No comprendo…

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Avec Claudy Gassant comme Directeur Général de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), Jovenel est assuré de finir son mandat sans avoir à se gratter la tête.

Je ne suis pas tombé sur la tête en utilisant la langue de Neruda et de Lorca pour le titre du présent texte. Des fois, il faut faire changement, surtout en fin d’année. D’ailleurs je doute fort que mon no comprendo ne soit pas compris des lecteurs et lectrices du journal. En réalité, j’ai emprunté ce no comprendo à un gars en Haïti, un voisin au temps de mes jeunes années au pays. Ces deux mots panyòl le passionnaient, l’envoûtaient, le possédaient au point où même lorsqu’il comprenait, il préférait dire : no comprendo. C’était une sorte de tic, une habitude ticale, dirais-je, mais il fallait faire avec lui, jusqu’à ce qu’il … comprenne.

Dans le registre de la compréhension (ou de la non-compréhension) j’ai connu, à l’hôpital où j’étais en entraînement à Montréal, cette secrétaire qui s’exprimait de façon pittoresque quand elle avait une difficulté quelconque à comprendre quelque chose. Une fois que j’avais tenté de lui expliquer comment la Louisiane était devenue territoire américain, elle avait commenté qu’elle était «dure de comprenure». J’en ai conclu que mon petit laïus louisianais lui avait été totalement indifférent. Qu’elle n’ait pas compris, vraiment, no comprendo.

Sonson Lafamilia et son air arrogant, dédaigneux, morveux, frekan.

Ce détour incompréhensif me permet d’entrer dans le vif du sujet : ces choses que no comprendo. Tenez, le Premier ministre Céant, bousculé par son président, s’est mis en tête de lancer et de réussir un «plan de gouvernabilité» qui assurément devrait sortir son gouvernement du pétrin, et du même coup sauver l’inculpé Jovenel de la fureur radicaliste d’une opposition jugée extrémiste par certains. Dans un passé récent, l’homme s’est piqué, vanté, flatté, glorifié d’être «l’homme de la situation» (sic), un «rassembleur». L’«humilité» n’est manifestement pas la vertu première de Céant, qu’importe, il se veut un rassembleur. Foli pran moun tout jan

Diantre, qui va-t-il rassembler ? Mieux, que va-t-il rassembler? Des souvenirs d’un passé politique peu reluisant, sinon terne, insignifiant, inintéressant, blême, fade, moche, mochard? D’une vie passée à notarier, répertorier, ficher, afficher, archiver, référencer, cataloguer, sans jamais «rassembler», disons par exemple des jeunes, pour les aider à sortir du pétrin de la vie? Et Céant est l’«ami de tout le monde», ce qui signifie qu’il n’a pas de couleur politique. Il sème donc à tout vent. Qu’a-t-il fait de positif, de progressiste pour le pays jusqu’ici? Anyen, rien, nada, niente, nichts, anyen menm. Il n’empêche, l’homme tient à son «plan de gouvernabilité». Vraiment, no comprendo.

Fort de cette idée fixe gouvernabilisante, Céant est «prêt à rassembler tout le monde», entendez: duvaliéristes repentis, duvaliéristes kanni, duvaliéristes sans repentance; anciens déjoyistes et fignolistes des années 50 sou baton; lavalas «authentiques», lavalas de la première heure, lavalas de la dernière heure, lavalas d’aucune heure, lavalas déçus; avrilistes boutdi, namphyistes tafyatè, prévalistes mètdam, martellystes culs-au-vent, panzouistes toukale toukale, opportunistes sousou, suivistes sans conscience, électoralistes pou pouvwa, bref, pwason kraze nan bouyon. Comment, plongé dans cette bouyonnerie pimentée, Céant peut-il se prévaloir d’être «l’homme du moment» ? Comprenne qui pourra, mais moi, no comprendo.

Depuis son arrivée à la Primature, Céant n’a fait montre d’aucune mesure visant à rassurer une population au   chômage, et qui manifestement souffre des effets délétères du  razeurisme, du dégajètisme, du grangouisme, du banditisme, de l’instabilisme, de la corruption, de l’impunité à grande jèd, de l’absence de bons services à la population, pour ne citer que ces écueils-là, ces embûches-là qui attendent les citoyens au détour de chaque coin de rue.

Céant, le rassembleur, le mobilisateur, le gouvernabilisateur, le grand parleur, le bétiseur.

L’une des blablatudes du PM c’est d’affirmer jacquorépètement : n ap bati yon leta san fòskote”. Non ! Là, je m’insurge contre ce mensonge, et no comprendo. Un État sans parti-pris, san paspouki ? Mais, le PM sait bien que ce qu’il débite n’est que pur mensonge et ne correspond nullement à la réalité. Ainsi, dans un passé récent, le président de la république (sans doute de connivence avec sa femme) a fait déguerpir, au beau milieu de la nuit, plusieurs familles habitant à quelques encablures de sa résidence à Pèlerin 5.

Le déguerpissement a été suivi de démolition. Ordre déguerpissant émanant, san fòskote, de l’ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Ocnam Clamé Daméus qui s’est arc-bouté sur une requête “impartiale” du directeur général de la DGI dénonçant “l’occupation illégale des domaines privés de l’État”. On ne vient pas impunément habiter aussi près de la demeure privée du président. On ne peut que représenter une menace à sa vie. Dura lex, sed lex. La loi est dure, mais c’est la loi, elle est san fòskote. C’est bien cela monsieur le Premier ministre, c’est ainsi que vous « bâtissez un État sans parti pris ? Non, no comprendo.

