L’impensé culturel haïtien dans le prisme du double standard des valeurs occidentales

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L'empire du double standard © Erno Renoncourt
Certains lieux humains reproduisent cycliquement l’éternelle déshumanisation semée à l’origine du métissage improbable entre l’Occident et le reste du monde. Abandonnés par l’intelligence, ces territoires sont cisaillés par des tectoniques de défaillances dont la mécanique est réglée par une certaine performance à double standard : Mythes de valeurs en amont, réalités déshumanisantes en aval !

L’indigence systémique des institutions publiques haïtiennes et la mécréance historique des élites locales ont maintenu Haïti, depuis son indépendance, sur une trajectoire continûment défaillante. Déstabilisation cyclique, paupérisation crasseuse, médiocrité galopante, escroquerie généralisée, insignifiance académique, impostures militantes, criminalité institutionnalisée, déshumanisation totale sont les jalons chaotiques de cette courbe défaillante qui acte l’errance du projet haïtien. Pour certains universitaires et experts, cette invariance dans l’errance s’explique par le fait qu’Haïti serait un lieu qui échappe à toute rationalité.

Mais alors que valent en ce lieu les personnes qui brillent sous les projecteurs des titres académiques, des distinctions honorifiques, des prix littéraires, des nominations scientifiques au conseil des grandes agences internationales, des célébrations de la culture ? Sont-ce des enfumages, sans rationalité objective, pour en mettre uniquement plein la vue aux pauvres quidams comme moi qui n’ont pas les accointances pour de tels rayonnements ? Mais encore que valent aussi ces projets de bonne gouvernance, de renforcement institutionnel que magnifient les agences internationales qui sont au chevet de cette errance depuis quelques bonnes décennies déjà ?

Il y a comme un bug anthropologique et sociologique angoissant et terrifiant qui autorise à problématiser cette errance, non seulement en termes de rationalité, mais surtout en termes de dignité. Car, c’est d’abord par la dignité que l’humanité manifeste sa disponibilité pour agir avec intelligence sur son environnement.

Le paradoxe de l’invariante performance défaillante

En effet, tout le paradoxe de l’errance haïtienne réside dans le fait que ce pays regorge de personnalités pleines de talents et bourrées de compétences, toutes anoblies par de prestigieuses institutions étrangères. D’ailleurs, selon un certain mythe occidental de la réussite, elles brillent toutes dans d’autres ailleurs, une fois qu’elles quittent Haïti. Et pas une année ne passe sans une annonce de distinctions honorifiques, de titres académiques, des prix littéraires, de promotion culturelle pour ceux et celles qui se projettent, corps et âme, souvent à conscience effondrée et dignité abattue, dans les rêves blancs d’ailleurs. Et devant ce constat, on en vient alors à se demander pourquoi ces talents, ces compétences et ces personnalités, aux mille succès internationaux, ne peuvent pas se regrouper dans un projet local qui pourrait au minimum donner à leur pays (d’origine pour quelques-uns) une certaine dignité ? D’autant que ces gens à succès qui influent, dans l’ombre de leur rayonnement, sur tout en Haïti, malgré leur éloignement, sont parmi les premières personnes à brandir le mythe de l’Haïti résiliente. D’autant que ces gens ne ratent pas une occasion pour rappeler leur attachement à Haïti chérie en mettant en avant leur profond déchirement du fait de leur exil contraint.

Serait-ce le territoire haïtien le grand fumier à ciel ouvert qui enfume, obscurcit et dévoie tout ce qui entre en contact avec lui ? N’a-t-on pas dit, à titre injuste, qu’Haïti était le cimetière des projets ([i]) ? Cette hypothèse, quoique reprise en certains lieux académiques et culturels haïtiens, nous semble improbable. Pour cause, un lieu humainement habité n’est que ce que les gens d’influence, de puissance et de science, qui y résident et y transitent, en font. Alors, posons la question de manière plus provocante ; disons, plus intelligemment : serait-ce le talent reconnu à ces gens qui est mal dimensionné ? Seraient-ce les compétences déployées qui ne sont pas contextualisées pour performer sur des problématiques locales ? Seraient-ce les méthodes et les outils utilisés qui sont obsolètes ne regard de la complexité du problème haïtien ?

