Mais où est passé le « Premier ministre » Fritz William Michel ?

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Fritz William Michel est devenu celui qui serait l’un des responsables de la chute prochaine de Jovenel Moïse au pouvoir.

Noyé ! Broyé ! Dilué dans le tohu-bohu de la mobilisation populaire contre le Président Jovenel Moïse depuis au moins trois mois. Aujourd’hui, personne en Haïti n’invoque son nom ; pas même celui qui avait voulu faire de lui le deuxième personnage de l’Etat d’Haïti en cette année 2019. Et que dire du Président de la Chambre des députés, Gary Bodeau qui, par un coup de génie comme il avait fait pour renverser le Premier ministre Jean Henry Céant en claquant le doigt, l’avait fait ratifier par la quasi-totalité des députés à la Chambre basse? Personne, même pas l’opposition ne chuchote son nom dans les manifestations monstres qu’elle organise à longueur de journée et depuis des mois dans le pays. Fritz William Michel a soudain disparu des registres politiques haïtiens. Il est sorti de l’écran radar des aiguilleurs du ciel politique haïtien l’avaient aperçu comme un Ovni un beau matin dans l’espace aérien des institutions de la République.

Sitôt découvert, sitôt pris en chasse par les quatre chasseurs de l’opposition au Sénat : Antonio Chéramy (Don Kato) (Vérité), Nènel Cassy (Fanmi Lavalas), Evalière Beauplan (Pont) et Ricard Pierre (Pitit Dessalines) et ensuite pourchassé par la grande armée de l’opposition plurielle, Fritz William Michel que l’opinion publique avait vite baptisé « Nèg Kabrit la » pour son implication dans la vente à l’Etat au prix fort de quelques cabris, celui qui a vraiment provoqué le début de la fin de la présidence de Jovenel Moïse n’apparaît plus au grand jour depuis sa dernière déconvenue au Parlement le lundi 23 septembre 2019. A un proche du chef de l’Etat nous avons demandé si le Palais a les nouvelles du Premier ministre Fritz William Michel depuis son dernier échec au Sénat ; pour toute réponse, ce haut fonctionnaire s’est tordu de rire. Et de se ressaisir avec cette phrase : « Monchè pa kite Prezidan an tande w ak zafè Fritz Michel sa a », (Mon cher ne laisse pas le Président t’entendre avec cette affaire de Fritz Michel).

Ce proche de Jovenel Moïse demeure convaincu, et il n’est pas le seul, que si la situation  politique a dégénéré à ce point et que l’opposition a fini par prendre le dessus sur le Président dans la crise, la nomination puis la ratification expresse de Fritz William Michel dans les conditions que l’on sait à la Chambre des députés sous la pression de Gary Bodeau est pour beaucoup. Selon ce collaborateur du Président Jovenel, cette affaire de Fritz William Michel Premier ministre était l’erreur de trop dans les décisions qui ont été prises au Palais national. En effet, la conjoncture politique ne s’y prêtait guère pour une telle nomination. Fritz William Michel est donc devenu celui qui serait l’un des responsables de la chute prochaine de Jovenel Moïse au pouvoir. Personne ne se souvient, en effet, que tout a vraiment commencé sérieusement avec l’apparition de ce personnage dans le dossier de l’opposition et qu’elle a su profiter de cette erreur majeure, monumentale du Président Jovenel Moïse en pleine période de crise politique et institutionnelle de nommer un archi inconnu du monde politique comme Premier ministre afin de succéder à un autre chef de gouvernement, Jean-Michel Lapin, lui-même issu déjà d’un gouvernement démissionnaire, en l’occurrence celui du Notaire Jean-Henry Céant en mars 2019.

Selon ce collaborateur du Président Jovenel, cette affaire de Fritz William Michel Premier ministre était l’erreur de trop dans les décisions qui ont été prises au Palais national.

