Harmonik, un nom, un style qui s’active à prendre part aux ébats musicaux de la scène ambiante au cours de cette dernière décade. Déjà à leur cinquième microsillon, et, à chaque fois ils font montre d’une capacité à se réévaluer. Afin de mieux s’adapter à la vogue du temps. Une façon pour la bande à Nicky, Mc. D, Sanders de ne pas se morfondre dans les sentiers battus. De plus, les empreintes du pétillant trio demeurent.
Toutefois, « Respè » veut aller trop vite en besogne, pour montrer la couleur dans un bamboula introductif de diverses ramifications aptes à nous entrainer dans un labyrinthe cacophonique. Et puis les textes qui parlent à la fois de Dessalines, Obama, Letènèl, et pour couronner dans une Ode à ‘’Tipapi ‘’, leur deuxième guitariste ; ne sont pas pour arranger les choses. A la fin, il a fallu une bonne dose d’auto encouragement pour que nos amis puissent achever le morceau.
Heureusement que le secours était à la maison. Car, dès l’entame de cet air koupe « Ou detenn sou mwen », on sent ressurgir les vibrations harmoniques du groupe. Dans une floraison de sortilèges, lorsque Mc. D y instille son’’ pitch’’ félin, soutenu par les élaborations et solos ardus de Nicky aux synthés. Pendant que toutes les sections : cordes, percussions s’adonnent à de souples exécutions. Même la poésie est au rendez-vous. Autant d’ingrédients pour en faire une pièce valable.
Toujours dans la même orientation nous vient : « M ap trepase », une aubade marquée d’un synthé modulant, portant l’orchestre à coups de modulations, et aspergé de katas métronomiques, des cordes intervenantes, percussions adaptées, des chœurs bien achalandés ». Et Mc. D qui transcende dans ses tremolos qui couronnent un morceau de référence.
« Respè » avec ses explorations ardues, montre que le groupe n’entend pas se maintenir dans les rancarts de l’immobilisme…
« W ap fè kòve » s’apparente à ce genre de musique conçu pour l’échauffement. Car tout se bouscule. Des chorus qui s’inspirent vachement de ceux de « Djakout #1 ».Il y a peut- être une chance que les fans finissent par s’y habituer. Même si ça va tout de même s’évaporer dans l’air, comme l’alcool. « Dènye chans » nous est délivré au rythme d’un graje, (post colonial) dont notre père fondateur Jako (d’après Jean Fouchard), fut un mordu. Pour devenir anbatonèl et aka, twoubadou pour les contemporains. C’est sur une approche ‘’up-tempo’’, que « Harmonik » nous fait don de cette jolie création auréolée d’un accordéon rustique, un tambour instigateur, des cordes pastorales et un lyrisme à l’eau de rose, pour un impossible amour, qui parfume une composition très sympathique.
Sur un intro excentrique, « Egziste » s’enchaine avec vivacité et balancement. C’est la marque fétiche du maestro-claviériste et créateur. Lequel nous a filé ce tube frappé de son timbre cool et personnel. Ma foi, il y a de l’entrain entre ce konpa/koupe, qui s’entre croisent. Et des transpositions à souhait propulsant l’orchestre à coups de claviers, au gré des extravagances tonales de prince Nicky. Bien synchronisées aux cordes expressives et des percussions aspergeant le tout. Harmonieusement donné. C’est toujours exaltant la venue d’un nouveau- né, et c’est sur un air de ranchera tout en trompettes que débute « Papa », bien diffus de serments et d’émotions. Le tout s’emballe inexorablement dans un-de-deux à la ‘’merry go round’’, avec des interversions à la clef.
« Ou lage m nan cho » s’entonne sur des chapeaux de roue, dans une allure de rabóday, à la merci des chœurs embrasés. Et puis, Roody Roodboy s’en vient allègrement, agrémentant le tout de sa saveur ragga, de son savoir-faire de show-man patenté. Mais, le konpa revient naturellement au galop. Ce qui n’a pas pu racheter un morceau qui s’est égaré dans des schématisations à outrance et de ‘’repeat’’. Et Roodboy a malgré tout, sauvé sa peau. « Pete fyèl mwen » demeure authentiquement « Harmonik », attesté de paramètres qui permettent à Mc. D de s’innover dans son ‘’duet’’ avec la jeune chanteuse Anie Alerte qui y a éloquemment insufflé son estampille. Pas étonnant, qu’elle soit l’une des étoiles féminines en montée. Quant à la musique, elle y a aspergé de l’énergie, au gré d’un synthé virevoltant et de vivides chorégies qui affublent une composition en verve.
Et pour couronner le tout, « M ap fou » a débuté sur des sonorités de violons, au rythme d’une ballade allégorique et entiché des ruées vocales de Mc D, pour trimbaler vers un konpa emballant, dans la convenance d’une démarche stabilisante. Et des intervenants inspirés qui ont su délivrer à toutes les positions pour une pièce de clôture qui mérite d’un ‘’Encore’’. Mais, c’est pas tout, car comme la plupart de leurs collègues du milieu ambiant du business et du show, Nicky, Sanders, Mc. D et compagnie ont choisi de faire omission du drame qu’est en train de vivre le peuple haïtien sous la terreur des ‘’tèt-kale’’. A leur crédit, ils avaient parlé du « Move tan » dans l’œuvre précédente : Ayiti pa gen yon leta …se sou letranje yo toujou met espwa/Magouyè prete sou sa l pra l resevwa…Li di l gen pouvwa, ki jan depouvwa ? Pouvwa mande (Vóló).
Et ce serait une si belle occasion de refrapper le cœur. Là où réside vraiment le génie. Puisque depuis, les voleurs ont été tous démasqués. Néanmoins « Respè », avec ses explorations ardues, montre que le groupe n’entend pas se maintenir dans les rancarts de l’immobilisme, dans sa quête de modernisation perpétuelle. Et ce cd même en ne faisant pas le dépassement, a particulièrement montré les contours d’une expérience qui continue à fructifier.