mandat sait de quoi la classe politique haïtienne est capable. Il a mené une campagne plus discrète et comptait davantage sur ses camarades de l’ex-opposition plurielle pour le hisser, cette fois-ci, au pouvoir suprême d’Haïti.

Mais, qu’importe l’issue de cette compétition, certains demeurent convaincus qu’Edgard Leblanc Fils ferait partie de l’équipe qui prendra les rênes de la Transition de rupture même si Ariel Henry devait continuer à mener la barque du pouvoir après une entente politique avec ceux du Montana. En fait, le Conseil National de la Transition attendait beaucoup plus de candidatures pour le poste de Président provisoire de la République mais la confusion et le scepticisme qu’a suscités cette histoire de présidence collégiale de cinq membres a en quelque sorte calmé l’ardeur ou l’envie de beaucoup de ceux qui étaient intéressés à la fonction. Jusqu’au vendredi 28 janvier, il n’y avait que deux prétendants : Fritz Alphonse Jean et Edgard Leblanc Fils qui sollicitaient les suffrages des 42 délégués sur 44 du Conseil National de la Transition suite au départ enregistré des deux délégués du parti Fanmi Lavalas du CNT.

L’un et l’autre voudraient gravir les perrons du Palais national soit parmi quatre autres personnalités soit seul pour devenir Président provisoire de la République et chef de la Transition de rupture. Mais qu’importe le nombre retenu pour cette fonction, l’heureux élu ne sera pas seul aux commandes du pouvoir exécutif. Selon le processus de l’Accord de Montana et même du « Consensus politique » Montana/PEN, le pouvoir sera constitué d’un Président de la République et d’un Premier ministre qui sera à la tête d’un gouvernement intérimaire jusqu’à l’organisation des élections générales afin de sortir, disent-ils, de la transition. C’est ainsi que plusieurs leaders politiques très en vue du microcosme politique de Port-au-Prince se sont portés candidats au poste de Premier ministre de la Transition de rupture. Au moins cinq avaient fait aussi acte de candidature en déposant officiellement leurs dossiers au Bureau de Suivi de l’Accord. Il s’agit de l’ancien parlementaire Steven Benoit, de l’ancien Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) Bonivert Claude, du Dr Jean Enold Buteau, de Me Iswick Théophin et du Dr Guirlaine Raymond Charité, ancienne Directrice générale du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP).

Parmi ces cinq personnalités qui avaient manifesté leur envie de servir leur pays en postulant pour diriger le gouvernement de la Transition de rupture, trois se détachent du lot par leur notoriété dans le pays. C’est le cas surtout de l’ex-sénateur de Pétion-Ville, Steven Benoit qui a été le premier à manifester son désir de jouer un rôle important au sein de la Transition. Acteur politique de premier plan, moins clivant, il a été, durant la présidence de Jovenel Moïse, un opposant ferme mais sans pour autant être un extrémiste. Il est respecté de ses adversaires et jouit d’une bonne réputation auprès de tous les Secteurs et de l’ensemble des acteurs de l’ex-opposition plurielle. Steven Benoit a mené aussi une campagne ouverte et sans discrétion pour le poste de Premier ministre. Il y a aussi les deux autres : Bonivert Claude, très connu du milieu économique et financier pour avoir été à la tête de la Banque de la République d’Haïti et deux fois candidat à l’élection présidentielle en 2000 et 2006.

Et Jean Enold Buteau, médecin et frère de l’historien Pierre Buteau. Ce candidat pour le poste de Premier ministre est à la tête d’un petit parti dénommé ASO. Son frère, Louis Buteau, faisait partie, en février 2021, du groupe qui aurait tenté de fomenter un coup d’Etat contre feu le Président Jovenel Moïse. Quant aux deux derniers, l’avocat Iswick Théophin et le Dr Guirlaine Raymond Charité, ils ne figurent pas dans l’échelle de notoriété du pays pour ne pas dire qu’ils sont inconnus du grand public bien qu’ils soient des professionnels évoluant dans la capitale. Cela dit, avec cinq candidats pour la Primature et deux pour le Palais national, les tenants de l’Accord de Montana peuvent dire qu’ils ont réussi la première phase de leur projet qui consiste à élire deux personnalités en attendant la suite du processus. Comme prévu, l’élection pour départager l’économiste Fritz Alphonse Jean et l’ancien Président de l’Assemblée Nationale Edgard Leblanc Fils et les cinq postulants pour la Primature a été organisée par le CNT sur deux jours : samedi 29 et dimanche 30 janvier 2022 à l’hôtel Kinam à Pétion-Ville. Finalement, c’est Fritz Alphonse Jean, avec 25 voix exprimées contre 15 pour son concurrent Edgard Leblanc Fils sur un total de 42 votants, qui a été proclamé vainqueur pour la présidence dès le premier tour de scrutin.

En revanche, il a fallu deux tours de scrutins pour départager les candidats pour le poste de Premier ministre. A l’issue du second tour, c’est l’ex-sénateur de Pétion-Ville, Fritz Alphonse Jean, qui sort vainqueur de la compétition avec 26 voix contre 14 pour Jean Hénold Buteau. Au premier tour, Steven Benoit était arrivé en tête avec 21 voix, Jean Hénold Buteau 17 voix tandis que Bonivert Claude avait obtenu 2 voix et Iswick Théophin 1 voix.  Selon ce qui a été arrêté, Fritz Alphonse Jean rentre dans la dynamique qui a été définie dans le « consensus politique » Montana/PEN. Les autres groupes ou Accords auront à élire leurs propres Présidents dans le cadre du Collège présidentiel. En clair, il n’y aura que deux élus pour l’Accord de Montana : un membre de la présidence collégiale et le Premier ministre.

Même si aucune des dates du calendrier du CNT n’a été respectée, l’agenda, en effet, couvrait la période allant du 13 au 31 janvier 2022. Les résultats définitifs devaient être connus le 30 janvier. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe de Montana ou l’Accord du 30 août fait preuve de résilience dans ce qu’il croit être la meilleure des solutions pour cette nouvelle transition. Pour le moment, le pays attend la suite des événements puisque le 7 février est déjà derrière nous.

C.C

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