Monsieur le Premier ministre, n’était pas sans savoir, lors de ce déguerpissement, que l’ineffable commissaire  Ocnam Clamé Daméus n’avait jamais apporté de preuves que  les maisons concernées (détruites) étaient construites sur les domaines privés de l’État. Or c’est un fier-à-bras rose micky du nom d’Yves Léonard qui est le propriétaire de la maison où vit le président, selon les riverains. “Nous avons acheté nos terres des mêmes héritiers qui ont vendu à Yves Léonard. Si nos maisons sont sur les domaines privés de l’État, il en est de même pour la maison d’Yves Léonard, où vit le président », a déclaré un des Pèlerinais. Mais qu’importe, n ap bati yon leta san fòskote”. Comment m’empêcher de dire no comprendo ?

Mais, ce n’est pas tout, tant s’en faut, car Léonard n’est ni mince ni doux. Le mec est connu comme le loup blanc, enfin, comme le loup rose, depuis que ses ardeurs testostéronées banditiques l’avaient porté à violemment agresser la mairesse de Tabarre, Nice Simon, sa conjointe de surcroit. On avait vu celle-ci couverte d’ecchymoses, lors  d’une conférence de presse, le mercredi 3 octobre dernier pour expliquer les causes de cette agression.

Nice Simon aurait barré la route à Yves Léonard et au commissaire du gouvernement de la Croix-des-Bouquets, Yvon Jean Noël, deux vieux malfrats qui tentaient de mettre fin à un dossier de corruption sur la gestion de l’ancienne administration communale de Tabarre.

Frustré par le comportement de sa conjointe, Léonard a saisi les clés de la maison, de la voiture de Nice Simon avant de l’agresser violemment et même de vouloir la tuer. Le délinquant, le rustre, la bête, l’animal, frappé d’interdiction de départ  est actuellement en cavale. Évidemment, le PM k ap bati yon leta san fòskote n’en sait rien, n’en veut rien savoir, n’en voudra rien savoir, n’en voudrait rien savoir non plus. Je suis peut-être dur de comprenure, mais no comprendo. Je n’y comprends goutte, je n’y comprends pip ni tabak.                                       

La dernière des dernières, celle qui devrait défrayer la chronique, concerne la nomination de Me Claudy Gassant par l’inculpé Jovenel pour être le  Directeur Général de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC).  Entre autres tâches – et tenez-vous bien – il aura assurément la charge de conduire l’enquête sur le dossier des fonds dilapidés de PetroCaribe. Gassant remplace le Major David Basile, membre du PHTK. Il est donc du sérail des bandits légaux, des voyous.

En effet, Gassant assurait allègrement, sans état d’âme, en 2014, la défense de Woodly Ethéard, le redoutable chef du gang Galil surnommé Sonson Lafamilia, Sonson le mafieux, « graine gauche » de Martelly et « graine droite » de Jovenel. Ainsi « dégrainé » il avait dû recourir à Gassant pour une greffe de graine, un « regrainage » à travers un jugement abracadabrant, époustouflant. À titre de rappel, Sonson avait kidnappé l’homme d’affaires Samy El Azzi le 17 février 2014, à Port-au-Prince, inculpé pour blanchiments des avoirs en provenance du trafic de drogue et de kidnapping. Mme Taïssa Mazile Ethéart l’épouse de Sonson avait aussi bénéficié des talents juridiques de Gassant qui l’avait fait sortir de prison sans bruit ni comptes.

Alors que Sonson était en cavale et recherché par la PNH, c’est Gassant, lui-même-même   qui accompagnait le bandit Woodly pour le présenter devant le juge d’instruction d’alors, Sonel Jean-François. Signalons, à titre de rappel, que Sonel Jean-François avait été nommé Directeur général de l’Unité Centrale de renseignements financiers (UCREF) sous l’administration de Jocelerme Privert.  Lors, une enquête de l’UCREF avait soupçonné Jovenel de blanchiment des avoirs, d’où le qualificatif d’inculpé qui suit Jovenel comme son ombre. D’où aussi le remplacement de Jean-François par un certain David Basile, un PHTKiste kanni lorsque Jovenel est devenu président. À ce stade, honnêtement, je ne peux plus dire no comprendo. Non, m konprann

Je vais conclure avec l’incendie catastrophique des locaux de Radio Kiskeya. Un malheur national, assurément. Personne n’en revient, on en reste encore abasourdi, interdit, assommé, consterné, sonné. Des années de travail, des dossiers, des enregistrements, tout un patrimoine partis en fumée. « C’est un drame, qui s’inscrit dans la situation de détérioration que connaît le pays », a souligné Marvel Dandin, qui a déploré l’arrivée tardive des pompiers, deux heures plus tard. Je voudrais toutefois faire quelques considérations qui, dans le contexte aberrant, politico-maffieux du pays ne sont pas du tout frivoles.

An n antann nou. Des incendies (criminels) de marché, on en a eu à diverses reprises. Mais les incendies de maisons privées ou de radios sont très exceptionnels. Nous notons que le sinistre a eu lieu la nuit, complice de toutes les mauvaises actions criminelles. Ce feu qui a consumé les locaux de la radio (qui, en passant, n’était pas en odeur de sainteté dans les cercles PHTKistes) était-il vraiment accidentel ???

A-t-on pu, à la faveur de la nuit, allumer le feu dans une maison voisine en espérant qu’elle gagnerait rapidement la station de radio? Pourquoi les pompiers sont-ils arrivés deux heures plus tard ? On se souvient certes de l’incendie de l’ancienne cathédrale de Port-au-Prince… Haïti a toujours été « un singulier petit pays ». Les affaires des nègres ne sont jamais petites, disons-nous en Haïti… Avec la pratique de «l’enquête se poursuit», j’ose dire que no comprendo

24 décembre 2018

 

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