Autant de questions qui nous poussent à nourrir un nouveau dissensus. Ce qui achèvera de faire de moi, aux yeux de la bien-pensance insignifiante, un radical qui réfute les consensus. Étiquette que j’assume dignement, car la pensée critique et éthique invite à problématiser les consensus médiocres pour transformer les pièges des convergences aliénantes en divergences structurantes. Évidemment, il faut assumer l’intelligence complexe pour comprendre ce besoin. Ainsi, pour problématiser ce paradoxe invariant de la performance défaillante qui éclabousse Haïti, j’ai choisi de traiter, dans cette tribune, la thématique du mythe des valeurs de l’occident. Puis, je reviendrai, dans une autre tribune, chatouiller les susceptibilités des experts de l’ingénierie de projet, en décortiquant cet outil de bonne gouvernance du management de projet, connu sous le nom de la Gestion Axée sur les Résultats.

Il me semble que le contexte mondial actuel tend à prouver les dimensions d’impostures des valeurs que l’Occident magnifie comme des mythes fondateurs, alors qu’elles ne sont que des miroirs aux alouettes conçus pour instrumentaliser certains peuples en enjolivant l’éternelle injonction déshumanisante et barbare du colonialisme occidental : Exterminez-moi toutes ces brutes ! ( [ii] ). Il y a donc comme une opportunité, une revanche de contexte pour objectiver les paradoxes du logiciel du double standard que l’Occident exploite pour régner sur des écosystèmes comme Haïti. Écosystème humain, où l’intelligence a été mise en déroute par un certain marronnage culturel déviant qui est une réplication, en mode rétroaction, de ce double standard.

De la blancolâtrie au marronnage culturel

Haïti est un terroir fertile où prospèrent de nombreux mythes, notamment ceux qui vantent les vertus des valeurs occidentales. Dans ce pays paradoxal et improbable, qui célèbre chaque 1er janvier son indépendance et sa victoire sur le blanc, la dépendance vis-à-vis du blanc n’a jamais été aussi totale. Ici, nul n’est pris au sérieux, s’il n’a un blanc, grand, moyen ou petit, bien ancré dans les fissures béantes de son indigence ! Tout contact avec le blanc donne droit à une expertise, une réussite, un rayonnement. On comprend alors l’exaltation qui pousse à fuir le pays ou à se mettre sous les ailes protectrices des institutions internationales. Car, en ce lieu qui porte, à fleur de peau, les stigmates de la déshumanisation esclavagiste, tout vibre de mémoire brûlante et se consume, à indignité fumante, pour se projeter dans les rêves blancs. Un ingénieur, qui a une longue expérience de travail avec le PNUD, eut à me dire que, pour le salaire mensuel qu’il perçoit et qui lui donne son sentiment de réussite, si le blanc lui dit qu’il est mort, il cessera de respirer.

Le paradoxe de la performance défaillante © Erno Renoncourt

Voilà un éloquent éloge à l’abandon de la dignité qui nous autorise à postuler que la blancolâtrie est l’une des voies les plus sûres pour la réussite en Haïti, au même titre que la corruption. De toute façon, pour entrer dans les faveurs du blanc, qui est en mission pour les institutions internationales, il faut avoir des failles qui peuvent être exploitées pour vous contraindre, tout influent que vous deviendrez, à n’être qu’un automate insignifiant. Ceux qui transitent des institutions publiques haïtiennes aux institutions internationales ne sont pas choisis par hasard, ils portent la marque de l’insignifiance.  Et, dans ce pays, l’insignifiance est telle qu’au final, quand cette blancolâtrie permet aux agents internationaux d’étendre, au plus profond des institutions nationales, leur toute-puissance, ce sont les mêmes blancolâtres qui viennent se plaindre de l’ingérence du blanc dans les affaires du pays.

