Le crime du Pont Rouge est à l’origine de toutes les tragédies de la Nation. Depuis, le peuple haïtien exploité, constamment blessé dans sa dignité, affligé de malheurs, tente d’avancer avec grand courage et détermination à la recherche de dignité, liberté, démocratie et mieux-être. Il n’a connu qu’injustice et oppression, mais sa force de résistance lui a toujours montré le nord des luttes à continuer pour se forger un avenir meilleur.
Le 16 décembre 1990 avait à peine commencé à faire germer les semences de la dignité et de l’honneur pour l’éclosion des fiers hibiscus de la démocratie, lorsque les forces liberticides du mal et de la répression ont fait éclater en mille cristaux de deuil et de souffrances le grand rêve démocratique du peuple haïtien.
L’année 2015 s’achève, et nous n’avons rien oublié. Ce rêve brisé n’a rien enlevé au combat et à la résistance du peuple haïtien qui peine encore à retrouver son angle de paix. Mais il poursuit inlassablement son idéal de justice et de démocratie. Il en a l’habitude et le courage, depuis la poussée revendicatrice des Piquets, le douloureux épisode de Marchaterre, la glorieuse guérilla nationaliste de Péralte et de Batraville, jusqu’aux fréquentes et récentes manifestations de rue contre la présence des forces d’occupation, contre de scandaleuses élections, contre la faim, contre un exécutif puant la corruption, contre une justice vassalisée et corrompue, contre la volonté sournoise du pouvoir de vendre les richesses du pays au plus offrant et dernier enchérisseur.
Il s’agit du rêve de tout un peuple pour la dignité, pour que la vie ne reste plus en veilleuse, pour que le pain de l’existence n’ait plus dans sa bouche un «goût de fond de mer et d’aloès», pour que le jour ne ressemble plus à la nuit, pour que l’étranger ne vienne plus lui voler la force de travail de prolétaires condamnés soit à l’esclavage des usines d’assemblage, soit à un amer exil dans les bateys dominicains, et pour qu’enfin les vivres soient partagés équitablement autour de la grande table nationale.
Au seuil de l’année 2016, plus que jamais, le mot d’ordre doit être au courage, à la persévérance dans la résistance à une vie de malheurs, à un appel à l’unité autour d’un leadership responsable, avec une perspective authentiquement nationaliste et progressiste pour la nation. Pour faire bon accueil à l’année nouvelle, les forces démocratiques, unies, ne doivent ni faillir, ni défaillir. Le cri de révolte de toutes les couches du pays face à la violence, à l’insécurité galopante, aux injustices et aux iniquités qui accablent le quotidien des masses haïtiennes, devra crever le tympan des nuits d’éprouvantes humiliations et souffrances trop longtemps endurées par le «peuple souffrant», et renforcées depuis l’arrivée au pouvoir en mai 2010 du plus honteux et méprisable échantillon de la faune politicienne haïtienne, un pur produit des laboratoires de l’impérialisme.
À l’orée de la nouvelle année, toute l’équipe du journal renouvelle son plus profond attachement et son indéfectible appui à la très longue et douloureuse lutte de libération des masses haïtiennes dont elle reste solidaire, hier, aujourd’hui et demain. À ce peuple indomptable et fier du sang dessalinien qui lui coule dans les veines, elle souhaite le plus grand courage, la plus vigoureuse force d’âme pour écarteler les ténèbres de l’injustice et de l’oppression qui l’enferment dans son ghetto de malheur. Nous avons grand espoir que le combat du peuple haïtien finira par déboucher sur une société juste et fraternelle.
Faisons confiance aux «mains magiciennes» du peuple. Organisées par des dirigeants courageux, honnêtes, progressistes, fiers de leur fibre nationaliste, elles seules viendront «défoncer la vague de la honte» causée par la lâcheté, l’inconscience, l’irresponsabilité, l’égoïsme des classes possédantes et de leurs honteux protecteurs étrangers de tous bords. Leur seule force, organisée, finira par forcer l’occupant à plier bagages, forger une seconde Indépendance et saluer l’éclosion de fiers hibiscus de l’honneur, de la victoire et de la liberté.
Frantz Latour Volume: 9 • No. 25 • Du 30 décembre 2015 au 5 Janvier 2016