A l’occasion de la fête de la Toussaint de 2017, une excursion dans plusieurs communes du grand Sud notamment Paillant, Coteaux et Camp-Perrin nous a conduits jusqu’à Pestel. Parti de Camp-Perrin au matin du jeudi 2 novembre moins de deux heures d’ascension sur cette route tantôt bitumée tantôt en terre battue, il nous a été permis de découvrir le pittoresque et enchanteur département de la Grande Anse.
Si l’écosystème de ces départements renoue graduellement avec la végétation, les stigmates encore vivants sur les maisons en tôles ondulées témoignent de l’extrême implacabilité du cyclone Mathieu qui a ravagé plusieurs de ces communes au cours de son passage en octobre 2016. Après une courte pause à Beaumont pour nous ravitailler en fritures croustillantes, la caravane (la bonne) ne s’est pas laissée décourager par cette fine pluie qui perlait sur les pares brises des voitures.
Revenant de Beaumont nous bifurquons à gauche au carrefour Zaboka pour entreprendre après quelques centaines de mètres cette longue inclinaison. Déjà, nos regards contemplent la nappe bleuâtre de cette étendue d’eau saumâtre qui se perd à l’infini comme pour se fusionner avec l’horizon encore parsemé de cumulus dont le dôme dessine des protubérances. Les caméras des téléphones portables éternisent au fronton de l’histoire les va-et-vient incessants de cette chorégraphie aquatique que les vagues exécutent sur un rythme de yanvalou.
Bien avant cette nouvelle pause-friture à Carrefour Lafyèv, Pestel, ouvre grand ses bras tout en invitant les amants de la mer à venir ragaillardir leurs épidermes dans la douceur de ses vagues qui ne se font pas prier pour masser chaque pore de sa touche veloutée. Plus de 5 longs mois après, nous nous souvenons encore de ces bananes frites et ces poissons en sauce qui ont fait les délices de nos palais en cet après-midi du 2 novembre 2017 dans cette commune côtière de 33 plages et de plusieurs ilots dont la grosse Cayemite.
Une métamorphose pour les regards
A Pâques 1987, le navigateur Français Alain Baussman organisa la première édition du Festival de la Mer à Pestel. Cette activité qui prenait en compte le tourisme a été brusquement interrompue sans que personne ne sache vraiment pourquoi. Cependant, et fort heureusement, pendant le weekend de Pâques dernier, soit du 30 mars au 1er avril, la commune de Pestel a renoué avec le Festival de la Mer.
Cette année, à l’initiative du Député Ronald Etienne, de la mairie de ladite commune et du Comité des Jeunes pour l’Embellissement et le Progrès de Pestel (COJEPP), la 31ème édition a permis à des milliers de touristes locaux de faire connaissance avec les potentiels touristiques, culturels, artistiques, gastronomiques de cette commune quoiqu’encore enclavée. En outre, au moins une centaine de visiteurs venus de l’étranger ont pu contempler des régates et des exhibitions de bateaux, de scooter de mer, de foires, des concours de natation, de voiliers, de « bwa fouye » et de raras.
Toutes ces activités prévues pour développer les sports-loisirs du littoral se sont déroulées dans une ambiance musicale typiquement haïtienne. Des chevauchées ont été également l’occasion de faire contempler les merveilles des différentes sections communales à travers des sites touristiques. Il ne saurait exister véritablement de festival sans animation musicale. Par conséquent, en plus des défilés de Rara, des concours de troubadour, Werner Bellegarde, Guy Amost Marcelin, Diferan, Kanpech, Mass Vokal, Kreyol contribuaient largement à permettre aux milliers de festivaliers d’atteindre le plus haut degré de satisfaction.
«Ce Festival qui figure parmi les plus anciens de la Caraïbes et dont la 1ère édition a eu lieu en 1987 a été l’occasion de revisiter le potentiel touristique de Pestel pour mettre en perspective de nouveaux modes opératoires. En outre de nouvelles stratégies doivent être mises en place pour faire de cette commune une nouvelle destination aussi bien pour le tourisme local qu’international. Pestel compte 33 plages dont Anse Blanche, Cocotiers, Moustique, le Lambi… la grotte Bellony, le fort « Reflechi ». Des pistes de randonnées s’offrent à tous les visiteurs pour les convier à se délecter du pittoresque enchanteur de cette commune ».