Et là, dans les moments de grandes fulgurances politiques ou de doute existentiel sur leur avenir, ces imposteurs (marrons culturels) se font passer pour des acteurs du changement et des militants antisystème. Certains vont même parfois à accuser le blanc de tous les maux qui accablent Haïti, sans remettre en question leur exaltation et leur frénésie à devenir des esclaves volontaires du blanc, lequel est parfois surpris de trouver en ce lieu si peu de résistance venant de ceux qui ont le savoir. Le deuxième personnage de rang (D2) du bureau du PNUD en Haïti, en 2007, eut à dire en privé que l’expertise internationale est dimensionnée pour s’aligner sur le niveau du leadership haïtien. Et comme, il est reconnu que le leadership haïtien est médiocre, on déduit que l’assistance internationale proposée à Haiti est tout aussi médiocre.

Gardez-vous de croire que ce personnage faisait uniquement allusion au leadership politique. Car c’est de préférence le leadership académique et technique du pays qui travaille avec l’expertise internationale dans les agences internationales et les ONG pour renforcer les défaillances de la gouvernance publique. Et c’est là qu’il faut chercher la faille qui permet au blanc, en mission de développement ou de ‘‘droitsdelhommisation’’, de régner en maître absolu sur Haïti. Car si l’assistance internationale triomphe en Haïti, ce n’est pas tant parce qu’elle a des vocations de conquérante ; mais davantage, parce qu’elle occupe l’espace abandonné par les réseaux académiques et culturels qui préfèrent se contenir dans leur rôle de portefaix et de courtiers du blanc au lieu d’assumer leur responsabilité pour défendre les territoires de la souveraineté nationale. Et si ces réseaux de savoir et de culture ont si peu de disponibilité pour résister aux injonctions du blanc, c’est parce qu’ils ne sont que des produits façonnés par le blanc pour servir d’étouffoirs communicants en relayant les échos du système de valeurs du blanc.

C’est ainsi, qu’installé dans ses quartiers de contrepouvoir, que sont les agences internationales, avant-postes stratégiques de la post colonisation et hauts-lieux de déstabilisation des pays anciennement colonisés devenus indépendants, dans son rôle d’expert de l’urgence, d’ordonnateur ou de gestionnaire de fonds de développement, de chef de projet de renforcement institutionnel, le blanc est encore, en Haïti, en territoire conquis. En effet, en amont, de prestigieuses institutions universitaires, académiques et culturelles ont formé et anobli une armée d’universitaires, de lettrés et de doctorés ; et en aval, ils les ont disséminés dans les pays du sud. Là, auréolés de la renommée d’être des oracles qui portent l’évangile des valeurs de l’Occident, ils deviennent les contremaîtres et portefaix locaux. Ce sont eux les failles par lesquelles le blanc étale la toute-puissance de son ingérence en y drainant les ressources de sa géostratégie. Ils sont des failles silencieuses, portes dérobées de l’errance collective.  Au lieu de tenir les postes de garde de la résistance, en contextualisant leur savoir pour éclabousser d’intelligence leur shithole, ils préfèrent se mettre au service de leurs intérêts personnels en se soumettant à l’autorité de ceux qui leur apportent les adjuvants de leur réussite.

