Monsieur Michel-Ange Gédéon
Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti (PNH)
En ses bureaux.-
Monsieur le Directeur Général,
Le Bureau des Avocats Internationaux (BAI), dans sa mission première de défendre les droits des plus démunis, les droits inaliénables, imprescriptibles et inhérents à la personne humaine, en particulier ceux des victimes du choléra importé par la MINUSTAH, des femmes victimes de viol, d’agression sexuelles et autres abus de droit, prend acte du refus systématique de la Police Nationale d’Haïti (PNH) dont vous êtes son Directeur Général de donner suite aux notifications des organisations de Victimes de choléra, du Bureau des Avocats Internationaux (BAI) et du MOLEGHAF, relatives aux droits de manifester du peuple haïtien garantis par l’article 31-2 de la Constitution de 1987.
Entre le 13 octobre 2015 et le 19 décembre 2016, le BAI cumule dans ses archives au moins dix (10) notifications qu’il a envoyées à la PNH en conformité aux exigences constitutionnelles qui ont été refusées par la Direction Départementale de l’Ouest de la PNH (DDO) pour des raisons injustifiées et inavouées, mais contraires aux normes démocratiques et constitutionnelles. Une situation qui se détériore davantage depuis les évènements conduisant à l’accession de monsieur Jovenel Moïse au pouvoir car de janvier 2017 à aujourd’hui, toutes les sept (7) notifications qu’on a envoyées à la DDO ont été systématiquement refusées dont celle en date du 24 mars 2017, et ce dans un contexte politique caractérisé par une proposition de loi sur la diffamation déjà votée au Sénat qui, de toute évidence, s’inscrit dans une démarche de fouler aux pieds les libertés d’expression.
En effet, conformément à l’article 31-1 de la loi mère du pays, les victimes de choléra, le BAI et le MOLEGHAF, par voie d’huissier, ont signifié à la PNH leur notification relative à une marche pacifique qu’ils vont organiser ce mercredi 29 mars, à l’occasion de la commémoration du trentième anniversaire de la constitution haïtienne du 29 mars 1987, pour demander au parlement d’exiger le pouvoir exécutif à se positionner clairement en faveur du droit à la réparation des victimes de choléra et du départ de la MINUSTAH. Cependant la police a prétexté dans un premier temps que l’huissier doit signifier les copies des pièces d’identités avec les signatures de trois (3) organisateurs de cette marche ; alors que cette notification a été déjà signée par Me Mario Joseph, responsable du BAI. Dans un second temps, après avoir accepté de répondre à ces exigences susmentionnées, elle a malgré tout refusé de recevoir la notification susdite au retour de l’huissier.
Le BAI prend acte également qu’en date du sept (7) mars 2017, la Société Haïtienne d’Aide aux Aveugles (SHAA), une organisation partenaire du BAI militant pour l’inclusion sociale des personnes handicapées qui voulait organiser, de concert avec le BAI et d’autres organisations des personnes handicapées, un sit-in le vendredi 10 mars dernier pour marquer le premier anniversaire de l’assassinat en toute impunité de trois femmes sourdes à Cabaret, a été forcée de vous écrire personnellement pour avoir accès à la sécurité de la PNH, suite au refus de la DDO de recevoir leur notification. Donc, vous ne pouvez pas prétexter que vous n’étiez pas au courant de ces incessants actes arbitraires de la DDO, en violation de la constitution haïtienne de 1987 et du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP).
A cet effet, le BAI tient à vous rappeler que la liberté de réunion et d’expression sont la pierre d’assise de toute société libre et démocratique. Car, l’article 31 de la Constitution Haïtienne garantit « la liberté d’association et de réunion sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou toutes autres fins pacifiques est garantie ». Lorsque la PNH rejette arbitrairement les notifications préalables selon article 31.2, elle viole la liberté de réunion du peuple haïtien et les obligations faites par la loi internationale au gouvernement haïtien. Selon l’article 276.2 de la Constitution, les traités internationaux, une fois ratifiés, deviennent partie de la législation d’Haïti et abrogent toutes les lois préexistantes, contradictoires.
Or, l’article 15 de la Convention Américaine des droits de l’homme, ratifiée par Haïti en 1977, et l’article 21 du Pacte Internationale des droits de l’homme ratifié par Haïti en 1991, obligent le gouvernement haïtien à prendre toutes les mesures possibles en vue de renforcer et de protéger la liberté de réunion de toute personne, et de ne pas imposer des restrictions arbitraires.
Donc, au regard de ces faits avérés constituant une entrave à la jouissance des libertés publiques, le BAI tient à vous demander, monsieur le Directeur Général, de vous ressaisir et surtout de ne pas vous faire complice d’une situation d’instrumentalisation de la PNH comme une force de répression contre les droits démocratiques et constitutionnels du peuple haïtien.
Mario JOSEPH, Av
Bureau des Avocats Internationaux
Port-au-Prince, le 28 Mars 2017
CC : Madame Florence ELIE, Office Protecteur du Citoyen (OPC)
Monsieur Jose de Jesus Orozca Hernandez, Rapporteur Spécial de la Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH)
Monsieur David Kaye, Rapporteur Spécial sur la Promotion et la Protection du Droit à la liberté d’Opinion et d’Expression