Pleins Feux Sur : Joël Théodore

« La voix d’une filiation » | ( ? – NY, 1994)

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La deuxième moitié des années 1970 reste une époque charnière de la musique ambiante du terroir natal. La génération des mini-jazz étant à sa fin de cycle, quelques aspirants baladins se montrent le nez dans le but de contribuer artistiquement à leur temps. C’est ainsi qu’est apparu Joël Théodore, jeune vocaliste friand de sérénades parmi d’autres qui tient mordicus à se faire une place sous les projecteurs du music-hall local. Dans un environnement sonore, surtout marqué par les variétés françaises. Avec notamment : Johnny, Cloclo, Sardou, Mike Brant, Lenorman, Fréderic François, Joe Dassin et autres comme modèles, alors que Ansy Dérose et Léon Dimanche et Roger Colas à un degré moindre, constituent au pays les seuls remparts d’une chanson autochtone. 

Pendant que le très raffiné Gilbert Fombrun, présentateur de l’émission prisée :’’Aux trapèzes des étoiles’’ sur Radio Métropole, ainsi que Lyonel Benjamin, animateur fringant de ‘tam-Tam 129’’, sur les mêmes ondes, revendiquent aussi leur statut de chansonnier. C’est dans ce flux et reflux que va émerger une lignée d’amateurs ‘’crooners’’ comme : Romel qui a déjà un tube à son actif, doté du refrain :’’je dois retourner dans mon cher pays/car vraiment ma vie n’est pas ailleurs…’’.Et aussi Gérard Pierre avec quelques prestations convaincantes, un certain ‘’teen idole’’ du nom de Ed Sainvill dans des performances à l’auditorium de Saint-Louis de Gonzague, et entre autres : Frantz Kam, Duval Destin(d.cd récemment) ; sans oublier la légion de Carrefour/Fontamara avec : le diminutif Daddy, Marco Jeanty avant qu’il ne s’allie à Manno Charlemagne.

C’est l’époque des récitals d’étudiants au Collège Grégoire Eugene à l’avenue Christophe au Bas-Peu-de-Chose

Et dans le même sérail, le trio André Dubuisson, Erick Mazarin et Joël Théodore qui a fait un tabac au ‘’Boulo Show’’ de Boulo Valcourt sur Télé Haïti. Evidemment, c’est le déclic pour Joël qui commence à savourer sa position de vedette en herbe. Avec son timbre haut-perché et clairsemé qui se distingue bien de par sa musicalité envahissante. C’est l’époque des récitals d’étudiants au Collège Grégoire Eugene à l’avenue Christophe au Bas-Peu-de-Chose, chez Gérard Gourgue au Haut-Peu-de-Chose à Pacot et chez Frank Etienne à Bel Air. Ces établissements scolaires qui consistaient le ‘’Golf Drouot’’ (1), Haïtien, pour ces artistes émergents. Lesquels voulaient se positionner en dehors de la musique de danse dite commerciale. Mais, c’est aussi la continuité de l’exode des cerveaux au cœur d’un pays ‘’Pèlen Tèt’’ pour la génération subséquente ; qui n’avait qu’un projet après l’école ou l’université : partir, sans laisser de traces, avec un dégout d’apatride.

Néanmoins, Joël Théodore lui est resté au pays, malgré vents et marées. Décidé à faire un impact considérable et s’imposer comme la voix de sa filiation. Pari réussi pour ce ménestrel à la verve déclamatoire qui a su faire valoir sa marque sentimentale avec la sortie de son premier album en solo :’’Ti Pitite’’, comprenant : je ne comprends pas, Haïti, Diana, sosyete, et je t’aime tellement, encore un mois, qui le campe en interprète des variétés. Et en même temps comme l’idole de la gent féminine qui est tombé à la renverse pour ce romantique à la folie. A la même période, il est sollicité par le « Bossa Combo » dont une partie du groupe avait décidé de ne pas retourner au pays des tontons- macoutes, lors d’une tournée à NY. Dont le chanteur Charly Dorsainvil qu’il devait remplacer pour s’installer en duo avec le vétéran Raymond Cajuste. Pour faire figure de gamin au sein d’un groupe composé de vieux routiers, auquel il avait apporté du sang neuf, une audience féminine et de nouvelles perspectives, après l’éclatement de NY.

Contribuant en ce sens à la renaissance du « Bossa Combo » devenu ‘’Big band Bossa’’. Fort de sa fraicheur, son exubérance et sa voix éloquente qui a gratifié des tubes comme : à la plage, gare du nord, la patronne, arivis, fanm alakokèt etc. Tout en maintenant de front sa carrière ‘’solo’’ dans l’octroi d’un nouveau disque avec les morceaux : je t’aime, nou pa gen dwa kite, yon mòso manman, se pou’n lite, kite m viv, nowèl. Une ascension tentaculaire pour Joël qui est alors convié à tant d’initiatives. Comme d’être le timbre approprié de la dernière collaboration entre le chef d’orchestre ‘’master brain’’ Nemours J. Baptiste et le ‘’maestro difficile’’ Webert Sicot dans l’album :’’L’union’’. Dans la perpétuation du binôme konpa-kadans, durant la première moitié des années 1980, juste avant la mort de ces derniers.il a aussi pris part à l’œuvre ‘’Lakòl’’ de Claude Marcelin qui fut un prélude à la nouvelle génération musicale.

sa mort imminente au cours d’un printemps morose fut pleurée par tous les amants de la musique

Subséquemment, et face à la détérioration continue des structures morales et matérielles de son pays, Joël a eu fini par prendre part au ‘’sauve qui peut’’ général, en allant s’établir à Brooklyn, NY avec sa famille. Où il continué de faire les délices de ses fans dans les atmosphères des bistrots. Nous donnant l’occasion de nous retrouver en maintes fois dans les bals privés ; tout en me donnant des attentions et respect dus à un alter-ego. Et s’étonnant encore que je n’aie pas fait suite à ma passion musicale. Pour ma part, je lui fus gré d’avoir tenu le cap et représenter une filière artistique dont il a demeuré l’extension. Par la suite, on s’est revus plusieurs fois sur l’artère de Flatbush Avenue à Brooklyn, alors qu’il était la proie d’une terrible maladie. Le voyant déambuler dans les rues, démuni de ses forces n’était pas facile. Et jamais il n’a semblé perdre de sa jovialité et de ses bonnes manières. Trouvant même le temps de me prodiguer des conseils salutaires. Et sa mort imminente au cours d’un printemps morose fut pleurée par tous les amants de la musique.

Notes

  1. Le Golf Drout fut un ancien terrain de golf transformé en espace de spectacles qui a servi au lancement de la carrière musicale des artistes de la génération yé-yé française tels : Johnny Halliday, Claude François, Michel Polnareff, Eddy Mitchell, Richard Anthony, Jacques Dutronc, Françoise Hardy, parmi tant d’autres.

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