Évidemment, ce n’est plus avec le fouet, le fer rouge, les chaînes et autres barbaries du siècle des lumières que le blanc, en mission pour les agences internationales, dompte l’âme sauvage des nègres marrons d’Haïti. En effet, le contexte aidant, la déshumanisation s’est enjolivée et s’est parée de nouveaux attraits, qui sont, avouons-le, plus subtils, plus flatteurs pour les déshumanisés. Plus besoin de marquer ces derniers au fer rouge et de les enchainer, la marque de la soumission est désormais tatouée dans les consciences et s’imprime par les mythes culturels, démocratiques, académiques et scientifiques. Autant de rituels liturgiques qui font la gloire de l’Occident et lui permettent d’usurper le rôle de puissance civilisatrice et leader du monde libre.  En Haïti, les mythes des valeurs occidentales sont si répandus que ceux qui se disent marxistes, trotskystes, anarchistes, communistes ne jurent que par la renommée qu’apporte le contact avec le blanc. Tous ne vivent que par les fonds qu’octroie le blanc à ceux qui lui prêtent allégeance. Tous ont tous leur résidence sécuritaire chez le blanc. Comme si l’impérialisme qu’ils dénoncent et prétendent combattre sur le champ politique n’était pas le même qui octroyait les titres, les prix, les distinctions, les subventions dont ils se gavent.

Cette imposture militante est un prolongement du marronnage culturel qui déshumanise Haïti en faisant régner cet immense impensé qui devient un abysse où tout s’effondre. Car, à bien réfléchir, il semble que le marronnage soit la tare qui explique la prédominance de l’insignifiance dans les postures des personnes influentes, puissantes et savantes qui vivent dans l’illusion de la réussite en Haïti. En effet, dans sa tanière, où il ne cherche qu’à survivre, le marron ne pense pas. C’est un éternel silencieux qui se garde de prendre parti. Ainsi, il sera toujours du bon côté du vent. Le marronnage culturel est donc synonyme d’impensé. Car penser suppose l’assumation d’un débat contradictoire, où l’on prend parti pour une idée que l’on est prêt à défendre avec des arguments. Mais le marron ne peut pas être partisan, il est un homme sans parti pris pour des valeurs ; il a peur d’assumer des arguments divergents qui le mettraient en opposition vis-à-vis des pourvoyeurs de ressources de l’ordre dominant.

Le marronnage culturel est synonyme de lâcheté. En effet, penser c’est assumer le risque d’un conflit en osant ‘‘choquer l’ordre établi pour imposer ses vues’’ (Écrire, Charles Aznavour). Or le marron culturel est un suiveur, il craint que celui qu’il sera amené à contredire, offenser, vexer, choquer, par l’expression et l’affirmation d’un point de vue différent, puisse être ou devenir un pourvoyeur ou gestionnaire de ressources. Ce qui le priverait d’accès aux ressources et nuirait ainsi à sa réussite ou sa survie, car en Haïti, les puissants n’aiment pas qu’on les contredise. Le pouvoir aux mains des marrons, c’est le management de l’allégeance et des redevances, le manager marron méprise les compétences distinctives et combat l’intelligence. Ainsi, le marron cadre technique, qui veut progresser, désapprend à penser pour ne pas effrayer et choquer son manager. En Haïti, quand on est compétent, on doit s’excuser, se faire petit, discret. Le marron culturel devient incapable de solidarité avec la pensée critique et éthique. D’où l’indisponibilité du marron pour la dignité, la justice et la vérité. Le marron est toujours en quête de liaisons entre crapulerie et couillonnerie. Car, on n’est jamais marron pour soi, mais pour un autre à couillonner ou à instrumentaliser.

Pris au piège de ce jeu, entre crapule et couillon, la pensée s’est effondrée en Haïti sur les supports septiques qui produisent l’insignifiance en abondance. Car, selon les sciences cognitives, le cerveau a une plasticité quantique qui lui permet de s’adapter au contexte d’expériences du sujet. À sujet intranquille et proactif, le cerveau multiplie les connexions neuronales et offrent des structures de pensée complexe ; à sujet silencieux et soumis, le cerveau débranche les connexions coûteuses et offrent des structures de pensée simplifiante. C’est ce que Daniel Kahneman appelle les deux systèmes de la pensée :

  • le système 1, qui est le siège de l’insignifiance, des peurs collectives, de la fuite, du marronnage, de l’urgence ;
  • le système 2, qui est le siège de la pensée complexe, de l’assumation des valeurs, du temps long de l’apprentissage.