En bute au Parlement depuis quelques mois avec un quarteron de sénateurs radicaux qui s’oppose par tous les moyens à sa présidence, Jovenel Moïse qui semble évoluer sans aucun Conseiller politique s’était lancé dans une aventure politique risquée en renvoyant le seul chef de gouvernement qui aurait pu le sauver du naufrage dans lequel il s’est retrouvé depuis bientôt une année. Sans doute manipulé par des faux Conseillers ou par des incompétents, le Président est, comme on peut le penser, tombé dans un piège. Sans raison apparente, Jovenel Moïse a lui-même créé sa propre opposition contre son propre Premier ministre qui, de toute évidence, était de bonne foi, en tout cas, ne laissait rien apparaître qui aurait fait croire qu’il cherchait à renverser le Président de la République pour prendre sa place. Jusqu’à preuve du contraire, le Notaire du haut Bourdon était loyal vis-à-vis du chef de l’Etat.

L’ex-locataire de la Villa d’Accueil n’avait qu’un souci : faire évoluer le dossier du procès PetroCaribe qui était à ce moment le seul vrai dossier chaud qui empêchait le Président de la République de dormir. Certes, en voulant faire avancer rapidement ce dossier pour lequel toute la société et particulièrement la Société civile organisée réclamait un procès, Céant cherchait à préparer la suite de sa carrière politique au plus haut sommet, néanmoins, rien qui pouvait porter Jovenel Moïse à le soupçonner de vouloir le renverser. Mais, pris dans la pire tradition de la politique de ce pays selon laquelle le chef de l’Etat doit être considéré comme un « seigneur », certains autour de Jovenel Moïse lui conseillèrent de « virer » Céant qui serait en passe de monter un coup d’Etat constitutionnel contre lui. Pris de panique et enfantillage politique aidant, la seule solution qui lui paraissait la meilleure c’était de bloquer et de saboter les actions du gouvernement mené par un Premier ministre dont on disait avoir des ambitions pour l’avenir.

Du coup, dans la précipitation et sans analyser les conséquences de cet envoi, le Président de la République fait expédier celui qui était venu pour le sauver des mains d’une opposition qui ne reculerait devant rien pour lui fait mordre la poussière. Or, le fusible Céant une fois neutralisé, voilà le Président de la République qui fonctionne sans filet. Dépourvu de protection constitutionnelle et de couverture politique appropriée, son Parti PHTK n’est qu’une coquille vide et est même en froid avec lui. Jovenel Moïse, au départ de Jean Henry Céant, devient nu comme Adam dans son jardin d’Eden qui devait assumer seul les causes de son pêché originel; puisque, même Ève, parée de sa feuille de vigne, ne pouvait rien pour lui. Dans le cas de Jovenel Moïse, ce sont les rênes du pouvoir qui lui échappent. La tentative de s’abriter derrière le successeur provisoire de Céant s’est donc révélée être une catastrophe politique dans la mesure où jamais il ne parvient à faire accepter légalement et légitiment par l’opposition ni par la population le choix de Jean-Michel Lapin.

D’ailleurs, celui-ci avait démarré avec un handicap majeur : il faisait déjà partie du cabinet ministériel précédent, donc fragilisé dès le départ. Malgré tous les efforts employés pour faire ratifier sa Déclaration de politique générale, cet ancien ministre de la Culture n’a pu séduire personne ; même pas le tout puissant Vice-Président de l’Assemblée nationale, le député de Delmas, Gary Bodeau, pour l’inviter à la Chambre des députés comme il avait court-circuité le Sénat avec son protégé Fritz William Michel. Résultat, Jean-Michel Lapin qui demeure en poste sans aucune légitimité devient la risée de tous. Personne ne le prend au sérieux. Et pour cause. En plus d’être un Premier ministre anticonstitutionnel, donc de facto puisqu’il n’a jamais été reçu dans aucune assemblée du Parlement, Lapin devient, et c’est une première dans l’histoire de ce pays, un Premier ministre deux fois démissionnaire.