Ce sont les déclarations de Pierre Emmanuel Bazile l’un des organisateurs qui déplorent le fait que les moyens pécuniaires adéquats n’ont pas été mis à leurs dispositions, mais il voulait à tout prix remettre Pestel sur la carte touristique. Pourtant une délégation du Ministère du Tourisme a tenu durant ce Festival, des séances de formation et de sensibilisation à l’intention des acteurs économiques et culturels, des agents touristiques, en particulier et de la population en général pour promouvoir le tourisme pour tous.
Historique de la commune de Pestel
Les îles des Caïmites, latitude: 18° 36′ 37 N, Longitude: 73° 48′ 38 W, situées au Nord-Ouest de la Peninsule des Baradères vous donnent l’impression de prendre Pestel dans ses bras si elle devait se détacher de ses rochers qui l’emprisonnent. Petite ville du “pays en-dedans”, elle fut fondée au temps de la colonie par le navigateur français François Pestel, originaire de Grandville en Normandie. La traversée en bateau jusqu’à Grande Caïmitte se fait en une heure depuis le port naturel.
Les nombreuses plages au sable blanc des îles Caïmites autrefois désertes sans la présence des papillons de la Saint Jean, s’ouvrent aux visiteurs aujourd’hui et une importante agglomération y habite. Le bras de mer séparant ces îlots de la terre ferme offre une vue exceptionnelle du massif de la Hotte avec son pic Macaya. En 2018 encore comme autrefois, Pestel livrée à la merci de la pluie souffre cruellement d’une sévère pénurie d’eau potable d’électricité et de communication; elle voit son développement sévèrement hypothéqué.
D’un autre coté par contre les magnifiques rochers, les régates, l’eau claire et imperturbable, les kayes multicolores le long des baies semblent sortis tout droit de l’imaginaire du peintre Préfête Duffaut. Retiré dans le calme exceptionnel de cette commune et en savourant les fruits de mer et les fritures l’on ne pense plus aux villes bruyantes. Mais pour garder ses fils et filles Pestel a grand besoin d’autorités dotées de nouvelles visions progressistes. A l’instar de plusieurs communes du pays victimes tout aussi bien de crises économiques, politiques, et sociales, elle doit renaitre pour donner de l’espoir à ses progénitures.
Pestel doit pouvoir espérer
« En décembre dernier, j’ai été émerveillé de découvrir la beauté sauvage et les potentialités de Pestel notamment les grottes, les plages, leurs Bwa Fouye et autres sites touristiques. M’adressant à un capitaine qui expérimente un programme de Taksi sou dlo, je lui ai fait savoir qu’avec ce secteur d’activité, il peut facilement devenir riche tout en contribuant au développement économique de cette commune. Cette expérience pilote, implémentée dans la capitale haïtienne peut bien servir à décongestionner les routes de Carrefour et de Bon Repos », a fait remarquer le tambourineur, et le journaliste culturel Welele Doubout.
Selon les avis de plusieurs observateurs, des fonds doivent être dégagés pour construire des écoles professionnelles pour la formation des jeunes et surtout des filles. Des agronomes mis à la disposition des agriculteurs les aideront dans le cadre d’une action visant à la maximisation de leurs productions. En outre des projets d’adduction en eau potable seraient de toute utilité. Une stratégie de jumelage avec des communes d’autres Iles telles la Martinique, la Guadeloupe, Cuba, et même le Venezuela serait bénéfique pour Pestel qui pourrait attirer plus de touristes.
« Pestel, avec ses potentialités touristiques n’a besoin que des infrastructures de base pour se développer et garder ses fils et filles avec elle. Il convient aussi de rétablir le réseau électrique. Car les installations datent de prés de 30 ans. Dans un contexte où le président parle de courant à l’horizon de 2019, les responsables de l’Etat doivent s’arranger pour adopter des mesures permettant aux fils et filles de rester dans leur commune tout en invitant les autres à y retourner », a ajouté Pierre Emmanuel Bazile.
Le Festival de la Mer a certes un impact économique qu’il revient de mentionner. Considérons la vingtaine de bandes de raras, les pêcheurs qui écoulent leurs produits, les restaurants, les hôtels et les maisons privées qui hébergent les touristes, les taksi sou dlo etc. Il est certainement question d’exploiter toutes les potentialités que la nature dans sa clémence infinie a mises à la disposition de la commune pour contribuer à son développement économique. L’exposition des œuvres picturales dans la mer témoigne de la capacité créatrice de ces façonneurs d’images colorées.