Le marron culturel n’évolue que dans les zones simplifiantes de l’urgence, il n’a pas le temps pour penser, assumer des valeurs et encore moins prendre parti et provoquer des conflits. Ce qui n’est jamais mauvais pédagogiquement, puisque selon la pensée scientifique, ‘‘on ne connaît qu’en détruisant des obstacles épistémologiques’’ (Gaston Bachelard). On ne progresse qu’en revenant sur un passé d’erreurs, en mettant ses connaissances premières à l’épreuve de la critique. Or, le marron a horreur des critiques, il ne cherche qu’à contourner, survoler, ignorer les obstacles. D’où son incapacité à apprendre. Le marron culturel, quel que soit ses diplômes et ses titres, ne pense pas, il a l’âge des précarités de sa panse qu’il cherche en premier à sécuriser.

C’est du reste pourquoi les génies haïtiens (universitaires, doctorés, lettrés, cultivés) se soumettent aux autorités établies et désapprennent à penser pour ne pas froisser la susceptibilité des chefs qui sont presque toujours d’éloquents ignares ou des automates insignifiants. Comme le dit un certain proverbe créole : Dan pa mòde dwèt k ap ba li manje !  (Traduction libre : Les dents ne peuvent mordre les doigts qui nourrissent la bouche !). Qu’importe du reste la puanteur des doigts ! Car, le marron peut désapprendre à percevoir les mauvaises odeurs aussi facilement qu’il a désappris à penser. Bouche nen w bwè dlo santi. (Traduction libre : En se pinçant le nez, on déguste toujours l’eau puante !) Encore un proverbe qui explique que les multiples stratégies du marronnage culturel n’ont qu’une fin : Survivre à tout ! même à l’indignité. Et ce grand art de la survie a aussi son éloquent proverbe : Pito nou lèd nou la. (Traduction : Mieux vaut être laid, mais vivant !). On comprend donc pourquoi dans un pays comme Haïti, les mythes occidentaux peuvent être générateurs d’indigence. Car, ceux qui ont accès au savoir évitent de penser pour ne pas effrayer les pourvoyeurs de ressources, ils assument l’impensé en se soumettant à l’autorité qui peut assurer leur renommée d’automates influents et d’insignifiants anoblis.

Comme l’a montré le film I comme Icare, la nouvelle forme de soumission à l’autorité se fait par embrigadement dans les réseaux académiques et universitaires, dans les laboratoires scientifiques et technologiques. Si jadis, les chaînes, le fer rouge et le fouet faisaient la gloire du barbare de l’Europe des lumières, aujourd’hui, ce sont les titres honorifiques, les distinctions académiques, les anoblissements culturels qui sont les nouveaux joyaux du barbare occidental digitalisé ou automatisé. A chaque époque, ses formes de servitude. Innovation aidant, avec ces gadgets attrayants, le barbare ne va plus rafler chez les peuples libres ceux et celles qu’il rendra esclaves, ce sont ceux et celles cultivés, lettrés, anoblis des peuples libres qui se projettent dans la servitude volontaire. Pour cause, cette servitude est enjolivée de mythes qui laissent dans la conscience effondrée des esclaves digitalisés une illusion de rayonnement et de performance.

Le mythe des valeurs occidentales

Or ces mythes que magnifient l’Occident ne sont qu’une nouvelle version de domination du Sud par le Nord. Malgré leur popularité, ils ne sont rien de plus qu’une mise à jour du logiciel géostratégique de la déshumanisation. Un logiciel sans cesse mis à jour, pour qu’il reste efficace. Et pour cause ! Car ceux qui cherchent à uniformiser les expériences humaines savent pertinemment que parce que le monde est régi par une dynamique de chaos, il faut sans cesse innover les formes de l’assujettissement des peuples pour limiter le recours à la violence. Aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre, l’astuce consiste à donner l’illusion d’un monde fondé sur des règles universelles de droit et sur le mythe d’un développement humain accessible à tous. L’astuce, c’est aussi de reformater le rôle des gardiens de l’empire. Plus besoin de bourreaux, mais des influenceurs insignifiants qui ne pensent pas, mais répètent des injonctions qui leur sont dictées par procuration. L’astuce, c’est de donner à ces injonctions des parures de mythes en les proposant comme des valeurs.