D’abord en tant que ministre sous l’Administration de Jean Henry Céant et ensuite en tant que Premier ministre nommé mais n’ayant jamais obtenu un vote de confiance auprès des parlementaires. Un vrai cas d’école pour ce monsieur qui signe les arrêtés, nomme et révoque les employés et fonctionnaires dans la fonction publique, contresigne les arrêtés présidentiels, ayant accès au budget et aux fonds du Trésor public, enfin parade en grande tenue – tout de blanc vêtu selon le protocole haïtien – dans les cérémonies officielles sans avoir reçu le moindre vote du Sénat de la République ni de la Chambre des députés. C’est inédit ! Le Président Jovenel Moïse, quant à lui, en voyant la situation politique se détériorer de jour en jour et être complètement mis hors jeu par le pouvoir législatif, tout au moins par quelques sénateurs, a tenté en vain de se cacher derrière un inconnu  dont on lui a sans doute suggéré le nom, Fritz William Michel. Or, là encore, en tentant de s’abriter dans l’ombre de ce monsieur qui a plutôt fait carrière dans les Ministères de la République en s’occupant plus de ses propres « affaires de commerce », vente de bétails par exemple, Jovenel Moïse n’a fait, en vérité, que semer de l’huile sur une braise qui consumait calmement mais sans jamais l’éteindre vraiment. D’où la flamme de la révolte que le pays a vu arriver comme un coup de vent dans son paysage.

Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, aux quatre coins du territoire national, la révolte gronde rien qu’à entendre le nom de Fritz William Michel pour devenir un Premier ministre paravent pour un Président de la République qui ne sait plus à quel saint se vouer pour sortir du pétrin. Les sénateurs de l’opposition radicale conduit par Don Kato ont finalement été les héros de cette marche forcée contre la ratification de celui qui devait prendre la suite de Jean-Michel Lapin contraint et forcé de jeter l’éponge. Aujourd’hui, ces sénateurs se mettent en retrait et laissent des organisations mieux structurées et mieux organisées mener la lutte pour le renversement du Président Jovenel. Certains estiment qu’ils ont fait le gros du travail en empêchant Jovenel Moïse d’avoir un gouvernement constitutionnel depuis la chute de Jean Henry Céant. Si par un tour de force spectaculaire et audacieux le député de Delmas a pu faire jouer son influence et persuader ses collègues de donner au pas de charge un vote de confiance à Fritz William Michel, hélas il n’a pas pu conduire son protégé jusqu’à la Primature.

D’ailleurs, lui aussi contraint et forcé, il a dû battre en retrait devant la détermination pas seulement de quatre ou six sénateurs de l’opposition, mais aujourd’hui devant toute la population y compris les membres influents et puissants du « Système » dont même le Président de la République ne s’aventure à nommer les noms dans ses interventions publiques. Pour connaître ces puissants du « Système », il faut soit rencontrer Jovenel Moïse en privé soit suivre « son regard » au cours de ses prises de paroles en public, car l’on est jamais trop prudent. Après le coup d’audace de Gary Bodeau, Fritz William Michel est lui aussi entré dans la clandestinité en suivant la trace de Jovenel Moïse qui a pu passer un laps de temps caché sans que personne ne l’ait aperçu dans le pays. Ainsi, depuis plus de deux mois, c’est-à-dire depuis sa dernière déroute au Bicentenaire, au bas de la ville de Port-au-Prince, le « Premier ministre » est introuvable. Aucune déclaration publique ni sortie médiatique sur la conjoncture dont il est pourtant pour beaucoup dans la montée en puissance.

Circuler à Port-au-Prince devient trop dangereux pour tout le monde, surtout pour les officiels du système.

« Nèg Kabrit la » a fait le mort, peut-être sur les conseils des vieux routiers de la politique haïtienne qui lui conseillent de se planquer quelque part.

