L’actualité politique haïtienne est dominée par deux déclarations à brûle-pourpoint de la bourgeoisie possédante, arrogante, inconsciente et insouciante sur la crise multidimensionnelle qui ravage le pays.
Cette classe d’hommes et de femmes qui a amassé de colossales fortunes dans le pays grâce à la sous-traitance, l’agrobusiness, la contrebande, l’import de produits de consommation, la corruption, les concessions automobiles et l’hôtellerie vient de confirmer son manque de courage et en même temps sa capacité de jouer double jeu pour mieux tromper l’opinion publique nationale de sorte qu’elle continue à s’enrichir sans rien offrir à la population.
La réalité d’aujourd’hui, c’est que la vie est devenue chaque jour plus chère. Mais jusqu’à récemment cette triste réalité ne dérangeait guère. Vu la tournure que prend ces jours-ci le débat politique inflationniste en Haïti, le pays ressemble à une maison en proie aux flammes par des exploités, des opprimés révoltés.
Rappelons qu’au cours de la manifestation populaire au Cap-Haitien la semaine dernière, le peuple s’était catégoriquement déclaré partisan de la mise à feu des banques, puisque celles-ci ne consentent pas de prêts aux ouvriers. Pire, ces banques imposent des taux de spéculation trop élevés du dollar américain par rapport à la monnaie haïtienne. Cette politique ne cesse d’aggraver la récession plutôt que de contribuer à sa résorption.
Pour amadouer le peuple en lutte, elle se déguise en une bourgeoisie nationale en faveur de la démocratie et un quelconque changement.
En effet, la bourgeoisie a pris l’odeur de la marmite populaire qui bout et qui, sans doute, pourrait exploser à n’importe quel moment dans l’ensemble du pays. Dès lors, cette lumpen-bourgeoisie qui est toujours plus à la recherche de son intérêt personnel que de celui de la nation commence à trembler dans ses culottes. Pour amadouer le peuple en lutte, elle se maquille et se déguise en une bourgeoisie nationale en faveur, non seulement de la démocratie mais aussi du progrès, pour un quelconque changement.
La vérité, on ne change pas de position politique d’un matin à l’autre comme on change de casaque. Soudan, certains de la bourgeoisie ont vu la nécessité d’adopter de nouveaux comportements politiques allant dans le sens du bien-être de la collectivité. Ils sont devenus d’authentiques patriotes : «dûment préoccupés par la détérioration sans précédent de la situation socio-économique et des conditions de vie de l’immense majorité de nos concitoyens, sommes interpellés par notre devoir patriotique de rappeler aux protagonistes économiques et politiques de notre pays leurs impérieuses obligations de privilégier l’intérêt national et de mettre fin à leurs tergiversations ». Il faut comprendre cet acte collectif de ces caméléons comme une stratégie à influencer la pauvreté et la croissance permanente de la misère dans toutes les régions du pays qui rentrent dans une ère de bouleversement sans précédent.
Cette mise en scène consiste à diffuser des idées ou une doctrine destinée surtout à barrer la route de la résistance et les luttes revendicatives des classes exploitées. Il convient de s’interroger sur les caractéristiques manipulatoires et mensongères de ces déclarations visant tout simplement à déjouer la résistance active en gestation.
Par son cynisme, le secteur des affaires, qui s’estime en danger sans le dévoiler, promet non seulement monts et merveilles mais il veut se faire passer comme défenseur de la cause nationale quand on lit :
« Nous devons tous être conscients que la faillite actuelle est collective et que le redressement passe par un engagement de tous. Notre premier appel en ce sens sera vers les femmes et hommes d’affaires de notre pays relatif au respect scrupuleux de leurs responsabilités fiscales et légales, de l’observance de saines pratiques commerciales, de transparence et de concurrence loyale et à l’abandon de comportements malsains, préjudiciables à la collectivité. »
Quel moustique a donc piqué ces individus moteurs de tous les maux du pays dont ils sont les champions ? Eux qui l’ont mis à genoux par leur complot d’allégeance de toutes sortes avec leurs patrons des puissances impérialistes voilà qu’ils réalisent maintenant que le pays est au bord de l’effondrement et affirment sans vergogne : « il est vital et urgent que les autorités fiscales s’acquittent, de façon célère et efficace, de leur responsabilité de collecte des droits de douane et impôts et du devoir de faire respecter les lois et règlements établis. La mobilisation significative de ressources financières, qui devrait normalement en découler, se fera en bonne part au profit de la Police nationale d’Haïti (PNH). Ainsi elle sera en situation morale et matérielle de remplir plus efficacement son rôle de maintien de l’ordre et d’éradiquer la gangstérisation croissante du pays, qui affecte la libre circulation des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire, et, au premier chef, les couches les plus défavorisées de la population tout en étant un des facteurs d’appauvrissement de notre classe moyenne. »
Certes, il y a nécessité absolue pour le pays de prendre un nouveau cap. Mais ce simulacre de prise de conscience de la classe des privilégiés ne peut se faire au moment où les masses appauvries sans aucun recours occupent régulièrement les rues protestant jusqu’à demander un déboulonnement généralisé de certains acteurs politiques alliés authentiques et historiques de la désagrégation de l’économie haïtienne, empêchant le pays de réaliser tout progrès socioéconomique réel pour son développement et sa modernisation.
Les patrons par leur note veulent contourner la lutte de classe qui s’impose. La détermination des masses populaires n’est plus à démontrer, elle s’exprime dans les manifestations dans lesquelles elles s’engagent chaque jour malgré les conditions difficiles et même au péril de leur vie.
On comprend dans ces conditions que les élites dominantes tentent par tous les moyens de sauvegarder les énormes intérêts économiques qu’elles détiennent dans le pays. Elles essaient d’empêcher la contagion des idéaux progressistes et l’accession des masses à une lutte véritable de non-retour.
Elles font semblant de ne pas comprendre que c’est la pauvreté et la croissance permanente de la misère dans toutes les régions du pays, le manque de logement décent, le chômage qu’elles entretiennent qui engendre et illustre le mot d’ordre de « Révolution » qu’on entend sur les lèvres des masses appauvries.
Il est trop tard, mesdames et messieurs, ce simulacre de prise de conscience ne passera pas ! Il est plus que temps de faire face aux conséquences de vos atroces inconséquences.
L’Histoire ne vous acquittera guère !
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