Mais tout en répandant ces mythes, ceux qui se prennent pour les maîtres du monde ne font pas moins que ce qu’ils savent faire de mieux : abrutir, terroriser et déshumaniser les autres pour mieux piller les ressources de la planète. Et pour cela, il faut en permanence les déshumaniser en les assimilant, selon le contexte, à des barbares, des sauvages, des mécréants, des incultes, des pestiférés, des défaillants, des non vaccinés pour les mettre en condition d’impensé et ainsi mieux prendre possession de leur conscience. Le contexte incertain du coronavirus et de la guerre en Ukraine a montré combien les dirigeants occidentaux ont peu d’honneur et de dignité. Ils n’hésitent même plus à afficher leur indignité et leur adhésion à la barbarie. De manière déconfinée, ils affirment que tout est bon pour maintenir leur hégémonie.

Dans ce contexte, seuls des insignifiants, des inconscients et des esclaves automatisés peuvent encore croire aux mythes que magnifie l’occident pour se donner bonne conscience. Lorsque la déshumanisation est la marque assumée d’une civilisation, lorsque l’injustice, le pillage sont les marches de l’escalier qui mène à la grandeur d’un empire, comment croire à la grandeur de la science occidentale qui œuvre pour le progrès humain, aux vertus d’un socle de droits inaliénables pour tous, aux engagements sincères de la lutte contre le réchauffement climatique et aux valeurs culturelles d’un humanisme partagé ? Il y a comme un bug qui mérite d’être approfondi pour mieux souder dans la résistance et relier dans un même combat une certaine humanité digne et rebelle. Car, plus ils nous vantent en contre haut les valeurs de leur système de justice et les vertus de leur monde démocratique, plus en contre bas s’exhalent les puanteurs de leurs charognards qui vampirisent et déshumanisent pour leur profit et leur abondance.

Assumer le dissensus comme partie pris pour la dignité

N’étant pas un marron culturel, j’assume, courageusement, comme impératif de dignité et d’humanité, ce parti pris pour la vérité en portant ce dissensus sur les valeurs revendiquées par l’occident. Et ce faisant, j’invite, chaque Haïtien, chaque Haïtienne à un exercice de pensée systémique pour trouver sa contribution au marronnage culturel, afin de déverrouiller de l’intérieur les portes de l’invariance de la performance défaillante. Car c’est le marronnage culturel, comme indigence suprême, qui entretient la défaillance des institutions de la gouvernance publique et l’insignifiance des réseaux académiques. Et c’est pourquoi, pour montrer l’ampleur du marronnage sur le fonctionnement des institutions haïtiennes, je mets en débat le paradoxe de l’invariance de la performance défaillante en postulant que :

La défaillance des institutions haïtiennes est proportionnelle au temps et au cube de la croissance de la population diplômée. Ce qui revient à dire que, plus les institutions haïtiennes consomment les ressources humaines qui viennent des processus de formation universitaire, technique et professionnelle d’Haïti ou de l’étranger, plus elles deviennent dysfonctionnelles et dépendantes de l’assistance internationale. 

Difficile, sauf si l’on est un vrai marron culturel, de ne pas voir en Haïti l’ombre de l’insignifiance de ce rayonnement académique et culturel sur l’errance collective. C’est donc cette insignifiance qu’Haïti doit combattre pour ramener l’intelligence collective et reprendre la main sur son destin qui flotte et erre dans les abysses de l’insignifiance académique.

Le 26 Février 2023


Notes

i https://canada-haiti.ca/fr/content/la-nature-du-dilemme-haitien

ii https://boutique.arte.tv/detail/exterminez-toutes-ces-brutes

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