Circuler à Port-au-Prince devient trop dangereux pour tout le monde, surtout pour les officiels du système. Car, par le temps qui court, il vaut mieux se terrer dans un lieu sûr au lieu de se faire reconnaître dans les rues par ces meutes de contestataires en colère parcourant jour et nuit le pays et qui sont prêts à tout pour obtenir la démission du Président Jovenel Moïse. Pour un grand nombre d’opposants au pouvoir en place et qui ne font aucune distinction entre le locataire du Palais national et ses partisans, Fritz William Michel fait partie intégrante du régime PHTK et en tant que « Premier ministre » ratifié par les députés pro-Jovenel, majoritaires à la Chambre, c’est un membre de premier ordre du « Système ». Ils n’oublient point la déclaration et accusation du sénateur de la Grand’Anse, Sorel Jacinthe, déclaration selon laquelle les cinq sénateurs pro-Jovenel avaient reçu la bagatelle somme de 100 000 dollars américains chacun de Fritz William Michel afin de voter en faveur de sa Déclaration de politique générale si toutefois il parvenait à accéder à l’hémicycle du  Sénat.

Donc, par prudence, celui qui devrait être le dernier « Premier ministre » non en fonction du Président Jovenel Moïse, si l’opposition plurielle parvient à le renverser avant la fin de son mandat, se terre et se tait. Silence radio aussi auprès de son entourage qui croit que tout est fini pour leur protégé compte-tenu de l’aggravation de la crise et la tournure que prend la mobilisation populaire contre le pouvoir. Fritz William Michel sait qu’il ne fait plus partie du programme, il n’est plus dans la grille des Premiers ministrables ni de Jovenel ni de la Communauté internationale ; d’ailleurs son nom n’est même pas évoqué dans les discussions et conciliabules qui se font un peu partout dans la capitale haïtienne et ses banlieues surtout à Pétion-Ville et ses hauteurs chez les diplomates accrédités en Haïti. Bref, pour tous les acteurs, les protagonistes et la population, Fritz William Michel est une affaire classée.

C’était un non sens et aller à contre courant de la marche de l’histoire l’épisode Fritz William Michel. Curieux destin politique pour cet homme qui est passé en l’espace de quelques jours de l’ombre à la lumière et de la lumière aux ténèbres sans que personne ne se soucie de son sort ou de son avenir. Dans l’hôtel ou dans la maison où il se planque, certainement Fritz William Michel essaie de comprendre ce qui lui est arrivé et ce qui s’est réellement passé. Il se questionne peut-être pourquoi il est rapidement devenu comme un animal traqué par l’opposition et délaissé par tous ceux qui se jetaient dans ses bras et se précipitaient chez lui au moment de sa nomination pour ensuite le laisser tomber, l’abandonner et l’oublier aussi vite comme s’il n’avait jamais existé.

Ce jeune haut fonctionnaire de 38 ans et homme d’affaires qui a passé à deux doigts d’une fulgurante carrière politique en accédant sans détour à la fonction de Premier ministre de la République par un coup de baguette magique grâce justement aux « impératifs de la conjoncture » comme aurait dit le feu professeur, se voit aujourd’hui obligé de vivre reclus comme un pestiféré ou un voleur sous haute protection policière. Puisque, pris dans un tourbillon politique qui, comme un cataclysme terrestre fait ressentir l’onde de choc même à ceux qui se situent loin, très loin de l’épicentre, ce « Premier ministre » fantôme qui n’a jamais été vraiment un chef de gouvernement effectif paye aujourd’hui deux choses : premièrement, celle de l’incompétence d’un Président qui s’est pris les pieds dans le « Système » qu’il n’a pas su transformer. Deuxièmement, celle de son ambition personnelle de vouloir devenir Premier ministre dans un contexte où il faut être fou à lier pour penser réussir là où tous les autres ont échoué même par temps calme. C’était un suicide politique pour Fritz William Michel !

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