L’administration américaine pour rectifier le mauvais tir, selon elle, de Daniel Foote a rapidement envoyé sur le territoire haïtien deux autres personnalités politiques pour rencontrer les acteurs de la classe politique haïtienne. Il s’agissait du secrétaire d’Etat adjoint aux affaires des Amériques Brian A. Nichols et de l’assistant spécial auprès du président Biden et directeur principal du Conseil national de Sécurité pour les Amériques Juan Sebastian Gonzales.
Arrivés en Haïti les émissaires de la Métropole américaine ont vite fait d’inviter les différents protagonistes impliqués dans la recherche d’une solution à la crise haïtienne à se présenter aux locaux de l’ambassade américaine à Tabarre.
En un temps éclair, le jeudi 30 septembre 2021, les émissaires ont rencontré la majorité des acteurs de la société civile, certaines personnalités politiques dont le Premier ministre Ariel Henry, le Président du Sénat, Joseph Lambert, l’ancien Premier ministre Evans Paul, des leaders de l’accord de Montana, du Secteur Démocratique Populaire, de Fanmi Lavalas, de AAA, et de la Fusion… En fait tout le beau monde de la politicaillerie haïtienne s’était fait représenter.
Quelle a été réellement la toile de fond de cette réunion ou manœuvre diplomatique ? L’impérialisme américain voulait coûte que coûte se racheter après les dénonciations de Foote et comme l’a indiqué le chef de la délégation Brian A. Nichols qu’ « ils n’avaient aucune préférence et ont reconnu que Washington n’a pas toujours eu la bonne approche du dossier d’Haïti » pour paraphraser sans doute la lettre de démission de l’ambassadeur Daniel Foote.
Le vendredi 1er octobre, au cours d’une conférence de presse donnée dans les locaux de l’ambassade, le secrétaire d’Etat adjoint aux affaires des Amériques, Brian A. Nichols a fait état de sa visite « L’objectif de notre mission est de supporter une solution haïtienne, prise par les haïtiens »
Ils ont indiqué : « qu’ils ont pris connaissance des accords » et ajouta ensuite « Nous avons rencontré les initiateurs des différents accords. Je pense que l’accord de Montana est un document très solide. L’un des points que nous avons retenus c’est que ceux qui ont signé les trois accords ont accepté de se mettre ensemble. Ils vont voir dans quelle mesure ils peuvent s’entendre sur une seule vision. Encore une fois, le processus sera entièrement haïtien. Nous sommes là pour aider les Haïtiens à adopter une vision unique. L’ampleur et la diversité du groupe de Montana sont assez impressionnantes, mais il y a aussi d’autres qui veulent participer »
« Nous avons entendu beaucoup de personnes parler des défis auxquels est confronté le pays. Ce qui est positif, c’est qu’il existe un consentement sur les grands défis à relever. Nous avons été impressionnés de voir l’étendue des accords proposés en vue de trouver une solution. L’une des choses que nous encourageons c’est que les gens se mettent ensemble et parviennent à forger une vision unique sur l’avenir d’Haïti. Aucune solution efficace pour Haïti ne sera une solution imposée de l’extérieur. La solution aux problèmes réside dans les Haïtiens eux-mêmes et dans leur vision »
« Les solutions aux problèmes haïtiens reposent sur les Haïtiens et leur vision. Aux États-Unis, nous nous engageons à apporter le soutien nécessaire à Haïti pour mettre en œuvre sa vision »
Il n’a pas manqué de souligner l’entretien productif qu’il a eu avec le premier ministre Ariel Henry « Nous avons eu une conversation très constructive avec le Premier ministre. Nous l’encourageons à poursuivre cette vision holistique et consensuelle sur l’avenir d’Haïti. Les États-Unis ne vont pas choisir des gagnants ou des perdants. L’avenir d’Haïti dépend de son propre peuple »
« La transition politique durera autant que cela est nécessaire », tranchent les États-Unis par l’organe des émissaires. Une sorte d’équilibriste des Etats-Unis au lieu d’imposer leur projet antérieur d’élections le plus vite que possible.
Cependant Brian A. Nichols a clairement montré qu’il n’est pas sur la même longueur d’onde avec le Core Group qui appuie en quelque sorte le projet du Premier ministre Ariel Henry. Dans sa présentation, il a mentionné que « L’accord de Montana est très solide ». Est-ce une façon de dire, que celui du Premier ministre n’est pas tout à fait apprécié par Washington.
Cette déclaration de Nichols n’est pas bien reçue par André Michel du Secteur Démocratique Populaire qui affirme en guise de réponse à l’émissaire « Cet accord, même s’il n’est pas parfait, pourra servir à traverser cette période intérimaire et conduire le pays vers la normalité constitutionnelle et institutionnelle. Il faut aller de l’avant. Il ne faut pas revenir en arrière. Evidemment, le dialogue étant permanent, les autres amis pourront toujours rejoindre l’Accord du 11 Septembre 2021. La porte restera toujours ouverte »
« Cet accord comporte les principales revendications de la Population, telles que: la mise en place d’un Gouvernement de Consensus, la création d’un climat sécuritaire et la lutte contre les groupes armés, la réalisation des Procès PETROCARIBE et des différents massacres d’Etat perpétrés dans les quartiers Populaires, la mise en place d’une assemblée constituante et la formation d’un nouveau CEP avec la participation de la Diaspora, du Secteur Paysan, des Vodouisants et des femmes que l’on a toujours tendance à écarter de la gestion des affaires du pays en vue de la tenue de bonnes élections à la fin de l’année 2022 » selon le communiqué du SDP.
Dans la foulée, tous les partis et organisations qui avaient signé l’accord du Premier ministre tel que Fusion, MTVAyiti, Inite, Inifòs et tant d’autres font pression maintenant sur le chef de la Primature de sorte qu’il mette en application le plus rapidement possible l’accord, sans doute pour barrer la route à celui de Montana qui avance à grands pas et a le support des émissaires des Etats-Unis.
Il est clair enfin que seul le rapport de force des Etats-Unis va déterminer quel accord aura le dessus pour que rien ne change dans le pays!